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Asher O'Flaherty
☠ Pirate du Port ☠
✘ AVENTURES : 230 ✘ SURNOM : Le Hargneux ✘ AGE DU PERSO : La Trentaine en apparence
✘ DISPO POUR RP ? : Oui o/ ✘ LIENS : Another one bites the dust.
Mésaventures :
I - III - IV - V - VI - VII - IX - X - XI - XII - XV - XVIII - XIX - XX
Achevé : II - VIII -XIII - XIV - XVI - XVII
| Sujet: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Mer 20 Jan 2021 - 22:25 | |
| Oh, chiottes, ça tapait. C'était assez exceptionnel pour être noté : lorsque Bitter avait été mis au Cachot, il était déjà calmé. Mais alors, calmé bien comme il faut. Il était arrivé ici avec la gerbe et l'impression que sa tête allait exploser ou se fendre en deux. Il avait par un quelconque miracle réussi à garder le contenu de son estomac, qui désormais n'était plus tenté de se retourner dans l'autre sens. Le mal de crâne s'était en revanche installé pour rester. Bitter douillait franchement trop pour être en mesure d'alimenter la moindre colère. ... Cela dit, pour des raisons très différentes mais surtout très évidentes le silence, l'obscurité du Cachot et la froideur de la paroi contre laquelle il avait plaqué sa tempe endolorie lui étaient tout aussi bénéfiques qu'à l'habitude. "Gnn..."Il avait contemplé l'idée de se parler tout seul pour râler sur Stern - pour la forme - mais il en avait rapidement perdu la motivation. Ca s'était donc terminé sur un grognement inarticulé. Bitter ne discutait déjà pas avec les autres, il n'allait quand même pas se mettre à parler dans le vide. ... Mais quand même. Bordel, ce mec était un bulldozer. On lui avait rarement fait voir autant d'étoiles en un seul coup. Bitter n'avait effectivement été touché qu'une fois, mais ça l'avait immédiatement foutu par terre. L'Orageux n'avait pas l'habitude d'être immédiatement foutu par terre, même par les plus âgés que lui. Ca aurait limite été vexant s'il n'avait pas mis une misère mémorable à Stern avant que ce dernier l'atteigne efficacement. Bitter était impétueux, et même parfois stupidement téméraire. Il s'attaquait à du bétail qui faisait facilement sa taille ou plus. Cela dit, lorsqu'il avait vu Dandy qui était en train de se prendre la tête avec ce grand con de Stern, il avait quand même vachement hésité. Stern était solidement baraqué, bien entraîné, particulièrement vicieux lorsqu'on lui en laissait l'occasion. Même Bitter aurait préféré éviter de se frotter à ce gars là s'il l'avait pu. ... Sauf qu'il avait fallu que l'autre tête de pioche se décide à le défier dans l'Arène. C'était sacrément con de sa part. Stern ? Dans l'Arène ? Il avait jamais vu ou entendu parler de ce que ça donnait, ou quoi ? Bref. Du moment où il avait assisté à ça, Bitter avait arrêté de réfléchir. Il avait juste... fait. C'est souvent comme ça que ça finissait par se passer. La tête à moitié arrachée en moins. Bitter se disait qu'au final, s'il n'était pas énervé, c'était peut-être aussi parce qu'il avait peu de raisons de l'être. A part l'énorme mandale qu'il s'était prise, l'issue de ce combat était plutôt satisfaisante : Dandy n'avait pas fini en tartare. Stern s'était pris une sacrée branlée avant de réussir à le foutre par terre. Peut-être que ça lui ferait une leçon d'humilité, de s'être fait dérouiller par un gosse cinq ans plus jeune que lui. Peut-être qu'il arrêterait de se croire tout puissant et tout permis (probablement pas, mais on pouvait rêver). Une morsure bien placée avait efficacement déconcentré la sentinelle, à tel point que ça avait limite été facile, au début. Bitter se demandait même si il ne lui avait pas pété le nez. ... Si c'était le cas, c'était bien fait pour sa gueule. Vraiment, Stern était le pire des enfoirés. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Sam 30 Jan 2021 - 17:09 | |
| Mais qu’est-ce qu’il fout là?
Non sérieusement, qu’est-ce qu’il fout là? Depuis le moment où Stern l’a bousculé en passant et lui a balancé qu’il ferait mieux de regarder où il marche (“tafiole”), chacun des actes de Skunk, chacune de ses décisions ont eu pour seul et unique objectif de le maintenir loin du cachot. Il a encaissé un coup de pied dans le bide pour ça. Il est même allé jusqu’à défier l’autre connard à l’Arène, et pourtant le Dandy sait très bien à quel point c’est une mauvaise idée - Stern, c’est le genre de gars qui peut facilement te casser les deux bras. Et qui va le faire. Pour rire.
Mais Skunk n’a pas vraiment eu le choix. C’était soit provoquer l’autre connard en duel (Arène, puis infirmerie, longtemps), soit se jeter directement à sa gorge (infirmerie peut-être moins longtemps, mais cachot ensuite). Ou se taire et laisser couler, bien sûr, mais Skunk était bien trop honteux et furieux pour envisager cette possibilité; c’était déjà assez terrible de se retrouver là, à genoux au milieu du chemin, les bras croisés sur son diaphragme bloqué, devant tous les autres. Laisser cette grosse merde de Sentinelle repartir là-dessus, c’était juste... insupportable.
Alors oui, Skunk a lancé son défi avec le peu de souffle qu’il lui restait. Stern a ri, un rire surpris, mais avec quelque chose de sale et satisfait. Et le Dandy, moins apeuré que profondément las, a su qu’il allait avoir très mal.
Sauf que Stern n’a jamais eu le temps de relever le défi.
Et maintenant, Skunk se retrouve là, figé en haut de l’échelle qui descend dans le cachot, pétrifié d’horreur et d’angoisse. Rien qu’en sentant l’odeur de terre humide, son cerveau se cabre comme un cheval en panique. Malgré la demi-flasque de rhum qu’il a descendue quasiment cul sec, il lui faut toute sa volonté rien que pour l’empêcher de fuir en courant, juste pour rester à proximité de la trappe. Alors penser qu’en plus il est censé y descendre...
“Mais allez ducon, magne-toi, ils vont te voir.”
Le chuchotement inquiet de la Sentinelle qui garde l’entrée le fait sursauter. Il lui jette un regard hagard et la fille se mordille la lèvre, visiblement déstabilisée par son expression de fantôme livide et terrifié. Elle jette un regard autour d’elle, s’assurant de l’absence de témoin, avant de tenter avec un malaise perceptible:
“Je laisserai la trappe ouverte, d’accord? Je dirai que c’est pour aérer. Mais faut que tu descendes maintenant. Sinon je te rends ta bouteille et tu te casses.”
Skunk déglutit une salive qu’il n’a plus, mais il hoche quand même la tête. Il baisse les yeux sur l’échelle. Attrape sa flasque dans sa poche pour en boire encore une ou deux (ou trois) gorgées. Puis, après une ultime expiration heurtée, il s’oblige à se baisser et à s’enfoncer lentement dans le cachot.
En bas de l’échelle, il prend quelques secondes pour fermer les yeux et stabiliser ses jambes tremblantes. Il essaie de s’accrocher au fait que la petite prison a changé depuis la dernière fois, que ce n’est plus le simple trou dans lequel on l’a balancé, si longtemps et si peu de temps auparavant, même si c’est la même obscurité, la même odeur, les mêmes gardiens, le...
Du calme du calme DU CALME
Skunk inspire par le nez, aussi longuement qu’il peut, malgré sa poitrine écrasée d’angoisse et son diaphragme toujours douloureux. Mais il ne renonce pas.
Qu’est-ce qu’il fout là? Il le sait très bien, ce qu’il fout là. Il est venu pour une raison, et il ne va pas faire demi-tour maintenant - il n’en a pas le droit.
Vacillant et en sueur, l’adolescent se redresse et se force à s’éloigner de la sortie, à faire quelques pas dans la pénombre, le long des cellules vides. Il ne met pas longtemps à repérer le seul occupant, dont la présence en ces lieux de cauchemar renforce un tout petit peu sa détermination. S’avançant assez pour pouvoir prendre appui sur la grille qui ferme la cellule, Skunk hasarde d’une voix blanche:
“Oy... Bitter?”
Dernière édition par Skunk le Lun 8 Fév 2021 - 21:23, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Lun 1 Fév 2021 - 12:20 | |
| Il y avait un tel silence ici que quand quelqu'un arrivait, on l'entendait venir de loin. Ainsi, Bitter se tendit lorsqu'il capta qu'on était en train d'emprunter l'échelle. Ce qui n'améliora pas son mal de crâne, mais, bref, détail. Ca n'était probablement pas Stern, c'était déjà ça. Vu l'état de son pif après qu'il eut frappé dedans de toutes ses forces et vus les coups vicieux qu'il lui avait foutu pour être sûr qu'il n'allait pas être en état d'aller se battre à l'Arène de si tôt, il serait probablement à l'infirmerie pour encore un petit moment. Et puis le pas qu'il entendait était trop léger pour correspondre à celui de ce grand bourrin. Bitter espérait que ça n'allait pas non plus être un de ses potes venu faire chier pour le venger. Ca n'aurait pas été entièrement impossible. Il avait envie de se placarder une affichette sur le front "douillage en cours, ne pas déranger", mais malheureusement ce n'était pas quelque chose dont il aurait le loisir tant qu'il était ici. C'était l'un des désavantages du Cachot. Il fallait bien admettre que ce n'était pas toujours aussi tranquille que ce qu'il aurait souhaité. “Oy... Bitter?”Il fut simultanément très rassuré et très surpris de reconnaître la voix de Dandy. Il ne savait pas trop pourquoi, mais Bitter avait l'impression qu'il n'aurait pas dû se trouver ici. Peut-être déjà parce qu'ils avaient pas tant d'interactions que ça en temps normal. Ensuite et surtout parce qu'il l'avait déjà vu à deux ou trois reprises réagir à la provoc des autres d'une façon qui aurait été totalement absurde sauf deux explications possibles : soit il tenait vraiment à respecter le règlement à la lettre (et selon Bitter, ça n'avait pas franchement l'air d'être ce genre de gars), soit il n'aimait vraiment pas descendre ici. Ce n'était pas aussi clair dans sa tête, il n'y avait pas vraiment réfléchi. Il avait juste le sentiment que c'était pas trop normal de voir Dandy ici, même si c'était une conséquence évidente de la prise de bec à laquelle Bitter s'était mêlé. "Dandy ? Euh..."... Bitter était ultra gêné. Il savait pas vraiment pourquoi. C'était pourtant pas comme s'il était quelqu'un d'impressionnable. Les airs que se donnait Dandy ne lui faisaient pas peur, et il se foutait qu'on lui parle mal ou bien - tant qu'on ne l'insultait pas gratuitement. N'aurait-il pas été si étonné, il aurait probablement essayé de se détourner de son propre embarras à l'aide d'une plaisanterie de merde à base d'oranges sortie de nulle part (et il serait instantanément mort de honte, mais passons). Mais là, il était vraiment surpris, et du coup il en perdait un peu son anglais. Comme il avait enclenché le mode automatique, ce fut sa bouche qui continua pour lui. "... Ca va ?"... Ok. C'était peut-être pas la meilleure question à poser quand c'était lui qui était enfermé pour il ne savait pas trop combien de temps avec le crâne à moitié explosé. Il se sentit rougir. Heureusement, il faisait noir. Bon, ça va, c'était pas non plus une question complètement conne. Après tout Stern semblait lui avoir filé un bon coup dans le bide avant que Bitter ne remarque ce qu'il se passe et finisse par intervenir. Ca, et puis cette sensation inexplicable qui continuait de lui dicter que le gars n'était pas du tout à sa place ici. Ok, personne ne l'était jamais vraiment - sauf les types bizarres comme Bitter qui parvenaient à trouver un intérêt relatif à méditer au milieu d'un rien froid et solitaire. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Dim 14 Fév 2021 - 1:19 | |
| Bitter a l’air surpris de le voir là, et Skunk ne peut pas lui donner tort : lui-même ne comprend toujours pas comment il a fait pour descendre volontairement dans cet horrible trou. Il pourrait presque être fier de sa propre détermination, s’il y avait encore une petite place dans sa tête pour autre chose que des cris et gémissements sans fin que l’alcool n’étouffe qu’à peine.
Sors de là sors de là sors de là sors de là SORS DE LA
Ses doigts se referment sur la grille de la cellule et serrent à s’en faire blanchir les jointures, tandis qu’il force à nouveau sur son diaphragme pour inspirer à fond. L’air est froid, avec un goût de terre humide, et Skunk a un peu l’impression de se noyer. Mais il tient. Pour l’instant, il tient.
"Dandy ? Euh..."
Le Récolteur réprime un tic de l’épaule et ramène son attention sur Bitter ; malgré la pénombre, il devine l’expression déstabilisée de l’autre Perdu, ce qui n’arrange pas son propre malaise. Le Chasseur n’est pas un garçon qui se perturbe pour un rien, ou en tout cas d’habitude il ne le montre pas. Qu’il puisse réagir ainsi à la présence du Dandy ne fait que confirmer qu’elle est profondément anormale, et Skunk sent un regain d’appréhension peser sur sa poitrine et sa gorge déjà tellement serrées.
Peut-être qu’il n’aurait vraiment pas dû venir, en fait. Peut-être que c’est excessif, malvenu. Après tout, il sait bien que les autres Perdus ne sont pas aussi traumatisés que lui qu’on les envoie au cachot, que pour la majorité c’est juste un mauvais moment à passer, dont ils se remettent aussitôt sortis. De fait, Bitter a l’air d’aller plutôt bien, en dépit du coup spectaculaire qu’il s’est pris sur le crâne. Ce n’est pas lui qui vacille au point de devoir se tenir pour rester debout, ce n’est pas lui qui respire trop fort par le nez comme s’il passait chaque seconde à se retenir de hurler. Et comme pour donner raison à Skunk, Bitter lâche soudain :
"... Ça va ?"
Skunk inspire brutalement ; il est trop mal pour rougir de honte, mais ce n’est pas l’envie qui lui manque. Mobilisant toute sa volonté pour stabiliser sa voix, il répond un peu trop vite :
“Je... Je vais bien. C’est toi... C’est moi qui devrais te demander ça. Ce sac à vomi plein de merde t’a pas raté.”
Un instant, ses yeux clairs décrochent de la silhouette du prisonnier, tandis qu’un mélange de colère et de culpabilité passe sur ses traits livides : c’est Stern qui a cogné Bitter, mais Skunk sait très bien que c’est arrivé à cause de lui, et qu’en plus il n’a rien pu faire pour aider le jeune Irlandais à se sortir de là. Cependant, quand le Dandy redresse la tête pour reprendre d’une voix toujours aussi exsangue, ce ne sont ni de l’apitoiement, ni des excuses qui passent ses lèvres :
“Qu’est-ce qui t’a pris de faire ça?”
Il est sec, mais étrangement plus agacé qu’agressif : il ne comprend vraiment pas ce qui a bien pu passer par la tête de Bitter. Skunk n’est pas ingrat, il apprécie qu’on l’aide ; mais cela le rend toujours un peu méfiant (pourquoi ?), surtout quand l’autre prend des risques inconsidérés. Et là, ce que Bitter a fait, ce n’est même plus inconsidéré, c’est suicidaire. Rien ne justifie sa décision de s'impliquer dans une situation aussi dangereuse, alors même que les coups ont cessés.
Ce n’est même pas comme s’ils étaient vraiment proches, tous les deux ; ils se côtoient de temps en temps, quand Witted tente de venir bavarder avec son ancien collègue. Skunk a d’abord trouvé le Chasseur trop austère, trop peu lisible - trop grand, aussi, est-ce que ce mec a vraiment deux ans de moins que lui ?... Mais Bitter n’a jamais été plus hostile avec lui que ne l’a été Witted. Comme elle, le rouquin l’appelle Dandy, il lui parle posément et pas comme à un chien enragé. Et il comprend étonnamment bien ce qu’on lui dit, pour un garçon d’allure aussi taciturne. Alors oui, bon, disons que Skunk a peut-être un vague a priori positif envers le bonhomme. Mais de là à ce que ce dernier s’interpose entre lui et ce monstrueux salopard de Sentinelle...
“Sérieusement, c'était fini. Et il aurait pu te buter, c’est Stern. Ce... ça n’avait pas le moindre sens de te lancer là-dedans.”
Non, il ne lui est pas venu à l’idée que commencer par dire "merci" aurait fait un meilleur début de conversation.
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| | | Asher O'Flaherty
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Dim 14 Fév 2021 - 14:41 | |
| Pour une raison que Bitter n'avait pas assez d'éléments pour s'expliquer de façon certaine, Dandy avait l'air méga tendu. Il faisait très sombre, il voyait mal son visage, mais il suffisait d'entendre sa respiration pour le comprendre. Sans même parler du ton de sa voix et du délai beaucoup trop court qu'il venait de mettre à répondre à son "ça va" un peu stupide et maladroit. Pour d'autres raisons, qu'il ne s'expliquait pas beaucoup plus, cette constatation foutait Bitter encore plus mal à l'aise. Chose dont il n'avait franchement pas l'habitude, il était comme intimidé. La proximité du récolteur - barreaux ou pas - et la conversation en tête à tête que la situation dans laquelle ils se trouvaient supposait l'embarrassaient profondément. Il avait peur de raconter des conneries, ou de ne pas savoir quoi dire, ou de bredouill... Il était en train de bredouiller. Dieu qu'il devait avoir l'air con, d'autant qu'il sentait à ses joues toujours brûlantes qu'il était encore cramoisi. C'était une chance qu'il fasse trop noir pour que Dandy puisse réellement s'en rendre compte. ... Il faisait trop noir pour qu'il s'en rende compte, n'est-ce pas ? Pitié. Bitter se râcla la gorge et reprit plus clairement, usant de tout le contrôle dont il était capable pour articuler clairement chaque syllabe : "... J'ai vu quelques étoiles mais ça va le faire. Honnêtement je préfère être à ma place qu'à celle de ce fumier."Bitter non plus n'avait pas raté Stern. Bien fait. Ce salopard ne faisait que récolter ce qu'il avait semé, il était grand temps que ça arrive. Ca commençait à bien faire qu'il fasse sa loi et qu'il brutalise gratuitement tous ceux qui avaient le malheur de croiser son chemin sans rencontrer la moindre opposition, et sans que personne ne lui donne l'occasion de regretter ses conneries. “Qu’est-ce qui t’a pris de faire ça?”Euh. Sérieusement ? L'Orageux resta quelques secondes interdit, puis il s'entendit répondre sans réfléchir, parce que vraiment c'est le premier truc qui lui était venu : "C'est moi qui devrait te demander ça. Cette fois-ci."Le chasseur n'attendait aucun remerciement de la part de Dandy. Il n'avait pas fait ce qu'il avait fait pour s'attirer sa reconnaissance ni quoique ce soit. Il n'aurait d'ailleurs probablement pas su quoi en faire, si bien qu'elle n'aurait fait qu'amplifier son embarras. Il avait agi parce que ça lui avait semblé évident que c'était la chose à faire. La sécheresse soudaine de son interlocuteur était en réalité beaucoup plus facile à gérer pour lui que leur premier contact affreusement gauche. Bitter avait toujours été comme ça : c'était plus aisé de râler et d'entendre les autres râler plutôt que de transmettre ses émotions par un biais moins tordu. "Hey." décocha t-il spontanément pour inciter Dandy à cesser deux minutes d'aligner des arguments fallacieux. Bitter était un peu agacé aussi en fait, d'un coup. Son interlocuteur n'était pas entièrement logique, il oubliait une grande partie du tableau, ou bien ne voyait que ce qui l'arrangeait, au choix. Bref. En résumé, il n'était pas logique, et en plus de ça Bitter avait l'impression qu'il le prenait pour un con. Or s'il y avait bien deux trucs qui insupportaient l'Orageux, c'est quand les autres manquaient de logique. Et quand on le prenait pour un con. Alors le combo des deux... Ouais, non, pas génial. "Que dalle, que c'était fini. Tu l'as dit toi-même : c'est Stern. Lorsque le combat est pas autorisé il se retient parce qu'il veut pas avoir d'emmerdes. A l'Arène par contre ? Laisse tomber. Il t'aurait crevé, t'aurais eu de la chance de pas en ressortir les pieds devant, ou avec un ou plusieurs membres en moins. On est entier tous les deux, c'était difficile d'avoir une issue plus favorable en ces circonstances. Tu m'expliques en quoi ça a pas de sens ?"Bitter non plus n'était pas spécialement agressif - sachant qu'il était grognon h24, c'était pas très étonnant de l'entendre ronchonner, c'était plus ou moins sa manière normale de parler lorsqu'il décidait de l'ouvrir, ce qui n'était certes pas si courant. En revanche, il n'avait pas l'intention d'en démordre. Son raisonnement se tenait, il le savait avec certitude. Et ses valeurs n'étaient pas discutables. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Dim 14 Fév 2021 - 20:02 | |
| Même Skunk s’est un peu rendu compte de l’embarras si inhabituel de Bitter. La lumière qui s’infiltre par la trappe ouverte n’est pas assez forte pour que le Dandy réalise à quel point la peau claire du rouquin est devenue d’un très seyant cramoisi, mais elle est suffisante pour dévoiler l’expression un peu paumée du Chasseur, ainsi que la manière pas du tout naturelle dont ce dernier reste tassé contre le mur de sa cellule, loin de la grille et du garçon qui lui parle entre les barreaux. Même sa voix flanche bizarrement, au début, quand il parle du coup qu’il a pris.
L'Irlandais est surpris. Désagréablement surpris.
Un regret imperceptible passe sur le visage du Récolteur, à peine le temps d’un battement de cils. Il n’est pas venu en pensant que Bitter serait très content de le voir - après tout, l’Orageux vient de se faire péter la gueule et punir à cause de lui, Skunk ne lui en voudrait même pas d’être en colère. Et puis, lui-même n’apprécie pas qu’on lui tourne autour quand il est mal en point, il peut saisir que Bitter a envie de rester seul. Mais Skunk ne pensait tout de même pas... Enfin, disons qu’il avait anticipé que son cadet pourrait être contrarié par sa visite, mais pas qu'il en serait gêné, et surtout pas à ce point.
Du coup, le Dandy est presque soulagé, lui aussi, que Bitter lui réplique sur un ton qui leur est beaucoup plus familier à tous les deux.
“C'est moi qui devrait te demander ça. Cette fois-ci.”
Pris au dépourvu, Skunk cille plusieurs fois, avant que son expression ne s’assombrisse: qu’est-ce qu’il veut dire exactement, ce couillon? D’où est-ce que lui aurait quelque chose à se reprocher dans le déroulement de cette débâcle? A part peut-être de n’avoir pas réussi à se relever à temps pour aller aider Bitter, oui bon ; il n’est pas fier d’être resté par terre à douiller en silence, mais ce n’est pas comme s’il n’avait pas voulu faire quelque chose...
Et voilà que Bitter enchaîne, et sa voix semble soudain beaucoup moins instable tandis qu’il prend sur lui d’expliquer à Skunk que Stern est une brute qui ne se retient qu’à peine en dehors des duels organisés, que cette bouse de Sentinelle l’aurait démoli à l’Arène, et malgré son angoisse étouffante, malgré l’alcool qui engourdit ses neurones et ses émotions, le Dandy sent ses mâchoires se contracter, ses yeux s’étrécir d’un air hostile, ses doigts se crisper à nouveau sur la grille de la cellule - mais plus pour les mêmes raisons, cette fois.
Bitter n’est pas le seul à ne pas supporter qu’on le prenne pour un abruti.
“Tu m'expliques en quoi ça a pas de sens ?”
“Baisse d’un ton ducon, je sais tout ça. Tu me prends pour qui? Tu crois que j’ai attendu tes lumières pour comprendre que Stern est un salopard sadique? Je savais parfaitement ce que je faisais en le provoquant à l’Arène. Je suis pas en sucre putain, je me serais démerdé!”
Il lâche brusquement les barreaux de la cellule, les repoussant comme il aimerait sans doute secouer Bitter pour évacuer sa frustration. Il a l’impulsion de mettre les mains dans ses poches, mais aussi bien celles de sa veste que celles de son pantalon sont déjà pleines de paquets divers. Lorsque Skunk le réalise, il croise les bras et reste planté là, à peine instable sur ses jambes flageolantes.
“C’était mon problème. Mon problème. Il m’a insulté, j’ai répondu. C’était... un risque calculé.”
Penser au contenu de ses poches semble l’avoir étrangement calmé un peu, même s’il reste sur la défensive. Et qu’il ne regarde plus Bitter.
“C’était...”
Bon sang qu’il est mauvais pour ce genre de truc...
Il se mordille la lèvre et tente d’inspirer à fond. Ça ne marche pas très bien.
“Ça n’en valait juste pas la peine. De t’attirer des emmerdes pour ça.”
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| | | Asher O'Flaherty
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Dim 14 Fév 2021 - 22:06 | |
| "Baisse d’un ton ducon, je sais tout ça. Tu me prends pour qui ?"Alors me baratine pas comme si t'étais pas au courant, connard.Le rouquin se retint de couper le récolteur dans sa diatribe pour commenter de cette exacte manière la première partie de ses remontrances. Il resta donc muet, mais il le pensa très fort. Bitter n'avait honnêtement pas envie de se prendre le chou avec Dandy maintenant. Il avait trop mal à la tête pour gueuler et pour gérer un dérapage vers un véritable conflit ouvert. Les lèvres de l'Orageux se pincèrent. Il encaissa tout sans broncher. Il n'avait vraiment pas aimé les réflexions du visiteur, qu'il trouvait injustes et de mauvaise foi. A moins que ça soit de l'arrogance mal placée. Dandy était parvenu à le blesser. Le visage fermé, Bitter gardait les yeux sur le mur contre lequel il avait son front plaqué. Cet imbécile avait réussi à lui foutre les larmes aux yeux avec ses conneries. Vraiment, heureusement qu'il faisait sombre. “C’était mon problème. Mon problème. Il m’a insulté, j’ai répondu. C’était... un risque calculé.”Bitter sortit enfin du silence. Sa voix avait pris le ton sourd, l'intonation plate qu'elle avait lorsque le garçon avait dressé les murailles de mauvaise humeur qu'il présentait au monde pour éviter de se bouffer tout directement dans la gueule. Dans ce genre de situations, il était obligé de mettre une distance. Sinon, ça finissait par exploser. Soit la fureur, soit les émotions trop fortes qui lui donnaient envie de hurler/chialer. Ou les deux en même temps. Ou l'un, puis l'autre. C'était les deux facettes d'une même pièce. "... Ok. Laisse moi résumer la situation. Je combats Stern dans un contexte où il va retenir ses coups, selon tes mots j'aurais pu me faire buter et à t'écouter j'ai agi comme un idiot inconséquent, mais toi par contre tu le provoques dans un duel officiel où il va passer tranquille en mode cauchemar mais ça c'est ok. Contrairement à moi, tu prends un risque calculé. C'est pas une question d'être en sucre. C'est Stern. Même pas en rêve je me bats contre ce monstre dans l'Arène. Excuse-moi si j'ai cru que tu devais être foutrement désespéré pour en arriver à une telle extrémité."Bitter ne ferait pas l'affront de rappeler à Dandy qu'ils n'avaient pas non plus la même expérience en terme de combat au corps à corps, et que si le chasseur avait pu tenir tête un minimum à l'autre brute, Dandy se serait fait immédiatement dézinguer. Mais c'était quelque chose qu'il avait à l'esprit, et puisque monsieur "savait tout ça", Dandy en avait probablement aussi conscience. Inutile de blesser sa fierté plus que Bitter l'avait vraisemblablement déjà fait. "Ok. Je me suis mêlé de tes oignons. Désolé si je t'ai vexé. Mais qui prend qui pour qui là, exactement ? C'est pas parce que t'es contrarié que ça te donne le droit de me prendre de haut. Je savais ce que je faisais et pourquoi je le faisais."“Ça n’en valait juste pas la peine. De t’attirer des emmerdes pour ça.”Le changement d'attitude de Dandy, cette conclusion, tout était là pour lui indiquer que son interlocuteur cachait aussi une bonne dose de culpabilité, voire peut-être qu'il ne pensait pas mériter le geste que Bitter avait eu pour lui. Puis il ne s'était certainement pas fait chier à descendre ici juste pour l'engueuler et lui dire qu'il n'aurait pas dû. Pour ça, il aurait facilement pu attendre que Bitter sorte d'ici. L'Orageux s'en serait rendu compte avant s'il n'avait pas eu autant les boules. Il avait fallu qu'il sorte tout le reste avant. Là, il commençait à se calmer et à envisager plus sereinement cette facette du problème. Il soupira et rajouta sur un ton moins détaché : "Tu sais que Stern t'aurais ravagé. J'avais pas envie que ça arrive. Tu mérites mieux que de te faire désosser gratuitement par ce connard. Évidemment, que ça en valait la peine. Désolé si ça t'emmerde mais si c'était à refaire, je le referais sans hésiter."Il avait conscience de parler vachement plus que d'habitude. Bitter n'avait pas envie que cette situation laisse place à des malentendus, et il avait l'impression que ça allait être le cas s'il ne disait pas explicitement le fond de sa pensée. Alors pour une fois, il faisait un effort. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Lun 15 Fév 2021 - 0:54 | |
| Même selon les critères de Skunk, qui pourtant a tristement l’habitude de faire dégénérer la moindre discussion en pugilat, la situation est devenue détestable extrêmement vite.
Comme si cela ne suffisait pas qu’il se retrouve dans le cachot, à moitié assommé d’alcool, face à un autre garçon qui vient de prendre cher à sa place, voilà que par l’un de ces lugubres tours de passe-passe qu’il n’a jamais compris, ils en sont quasiment à s’engueuler... et rien que pour de mauvaises raisons.
Le Dandy s’en rend bien compte - il est ivre, mais de loin pas assez pour ignorer les mots de Bitter, pour ne pas y reconnaitre le reflet difforme de ses propres paroles, pour ne pas réaliser à quel point ses récriminations maladroites d’adolescent honteux et blessé dans son orgueil sont devenues de douloureuses insultes que maintenant le jeune Chasseur lui renvoie en pleine face.
Skunk déteste absolument chaque mot prononcé par l’Orageux.
Entre son “résumé de la situation” à la logique aussi inattaquable qu’humiliante, son “tu devais être foutrement désespéré pour en arriver à une telle extrémité”, ses réflexions sur le fait que le Récolteur est "vexé", "contrarié", comme s'il était un simple gosse en train de faire un caprice... Tout est incomplet, reflet partiel de la réalité, sans être hors de propos. Tout est faux, tout en étant un peu vrai. Et tout fait mal, donc.
C’est Skunk qui se tait, à présent. Il laisse parler Bitter et reste simplement debout devant la cellule, les bras croisés, les épaules de plus en plus rentrées, la tête à moitié baissée, les mâchoires serrées. Et surtout, surtout, les yeux braqués résolument ailleurs que dans la direction du prisonnier.
Une part de lui a envie de répliquer, de mordre en retour, au mépris des conséquences. Une autre part, encore plus bruyante, veut juste s’enfuir en courant et ne plus jamais, jamais remettre les pieds ici. Mais ce garçon qui le reprend aussi vertement, c'est Bitter, Bitter qui est là à cause de lui, et Skunk ne s’est-il pas dit que le Chasseur aurait des raisons d’être en colère, ne s’est-il pas carrément étonné que cette hargne mette aussi longtemps à sortir, qu’elle ne soit pas plus directe et vindicative?
Eh bien voilà, elle sort maintenant, au moins un peu. Et lui... Lui, il n’a pas le droit de se défausser, pas le droit de se braquer. Pas sur ce coup-là. Pas s’il veut encore pouvoir se regarder dans la glace en sortant de cet enfer.
Mais putain c’est dur.
“Tu sais que Stern t'aurais ravagé. J'avais pas envie que ça arrive. Tu mérites mieux que de te faire désosser gratuitement par ce connard. Évidemment, que ça en valait la peine. Désolé si ça t'emmerde mais si c'était à refaire, je le referais sans hésiter.”
Skunk essaie de déglutir, ravalant sans élégance la rage mortifiée qui l’étrangle: évidemment que Stern l’aurait massacré, et évidemment qu’il en a conscience - il l’a dit lui-même, merde... Il sait ce qu’il doit à Bitter. Il sait pourquoi il est descendu dans ce foutu trou, alors que cela lui coûte tant.
Il ne s’attendait juste pas à entendre l’intéressé le formuler de la sorte. C'est bizarre, que le Chasseur dise aussi naturellement qu’il n’avait “pas envie que ça arrive”. C'est trop simple et spontané pour ressembler à un mensonge, bien que Skunk ne comprenne pas trop que l'on puisse penser une telle chose à son sujet. Cela le surprend, l’embarrasse un peu. Lui fait quand même timidement plaisir.
Merde, il va vraiment falloir qu’il s’explique, alors...
“... C’est pas ce que je voulais dire.”
Le Dandy émet une longue expiration tremblante qui ressemble presque à un gémissement. Un frisson parcourt ses bras, qu’il ressert contre sa poitrine concassée d’angoisse.
“Ça ne m’emmerde pas. Ça ne me vexe pas. Ce n’est pas... Je ne te prends pas de haut.”
Il s’arrête un moment, gêné. Il tente de se concentrer, sourcils froncés dans un effort visible pour rassembler ses pensées. Puis, toujours sans regarder Bitter, il reprend d’une voix juste un peu trop lisse:
“Je ne voulais pas que tu t’en mêles, c’est vrai. Mais pas parce que je ne veux pas de ton aide. C’est juste que... J’ai l’habitude de ce genre de problème, d’accord? Tu ne peux pas savoir à quel point j’ai l’habitude. Et j’ai trouvé une manière de gérer qui...”
Un autre soupir, plus fatigué.
“... Qui est objectivement nulle, oui. Mais vu les... options dont je dispose, je n'ai pas de meilleure solution. Et ça me va. C’est acceptable.”
Sa tronche défaite montre qu’il ne croit qu’à moitié à ses propres excuses ; il ne s’en rend pas compte.
“Mais c’est acceptable pour moi. Pas si ça retombe sur... un bon samaritain qui essaie de m’aider.”
Il reste encore silencieux, un peu plus longtemps cette fois. Cela ne lui ressemble pas de parler si lentement, avec tant de précautions, mais lui aussi a envie d’être clair, pour une fois, il a envie de s’expliquer assez bien pour que Bitter comprenne tout l’enjeu de la situation.
“C’était... sympa. D’essayer. Vraiment. Ta sollicitude est... très appréciable.”
Les yeux clairs du Récolteur glissent vers l’Orageux, d’un air infiniment las. Ou comme son interlocuteur l’a si bien dit, d'un air foutrement désespéré.
“Mais au final, ça ne sert à rien. Ok, là tout de suite, je vais bien, cette grosse merde est à l’infirmerie avec un nez pété, des couilles en gelée et probablement un doigt en moins. Mais il va guérir. Et s’il le veut vraiment, il m’aura une prochaine fois.”
Et ce sera sans doute pire, parce que Stern sera vert de rage de s’être fait casser la gueule par un gosse de douze ans. Mais cela, Skunk ne le dit pas.
“Donc tu vois... Pas la peine.”
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| | | Asher O'Flaherty
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Lun 15 Fév 2021 - 12:11 | |
| Le ton retomba, assez brutalement, autant parce que Bitter avait changé de registre que parce que Dandy décida de ne pas le reprendre sur ce qu'il venait de lui balancer. Le chasseur, quelque part, était un peu étonné. Bitter n'avait pas envoyé tout ça dans la gueule de Dandy pour le blesser. Il ne cherchait qu'à se défendre, et à rétablir les vérités qui justifiaient les décisions qu'il avait prises. Cela dit, il se doutait que pas mal de ces vérités étaient blessantes. Il se disait qu'il n'aurait lui-même pas apprécié qu'on les lui envoie dans la gueule, et donc il s'attendait à ce que son interlocuteur réagisse en conséquence, soit en mordant métaphoriquement. Parce que lui, c'est certainement ce qu'il aurait fait à sa place. C'était ce qu'il venait de faire, à vrai dire, malgré sa tentative pour se montrer compréhensif et pour adoucir le message qu'il souhaitait faire passer. Bitter ne se sentait vraiment pas bien, et c'était pas juste parce qu'il avait été à deux doigts qu'on lui fende le crâne comme une cerise trop mûre. Cette discussion tapait trop près de sa boîte de Pandore personnelle, qu'il faisait son possible pour maintenir fermée. Il n'était pas loin de pleurer pour de bon, ce qui aurait été atrocement gênant en la présence du récolteur. Justement parce que c'était lui, toutes ces conneries le heurtaient bien plus qu'elles ne l'auraient dû. Pourquoi est-ce qu'il accordait autant d'importance à ce que ce gars pouvait bien dire ou penser ? Il n'en avait foutrement aucune idée. Peut-être que c'était parce que ce que racontait Dandy faisait généralement plus sens que la moyenne à ses yeux. Ca se tenait, ça valait le coup d'être entendu, quand ça ne trouvait pas un écho dérangeant quelque part, à l'intérieur de lui. C'était aussi pour ça que ça l'avait autant saoulé de l'entendre raconter des conneries à propos de Stern et de la façon dont il se serait démerdé contre lui, dans l'Arène. C'est bon, quoi, qu'il la lui fasse pas. Tout le monde savait comment ce combat désastreux se serait terminé. “Ça ne m’emmerde pas. Ça ne me vexe pas. Ce n’est pas... Je ne te prends pas de haut.”C'était étrangement réconfortant d'entendre ça. Bitter avait l'habitude qu'on le prenne pour un abruti - il ne comptait plus ceux qui s'amusaient à le comparer à sa frangine pour l'emmerder. C'était bien pour ça qu'il réagissait au quart de tour dès lors qu'il avait l'impression qu'on le traitait avec condescendance. Il avait du mal à ne pas s'appuyer sur la tête tout seul. Son insécurité sur ce plan le rendait très susceptible. Il se disait que ça n'avait pas dû être facile à sortir, en ces circonstances. Il appréciait d'autant plus le geste. Peut-être que Dandy ne s'était pas rendu compte de ce que son comportement avait eu de blessant. Peut-être Bitter avait-il aussi surinterprété ses propos, et qu'il avait sauté à des conclusions hâtives. Face à cet effort de bonne volonté et d'humilité en attendant, il avait envie de faire pareil. "... Ok." répondit-il simplement, sur un ton que toute forme de hargne ou de tension avait quitté. Il s'était tourné, avait adopté une attitude plus ouverte qu'au préalable. Ses yeux encore humides fixaient dorénavant Dandy, même si lui ne le regardait pas. Et même s'il faisait de toute façon aussi noir que dans le cul d'une baleine, si bien que ça limitait largement toute forme d'interactions possibles. Il était prêt à écouter ce que le récolteur avait à dire. Et il le fit sans broncher, même si c'était difficile. Parce que merde, c'était triste d'entendre des trucs pareils. Dandy semblait s'être résigné à l'idée que des connards tels que Stern viennent le faire chier. Il s'était résigné à l'idée de se faire tabasser, et il voulait tomber tout seul. N'entraîner personne dans sa chute. Cette chute, elle finirait par arriver, surtout s'il se bornait à défier des types de triste réputation dans l'Arène. Pourquoi est-ce qu'il faisait des trucs pareils ? Qu'est-ce qui le poussait à prendre des risques aussi inconsidérés ? Tant qu'à se faire marave, pourquoi ne pas choisir que ça arrive dans des conditions qui n'offraient pas à des brutes sanguinaires la possibilité de lui faire subir des horreurs ? “Mais c’est acceptable pour moi. Pas si ça retombe sur... un bon samaritain qui essaie de m’aider.”"Je sais que c'est facile à dire mais... Tu devrais pas prendre ça sur toi. T'es pas responsable de mes décisions. Je t'ai aidé parce que j'en avais envie. Je voulais pas que tu te fasses massacrer par ce salaud, c'est vrai. Mais j'en ai aussi ras le cul qu'il s'en sorte toujours à bon compte."Ca l'emmerdait profondément que Dandy se sente coupable pour un truc qu'il avait fait de son plein gré, et qui était donc de son entière responsabilité. Même si c'était vrai qu'il n'aurait peut-être rien fait si le récolteur n'avait pas provoqué Stern en duel. Conscient du danger qu'il courait s'il se lançait dans cette croisade là, il s'était tenu à distance jusqu'à ce retournement de situation surréaliste, face auquel il n'avait pas pu rester passif. Reste que c'était sa décision. “Mais au final, ça ne sert à rien. Ok, là tout de suite, je vais bien, cette grosse merde est à l’infirmerie avec un nez pété, des couilles en gelée et probablement un doigt en moins. Mais il va guérir. Et s’il le veut vraiment, il m’aura une prochaine fois.”... Et soudain, sans que Bitter comprenne ce qui était vraiment en train d'arriver, il eut l'impression de sentir le sol s'effondrer sous lui. Il tombait dans un trou plus noir que l'air qu'il respirait. Un froid glacial s'empara de son cœur, serra sa poitrine, se répandit dans tous ses membres. Pâle et tremblant, les yeux trop ouvert, il fixait Dandy au travers de l'obscurité. Est-ce qu'il ressentait le désespoir de son interlocuteur ? N'était-ce pas plutôt que Dandy avait involontairement déchiré, par ses mots, le voile fragile qui séparait Bitter de ses propres démons ? "... Ca sert pas à rien. Ca sert pas à rien." s'entendit-il répondre trop vite, la voix soufflée, trop chevrotante pour qu'on ne remarque pas qu'une cible venait d'être touchée un peu trop fort, un peu trop soudainement. Pourquoi était-il si vulnérable aux propos de ce type, enfin ? C'était trop tard pour se poser la question. Le monde se déformait en temps réel. Ses certitudes s'effritaient. Le peu de sens qu'il donnait à sa présence sur l'Île venait d'éclater - au moins provisoirement - et Bitter sombrait dans le pire coin de lui-même. Celui qu'il tentait de garder pour lui. Celui qu'il refusait de montrer à Eilish ou à Max, de peur de les inquiéter. De peur aussi qu'elles ne puissent pas vraiment le comprendre, parce qu'elles ne partageaient pas son point de vue. Chaque respiration était douloureuse. Il retenait bruyamment d'autres pleurs, très différents de ceux qui avaient failli percer précédemment. Est-ce que ce qu'il faisait n'avait aucun sens ? Est-ce qu'il ne faisait que retarder l'inévitable ? Est-ce qu'il se battait pour rien ? Rien de durable, il le savait. Il fallait toujours recommencer. Continuer. Mais rien tout court ? Dandy n'avait pas besoin de le dire. Bitter savait qu'en explosant aussi glorieusement la gueule de Stern, il s'était mis une cible sur la tronche. Il se doutait que ce connard n'y verrait sans doute pas la leçon de vie qu'il avait voulu lui donner, et qu'à l'inverse il risquait de se montrer encore plus con. Il espérait sincèrement que la sentinelle serait trop occupée à rager à propos du gosse qui l'avait défoncé, et qu'il oublierait Dandy. Mais ça n'allait pas plaire à Eilish. Ca allait encore retomber sur sa sœur. Est-ce qu'en essayant de rendre ce trou moins infernal pour les autres, il faisait pire que mieux ? Est-ce qu'il avait encore pris la mauvaise décision ? Est-ce qu'on allait encore souffrir par sa faute ? Est-ce qu'elle allait encore souffrir par sa faute ?"... Y a toujours une prochaine fois. Rien ne dure dans ce bled. Ironique pour un endroit où le temps est pas censé exister. Ca veut pas dire que ça compte pas. Me dis pas que j'étais censé le laisser te tuer, ou te mutiler. Je peux pas. Je peux pas vivre dans un endroit où ça serait normal de laisser faire ça. Même si c'est juste à mon échelle, si je fais rien je... Je peux pas, ok ?"Il ne s'était pas attendu à ce que ça vienne comme ça. Il s'écoutait... avoir une diarrhée verbale. Vraiment, il n'y avait pas de meilleure comparaison. Ca ne lui arrivait jamais. Il se regardait faire avec une surprise ténue, comme en survol au-dessus de sa propre tête. Et il se rendait compte que ce qui sortait était très vrai. Et ça l'aidait à se calmer un peu, même si on était encore loin du compte. Il aurait probablement été très embarrassé s'il ne s'était pas senti aussi mal. En plus, sa nausée revenait à l'assaut, stimulée par la surcharge émotionnelle qui ajoutait à la douleur de son crâne explosé. Qu'est-ce qu'il foutait, exactement ? Bitter se détacha du mur. Il se traîna difficilement jusqu'aux barreaux - à moins d'un mètre de lui, mais quand même - auxquels il s'accrocha, et contre lesquels il plaqua son visage. Cool. C'était plus frais que la portion de mur qu'il avait réchauffé, à force d'y mettre sa tempe. Mais c'était pas ça qui avait motivé son mouvement. Il savait pas trop pourquoi il s'était approché. Y avait aucune foutue raison. "... T'as le temps de voir venir, d'ici à ce qu'il soit en état de relever un nouveau duel. Je sais pas s'il va s'acharner sur toi. Mais si c'est le cas... Recommence pas ça, s'il te plaît. Y a le temps de réfléchir à autre chose. Ou bien au moins de trouver une solution pour que t'y survive, si possible sans y perdre des bouts. Fais pas compter ça pour des prunes. Fais pas comme si c'était ok que ça finisse mal tant qu'il y a que toi qui prend. Ca l'est pas."Parce que personne ne méritait ça. Parce que ça l'inquiétait, bordel. Il voulait pas que Stern crève Dandy, maintenant ou plus tard. Parce que le monde se devait d'avoir un embryon de sens, ou bien l'existence de Bitter basculerait. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Mer 3 Mar 2021 - 15:36 | |
| Quand Bitter évoque solennellement le fait que sauter à la gorge de la Sentinelle était sa décision à lui, Skunk lui jette un coup d’oeil agacé : il faut vraiment que ce trouduc arrête de le prendre pour un con. Stern est effectivement un barbare hors de contrôle, et Skunk peut concevoir qu’il tape sur les nerfs des justiciers en herbe dont Bitter semble faire partie. Mais ce dernier vient littéralement de dire qu’il s’est surtout interposé pour éviter au Récolteur de se faire massacrer dans l’Arène - “j’avais pas envie que ça arrive”, n’est-ce pas?
Si Skunk s’était juste tu, s’il n’avait pas provoqué Stern, Bitter n’aurait pas été blessé et puni à sa place. C’est un fait, amer, regrettable, mais aussi logique qu’inattaquable, et le Dandy l’assume en tant que tel. Que son cadet puisse remettre en cause cette vision des choses n’a rien de réconfortant ou sympathique, cela ne fait que confirmer à l’adolescent que cette andouille d’Irlandais ne l’écoute pas, qu’il ne comprend rien à la situation inextricable à laquelle Skunk a fini par résumer son existence.
Mais le Récolteur ne relève pas. Parce qu’il ne veut pas parler de cela. Parce que stressé et alcoolisé comme il l’est, il n’a ni l’envie, ni l’énergie de s’énerver à nouveau pour un détail. Et parce qu’au fond, de cette incompréhension aussi, il a l’habitude.
Alors oui, Skunk se fait violence, s’oblige à parler encore un peu, à tenter d’expliquer au moins superficiellement à quel point sa relation aux brutes comme Stern est un cercle vicieux sans début ni fin. Il ne sait pas trop ce qu’il cherche à faire. Peut-être juste préciser les choses, comme il le fait toujours. Peut-être aussi qu’il a vaguement l’idée de dissuader Bitter de lui refaire un coup pareil, en lui prouvant par A + B que sa belle attitude héroïque n’a aucun sens sur le long terme.
Malheureusement, Skunk réussit beaucoup, beaucoup mieux que prévu.
“... Ça sert pas à rien. Ça sert pas à rien.”
Il fait trop sombre pour que le Récolteur réalise à quel point Bitter est devenu pâle et tremblant, mais la voix cassée du garçon trahit bien assez l’ampleur de son trouble. Surpris par la rapidité d’un tel revirement, Skunk en reste un instant figé, incrédule : mais enfin, qu’est-ce qu’il lui arrive à l’autre couillon ?
Puis il se rend compte que Bitter aussi respire trop vite, trop fort. Son souffle s’est fait bruyant, étranglé par une émotion indescriptible, un son tristement familier qui fait soudain à Skunk l’effet d’une grande baffe en pleine gueule.
Bitter se retient pour ne pas pleurer.
Et malgré l’alcool, l’angoisse du Dandy flambe brusquement, pour devenir ce qui ressemble beaucoup à de la panique.
“Non, attends, ne... ce n’est pas...”
Encore une fois, il essaie de se rattraper, il cherche au fond de sa poitrine douloureuse ces mots trop familiers, trop souvent répétés, dont chaque syllabe fait mal - ce n’est pas ce que je voulais dire ça ne sonnait pas comme ça dans ma tête je voulais juste clarifier expliquer détailler relativiser rationaliser je pensais être clair fait chier merde pourquoi tu le prends comme ça qu’est-ce que j’ai encore dit qu’est-ce que j’ai encore fait...
Mais ça a déjà été difficile la première fois et à présent la frustration est encore pire, encore plus cruelle, parce que sur ce coup-là Bitter n’est plus seulement en colère, il est mal, terriblement mal. A cause de lui. Encore (toujours).
Alors la voix du Récolteur se bloque, refuse de prononcer ces excuses dont l’absence de sens le torture. Et rien ne vient faire barrage au flot d’explications fébriles qui se déverse subitement des lèvres de Bitter.
Skunk encaisse plus qu’il n’écoute, hébété par la vitesse spectaculaire à laquelle le jeune Chasseur dévide ses arguments ; le Dandy ignorait complètement que son cadet était capable de parler ainsi, sans s’arrêter, avec une passion aussi vive et poignante. Ses paroles en deviennent ciselées, tranchantes même. Elles font mal, encore plus qu’avant, mais Skunk est trop suffoqué de stupeur et d’angoisse pour les interrompre. C’est à peine s’il ose réagir quand Bitter évoque le fait que Stern aurait pu le “tuer ou le mutiler”, c’est tout juste s’il murmure une faible protestation (“Ne dis pas ça...”). Et de toute façon, l’autre garçon ne semble pas l’entendre.
“Je peux pas. Je peux pas vivre dans un endroit où ça serait normal de laisser faire ça. Même si c'est juste à mon échelle, si je fais rien je... Je peux pas, ok ?”
Skunk ne répond pas. Il n’en est physiquement pas capable : il est complètement dépassé par la réaction de Bitter, par son discours tout à la fois si virulent et si désespéré, par son attitude si foutrement imprévisible. Rien dans cette visite ne se déroule comme il l’avait prévu et il sent sa résistance déjà vacillante se disloquer, se dissoudre, filer entre ses doigts comme s’il tentait de maintenir debout une dérisoire muraille de sable.
Et pauvre de lui, malgré sa panique, il entend quand même ce que dit Bitter. Il l’entend, et il le comprend, avec l’aisance instinctive de celui qui analyse toujours tout, toujours trop, même quand il ne le veut pas, même quand il préférerait ne pas savoir.
Dans les mots du jeune Irlandais, il y a tant d’empathie, tant de désarroi, tant d’indignation. Tellement de noblesse et d’inconséquence, d’honneur et de candeur. Mais surtout, il y a cette phrase en trop, celle que Skunk ressent comme une griffure tant elle est dangereuse, celle qui, ici, risque bien vite de devenir une lugubre prédiction.
Je ne peux pas vivre dans un endroit où ça serait normal.
Au pays de Peter Pan, un garçon de douze ans ne devrait pas avoir un sens des responsabilités aussi monstrueux. Un garçon de douze ans ne devrait pas avoir ces mots d’adulte.
Nauséeux, les tempes poisseuses de sueurs froides, Skunk fixe la silhouette frémissante de Bitter, au fond de la cellule. Il n’en a rien à foutre de briser les tabous de l’Enfant Roi, mais ce qu’il devine dans la voix chevrotante de son cadet implique des conséquences bien plus graves qu’une simple transgression des règles. Et le pire, c’est que Skunk n’est pas sûr que Bitter lui-même s’en est rendu compte.
Le Dandy essaie de parler, de trouver une remarque intelligente à faire en ce sens. Mais avant qu’il puisse rassembler ses pensées de plus en plus noyées d’angoisse, le jeune Chasseur se rapproche. Dans un effort à briser le coeur, il se traîne plus qu’il n’avance jusqu’aux barreaux de sa prison. Il les empoigne, y presse son visage, et l’image est si violente (laissez-moi sortir pitié pitié PITIE) que Skunk s’étrangle et ne peut retenir un mouvement de recul. Son épaule percute le mur humide du cachot, juste derrière-lui. Il s’en écarte d’un autre sursaut, encore plus viscéral que le précédent, et balaie d’un geste féroce la terre accrochée à sa veste - malgré l’épais tissu, on entend sa paume claquer sur son bras.
Des traces de limon restent incrustées sur sa main. Dans l’obscurité, il ne peut pas les voir. Mais il les sent.
Sa respiration siffle, sa tête tourne, sa gorge se serre et putain de merde voilà que Bitter continue de parler, il dit des choses qu’il ne devrait pas, il exprime des préoccupations qui n’ont pas de sens, il lui demande de réfléchir, de trouver une autre solution, de... de...
“Fais pas comme si c'était ok que ça finisse mal tant qu'il y a que toi qui prend. Ça l'est pas.”
“MAIS QU’EST-CE QUE ÇA PEUT TE FOUTRE, A LA FIN?!”
Skunk ne voulait pas hurler, il ne le voulait vraiment pas. Mais c’est trop, c’est juste trop. Cet endroit le rend fou, cette discussion le rend fou, le regard de Bitter entre les barreaux le rend fou, la panique le mord à la gorge comme une saloperie de belette enragée et soudain lui non plus n’arrive plus à retenir le mélange de hargne et de désespoir qu’il crache sur l’autre garçon.
“Réfléchir à autre chose? REFLECHIR A AUTRE CHOSE?! Putain mais merci Bitter, MERCI, j’avais vraiment besoin que tu me le dises pour y penser! Une autre solution que me faire péter la gueule par ces coulures de chiasse? Une autre solution que finir à l’infirmerie à chaque fois que je leur dis non, à chaque fois que je me laisse pas cracher à la gueule sans réagir? Incroyable! T’es un génie mec, un putain de prix Nobel! Comment j’ai pu ne pas trouver ça tout seul pendant TOUTE MA FOUTUE VIE DE MERDE?!”
Il crie et cela ne le soulage même pas, il crie et son ton ne fait que monter, et il pourrait aller encore plus loin, dire et aboyer bien pire, au risque d’attirer la Sentinelle qui garde la trappe, si sa poitrine ne lui faisait pas la soudaine grâce de se bloquer net.
Sa voix éclate en mille échardes. Suffoqué d’angoisse, il vacille, se raccroche aux barreaux, porte par réflexe la main à son col et à sa cravate qu’il desserre en catastrophe. L’odeur de terre humide envahit ses poumons, sa tête (non non non non) et il crève d’envie de détaler jusqu’à la trappe, de sortir de là, maintenant, tout de suite. Mais il sait qu’il est trop tard pour ça : il tient à peine sur ses jambes, marcher est exclu, courir ou grimper à une échelle l’est encore plus. Et puis... et puis...
Non. NON. ÇA SUFFIT.
Et puis, il ne peut pas faire une crise d’angoisse comme ça, là, maintenant. Pas pour ça, pas après tous ces efforts. Pas devant Bitter, qui est enfermé dans la cellule où c’est lui qui devrait être.
Il n’a pas le droit. Il n’a pas le droit.
Reprends-toi. MAINTENANT.
Alors Skunk lutte, il lutte avec hargne et fureur pour tenir debout, pour empêcher sa respiration d’accélérer au-delà du point de non retour. D’une main tremblante, il pioche sa flasque dans sa poche ; il est pourtant déjà bien ivre, mais le goût de l’alcool l’aide, le rassure, lui redonne juste un peu de courage et de force. Assez pour qu’il puisse enfin inspirer à fond, assez pour apaiser son début d’hyperventilation.
Il appuie lui aussi son front contre la fraîcheur des barreaux, haletant, sa tête ensevelie entre ses bras.
“Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller.”
A peine un murmure, juste pour se forcer à ralentir sa respiration erratique, à reprendre le contrôle de son propre corps, lentement, péniblement. Il n’a pas la force de se préoccuper de ce qu’en pense Bitter, qui est pourtant juste à côté de lui : c’est déjà assez compliqué de faire refluer son angoisse, si en plus il commence à réfléchir à ce qu’il vient de faire, à ce qu’il vient de dire, à ce qu’il vient de laisser voir...
Oh bon sang, quelle idée de merde d’être venu.
Dernière édition par Skunk le Mer 3 Mar 2021 - 23:45, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Mer 3 Mar 2021 - 22:15 | |
| Même si on y voyait que dalle ou presque, Bitter ne put manquer l'étrange réaction de son visiteur à son approche. Ca pouvait difficilement être sa gueule qui lui faisait cet effet : ok, Bitter ne se rendait pas aimable avec grand monde, mais il n'en était pas encore au stade où on on reculait d'effroi en le voyant. Ca ne pouvait pas non plus être sa blessure au visage qui était si moche même dans l'obscurité que Dandy manquait de défaillir face à cette image... Nan. Le gars n'était pas si impressionnable. Bref. Il se passait quelque chose d'étrange. Quelque chose d'insaisissable, qui échappait à ses perceptions, et qui n'était peut-être que dans la tête de son interlocuteur. Quelque part, l'Orageux n'était pas si étonné que ça. Dandy était nerveux depuis qu'il était arrivé. Et il n'était pas censé être ici. Si le chasseur remarqua la singularité des réactions de son interlocuteur, il n'était pas en mesure d'y prêter l'attention naturelle qui lui serait venue si son esprit avait été moins agité. Il était au milieu d'un processus compliqué, poussé par des émotions trop fortes, et qui s'exprimaient par des canaux inhabituels, car c'était un cas de force majeur. il lui fallait redonner au monde le sens qu'il venait de perdre. Il fallait renforcer son plancher mental branlant, qui menaçait de s'effondrer sous lui. En dessous se trouvait un vide abyssal, une noirceur qu'il ne pouvait se permettre d'explorer. Alors il parla quand même, plutôt que de se contenter d'observer, de décortiquer tout ce qu'il voyait en silence et de modifier ses comportements en conséquence, discrètement, en ne donnant l'air de rien, comme il l'aurait habituellement fait. Il agissait de façon presque exclusivement égoïste, cette fois, parce que le seul autre choix n'était pas acceptable - encore moins en la présence d'un témoin. Il refusait de laisser ses nerfs lâcher sans lutter. Même si cette lutte prenait une drôle de tournure. Pourquoi ce geste ? Pourquoi cette ouverture ? Pourquoi ces mots trop lourds de sens, trop personnels ? Son être tout entier lui criait des signaux d'alerte : c'était une mauvaise idée. Il se mettait en danger. Il se rendait vulnérable. Il était comme un escargot sans sa coquille. Comme un cœur tendu au travers des barreaux. Faible, palpitant, rendu facile, oh si facile à détruire par le moindre acte de brutalité. Pourquoi est-ce que je fais ça, putain ?Pourquoi est-ce que c'était subitement si important d'être compris et surtout accepté ? Il n'en faisait habituellement pas grand cas. D'un coup, il ne supportait plus grand chose. Ni de constater la résignation déprimante de Dandy - et l'inquiétude qu'un tel comportement lui inspirait - ni de le laisser réduire le peu de choses qui lui tenaient à cœur au Grand Arbre au-delà de sa sœur, de Max, et d'Alsyd eux-mêmes, à une lubie insensée car contreproductive. Car faire une telle chose, c'était approximativement équivalent à lui cracher à la gueule en lui expliquant que ses actions n'avaient aucune valeur, que ses décisions étaient ridicules, que son existence n'avait aucun sens, et qu'il ne servait à rien d'essayer de lui en redonner artificiellement. C'était dans son essence même que Bitter se sentait attaqué, souillé, profané. Que lui restait-il si on désacralisait ses maigres tentatives pour créer un espace dans lequel il pouvait respirer ? “MAIS QU’EST-CE QUE ÇA PEUT TE FOUTRE, A LA FIN?!”Violence. Vibrations. Eclatement. Froid. Chaud. Glace. Hébétude car quelque part, il ne s'y était pas attendu. Il pensait à tort que la discussion était allée ailleurs. Que le risque pour qu'un tel éclat advienne à ce stade était faible. Que les conséquences aux risques inhabituels qu'il venait de prendre étaient acceptables. Erreur terrible. Le son trop fort lui vrillait les tympans. Brièvement, ses capacités de réflexion se figèrent, en même temps que son visage perdait ses couleurs et que ses traits se relâchaient sous l'effet d'une surprise mêlée d'une meurtrissure encore très indéfinissable, mais déjà trop profonde. Rien n'avait encore vraiment commencé, mais Bitter l'avait déjà compris : il n'aurait pas dû. Il aurait fallu qu'il abstienne, comme d'habitude. Il y avait une raison à son silence chronique, et il était sur le point d'avoir la preuve qu'il aurait dû le maintenir. Deux pôles simultanément opposés, mais qui agissaient de concert pour mieux creuser son mal-être. La révolte, d'une part : Dandy déformait ses propos et leur donnait une couleur hideuse. Jamais Bitter ne se serait permis de lui conseiller de trouver une solution pour ne pas se faire défoncer la gueule au quotidien. Ca n'aurait pas eu de sens alors qu'ils savaient tous les deux que c'était chose impossible. Si l'inverse avait été vrai, personne n'en aurait été là : ni Dandy, ni lui. Etablir une stratégie dans le temps que la convalescence de Stern offrait pour adoucir les conséquences de cette potentielle et très spécifique récidive dont Dandy venait de parler, en revanche ? Mais merde, quoi. C'était lui qui venait de lui dire que ses actions ne servaient de toute façon à rien, et que "s'il le voulait vraiment, Stern l'aurait une prochaine fois". Bitter lui répondait "c'est pas tout à fait vrai, ça t'offre une belle marge de manœuvre pour l'empêcher d'être la pire version de lui-même le jour où ça arrivera" (sans même parler du "s'il te plait j'ai besoin que tu transformes ça en quelque chose de positif" sous-entendu). Et il se bouffait un "duh, tu crois que j'avais besoin de toi pour y penser ?". Pour la seconde fois, il ressentait ce reproche comme une injustice crasse. Mais pas que. Parce que Bitter était loin d'avoir autant de confiance en lui qu'il voulait en donner l'impression. Parce que le reproche sous-jacent, ça pouvait être aussi J'avais déjà bien assez de temps pour ça sans ton aide, t'es débile si t'as pensé l'inverse. Parce qu'il y avait aussi d'autres mots, et qu'ils étaient comme autant de pieux, de pointes qui s'enfonçaient en lui avec une précision chirurgicale a chaque instant renouvelée. Bitter observait Dandy sans bouger d'un cil. "Putain mais merci Bitter, MERCI, j’avais vraiment besoin que tu me le dises pour y penser!"Il cessa de respirer. Son sang se changeait en acide. Sa nausée devenait un état d'être plus qu'une sensation. "Incroyable! T’es un génie mec, un putain de prix Nobel! Comment j’ai pu ne pas trouver ça tout seul pendant TOUTE MA FOUTUE VIE DE MERDE?!"Ses pupilles s'étrécirent encore. L'expression - ou l'absence d'expression - de son visage était devenue métallique, à l'instar du goût qu'il avait dans la bouche. Puis le silence revint, ou ne revint pas. Il était évident que Dandy avait un problème, dans la continuité des signes dont il avait fait plus tôt la démonstration, mais Bitter était trop loin pour s'en soucier. Loin, en arrière de sa propre tête, alors qu'il se sentait pourtant beaucoup trop exposé. Loin, écrasé par un sentiment de honte si brûlant qu'il le consumait à l'instar de ses habituels élans de colère. Il aurait dû se taire. Ouais. Il aurait vraiment dû se la fermer. A quoi ça servait qu'il parle ? Lorsqu'ils n'étaient pas vains, les mots ne faisaient que causer des catastrophes. Ils n'étaient jamais assez justes, ou trop vite mal interprétés. Ils mettaient de la distance, il créaient des problèmes. Ils n'étaient qu'un miroir indirect, imparfait, de la réalité. Et c'était pour ceux qui comptaient. La plupart n'avaient pas le moindre intérêt. Superficiels, ou trop évidents. Bitter voulait qu'on le comprenne. Il avait juste réussi à prouver qu'il était totalement inintéressant, comme tout le monde ou presque le pensait, de toute façon. Pourquoi est-ce qu'il avait essayé ? Il savait que c'était pas son truc. Il aurait dû se cantonner à ce qu'il savait faire, à savoir ramener de la viande et frapper les cons pour les remettre à leur place. Et grogner un vague "inutile de râler, c'est fait, alors fait avec" à Dandy. Hausser les épaules à ce qu'il aurait pu lui répondre ensuite. Ignorer. Oublier. Faire sa vie indépendamment de l'avis de ce gars. Ca aurait été plus simple pour tout le monde. Sa tête tournait. C'était pas juste les conséquences de la mandale qu'il avait récoltée. Sa bouche trop sèche. Ses yeux douloureux, désormais rivés vers le sol. Il avait envie de s'éloigner de ces putain de barreaux. De s'en éloigner le plus possible, de s'enfoncer dans le recoin du cachot le plus isolé. Il l'aurait probablement fait, s'il n'avait pas été tétanisé, et s'il n'avait pas eu l'impression qu'un tel acte aurait conduit Dandy à se casser pour de bon, et à ne plus jamais lui parler. Mais est-ce que ça n'aurait pas été mieux ainsi, finalement ? Il implosait. Il voulait crier le plus fort possible. Il voulait s'arracher les cheveux, ou peut-être plutôt frapper le mur encore, et encore, et encore, sans tenir compte de la douleur, en se satisfaisant de chaque blessure qui se rajoutait au-dessus des autres. Il se fissurait. A chaque instant qui passait, contenir devenait plus difficile. Cela commença par des tremblements, puis par le retour de ses respirations erratiques. Une tempête se levait, gonflant son être comme une voile qui s'envolait sans contrôle. Son visage plongeait vers le sol en même temps qu'il cédait à des larmes qui n'allaient pas rester bien longtemps silencieuses. Instinctivement, il se couvrit avec ses bras, comme pour se protéger, ou plutôt pour protéger les autres de cette violence qui voulait éclater, monstrueuse au point qu'elle le terrorisait. Ca aurait dû être des sanglots. C'était censé être des sanglots ? Passés les premiers gémissements, cela se transforma au point de devenir immense. Démesuré. C'étaient de véritables hurlements, mais qu'il ne voulait pas pousser. Il les étouffait dans le tissu de ses manches. Même ainsi, c'était affreux. Et ça ne voulait plus cesser. Il se recroquevillait peu à peu, sans le voir. C'était l'expression d'une révolte qui devenait douleur ou, peut-être d'une souffrance qui devenait colère. C'était sans doute les deux à la fois. C'était ses émotions qui ne trouvaient plus que ce biais pour sortir. C'était tout le dégoût, toute la frustration qu'il avait à son propre égard. Putain d'idiot qui n'excellait que pour les erreurs. Pauvre tanche qui n'accumulait qu'une seule chose, quand ça comptait vraiment : les échecs, et l'humiliation qui venait avec. Peut-être que les coups avaient été mérités, finalement. Lesquels, déjà ? |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Jeu 4 Mar 2021 - 12:23 | |
| Bitter ne dit rien.
Skunk ne s’en rend pas compte tout de suite. Il est trop occupé à expliquer à son propre corps qu’il n’est pas en train de mourir, à sa poitrine qu’elle n’a pas à lui faire aussi mal, à ses membres qu’ils sont censés arrêter de trembler. Qu’il ne faut pas écouter les signaux d’agonie qui débordent de son cerveau en panique. Que l’odeur de souterrain et l’obscurité ne sont que des informations sensorielles sans danger, qu’il n’est pas vraiment enseveli au fond d’une tombe, qu’il peut sortir quand il veut, qu’il ne se passe rien, oh fait chier allez il ne se passe rien, respire!
Pathétique. Ridicule. Minable.
Ça va aller, ça va aller, ça va aller.
Inacceptable. Reprends-toi. Contrôle-toi!
Respire. Ça va aller.
Contrôle. Toi.
Bitter ne dit rien.
Skunk garde les yeux fermés, tête penchée, bras levés contre les barreaux, sa flasque toujours en main - son poids familier est un réconfort inavouable. Il inspire à fond par le nez, force son torse déchiré à fonctionner. Et doucement, oh beaucoup trop doucement, l’angoisse reflue.
Rien ne comble ce trou béant en plein milieu de son thorax, ce trou noir qui cherche à l’aspirer et dans lequel il pourrait aisément disparaitre. Mais sa peau cesse tout de même de lui faire l’effet d’un linceul, le parfum de terre et de moisissure ressemble un peu moins à du bitume chaud qui se coule dans sa gorge. Lentement, quelques pensées cohérentes émergent de la boue d’horreur alcoolisée qui emplit sa tête.
Ça va aller.
Bitter ne dit rien.
Petit à petit, comme s’il se réveillait très mal d’un terrible cauchemar, Skunk prend conscience du silence qui l’entoure. Il perçoit sa propre respiration, encore heurtée, mais au-delà il n’y a que du vide. Il n’entend aucun de ces appels qui lui font honte (“Dandy?”), aucune de ces questions habituelles et vides qu’il fuit avec révulsion (“ça va?”), aucune de ces suppositions à l’emporte-pièce qu’il ne supporte pas (“qu’est-ce qu’il t’arrive?”).
Il devrait le vivre comme une chance, une bénédiction. Pourtant, au fond de lui, il y a toujours ce gouffre qui ne se referme pas, cet abîme maintenu ouvert par une émotion familière qui le submerge moins que l’anxiété mais le ronge bien davantage.
Car Bitter ne dit rien.
Skunk pousse sur ses avant-bras pour s’écarter des barreaux. Il se redresse un peu, juste assez pour pouvoir regarder le garçon toujours prostré dans la cellule. Le garçon qui a baissé les yeux, baissé la tête, le garçon qui s’écrase et se recroqueville, le garçon dont le souffle se transforme en sanglots rauques. Le garçon que le Dandy trouve soudain si jeune, si seul, si lointain ; il pourrait le toucher pourtant, Bitter est à portée de bras, juste là, de l’autre côté de la grille. Mais on peut paraitre proche tout en étant terriblement inaccessible. Skunk le sait bien.
“... Bitter?”
C’est à peine plus qu’un murmure, gémi d’une voix aux accents juvéniles que Skunk déteste sans parvenir à les retenir. Parce qu’il ne comprend pas, non. Pourtant il sait. Le trou dans sa poitrine sait.
Le garçon emprisonné ne répond pas et s’enferme encore plus, dans ses propres bras cette fois. Les pleurs qui s’arrachent à sa gorge virent insensiblement aux gémissements, aux râles. Puis aux cris. Plus forts, toujours plus forts, malgré les manches qui s’interposent en bâillon. Ils enflent sans cesse, gonflés d’une douleur indicible. Ils deviennent des hurlements, une plainte atroce et sans fin qui se répand dans le cachot et s’écrase contre les murs humides comme tant d’autres, tellement d’autres avant elle.
Skunk ne dit plus rien, lui non plus. Il tombe simplement à genoux sur le sol en terre battue, juste devant la cellule. Malgré l’Oubli, il se rappelle très bien la dernière fois qu’il s’est agenouillé là, lourdement, avec autant de désespoir. Ils lui ont dit de rester par terre et de quémander, de supplier, et le souvenir est si cruel et si vif que Skunk les voit presque, les deux Sentinelles penchées aux bord de la trappe, et il pourrait les entendre rire si les hurlements de l’Orageux ne l’attachaient pas à la réalité comme le feraient des liens de fils barbelés.
Skunk ne pleure pas. Il ne parle pas. Il ne peut que fixer Bitter, avec l’expression vide et lisse d’un enfant qui vient de tuer quelqu’un par accident.
Une troisième fois, les regrets s’esquissent dans sa tête (ce n’est pas ce que je), mais il les ignore. Il est trop tard pour les excuses. Il est trop tard pour se demander pourquoi, comment, ce qu’il a fait, ce qu’il a dit, ce qu’il a manqué, ce qu’il n’a pas compris, ce qu’il a mal interprété. Le crime est commis, consommé, et son résultat est là, sous ses yeux, dans toute son évidente barbarie : Bitter hurle comme une bête qui crève, Bitter est détruit, explosé, cassé en mille morceaux, et quelle qu'en soit la raison, c’est sa faute à lui. C’est toujours sa faute à lui.
Skunk esquisse un vague geste, tend une main livide vers le garçon écrasé de chagrin et de colère. Il hésite à effleurer sa manche. Des mots dont il n’a pas l’habitude frôlent ses lèvres, il a envie de demander pardon, même s’il ne sait pas de quoi.
Mais Bitter continue de crier, encore et encore, une souffrance qui n’en finit pas, et Skunk prend peur - peur de le toucher alors que son cadet ne le veut pas, peur de l’insulter avec des excuses sans valeur, peur de faire encore pire, peur de gâcher encore plus. Alors, d’un geste raide et douloureux, le Dandy ramène son bras autour de sa poitrine vide.
Lui, il casse. Il ne sait pas réparer.
Il n’a aucune idée de comment consoler l'autre garçon. Il ne sait pas quoi dire, pas quoi faire. Il ne sait même pas si Bitter a envie qu’on l’aide, au final; peut-être qu’il préférerait rester seul avec sa douleur, sans témoin, sans surtout avoir à supporter le responsable de sa détresse, qui reste planté là comme l’idiot destructeur qu’il est.
Mais Skunk lui-même a passé trop de temps à pleurer seul dans le noir, ici. Alors il ne part pas. Il en est incapable. Appropriée ou non, c’est la seule certitude qu’il a : il ne peut pas partir.
“Arrête... s’il te plaît, a... arrête... Je...”
Bitter hurle toujours et Skunk baisse la tête, l’air amorphe, les yeux brûlants de larmes acides. Il ne l’a pas fait exprès? Il a essayé? Il a fait des efforts? Excuses égoïstes, circonstances aggravantes. La vérité, c’est qu’il n’aurait jamais dû descendre dans ce cachot, il n’aurait jamais dû venir emmerder Bitter avec ses scrupules mal formulés et ses états d’âme puérils. Ce garçon s’est jeté entre lui et Stern, bordel de merde! Et lui, tout ce dont il est capable en retour, c’est... c’est...
“Je voulais juste...”
Un sanglot irrépressible lui coupe la parole et lui arrache une brève salve de larmes. Il les essuie avec une rage si perceptible qu’elle en relève de la haine, puis ramène ses yeux clairs sur ce garçon qui ne l’a pas laissé seul, sur ce garçon qui l’a aidé, sur ce garçon en miettes par sa faute, et brusquement il entend ses remords et sa culpabilité crier à sa place :
“Bitter s’il te plaît, s’il te plaît ARRÊTE, JE VOULAIS JUSTE TE DIRE MERCI!”
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| | | Asher O'Flaherty
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Jeu 4 Mar 2021 - 15:35 | |
| Tout s'effondrait autour de lui, et dans sa tête. Il n'avait plus aucune prise sur cette situation ni sur les pensées trop nombreuses, trop variées, trop angoissantes qu'elle lui inspirait dorénavant. C'était comme être pris au cœur d'une tempête qui érodait progressivement sa cohérence générale, valeur fondamentale sans laquelle Bitter n'était plus qu'un tas d'émotions négatives complètement paumées. C'était sa faute. Il aurait dû fermer sa gueule. On ne le comprenait pas quand il ne disait rien, on ne le comprenait pas non plus quand il parlait. Au moins, le silence ne lui faisait pas mal à lui donner envie d'en crever. Tout était inutile, il était stupide d'avoir pensé l'inverse. Sauf que ça l'était pas. Il avait déjà dit pourquoi. Il fallait donner du sens aux choses. Est-ce qu'il en demandait trop ? Ce qui se tenait se tenait, le noir était noir et le rouge était rouge. Ca l'agaçait quand les autres ne le comprenaient pas. C'était encore pire quand Bitter savait qu'ils savaient mais qu'on le pensait stupide au point qu'on puisse le convaincre de l'inverse. Mais peut-être que ça n'était simplement pas important, même si c'était vrai. Il aurait dû s'en rendre compte immédiatement. Peut-être qu'il l'aurait fait, s'il n'était pas complètement demeuré. De toute façon il avait forcément tort. Comment aurait-il pu faire quoique ce fut de judicieux ? Arrogant de sa part de penser qu'il pouvait prendre de bonnes décisions. Il était beaucoup trop con pour ça. Avait toujours été. Dans le long terme, il n'aiderait jamais personne. Il ne prenait que les mauvais chemins et c'était sur Eilish que ça retombait. Il n'était qu'un créateur de chaos qui tentait de se parer de valeurs à la hauteur desquelles il ne serait jamais. Il aurait juste voulu qu'on le comprenne, pour une fois. Il avait senti un truc. Il avait eu l'impression que Dandy le pourrait. Ou peut-être qu'il s'en était stupidement convaincu, parce qu'il avait eu le besoin pathétique qu'on le voie pour qui il était vraiment, et sans lui parler comme à un gosse de trois ans qui croyait encore au père-noël. Mais il ne le méritait pas vraiment, n'est-ce pas ? Qu'on se montre hostile à l'instant où il se dévoilait complètement lui paraissait tristement normal. Alsyd ne voyait qu'une facette. Max ne voyait qu'une facette. Eilish les voyait presque toutes, mais il y avait des choses qu'il ne pouvait pas lui dire. Pour elle, tout devait être parfait. La médiocrité qui se dégageait de la synthèse de ce qu'il montrait et de ce qu'il ne montrait pas valait certainement le mépris autant que le rejet qu'il venait d'essuyer. C'était par sa propre faute s'il était dans cette situation, et il avait entraîné la personne à qui il tenait le plus au monde dans son sillage. Ah. Ca allait tourner en boucle. Stupide. Coupable. Irrécupérable. Bitter n'était plus un corps, mais juste un ouragan de douleur emprisonné, qui tournoyait au sein de limites indéfinies, dont la nature lui échappaient presque entièrement. Il hurlait encore. Ne s'entendait même plus faire. “Bitter s’il te plaît, s’il te plaît ARRÊTE, JE VOULAIS JUSTE TE DIRE MERCI!”Ces cris là en revanche, il les avait entendus. Ils coupèrent si brutalement son disque rayé, ainsi que les processus nocifs par lesquels il s'appuyait toujours plus profondément la tête sous l'eau, que Bitter perdit initialement tout forme de contenance, de réactivité, et jusqu'à la plus basique des compréhensions. Les sons tonitruants devinrent des cris, qui devinrent des mots décousus, qui devinrent une phrase, qui restait hors de sa portée. Le calme était revenu, mais Bitter était évidemment toujours dans un état second. On ne revenait pas de si loin en quelques dixièmes de seconde, moins encore lorsqu'on se heurtait à une incompréhension telle que celle qui venait de l'envahir. Le silence trop profond. L'envie de hurler encore. La conscience venue d'il ne savait où que ce n'était pas à propos. L'envie de sortir un œil d'entre ses bras crispés. L'envie de ne surtout pas le faire, et de rester prostré dans cette position jusqu'à ce que Dandy s'en aille. C'était dur. Ils n'étaient que deux. Il était obligé de réagir, de répondre. Il ne pouvait pas se coller une étiquette "indisponible" sur le front et attendre que le monde tourne sans lui. Pourtant, vraiment, il aurait préféré. Il était perplexe. Il était surtout terrorisé. Ces interactions étaient dangereuses. Il avait peur des réactions qu'entrainerait la moindre action supplémentaire de sa part. Toujours tassé très bas, il prit le temps de se convaincre qu'il ne servait plus à rien de s'égosiller, que s'exploser la tête ou les phalanges sur les murs de la cellule face à Dandy n'avait pas de sens, et qu'il avait de toute façon trop mal à la gorge, trop mal à la tête. Mains serrées contre les barreaux. Front contre ses doigts pour cacher son visage honteux. Regard craintif fermement tourné sur le sol. Il ne pouvait pas parler. Les mots étaient de mauvais alliés. Il venait d'en avoir une cuisante démonstration.Mais les gestes ne suffiraient pas. Pas cette fois. Comment se sortir de cette inextricable situation ? "... Je comprends pas..."C'était vrai. C'était peut-être pour ça que ça avait été presque facile à sortir, malgré son envie de garder le silence pour toujours à partir d'aujourd'hui. Pourtant, il fallait plus et il le savait. "Je comprends pas comment ça peut être vrai."Toujours pas assez. Déjà trop. Ses épaules se crispèrent. Ses mains tremblantes glissèrent sur les barreaux, dans une tentative pour mieux cacher la terreur paralysante qui bloquait toutes ses tentatives à mi-chemin. "Je rate tout ce que j'entreprends, ça mérite pas d'être mentionné."C'était bien tout l'enjeu de leur précédente conversation, nan ? Lui, il l'avait résumé à ça. Il était un échec, qui prenait toutes les mauvaises décisions, sans doute parce qu'il était trop impulsif, incorrigible. Et évidemment trop bête pour mettre en place une stratégie fonctionnelle à long terme quel que fut le domaine envisagé. |
| | | | Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Sam 6 Mar 2021 - 9:51 | |
| Brusquement, c’est le silence.
Skunk lâche un profond soupir, ferme les yeux et se tasse sur lui-même. Il tente de s’appuyer sur ses talons, mais ses jambes glissent un peu malgré lui et il se retrouve vite assis par terre, en tailleur, position familière qui pourtant ne lui apporte que peu de réconfort. Il sait qu’il va salir son pantalon, encore plus que ce dernier ne l’est déjà, mais cette pensée ne suscite en lui qu’un vague dégoût, risible par rapport à tout ce qui a précédé : Skunk s’est bagarré trop fort, aussi bien contre son angoisse suffocante que contre la détresse provoquée par la réaction de Bitter, et à l’intérieur, quelque chose a fini par se briser.
Maintenant, alors qu’il triture sa flasque pour ne pas céder à la tentation de se griffer jusqu’au sang, il se sent juste... creux. Rien qu’une coquille vide saturée d’alcool, où ne surnagent que quelques échos de sentiments et d’émotions. Ce serait presque apaisant, si ce morne mélange ne tournait pas lentement autour du trou noir qui érode toujours sa poitrine, dans une douleur acide qui n’en finit plus.
Il est fatigué. Fatigué de lui, fatigué des autres. Fatigué de savoir ce qu’il veut mais pas comment l’obtenir. Fatigué de connaitre tant de mots et qu’on ne le comprenne quand même pas quand il les utilise. Fatigué de vouloir aider et de seulement parvenir à détruire. Fatigué de ce cycle terne de gâchis et de violence qu’est devenu sa vie, tout en étant conscient qu’il en est responsable.
Fatigué de se savoir intelligent, et pourtant de se sentir tellement con.
Il regrette ce qu’il a dit à Bitter. Chaque mot, chaque phrase. L’Oubli dévore ses souvenirs, mais il n’a jamais touché sa mémoire à court terme, qui est toujours aussi nette, précise, implacable ; elle ne lui épargne aucune de ses erreurs, elle lui rappelle la moindre de ses maladresses. Et jamais elle ne lui révèle ce qu’il aurait dû faire pour ne pas en arriver là. Dans la tête de Skunk, les conversations sont comme ses cauchemars : elles passent en boucle, qu’il le veuille ou non, et quoi qu’il fasse la fin ne change jamais.
Il regrette. Même ce qu’il vient juste de crier. Et lorsque la voix cassée de son cadet glisse jusqu’à lui, ce regret ne fait que se confirmer.
“Je comprends pas... Je comprends pas comment ça peut être vrai.”
Skunk grimace et rentre un peu la tête dans les épaules, misérable comme si Bitter venait de le gifler. Mais il ne dit rien. Il n’y a rien à dire, n’est-ce pas? Depuis le début, malgré ses efforts, il a conscience de n’avoir été qu’inattentif, agressif, péremptoire. Demander à l’Orageux de le croire reconnaissant, après tout cela, ce n’était pas seulement risible, c’était égoïste au point de devenir odieux ; Skunk ne l’aurait pas fait, s’il n’avait pas paniqué et qu’il n’avait pas tellement picolé.
La phrase suivante, cependant, est une surprise.
“Je rate tout ce que j'entreprends, ça mérite pas d'être mentionné.”
Le Dandy lève fugitivement les yeux, pour constater que Bitter est toujours recroquevillé contre la grille de sa cellule, les mains soudées aux barreaux comme un noyé s’accrocherait à sa bouée. Il a gardé la tête baissée, et malgré la pénombre Skunk devine ses cheveux poissés de sang séché. Effondré comme il l’est, l’Irlandais a l’air d’un corniaud qu’on vient de rouer de coups.
Soudain, un éclair de révolte traverse l’épuisement de Skunk et remplit son ventre d’une rage amère. Et sans même réfléchir, il crache:
“Ne dis pas ça. C’est faux. C’est juste faux.”
Dès que les mots passent ses lèvres, il baisse les yeux et se décompose - sainte merde, c’est sorti tellement plus méchant qu’il ne le voulait... Il déglutit, ravale sa colère et sa propre envie de hurler (agressif et péremptoire, n’est-ce pas, pauvre salaud?), puis enchaîne très vite, d’une voix alourdie par l'alcool:
“Comment peux-tu croire que... Tu as cassé la gueule de Stern, merde! De Stern. Pour m’aider moi. Et même si c’était...”
Oh sa mère mais TA GUEULE!
Skunk serre les dents si brusquement et si fort qu’elles en grincent. Il faut qu’il arrête, il faut vraiment qu’il arrête, il a trop bu, il maîtrise encore moins que d’habitude la violence des mots qui passent ses lèvres et il va vraiment finir par causer une catastrophe - si ce n’est pas déjà fait. Mais bon sang, c’est tellement intolérable d’entendre Bitter dire une chose pareille, tellement insupportable qu’il puisse croire que Skunk pense ça de lui, après ce qu’il vient de faire...
Encore une fois, Skunk serre les paupières et inspire par le nez, avec l’impression de le faire à travers une serviette mouillée collée sur son visage. Puis il expire, lentement, laborieusement. Et il lâche sa flasque pour porter ses mains à ses poches.
Avec une vivacité qui contraste avec son soudain silence, il pose une gourde contre la grille de la cellule. Puis un balluchon soigneusement ficelé, d’où monte une odeur de pâtisserie. Puis une tasse en métal cabossé, qui contient une fiole assortie d’une cuillère ; le petit récipient, à moitié rempli d'une poudre brune, est porteur d'une étiquette “ASPIRINE” écrite en cursives nerveuses.
Les mains un peu tremblantes de Skunk retournent enserrer sa flasque, si fort que ses jointures en blanchissent. A aucun moment il n’a redressé la tête.
“... Je suis un connard. Je sais. Mais je paie mes dettes. Je paie toujours mes dettes.”
Il hésite, pas très satisfait de sa phrase. Puis, avec un nouveau soupir, il concède d’une voix vaguement agacée :
“Je suis vraiment venu te dire merci, putain...”
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| | | Asher O'Flaherty
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| Sujet: Re: [Flashback] Des vertes et des pas mûres Sam 6 Mar 2021 - 13:12 | |
| Un éclat de lumière inattendu vint percer le brouillard oppressant par lequel Bitter était en train de se faire écraser tout entier, de ses poumons jusqu'à sa boîte crânienne qui lui donnait l'impression d'être sur le point d'éclater physiquement comme mentalement. “Ne dis pas ça. C’est faux. C’est juste faux.”Le perdu voulait se persuader qu'il n'avait besoin de la validation de personne. C'était vrai dans la plupart des cas : il savait ce qu'il voulait. Il savait ce qu'il faisait. Il agissait de sorte à être en accord avec lui-même, fidèle à des principes qu'il ne lui serait habituellement pas venu à l'idée de remettre en question. Peu lui importait qu'on soit d'accord ou non avec lui. Peu lui importait ce qu'on pensait de lui. Mais sans ces valeurs autour desquelles il s'était construit, en réaction à l'injustice hideuse du monde dans lequel il macérait tristement, Bitter n'était plus grand chose d'autre qu'un gamin paumé, nostalgique, qui regrettait quotidiennement l'erreur de jugement faute à laquelle il avait foutu son existence ainsi que celle de sa sœur en l'air. Un gamin sur la tête duquel on avait appuyé toute sa vie, aussi loin qu'il s'en souvienne, mais aussi avant qu'il s'en souvienne, justement. On aurait pu se dire que l'Oubli était au moins une bénédiction pour une chose : il effaçait les passés difficiles. On aurait pu croire qu'il permettait de faire table rase, et d'avancer sans ses casseroles. Peut-être que c'était vrai pour certains. Pas pour Bitter. Les casseroles restaient. C'était encore pire, en un sens, de ne pas savoir d'où elles venaient, et de les entendre constamment tinter à ses oreilles sans pouvoir en cerner l'origine exacte. On ne peut pas trop lui en demander. Ce ne sera pas à sa portée.Si vous n'étiez pas nés, tous les deux, tout irait mieux. Il ne l'entendait pas vraiment. C'était comme une mélodie lointaine. Une impression sans mots. Un échec. Une rature irrécupérable. Bitter était un sous-estimé chronique. Ca venait des autres, et ça venait de lui-même. Condamné à passer pour un idiot, à se battre pour montrer qu'il ne l'était pas tant que ça, même si dans le fond il était le premier à se croire bête et incapable de faire le moindre vrai truc correctement. Non, Bitter n'avait habituellement besoin de la validation de personne. Sauf qu'en cet instant, il n'arrivait plus à résister à la pression qu'on lui mettait constamment et qu'il se mettait constamment. Sauf, aussi, que Dandy n'était simplement pas un "autre" parmi tous ces autres auxquels il ne s'intéressait pas vraiment, pour se protéger de l'amertume que lui inspirait tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il entendait. L'Orageux ne comprenait décidément pas pourquoi il ressentait comme si important l'avis que cette tête de pioche pouvait avoir de lui. Peut-être que Dandy lui rappelait un peu Eilish, sur certains points. Oui, peut-être que c'était juste ça. Bitter n'avait pas de mots ni de concepts pour décrire les émotions étranges et dérangeantes par lesquelles il était traversé. Il n'avait jamais parlé à Dandy seul à seul, avant. Ca lui foutait une pression monstrueuse. Que ça se passe si mal avait tout fait voler en éclats. A tel point qu'il n'était plus cohérent, il oubliait la base et se perdait dans des détails qui tournaient en rond, qui formaient des boucles infernales de logique déformée, fausse, dont il n'arrivait plus à se sortir, entre les murs de laquelle il était écrasé, renvoyé comme une balle de flipper par l'immense dépréciation qu'il se vouait, et qui était habituellement cachée sous des couches et des couches de mécanismes de protection. Toutes ces couches que Dandy avait détruites sans le vouloir en usant du langage comme d'un marteau terrible. Mais là, on perçait un trou par lequel il allait peut-être réussir à sortir. Ne dis pas ça. C’est faux. C’est juste faux. Et Bitter avait relevé la tête pour croiser le regard du récolteur, pour le soutenir, pour tenter de s'y accrocher. Pas évident, sachant que Dandy avait justement baissé les yeux au même moment, mais il essayait. Il avait eu besoin qu'on lui dise ça, et que ce fut sur un ton qui lui secouait les puces aidait aussi. Il fallait au moins ça pour qu'il parvienne à sortir du recoin sombre de sa tête où il était encore perdu, même s'il avait cessé de hurler sa douleur inarticulée. Son visage frémissant, les tics dont il était encore pris régulièrement, étaient autant d'indices qui l'exprimaient : il était encore au cœur de cette tempête qui noyait sa rationalité. Mais il voyait la sortie. Il essayait de s'en approcher. Il plaqua encore son visage sur les barreaux, ferma les yeux, tenta de souffler, même si c'était laborieux. Faux. L'émotion était fausse. Ou en tous les cas pas entièrement vraie. Il ne voyait plus la situation d'ensemble. Il fallait qu'il revienne à plus simple. Plus global. Il appliquait le particulier au général. Erreur de raisonnement cruelle, vautrage lamentable, et donc noyade. Calme toi et réfléchis. Reviens aux bases. Tu sais plus où t'en es, là. C'est normal si ça rime plus à rien. Ca ira mieux si tu te... il essayait si fort de se convaincre que certains mots sortaient peut-être marmonnés, mal articulés, entre ses lèvres. "Et même si c’était...”Demi-phrase qui aurait pu être une nouvelle catastrophe verbale si elle avait été menée à son terme et qui déjà provoqua quelques malheureux dégâts, car Bitter cessa immédiatement de nager vers la surface. Ses épaules se crispèrent. Il rentra inconsciemment sa tête entre elles et s'asséna tout seul des suites qu'il imaginait sans mal, en se basant sur leurs échanges précédents : "... Stupide. Insensé. Embarrassant. Encombrant. Inutile." Mais Dandy n'était pas allé jusqu'au bout. Il s'était arrêté. Ca valait quelque chose. Ca voulait dire quelque chose, même si Bitter craignait qu'il pense tout ça de lui et qu'il ne se soit stoppé que parce qu'il avait eu pitié. Ca lui crevait le cœur à lui donner envie de chialer à nouveau. Mais ça valait quand même quelque chose, qu'il ait décidé de tenir sa langue, hein ? Il avait dit que c'était faux. Ca devait vouloir dire que Bitter avait quand même fait quelque chose correctement. Au moins un peu. Allez. Quelques mètres encore à parcourir. Juste encore un effort pour pouvoir respirer. Bitter avait cassé la gueule de Stern. Ca, il savait bien faire, taper. Mais ça, tout le monde le savait. C'était pas pour rien qu'on lui collait l'étiquette "brute écervelée" sur la gueule. Sauf qu'il n'avait pas agi sans raisons. Il n'agissait jamais sans raisons, à moins que la rage qu'il avait dans le ventre bouillonne et l'aveugle au point de lui faire oublier toute forme de prudence. Mais pas là. Il avait hésité longuement. Il avait réfléchi, pesé le pour et le contre, jusqu'au moment où ça n'avait plus été possible. Il avait fait un choix conscient, qui se justifiait, qui lui correspondait, qu'il avait été prêt à assumer jusqu'au bout. Que Dandy remette en cause sa capacité de jugement l'avait profondément blessé. Il était capable de prendre ses propres décisions. Il n'avait pas attendu de lui qu'il soit d'accord avec, ni même content - après tout, Bitter l'avait empêché de mener ses propres plans à exécution - mais il aurait voulu qu'on respecte son point de vue plutôt que de vouloir lui imposer une autre vision des choses. ... Mais n'en était-il pas venu à la conclusion que ce n'était pas tout à fait ce qu'il s'était passé, finalement ? Peut-être. Bitter n'était plus sûr. Dandy lui avait dit qu'il ne le prenait pas de haut, mais est-ce que ces choses là étaient forcément conscientes ? Ils n'avaient pas le même point de vue. N'étaient pas sensibles aux mêmes détails. Pourtant, l'Orageux s'était dit qu'il avait mal interprété. Il avait accepté l'erreur. Pensé que c'était derrière eux. Changé d'approche. Ca n'avait pas marché. Il s'était pris un coup d'une violence inouïe, qu'il n'avait pas vu venir. Qu'est-ce qu'il avait manqué ? Pourquoi est-ce que ça s'était passé comme ça ? Est-ce que ça avait seulement quelque chose à voir ? Si ça se trouve il mélangeait tout à tort. Il avait raté des trucs. Beaucoup de trucs. Peut-être que ça ne faisait que donner l'impression d'être relié, parce que dans les deux cas on lui avait reproché d'énoncer des évidences. Trop bête pour faire mieux.Ca partait dans tous les sens. Bordel ce qu'il avait mal à la tête. Ce n'était plus des pensées, c'était un vase cassé qui se répandait et c'était jusqu'à la sensation de posséder une identité qui voulait se faire la malle avec. Qui était-il ? Une coquille vide, ou bien ce brouillard sans queue ni tête, en permanence en train de se réarranger, de disparaître, ou de transparaître ? C'était un peu la même chose, nan ? C'était du rien. Du rien qui prenait beaucoup de place et qui se donnait l'air d'être très touffu et mouvant alors que dans le fond, c'était juste le vide qui résonnait trop fort. Ca avait pu être très court ou bien très long. En cet instant, Bitter aurait déjà perdu la notion du temps si le temps existait encore. Il regardait Dandy sans ciller, cherchant à revenir à lui, réussissant, mais pas sans se perdre dans cette confusion paralysante. Ce furent des gestes et des mots simples qui lui permirent d'en sortir un peu, d'embrayer, de redonner un peu plus de clarté à la réalité. Simples, oui, mais loin d'être anodin dans les deux cas. Aux cadeaux, il ne s'était vraiment pas attendu. Il n'attendait rien de la part de Dandy. Il n'attendait généralement rien de la part de personne. Il était bêtement touché, même si c'était encore un élément de plus qu'il n'arrivait pas à recoller avec le reste. Ca aurait été embarrassant autant que ça lui aurait fait plaisir si jamais il n'avait pas été trop explosé pour ajouter de l'embarras au-dessus de son désordre. Puis vint donc une déclaration qui rendit tout beaucoup plus limpide. Bitter n'eut pas un seul instant d'hésitation. La réponse sortit avec une spontanéité sur ressort, tellement ce qu'il y avait à en dire lui paraissait évident. "... T'es pas un connard. Y a beaucoup trop de connards, ici. T'en fais pas partie." Le reste était un peu moins évident, Bitter n'était pas sûr de savoir le formuler sans accidentellement mettre le pied sur une nouvelle mine. Il marqua donc une brève hésitation. "Tu me devais rien. Selon moi, je veux dire. Je comprends que tu le voies pas comme ça." ... preuve supplémentaire qu'il n'était pas un connard du tout. Les vraies ordures n'avaient pas ce genre de scrupules. "Mais je voulais juste dire... J'ai juste fait ce qui me semblait normal. Mais... Je sais pas comment... Bref. Merci."Termina t-il maladroitement, les yeux rivés sur les présents inattendus, qui trouvaient plus de valeur dans leur existence seule que dans l'utilité qu'il allait pourtant très vite en avoir. Je suis vraiment venu te dire merci, putain...Cette phrase avait pu être prononcée maintenant, ou plus tôt. Elle continuerait de toute façon de résonner un moment dans la tête du gosse de déjà beaucoup trop de fois douze ans, car elle mettait en valeur l'une des énormes failles qui trouaient la compréhension de Bitter. Pourquoi Dandy serait-il venu le remercier s'il pensait que Bitter n'avait fait que lui mettre des bâtons dans les roues en se mêlant de ce qu'il ne le regardait pas ? Pour saluer l'intention ? Nan. Il serait pas descendu ici juste pour ça. Puis il y avait d'autres trous, d'autres failles. A un moment, ils avaient déraillé sur des voies parallèles, c'était pas possible autrement, parce que là ça n'avait aucun sens. Bitter soupira et fit un effort gigantesque pour essayer de transformer le nuage de pensées volatiles avec lequel il devait composer en phrases valables, suffisamment peu équivoques, espérait-il, pour que ça ne reparte pas direct en steak. Ca valait le coup qu'il essaie encore. La chaleur douloureuse qui réchauffait sa poitrine à vif transformait l'envie en nécessité. "... J'aime pas parler. J'aime vraiment pas ça. C'est jamais assez exact, ou bien trop incomplet. Ou inintéressant. Je sais pas faire, c'est pas mon truc, alors c'est pas étonnant si... Enfin. Mais je comprends rien, là. J'peux pas laisser ça comme ça, sinon ça va me bouffer. Comment on en est arrivé là ? Pourquoi ça s'est passé comme ça ? Je voulais pas que ça se passe comme ça."Il avait même souhaité tout l'inverse. |
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