Sujet: Delirium Tremens [Flashback] Sam 12 Déc 2020 - 20:21
---[Flashback] - Intrigue 4 - La Canicule---
- Delirium Tremens -
I remember when, I remember I remember when I lost my mind
Il a chaud. Beaucoup trop chaud. Et c’est à peu près la seule chose dans sa tête qui a du sens.
L’air est sec, avec un goût cramoisi, comme sorti d’un four; c’est une masse presque tangible qui écrase sa peau poisseuse de sueur, brûle ses narines à chaque inspiration, carbonise ses lèvres parcheminées et sa gorge à vif. Au-delà de l’odeur âcre de sa propre transpiration, il perçoit un parfum désagréable, qui lui rappelle le caoutchouc fondu et lui évoque un feu électrique, quelque chose de dangereux, quelque chose à fuir. Non loin, il entend quelqu’un qui sanglote, une autre voix qui gémit. Et tout à l’arrière de son crâne, un rire d’enfant qui tintinnabule joyeusement.
Autour de sa poitrine, il y a comme un étau familier.
Qu’est-ce qu’il s’est passé?
Il lutte pour ouvrir les yeux. Il lutte vraiment, avec une intensité aussi ridicule que terrifiante - ses paupières ne devraient pas être aussi lourdes, elles ne devraient pas coller comme ça. Et quand enfin il parvient à ses fins, ce n’est que pour trouver encore plus de rouge, sombre mais toujours brûlant, qui éclabousse un plafond de bois qu’il ne reconnait pas.
Lentement, son regard vitreux glisse sur le côté, devine un drap tendu en une cloison de fortune, et au-delà les contours d’une vaste pièce circulaire. Un espace connu, à défaut d’être rassurant, et - c’est l’infirmerie, oui, oh merci, enfin un déclic, enfin une information. Mais il reconnait à peine le lieu tellement il est encombré, jalonné de hamacs et de couchettes de fortune, surpeuplé de gamins de tous âges... qui ont tous l’air beaucoup trop calmes.
Il a comme un goût de sang dans la bouche. Il veut déglutir, mais sa langue est engourdie, vaguement douloureuse, et de toute façon il n’a plus l’air d’avoir beaucoup de salive en réserve.
L’étau fermé sur son torse se resserre d’un cran.
Qu’est-ce qu’il s’est passé?
Il essaie de réfléchir, de comprendre ce qu’il fait là, comment, pourquoi. Mais sa tête aussi lui fait mal - deux clous rouillés, plantés juste derrière ses yeux - et ses pensées sont dissolues, éparpillées comme des billes qui seraient tombées de leur sac pour rouler aux quatre coins de la pièce. Tenter de les rassembler est un effort abominable et soudain il réalise qu’il ne sait plus rien, qu’il ne se souvient de rien, que même son foutu nom lui échappe, perdu dans un brouillard de fièvre et de douleur.
Trois crans de plus sur l’étau, et il commence à avoir du mal à respirer.
Mais tout ça n’est rien, absolument rien comparé au moment où il veut porter ses mains tremblantes à son visage, frotter ses yeux embrumés, décoller de son front ses cheveux trempés de sueur, masser ses tempes douloureuses... et qu’il n’y arrive pas.
Malgré ses innombrables courbatures, il parvient à soulever la tête, et son regard glisse sur son torse dénudé (est-ce qu’on a toujours pu compter ses côtes à ce point-là?) pour aller buter sur les sangles de cuir qui encerclent ses poignets. Des ceintures, ni plus ni moins, nouées aux rebords en bois de sa paillasse. On les a enveloppées de tissu, sans doute pour adoucir leur étreinte, mais lui sent bien les hématomes qu’elles ont laissé sur ses avant-bras, il les distingue même dans la pénombre ambiante - violacés, presque un peu jaunes, déjà.
On l’a attaché. Quelqu’un l’a attaché.
Et ça fait un moment.
MAIS QU’EST-CE QU’IL S’EST PASSE BORDEL DE MERDE?!
Même si cela ne sert à rien, il tire sur les liens, et s’entend gémir doucement quand ils ne cèdent pas; allez allez, du calme, ce... ça va aller. Il y a une explication. Il y a forcément une explication, et il va la trouver, il lui faut juste un peu de temps, un peu de contexte, quelques indices, et ça va aller, respire bon sang respire.
Une longue inspiration vacillante, par le nez. Puis il essaie d’appeler.
“ H... ”
Sa voix casse instantanément.
Ne panique pas, et respire.
Il lui faut plusieurs essais pour finalement produire une parole audible, qui râpe ses cordes vocales comme si ces dernières n’avaient pas servi depuis des lustres... ou qu’au contraire, elles avaient beaucoup trop servi, et bien trop fort.
L'air est lourd, pesant. Owl est assis sur sa chaise depuis deux secondes à peine qu'on l'appelle déjà. Dans l'infirmerie qui est devenue un four, c'est de la folie. Trop de patients, trop peu de moyens. C'est moche, mais heh. Qu'y peuvent-ils ? Owl soupire, et repense à cette petite virée avec Rainbow qui lui avait montré la rivière. C'était un coin sympa, et si on lui en avait laissé l'occasion peut-être que la chouette y serait retournée. Sauf que voilà : entre temps, les choses ont empirées. Et maintenant ? Oh maintenant c'est comme d'habitude : la course pour essayer de gérer une merde poisseuse qui refuse de s'arranger.
Le Masseur ne masse plus vraiment, il n'en a pas le temps ou à peine. Sa salopette portée à meme la peau le colle avec la transpiration alors qu'il fait une nouvelle ronde pour s'assurer que tout le monde a de quoi boire. Au moins un peu. Heureusement qu'ils sont prioritaires sur l'approvisionement des livreurs, sans ça les choses seraient compliquées.
Owl venait de finir sa ronde quand il entend une voix...... Qu'il n'avait pas entendu être aussi posée depuis un moment. Tirant le rideau, le soigneur passe sa tête et contemple ce merveilleux désastre qu'est Dandy. Merveilleux, parce qu'en vie, et de nouveau lui-même. C'est que tu as gardé l'infirmerie animée et vivante, toi aussi. Tu les as bien tous fait flipper. Owl étant celui qui avait géré le début de ta crise, il avait insisté pour te prendre en charge et garder un oeil sur toi. La flemme de réexpliquer ton cas trente six mille fois. Meme si quelques autres l'avaient aidé malgré tout parce que vraiment, gars. Tu as été un taf à plein temps.
- Oy. Moi c'est Owl. Comment tu te sens ?
C'est dit avec un léger sourire qui anime un peu sa gueule épuisée. Oh, il se doute que tu te sens comme de la merde, très honnetement. Fallait voir le spectacle que tu leur as fait, un grand numéro ! Mais bon, maintenant que tu peux utiliser ta voix pour autre chose que brailler comme un putois, peut-être que tu peux l'aider à ta mesure. Faut dire que ton cas, il n'en a pas vu tous les jours. Est-ce que d'ailleurs tu te souviens de tout ca ? Ou pas du tout ?
- Tu as fait une sorte de crise, on a du t'attacher sinon tu risquais vraiment de te faire mal. Evite de trop bouger, d'ailleurs. Mieux vaut que tu te reposes.
T'as l'air d'etre revenu à toi, alors la chouette s'approche pour te libérer de tes entraves. Rapidement, il te libère. Une moue agacée en voyant les marques qui ornent ta peau, mais il n'y a malheureusement pas grand chose à faire pour ça. Une fois cela fait, il te fait signe de ne pas bouger. Gardant machinalement une main au-dessus de ton torse pour t'empêcher de te lever si tu devais être assez con pour essayer, il ouvre le rideau de son autre main et appelle un soigneur qui passe par là et lui demande de lui apporter de l'eau. C'est pas un truc qui pourra te faire du mal, pas vrai ?
- Tu te souviens de quelque chose ?
De tes crises ? De ta venue ? De où tu es ? Se réveiller attaché doit être plutôt flippant, d'ailleurs. Owl est un peu désolé pour toi qu'ils aient dû en arriver là.
Quand on le fait habituellement chier mais qu'on a soudain un service à lui demander..:
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Sujet: Re: Delirium Tremens [Flashback] Mer 20 Jan 2021 - 14:03
Son appel, aussi vacillant soit-il, provoque rapidement du mouvement derrière la cloison de tissu. C’est heureux, parce que l’étau qui écrase sa poitrine ne s’ouvre plus, que chaque inspiration est devenue un effort, qu’il sent monter cette impression familière et atroce qu’il va juste finir par arrêter de respirer et mourir, et qu’il a vraiment, vraiment besoin que quelqu’un vienne, lui explique, le détache, tout de suite!
Le rideau s’écarte un peu, révélant la tête d’un grand adolescent échevelé qui donne au mot “épuisement” des allures d’euphémisme. Ses cheveux sombres en pagaille, mal retenus dans un chignon qui évoque un nid d’oiseau parkinsonien, et ses yeux clairs ensevelis dans les cernes ont un air vaguement familier, sans pour autant que le plus jeune des deux Perdus ne parvienne à les situer. Il lui faut voir la salopette du Soigneur, une espèce de sac informe et sans âge qui est une insulte à la définition de vêtement, pour avoir finalement quelques réminiscences d’une grande silhouette courbée, entrevue pendant les nuits trop longues qu’il a passées là, dans un hamac, à se remettre d’un énième cassage de gueule en règle.
Il se rappelle de l’Arène. Ça n’aide pas.
“Oy. Moi c'est Owl. Comment tu te sens ?”
Malgré toute l’angoisse qui l’écrase et l’étouffe, malgré son cerveau qui refuse de redémarrer, il se surprend à lancer un regard sobrement scandalisé au Soigneur, mélange épuisé de stupeur et d’indignation : comment il se sent? Comment il se sent?! Il est ravagé, exsangue, brûlant de fièvre, il a mal partout, il est poisseux de sueur, il ne porte qu’un caleçon trop grand qui n’est même pas le sien, il ne sait pas comment il est arrivé là, pourquoi il est dans un tel état, il ne se rappelle pas de son propre nom... et l’autre grand con lui demande comment il se sent?
Mais la colère demande une énergie qu’il n’a pas, et ce n’est pas une priorité. Soupirant avec le peu de souffle qu’il lui reste, il referme les yeux, prend une seconde pour rassembler ses rares pensées cohérentes. Puis, par réflexe, il tire sur les ceintures qui retiennent ses poignets et croasse plus qu’il ne murmure:
“P... Pourquoi... que...”
“Tu as fait une sorte de crise, on a du t'attacher sinon tu risquais vraiment de te faire mal. Evite de trop bouger, d'ailleurs. Mieux vaut que tu te reposes.”
Il cille plusieurs fois, l’air perdu: une sorte de crise? Comment cela, une crise d’angoisse, une crise de panique? Il en a fait des gratinées (comme celle dans laquelle il s’embarque de plus en plus nettement, par exemple...), mais aucune qui l’ait emmené à l’Infirmerie... Du moins, il ne le croit pas?
Qu’est-ce qu’il s’est passé qu’est-ce qu’il s’est passé qu’est-ce qu’il s’est passé
Il a envie de le crier, de le hurler, mais toute son énergie est accaparée par le simple fait de respirer et de ne pas perdre le misérable contrôle qu’il lui reste. Il en oublie même de demander à ce qu’on le détache, ce que Owl fait heureusement remarquablement vite.
A peine libéré, indifférent à la main qui le survole pour prévenir un lever intempestif, il se glisse sur le côté, dos au mur, et se recroqueville sur lui-même autour de cette poitrine douloureuse qui n’en peut plus de chercher de l’air qui n’existe pas. Il essaie de s’obliger à inspirer, profondément, mais au fond il sait que c’est trop tard, il sent bien que ses poumons brassent du vide, trop vite, que tout est en train de se mettre à tourner.
Comment il se sent, Owl? Mal.
“Tu te souviens de quelque chose ?”
Avec un gémissement, il porte les mains à ses tempes en feu, comme si cela allait arranger quoi que ce soit à son impression que son crâne est sur le point d’éclater.
“Non. Rien. Rien du tout.”
Un sanglot rageur lui apprend qu’à un moment, son corps desséché a quand même trouvé le moyen de se mettre à pleurer. Il s’en fout. Rien n’a de sens, il ne respire plus, et il ne sait pas quoi y faire à part se rouler en boule et attendre que le cauchemar passe... s’il doit passer un jour.
Jamais, jamais il n’a eu à ce point envie d’alcool.
“Qu’est-ce que... qu’est-ce qu’il... s’est...”
Sa poitrine se bloque complètement, et il ne peut plus parler.
Le regard scandalisé que tu lui lances alors qu'il te demande comment tu te sens pourrait presque lui arracher un sourire. C'est que tu es bien plus conscient que tu ne l'as été ces derniers temps, et quelque part ça fait plaisir. Même si tu as une mine ravagée. Pour une fois que quelqu'un a une plus sale gueule que lui..
Owl ne perd pas de temps pour te détacher, t'expliquer ce qui s'est passé brièvement. Tu bredouilles des questions auxquelles il aimerait répondre mieux que cela. Mais comment résumer tout ce qui s'est passé depuis ton arrivée ? Ou plutôt : comment le faire sans que ça ne rende les choses encore plus terrifiantes pour toi ? Owl a rarement, voire jamais, vu quelqu'un hurler et se débattre ainsi. Ou convulser de cette manière, ou avoir ce genre de symptômes tout court. Et ce n'est certainement pas quelque chose qu'il oubliera de sitôt.
Aussitôt libéré, tu te recroquevilles sur toi même, dos au mur. Incertain un bref moment de quoi faire pour t'aider, Owl te fixe avec un air un peu désolé. Il aimerait savoir ce qui se passe et pouvoir t'assister. Mais une fois de plus c'est un rappel amer que les moyens du bord et leur savoir sont au mieux imparfaits, au pire terriblement lacunaires.
Dans son dos, un mouvement. La main toujours en garde-fou par précaution, le Masseur se retourne pour voir son collègue Steam avec un pichet d'eau, une tasse en métal cabossé et quelques bandes de tissu pour faire compresse. D'un geste de la main, Owl lui fait signe de poser le tout dans un coin de l'espèce de guéridon non loin avec un signe de tête en remerciement. L'autre soigneur allait s'en aller quand la chouette se ravise au dernier moment et lui fait signe discrètement. Avec un hochement de tête vaguement hésitant, le blond s'éloigne vivement. Ca laisse au serbe l'occasion de se tourner à nouveau vers toi.
Tu lui fais un peu mal au cœur, quand même.
- Pour l'instant, on va surtout essayer de te retaper, hein ?
Se penchant -non sans te garder à l'oeil autant que possible, Owl attrape une compresse et fait couler un peu d'eau dessus. La chaleur empoisse l'air, mais au moins peut-il essayer de te rafraichir un peu comme ça. Idéalement, il faudrait qu'il arrive à te faire boire, aussi. Mais es-tu seulement en état de t'asseoir ? Rien n'est moins sûr. Au moins peut-il poser le linge sur ton front brièvement, même s'il faut le maintenir. Vu ta position, s'il lâche le tissu se cassera la gueule de toute façon.
- Un truc à la fois. On peut causer après.
A nouveau, Owl entend Steam arriver et poser quelque chose sur le petit meuble. Un vague remerciement de tête, et le froissement du rideau lui confirme que le soigneur est déjà reparti. Ce n'est pas comme s'ils avaient le luxe de s'ennuyer.
- Quand tu le sens, on va essayer de te redresser, ok ?
Sa main libre se pose doucement sur ton épaule. Prêt à crocheter ton dos sous la nuque pour te soutenir quand tu te sentiras de t'installer de façon un peu plus pratique. T'es pas le premier gosse trop faible avec qui il fait ça, et pas le dernier. Y en a toute une floppée qui l'attend derrière ce foutu rideau. Mais une chose à la fois, pas vrai ? Un gosse à la fois. L'urgence des autres attendra son tour, tu reviens de trop loin pour qu'il te laisse déjà.
D'abord, te calmer et te filer un truc pour t'aider. Même s'il en entendra sans doute parler plus tard. Tant pis, ça ne serait pas la première fois qu'il laisse des mots lui glisser dessus, après tout. C'est pas vraiment qu'il aime faire ce qu'il va faire, mais les plantes y en a plus vraiment. Les trucs calmants, les anti-douleurs, les baumes.. Beaucoup de trucs manquent à l'appel. Reste les substituts, plus ou moins efficaces. Et puis dans ton cas, il n'est pas question que de ça, pas vrai ?
Avec un soupire mais sa main toujours sur ton épaule, Owl se détourne de toi un instant. Un bruit de liquide que l'on verse, et le voilà qui te tend la tasse. C'est définitivement pas de l'eau.
- Tout le monde n'aime pas le goût, mais ça peut aider à te calmer.
Il faudra que tu boives de l'eau ensuite, oui, et que tu te reposes. Et que cette foutue Canicule se calme, accessoirement.
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Sujet: Re: Delirium Tremens [Flashback] Jeu 28 Jan 2021 - 19:56
Le monde a rétréci, encore et encore, jusqu’à se résumer à ce corps malade et tremblant dans lequel il se sent enfermé, étouffé, écrasé. Paupières serrées sur ses yeux brûlants, ongles enfoncés dans son cuir chevelu, il a renoncé à parler, renoncé à comprendre. Il essaie juste de continuer à respirer, de casser l’hyperventilation pour forcer un peu d’air au fond de sa cage thoracique incandescente, mais même avec sa mémoire en ruines il sait que c’est mauvais, très mauvais, que c’est le genre de crise où il risque de tourner de l’oeil bien avant de pouvoir se calmer spontanément, et cette certitude ne fait qu’aggraver les choses, épaissir encore la panique qui obstrue sa gorge, alourdir l’angoisse qui pèse sur lui comme une chape de bitume.
C’est trop. Trop intense, trop massif. Comme cela ne l’a pas été depuis des années.
Il ne sait pas quoi faire.
Il ne peut rien faire.
Il est si loin, si profondément perdu dans sa propre détresse que c’est un véritable choc quand un élément extérieur parvient soudain à s’y infiltrer - quelque chose de frais et humide, contre son front incendié. Il tressaille et gémit, mais il est bien trop en miettes pour pouvoir se dérober. Hagard, il entrouvre les yeux. Le monde s’élargit brusquement, englobe à nouveau la couchette sur laquelle il s’est roulé en boule... et le garçon qui s’y est assis avec lui. Le garçon qui le regarde d’un air inquiet, tout en maintenant sur son visage la compresse détrempée qu’il y a posée.
“Un truc à la fois. On peut causer après.”
Quelque chose en lui cherche à ressentir de la honte, à être mortifié qu’on le voie dans cet état, pathétique, en morceaux. Mais quand son regard injecté de sang et brouillé de larmes acides croise celui du Soigneur, bizarrement, le sentiment d’humiliation passe à l’arrière-plan. Il connait à peine Owl et pourtant il se rappelle de ces yeux là, fatigués mais doux, qui se préoccupent sans juger, qui s’impliquent sans envahir. Il les a déjà vus, longtemps auparavant, au fond de la forêt; un jour où il aurait dû mourir et où quelqu’un l’a sauvé, de toutes les façons qui importent.
De manière discrète mais perceptible, sa respiration ralentit.
“Quand tu le sens, on va essayer de te redresser, ok ?”
Tant bien que mal, il hoche la tête. Lentement, ses doigts tremblants se décalent pour appuyer sur le linge posé sur son front - quelques gouttes tièdes s’en échappent, coulent sur ses tempes et son visage, et il referme les yeux avec un infime soupir. La main de Owl sur son épaule lui tire un autre frémissement et son dos se tétanise, mais encore une fois il ne se dérobe pas. Pas la force. Pas vraiment l’envie non plus, en fait; bien que beaucoup trop intime à son goût, le geste est délicat, sans ambiguïté ni menace. Cela ne le rend pas vraiment agréable - impossible, pas alors que lui se sent aussi faible et abominablement vulnérable. Mais c’est... acceptable.
Sans trop savoir comment, il pousse sur sa main qui ne retient pas la compresse et avec l’aide de Owl il parvient à se hisser en position assise. Sa tête tourne, et sa première impulsion est de la laisser retomber sur ses genoux, qu’il a ramenés contre sa poitrine toujours à l’agonie. Mais un geste du Soigneur le pousse à garder les yeux levés: l'adolescent lui tend une vieille tasse en métal.
“Tout le monde n'aime pas le goût, mais ça peut aider à te calmer.”
Sans comprendre, il agrippe le gobelet comme il le peut, en essayant de maîtriser ses tremblements le temps de ne pas tout renverser. Il le porte à son visage, jette un coup oeil à l'intérieur.
Et l’odeur de rhum explose dans sa tête.
Trop chaud, trop longtemps, plus d’eau, plus de fruits, plus rien, et il ne peut pas rester comme ça il va devenir fou, il ne dort plus, il tremble, il voit des choses, des choses qui n’existent pas, et son alcool à brûler ne suffit pas, on dirait même qu’il empire son état, et ils ont des réserves à l’infirmerie il le sait, il y passe assez de nuits, il a bien fini par remarquer le manège de Soul, et merde il leur en donne ils lui doivent bien ça il faut qu’ils l’aident il
Jugulant comme il le peut sa respiration hystérique, il prend une gorgée. Elle arrache tout sur son passage, de ses gencives asséchées à sa gorge à vif en passant par la plaie de sa langue. Même son estomac, vide depuis trop longtemps, se contracte et s’indigne. Il lâche un râle de douleur, mais c’est bref, infime, parce que la souffrance est négligeable comparée au plaisir, au bonheur que c’est de sentir ce goût dans sa bouche, cette chaleur dans sa poitrine et son ventre, parce qu’il sait déjà que cela va lui monter directement à la tête, il sait déjà le soulagement, la paix que ça va être.
Et il descend le reste de la tasse cul sec.
Skunk.
Peter Pan l’a appelé Skunk. Parce que ça rime avec “drunk”.
Peut-être que ce petit salopard n’a pas si mal compris ce à quoi son nouveau Perdu se résumait, finalement.
Ca fait de la peine à voir, que tu sois dans cet état. Mais Owl ne peut pas s'empêcher quelque part de ressentir du soulagement : tu es de nouveau toi-même. Tu vis, tu respires, tu es conscient. C'est mieux que pas mal d'autres gosses ces derniers temps, et la chouette essaye de se racrocher à ça pour rester à flot dans cette mer de mauvaises nouvelles. Te voir assis est, quelque part, une victoire contre cette canicule de merde.
Quand Steam lui amène l'alcool, Owl sait déjà que celui-ci dira tout si Soul demande pourquoi il y en a moins en stock. Pas que le soigneur ne veuille du mal à la chouette : il n'est juste pas à l'aise à l'idée de faire un truc que le chef déconseille ou veut garder sous son contrôle. Steam obéit, Steam est sage, mais Steam n'a pas beaucoup d'esprit d'initiative. Un suiveur, en somme. Le Masseur s'en moque : les critiques du boss lui glissent dessus. Les deux épaves ont leur sujets de désaccord, et le serbe n'a pas beaucoup de scrupules à faire ce qu'il lui semble bon pour les patients plutot que de jouer au bon petit toutou. C'est une attitude à double tranchant, ceci dit, mais pour le moment ça reste gérable. Et puis quelque chose d'autre aide, tristement : l'infirmerie est trop animée pour que le chef ait le temps de tout contrôler personnellement.
Sans surprise, tu peines à rester en position assise et attraper la tasse métallique. Sans surprise, tu ne rales pas une seule fois contre le goût du breuvage et au contraire tu l'engloutis en deux gorgées avides.
Owl sait que c'est une pente dangereuse à dévaler. Mais il a également conscience que parfois la meilleure aide à donner n'est pas nécessairement une solution idéale. Le Masseur guette ta réaction, ton état, à l'affut d'une merde hypothétique en approche. Récupérant ton godet tout en gardant un oeil sur toi, la chouette y verse maintenant de l'eau. T'hydrater est important, meme si leurs stocks sont limités. Avec un peu de chance, tu vas pouvoir t'apaiser un peu, et te reposer dans de meilleures conditions que lorsqu'il avait fallu t'entraver.
- Je suis désolé qu'on ait du t'attacher.
C'est dit doucement d'une voix lasse en te tendant la tasse métallique qui contient maintenant de l'eau.
- Tiens, t'as aussi besoin de boire ça.
Sans blague. Tu as besoin de beaucoup plus qu'un simple godet d'eau. Mais une chose à la fois.
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Dernière édition par Owl le Dim 19 Juin 2022 - 22:03, édité 1 fois
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Sujet: Re: Delirium Tremens [Flashback] Sam 22 Mai 2021 - 20:09
L’alcool lui monte à la tête très vite. Même avec ce simple fond de gobelet, il peut visualiser la progression de sa doucereuse alliée au sein de ses neurones, il la sent s’enrouler autour de ses émotions à vif, étouffer l’angoisse qui hurle derrière ses tempes, anesthésier la peur, la solitude, la douleur. Tout est encore là, mais plus loin, plus profond. Toujours ingérable. Mais plus facile à ignorer.
Et la respiration heurtée de Skunk daigne enfin ralentir pour de bon.
Il émet un soupir et laisse son front retomber sur ses genoux, indifférent aux quelques gouttes qui s’échappent de la serviette toujours plaquée sur son visage. L’autre garçon lui retire doucement la tasse vide des mains et le Dandy reste un instant immobile, prostré, pendant que ses tremblements se calment doucement et que les crampes de son diaphragme s’estompent un peu. Son estomac proteste contre le liquide abrasif qu’on vient de lui imposer et sa langue est toujours en flammes, mais c’est négligeable par rapport au soulagement qui se répand dans sa tête et dans sa poitrine.
Oui, l’alcool l’aide beaucoup trop - trop vite, trop fort, bien plus que ce ne serait le cas dans l’Ordinaire. Skunk effleure l’idée que dans ce monde régit par l’imaginaire, ce n’est pas une bonne chose qu’un peu de rhum le soulage autant. Que cela révèle quelque chose de très inquiétant sur la manière dont il voit l’alcool.
Au fond de lui, là où se rassemblent quelques souvenirs éclatés du début de la canicule, il commence à se douter de ce qui lui est arrivé. Et oh, qu’il a horreur de l’évidence qui se profile dans ce foutu cerveau trop logique, qui sait si mal mentir.
“Je suis désolé qu'on ait du t'attacher.”
Le murmure lui fait redresser la tête et son regard injecté de sang trébuche sur le Soigneur, ce drôle de grand dadais en salopette dont les yeux vairons le fixent avec autant de fatigue que d’inquiétude.
Skunk a l’air perdu, comme s’il ne comprenait pas bien de quoi parle son interlocuteur. Puis il baisse les yeux sur sa main et la contemple comme si ce n’était pas vraiment la sienne : il a toujours eu des doigts longs et fins, mais pas squelettiques à ce point, si ? Et est-ce que ce tas d’os saillants coloré d’hématomes est vraiment son poignet ? Sur son avant-bras trop maigre, au moins, il reconnait quelques traces récentes de brûlures, le seul moyen qu’il a trouvé pour ne pas perdre totalement les pédales quand les (hallucinations)... quand il a commencé à voir des choses qui n’existaient pas. Mais même ces plaies sont à moitié cicatrisées, visiblement vieilles de plusieurs jours. Et certaines sont barrées de griffures, qui sont assez profondes pour être allées jusqu’au sang - est-ce qu’il s’est battu?... C’est pour cela qu’ils l’ont attaché ?...
Le Soigneur approche la tasse, extirpant Skunk de ses réflexions de plus en plus nauséeuses :
“Tiens, t'as aussi besoin de boire ça.”
Brusquement conscient qu’il meurt de soif, le Dandy s’empare du gobelet d’eau avec avidité. Il en renverse une partie en le portant à sa bouche, mais il n’y prend pas garde. Il vide la moitié de la tasse d’un seul trait... et manque de s’étouffer quand sa gorge trop sèche bloque net.
Skunk tousse, chancelle, réprime de justesse un haut-le-coeur. Mais il trouve le moyen de faire signe au Soigneur que c’est bon, qu’il va y arriver. Et en effet, même s’il doit s’y prendre à plusieurs reprises, même si les spasmes de son ventre le font grimacer, il parvient à terminer le gobelet.
Un autre soupir, plus long, pour obliger sa respiration à se calmer encore un peu. Puis il rend la tasse au Soigneur, sans le regarder. Il a un peu moins la sensation de s’étouffer rien qu’en essayant de respirer, mais il se sent toujours horriblement mal, sans la moindre force, comme s’il était fait d’angoisse et de frissons plus que de chair. Son corps est complètement délabré, d’une manière qu’il n’a jamais connue ; même lorsqu’il a passé plusieurs jours alité chez Oural Bienveillante, à délirer de fièvre, il gardait des moments de lucidité, assez pour manger et boire, assez pour grappiller quelques souvenirs. Mais là, ce grand et affreux trou noir...
Soudain, Skunk a peur de la question qu’il avait si hâte de poser. Il a peur de ce qui a pu le ruiner de la sorte, il a peur du temps que ça a pris. Il a peur de savoir pourquoi ils l’ont attaché comme s’il était un animal dangereux. Et plus que tout, il a peur de cette manière dont le Soigneur le dévisage. Comme si ce garçon avait du mal à le croire (vivant) animé et conscient.
... Ce garçon dont il n’a même pas retenu le nom, bon sang, son cerveau aussi est un foutu champ de bataille...
Skunk réprime un gémissement et ferme les yeux un instant. Sa main laisse la serviette humide glisser sur sa figure poisseuse de larmes, puis la pose sur sa nuque. Son bras libre se resserre autour de ses genoux, érigés en rempart devant son torse ligoté de courbatures - en plus il se sent sale, débraillé, exposé, et franchement ça n’aide pas, ça n’aide vraiment vraiment pas.
“Où... où sont mes v...”
Sa voix dérape, casse. Il inspire à fond, réessaie.
“Est-ce que je pourrais... au moins... avoir un T-shirt ?...”
Il y a quelque chose de presque suppliant dans son ton ; lui-même l’entend très bien, et il se déteste pour cela. Mais il est trop épuisé pour le conflit, trop vide et paumé pour la colère, et s’il veut comprendre ce qui lui arrive sans repartir immédiatement dans une crise d’angoisse, il lui faut quelques éléments de contrôle supplémentaires. Alors même si cela le dégoûte, il hasarde vers le Soigneur un regard las, triste mélange de crainte et d’envie, avant d’enchaîner de la même voix râpeuse :
Ton avidité pour boire le godet d'eau est du même acabit que lorsque celui-ci contenait de l'alcool. C'est à la fois rassurant, et inquiétant. Mais ça reste une victoire sur tes hurlements d'un autre monde qui font encore tinter les oreilles de la chouette. Ca reste une victoire contre ton corps qui se tord encore devant les yeux usée du soigneur, comme une image fantôme qu'on ne chasse pas. Elles sont si nombreuse a se superposer, ces temps-ci. Sa memoire en est remplie, de gosses amochés. Il n'y a que ça actuellement, qu'il veille ou qu'il s'écroule dorme. Le monde du Masseur est bien loin de cet eden qu'on lui avait vendu au départ, et cela fait un moment qu'il se sent las.
Alors pour toutes ces raisons, il te sourit. Parce que tu parles, au lieu de vociférer de tous tes poumons. Parce que tu contrôles tes gestes, sans qu'il n'y ait besoin d'être plusieurs pour te contenir. Tu vis, et c'est un merveilleux cadeau. Un victoire réelle dont Owl te félicite in petto, et un peu lui avec. Quelque part, égoïstement, tu lui donnes un peu d'espoir. C'est déjà colossal.
Quand il reprend la tasse cabossée en vérifiant que tu tiens toujours par toi-même -c'est que tu tousses et t'étouffe, forcément il est aux aguets- une infime mais perceptible tension s'évapore. Comme si le fait que tu sois encore là, piteusement assis devant lui, était la preuve que c'est pour de bon.
T'es un petit miracle. Tu le sais, ça ?
Et Owl sourit un peu, avec fatigue, quand tu fais des réclamations. Toi ! Toi qui as assez de conscience, de sens de toi même pour demander quelque chose. Il ne devrait sans doute pas le prendre comme ça, mais le soulagement et le plaisir de t'entendre parler est là. Et puis il n'a pas l'energie de faire trop chier pour rien : t'es sympa avec lui, pas de raison de railler tes requêtes.
- Des fringues, ça peut se faire. Je vais voir ce que je trouve.
Un petit moment de reflexion, pendant lequel il semble reflechir à ta seconde demande, mais finalement il secoue la tête à la négative.
- Les stocks de rhum sont trop limités, je peux pas en filer si facilement. Y a autre chose que je peux faire ? J'promets rien mais..
.. Mais il a peur que l'amélioration de ton état ne soit qu'un mirage. Une fois n'est pas coutume, Owl peut faire un peu plus d'efforts. Mais une part de lui réalise que c'est plus profond que de la simple compassion ou de l'envie d'aider. Plus viscéral, et moins joli. Alors il balaye ce constat gênant dans un coin, et hausse des épaules.
- J'peux toujours essayer.
Juste pour s'assurer que tu restes pour de bon avec eux. Que c'est possible que des gens aillent mieux et se rétablissent malgré cette situation de merde où ils ont encore moins de moyens que d'ordinaire.
Juste pour faire un grand fuck magistral à la Canicule.
Quand on le fait habituellement chier mais qu'on a soudain un service à lui demander..:
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Skunk
♣ Récolteur ♣
✘ AVENTURES : 227 ✘ SURNOM : (Le) Dandy ✘ AGE DU PERSO : Tout juste quatorze ans
Quand Skunk réclame des fringues, le Soigneur se fend d’un petit sourire, et le Dandy sent une moue vexée s’inscrire sur ses lèvres : quoi, c’est si risible de ne pas vouloir être à poil devant tout le monde ?
L’autre garçon accepte sa requête, mais la défiance reste là, comme un arrière-goût amer dans sa gorge en feu. C’est que Skunk vient soudain de se rappeler pourquoi il n’aime pas l’Infirmerie : ici, les gens lui paraissent faux, la gentillesse ressemble à de l’infantilisation, la sollicitude se confond avec la pitié. Il a toujours l’impression d’y être un moins que rien, juste un sale petit con qui fait chier le monde avec des limites et demandes qui ressemblent à des caprices d’ingrat. Un sale petit con dont personne ne veut s’occuper, et encore moins par plaisir.
Skunk se demande soudain si ce grand Soigneur, au regard fatigué mais intelligent, est aussi sincère qu’il en a l’air, si ses attentions ne dissimulent pas un quelconque piège. Quel piège, le Dandy amoché serait bien en mal de le dire. Mais à présent que son cerveau est un peu moins étouffé de panique, cette crainte bien trop familière recommence à rôder dans ses pensées : les gens ne sont pas simplement gentils. Pas avec lui. Ou au mieux, pas bien longtemps.
Alors oui, lorsque l’autre Perdu lui refuse un supplément d’alcool, Skunk le fusille du regard d’un air trahi. Une part de lui, logique, pragmatique, entend l’argument des stocks limités. Mais cette part est enfouie trop loin sous quelque chose de beaucoup plus viscéral, quelque chose qui dépasse même la contrariété et la fierté du Récolteur pour l’obliger à insister :
“Juste un verre. Un fond, comme... comme celui que tu m’as donné. Ça ne manquera à personne et ça suffira, ce... c’est juste pour...”
Il s’interrompt d’un coup, l’air défait.
Il voulait être ferme, exiger, ne pas laisser la moindre place à la contestation. Or tout ce qu’il a reconnu dans sa propre voix, ce n’était même pas une demande. C’était une supplique.
Terrassé de honte, Skunk baisse les yeux. Abandonnant la serviette mouillée sur sa nuque, il enlace ses jambes des deux bras et les ramène tout contre lui, tentative éloquente et désespérée pour se rassembler, se contenir, pour ne pas se dissoudre à nouveau dans la panique et l’angoisse. Et pour se cacher, aussi.
Comme s’il était encore en état de dissimuler quoi que ce soit.
Il reste prostré un instant, retranché derrière ses genoux, le regard dans le vague. Puis il articule doucement, sans relever la tête :
“Ma flasque, alors? J’avais... Normalement j’avais une flasque dans ma poche. En inox, avec un étui de cuir. Je veux la récupérer. Elle est vieille, elle ne vaut rien, elle... Elle est à moi, c’est tout. Je ne peux vraiment pas avoir encore un peu de rhum ? Juste un peu.”
Ses yeux rougis se voilent à nouveau et il s’écrase encore un peu plus, avant de lâcher dans un murmure vaincu :
Sujet: Re: Delirium Tremens [Flashback] Dim 19 Juin 2022 - 21:52
Tu fais de la peine a voir, avec ton air piteux. Et pourtant ca donne une nouvelle bouffée de soulagement revenchard a la chouette. Tu es vivant. C’est par vague qu’il s’en ebahit, qu’il admire tes attitudes et ton individualité comme autant de preuves que maintenant c’est bon, tu ne lui fileras plus entre les doigts. Oh comme il aurait aimé pouvoir t’accorder ce que tu lui demandes, ca aurait été un beau remerciement indirecte de ne pas avoir cédé.
Tu le supplies un peu plus, et il retient une réponse aussi triste que cruelle : il sait. Il sait que tu en as besoin, que tu t’y raccroches comme a un radeau qui pourtant te fais couler a moitié. Ce n’est pas pour rien que tu es dans cet état, que tu as traversé tout ca. Non, d’ailleurs : que vous avez traversé tout ca. Tes cris, tes spasmes, tout le reste.. Oui, cela restera avec la chouette. Malgré l’oubli, il le sait, ce n’est pas une chose qu’il oubliera si facilement. Tristement.
Mais c’est justement ca qui le fait capituler tout en ne sachant pas vraiment si c’est une bonne chose de céder. Il n’y a pas de bonne solution, juste le choix entre deux mauvaises options.
- Je ne promets rien, mais je vais essayer.
Il n’a meme pas la force de trouver une nouvelle formulation, et se contente de redire presque mot pour mot ce qu’il t’avait déja dit. Il n’a meme pas envie de te forcer a etre docile en faisant miroiter l’alcool comme une récompense si tu le laisses te soigner. Qui est le plus vaincu, de vous deux ? Difficile a dire.
Peut-etre aucun, au fond. Vous etes encore la, tous les deux.
D’un geste, il t’intime de rester ou tu es et vérifie que tu as bien vu le message. De ses longues foulées fatiguées, il se met en quete d’habits qui pourraient t’aller. Ca ne sera jamais aussi élégant que ce que tu portes d’ordinaire -ton look est inratable, surtout ici, surtout avec tes passages reguliers- mais tu es prévenu.
A son retour, il tient ta flasque entre deux plis d’un t-shirt et d’un short en toile passée. Rien n’est neuf ou a ta taille, mais au moins c’est propre. Par les temps qui courrent, c’est deja beaucoup.
Il poste les habits sur le petit meuble a coté, et souleve la fabrique juste assez pour que tu puisses voir ta flasque. Owl s’est dit qu’il vallait mieux la planquer, au cas ou ce soit réquisitionné comme gourde de secours pour les livreurs en déroute, ou quelque chose du genre.
- Garde la flasque discrete, en ce moment ils recuperent les contenants qui ferment pour les voyages des livreurs.
Et puis il y a une autre raison, peut-etre, a sa demande : si tu attrapes ta précieuse flasque, tu peux entendre un tres léger clapotis, comme s’il y restait un fond de quelque chose.
- Je ne peux rien faire de plus a ce niveau. Pas pour le moment en tout cas.
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Skunk
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✘ AVENTURES : 227 ✘ SURNOM : (Le) Dandy ✘ AGE DU PERSO : Tout juste quatorze ans
Quand l’autre garçon s’éloigne, l’air fatigué et peu convaincu, le Dandy reste recroquevillé contre le mur, caché derrière ses jambes autour desquelles il a refermé ses bras trop maigres. Le geste que le Soigneur a fait pour l’inciter à rester là ne parvient même pas à l’agacer, il ne provoque tout au plus qu’un triste dépit : comme si Skunk allait s’enfuir, alors qu’il est quasiment à poil et à peine capable de tenir assis...
S’enfuir où, de toute façon ? Toute l’Île est un Enfer calciné, bien parti pour tuer tous ses occupants. Quitte à claquer prochainement, autant rester là, derrière ce drap tendu ; la muraille est pathétique, mais elle préserve tout de même un peu de calme et d’intimité, et à cet instant le Dandy a l’impression que c’est la seule chose qui l’empêche de totalement s’effondrer.
Doucement, il remue la langue dans sa bouche, attentif à la douleur qui en déchire le côté gauche. Puis ses doigts passent sur ses avant-bras malmenés, effleurant hématomes, brûlures et griffures avec la même circonspection effrayée. Il ne se souvient pas de toutes ces plaies, il ne comprend pas d’où elles sortent, pourquoi on l'a attaché, comment il a pu se retrouver dans un tel état. Pour quelle raison le Soigneur l’a regardé avec un tel soulagement.
Skunk frissonne. Il va devoir demander ce qu’il s’est passé. Il le sait. L’incertitude lui a toujours été insupportable. Mais même lui, parfois, redoute d’obtenir des réponses à ses questions.
Au bout d’un laps de temps encore plus liquide qu’il ne l’est d'habitude, le drap s’écarte à nouveau. Convaincu qu’il va être déçu, le Dandy lève vers le Soigneur un regard plus las que vindicatif. Puis il cligne des yeux, plusieurs fois, surpris de découvrir que le grand couillon lui a en fait bel et bien ramené ce qui ressemble à des fringues propres. C’était une demande qui n’avait rien d’objectivement essentiel, et Skunk s’attendait un peu à ce que le Soigneur n’en tienne pas compte, que son “je vais voir ce que je trouve” ne s’avère qu’une manière polie de dire “je vais essayer vite fait, mais j’ai autre chose à foutre”.
Puis l’autre garçon soulève un pan de tissu, pour révéler le véritable trésor qu’il a ramené. Et pour la première fois, un éclat de vie réapparait dans les iris clairs du Dandy.
Immédiatement, Skunk se déplie et se penche, en appui sur son bras tremblant, jusqu’à s’emparer de la flasque - sa flasque. Il bouge un peu trop vite et sa tête tourne, mais il s’en fout, tout à sa joie brute de retrouver le contact si familier de l’inox drapé de cuir. D’un geste fiévreux, il ramène le petit récipient jusqu’à lui, se rassied pour pouvoir le saisir à deux mains. Et c’est là qu’il entend le léger clapot, à l’intérieur.
Il se fige. Ses yeux filent furtivement vers le Soigneur, en une question muette à laquelle l’autre adolescent répond tranquillement :
“Je ne peux rien faire de plus a ce niveau. Pas pour le moment en tout cas.”
Cette fois Skunk relève franchement la tête, pour rencontrer le regard bicolore de son aîné comme s'il le voyait pour la première fois. L’expression du Dandy est illisible, parasitée par trop de fatigue, mélange trop confus de méfiance, de soulagement, de honte, de reconnaissance. Mais il maintient quand même le contact, insistant, comme s’il avait conscience d’avoir quelque chose d’important à dire tout en ignorant comment le faire.
Les mots ne viennent pas. Et de guerre lasse, Skunk finit par baisser les yeux. Malgré ses doigts tremblotants, il ouvre la flasque d’un seul geste et n’en renifle même pas le contenu avant de l’engloutir en deux grandes goulées.
Le rhum le brûle, encore.
Et c’est une brûlure délicieuse, encore.
Il ne lui vient même pas à l’idée d’en économiser pour plus tard. Ce n’est pas un luxe qu’il peut se permettre.
Haletant et tristement soulagé, le Dandy referme la flasque et la tient encore un instant, juste pour en savourer la présence. Puis il la dépose à côté de lui, avant d’attraper la tenue ramenée par le Soigneur et de l’enfiler avec raideur. C’est compliqué, surtout pour le bas, et l’effort le laisse vacillant et nauséeux ; mais un regard assassin a bien fait comprendre à l’autre Perdu que Skunk préférait encore crever plutôt que de recevoir de l’aide pour s’habiller.
Le T-shirt, turquoise et orné d’un logo passé qui évoque une tête de hibou, est trop grand et baille sur ses clavicules. Skunk grogne, très conscient que cela le fait paraitre encore plus petit qu’il ne l’est. Le short, taillé dans une vieille toile claire, n’est pas beaucoup mieux et ne tiendrait sans doute même pas sur les hanches saillantes de l’adolescent s’il tentait de se lever.
Mais se lever n’est pas exactement à l’ordre du jour, n’est-ce pas? Et le Dandy doit bien avouer que par cette chaleur, des vêtements trop larges ne sont pas une mauvaise idée.
Esquivant le regard du Soigneur d’un air gêné, Skunk se remet en tailleur, récupère la serviette humide et la glisse sous son haut pour essuyer comme il le peut la transpiration âcre qui poisse son torse. Heureusement, il n'a pas l'âge pour que l'odeur soit vraiment catastrophique, mais c'est quand même très, très loin de ses standards.
“Désolé. Je ne sais pas à quand remonte ma dernière douche.”
Ses pensées ricochent sur la perspective que quelqu’un l’ait lavé pendant son inconscience. Il s’écarte de cette idée avec horreur, sans parvenir à retenir un tic violent qui tire sans douceur sur son épaule courbaturée. Avec une grimace de douleur et de révulsion, Skunk délaisse la serviette et reprend sa flasque.
Un bon moment, il reste simplement assis là, à faire tourner le précieux objet entre ses paumes, d’un geste mécanique qui n’a cependant pas son habituelle fluidité. Habillé et avec un surplus d'alcool, il a l'air un peu moins à l'agonie. Mais sa fébrilité, sa peur, restent présentes et perceptibles.
Skunk prend le temps de rassembler son courage. Et finalement, sans regarder le Soigneur, il hasarde :
“Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je n’arrive pas à... Je ne me souviens pas de comment j’ai atterri ici.”
Un silence. Puis il ajoute, désabusé :
“Je suis venu vous réclamer de l’alcool, n’est-ce pas?...”
Tu reprends un semblant de vie, quand Owl revient. Les fringues informes mais propres, et surtout la flasque, semblent améliorer ton état de manière significative. C’est bien. C’est pas assez, mais c’est déjà beaucoup. Le regard menaçant que tu lui jettes alors que tu peines à t’habiller arrache un sourire usé au soigneur. T’es vivant. Vivant. Tu ne réalises pas, hein ? Le miracle que tu es, et la vie que tu donnes à la chouette.
Avec un soupire, le Masseur s’appuie un peu contre le mur en te regardant faire. C’est qu’il fatigue, lui aussi, et n’est pas contre la moindre once d’énergie préservée qu’il peut grappiller. Des fois, il a même des larmes sèches d’épuisement, des larmes invisibles mais qu’il pleure pourtant dans son âme. Alors, oui, te voir ainsi, c’est miraculeux, et terriblement nécessaire.
Tu reprends enfin la parole, et Owl réalise qu’il a un peu décroché malgré lui. Combien de temps il s’est passé ? Impossible à dire, même si c’était possible de le mesurer. Avec un soupire, Owl se passe la main sur le visage tout en essayant de rassembler ses souvenirs. Certains, du moins. Mais même si ce ne sont pas ceux-là qu’il appelle, tes cris et tes convulsions s’imposent à lui. Tes hurlements que personnes ne pouvait faire taire, tes spasmes contre lesquels la seule solution avait été de t’attacher, les coups que tu t’infligeait, et surtout cette glaçante impression que tu es perdu à tout jamais et que tu ne redeviendras jamais toi-même.
Malgré la chaleur étouffante de l’infirmerie, le serbe frissonne. Non, ça il ne voulait pas le revivre. Tant pis, trop tard. Tu attends toujours sa réponse, autant se concentrer sur ça.
- Tu.. Je ne sais plus si tu es venu chercher de l’alcool. Mais je crois que oui.
La chouette baisse son regard. Il se sent fatigué. Drainé, même. Mais les réponses que tu demandes, il te les doit. Alors il continue à essayer de mettre de l’ordre dans ses idées, et trie mentalement les derniers jours qui lui semblent être des années.
- On avait déjà des stocks très limités, alors c’était pas possible. Et tu as.. Je sais pas, c’était une sorte de crise ? J’avais jamais vu ça.
Et il ne tient pas à ce que ça arrive à nouveau.
- Tu hurlais comme un putois, avec des spasmes. De la grosse fièvre, aussi, et à te faire mal, à te cogner contre ce qui t’entourait. C’est pour ça qu’on a du t’attacher, sinon tu allais te blesser sérieusement. Et des hallu, aussi, tu semblais avoir des hallucinations. Ca a duré un moment.
A nouveau, il frissonne. A nouveau, il sent monter des larmes qui n’apparaîtront jamais.
- J’ai été le principal à suivre ton cas et j’ai vraiment cru que.. Que tu ne finirais pas en si bon état que maintenant.
Vu ton état lamentable, ce n’est pas peu dire. Mais Owl est trop épuisé, trop à vif pour formuler tout haut sa pensée : il a cru que tu allais mourir, toi aussi. Tu lui redonnes espoir, et bon sang qu’il en as besoin. Qui sauve qui, vraiment ? Le Masseur ne peut pas s’empêcher de se le demander.
- Pardon. J'aurais sans doute pu formuler tout ça plus délicatement.
Et il est sincère, sans pouvoir faire mieux pour autant.
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Skunk
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Le Soigneur semble hésiter. Ses explications sont lentes, lâchées avec un malaise perceptible. Pourtant, lorsqu’il confirme à Skunk que ce dernier est bien arrivé à l’Infirmerie en quête d’alcool, le Dandy a le temps de se sentir soulagé : c’est rassurant de constater qu’il n’a pas tout oublié.
Puis l’autre adolescent évoque une “sorte de crise”. Il l’a déjà fait, pour expliquer à Skunk pourquoi ils l’avaient attaché. Mais cette fois, le Soigneur détaille ce qu’il a voulu dire. Et tout se casse la gueule.
L'autre Perdu parle avec mesure, mais il déguise mal son expression hantée, et il ne peut pas diminuer la violence des mots qu’il emploie - ”hurler”, “spasmes”, “te faire mal”, “hallucinations”... Autant d’images que Skunk vit comme des morsures. Un tableau horrible se dessine dans son imagination trop précise tandis qu’il baisse un regard hébété sur ses avant-bras, meurtris d’hématomes et de griffures - des griffures laissées par ses propres ongles, et dont il ne se rappelle pourtant absolument pas.
Lentement, au fur et à mesure que son aîné tente de lui expliquer ce qu’il s’est passé, Skunk délaisse sa position en tailleur pour ramener à nouveau ses jambes contre lui. Il les serre trop fort, comme s’il voulait disparaitre derrière cette pauvre barrière, tandis que ses doigts se crispent autour de sa flasque. Et quand le Soigneur finit par souffler “j’ai vraiment cru que... que tu ne finirais pas en si bon état que maintenant”, la vue de Skunk se brouille de larmes acides qu'il oublie de balayer.
L'autre garçon n’a pas besoin d’être explicite pour que le Dandy comprenne la vérité qui se cache dans ses paroles : il a failli mourir. Vraiment. Et bien pire, personne ici ne sait comment, ni pourquoi.
Personne ne sait si c'est terminé.
L’espace d’un instant, Skunk pense à Oural Bienveillante, et une terrible solitude lui vrille le cœur. Il aimerait qu’elle soit là. C’est ridicule, inavouable, en plus d’être impossible. Mais il aimerait tellement qu’elle soit là. Parce qu’elle saurait, elle, au moins en partie. Qu’elle pourrait lui expliquer ce qui lui est arrivé, et pas avec cet air atrocement perdu et effrayé qu’a le Soigneur. Qu’elle trouverait les mots pour le rassurer. Qu’elle... qu’elle pourrait...
“Pardon. J'aurais sans doute pu formuler tout ça plus délicatement.”
L’excuse, sincère, a quelque chose de touchant. Mais Skunk ne répond pas. Il se contente de baisser la tête, pour cacher derrière ses genoux les larmes qui se sont finalement mises à couler.
Oural Bienveillante n’est pas là. Elle ne viendra pas. Qui sait, avec cette horrible Canicule, elle-même est peut-être...
Ta gueule. Ta. Gueule.
Bref. Elle ne viendra pas. Et malgré tous les gestes de bonne volonté du Soigneur, le Dandy est bien trop mal et le connait depuis bien trop peu de temps pour parvenir à le considérer comme un allié fiable. Il faut qu’il se débrouille tout seul - comme toujours.
Mais il n’en a pas envie, pas la force, pas ce jour-là ; il se sent petit, paumé, terrorisé et il aimerait juste... Il ne sait pas trop ce qu’il aimerait. A part que tout ceci ne soit jamais, jamais arrivé.
Sans redresser la tête, il demande :
“Est-ce que... ça va... ça peut...”
Sa voix casse sur ce qui ressemble un peu trop nettement à un sanglot. Skunk déglutit les quelques gouttes de salive que la chaleur lui laisse, avant de reprendre avec une obstination aussi farouche que vide de sens :
“Est-ce que ça peut recommencer ?...”
Le Soigneur n’en sait certainement rien. Mais Skunk a besoin de poser la question : est-ce qu’il s’est déjà “réveillé”, comme maintenant, pour replonger ensuite ? Est-ce que son absence de souvenirs cache en fait une multitudes de ces horribles “crises” ? Est-ce qu’elles vont juste continuer à se succéder, jusqu’à ce que... jusqu’à...
Non non non, tu ne vas pas t'y remettre, arrête ça, arrête ça TOUT DE SUITE!
En silence, Skunk lève celle de ses mains qui ne tient pas la flasque, et ses doigts tremblants vont se refermer sur ses cheveux poisseux de sueur pour en tirer une pleine poignée.
Sujet: Re: Delirium Tremens [Flashback] Dim 21 Mai 2023 - 19:57
Il voit bien, Owl, les dégâts qu’il te fait en décrivant ce qu’il a vu. Entendu. Ce n’est pas parce que lui est hanté par ces souvenirs qu’il doit t’en faire porter une part non plus. Même si tu ne t’en souviens pas.. Surtout si tu ne t’en souviens pas. L’imagination, c’est parfois tout aussi terrible que les souvenirs précis. Il aimerait s’énerver contre lui-même pour son manque de tact, mais n’en a même pas l’énergie. Pathétique.
Toi tu spirales, à nouveau. Il le voit bien, tu te replis. Littéralement. Owl pince les lèvres, mais ne dit rien. Il se dit qu’il a sans doute fait assez de dégâts comme ça, et qu’il devrait faire à ton rythme. C’est le moins qu’il puisse faire, surtout après t’avoir assené tout ça et que t-
- Hey, doucement.
Il t’attrape le poignet avec délicatesse. Ce n’est pas une prison comme les entraves que tu avais subit, mais ce n’est pas non plus un courant d’air qui te laisse continuer à te tirer les cheveux comme ça.
- Je ne pense pas que ça recommencera.
Impossible d’être sûr, évidemment. Et s’il-te-plaît ne lui demande pas quelles sont les chances que ça reprenne. Il ne sait pas. Mais c’est la première fois que tu te réveilles comme ça, que tu es conscient avec autant d’ardeur. Il est hors de question que ça reparte. Et à te voir engloutir le rhum et supplier pour un peu plus encore comme si ta vie en dépendait.. C’est confus, pas vraiment conscient, mais un début de soupçon se forme dans la caboche du soigneur.
- Je te laisserai pas repartir comme ça.
Ca, c’est vrai. C’est juste non. Non à la Canicule, non à l’impuissance, non à une perte supplémentaire. Juste non. C’est même pas que par altruisme et bonté d’âme. Owl a besoin de cette victoire, lui aussi.
Il te tient toujours le poignet avec douceur, ton poignet si fin dans sa grande main, et ses yeux te cherchent. Que tu vois qu’il est sérieux, qu’il le pense de toute son âme. Il est là, et il ne te laissera pas être englouti si facilement.
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Quand les doigts de l’autre adolescent se referment sur son poignet, Skunk tressaille et laisse échapper un hoquet de surprise qui n’est pas complètement exempt de peur : la main du Soigneur est trop grande autour de son avant-bras trop délicat, et cela suffit à faire remonter de l'Oubli des choses nauséeuses que le Dandy ne sait pas gérer. Pourtant le geste, bien qu’assez autoritaire pour éloigner ses doigts crispés de ses cheveux, n’a rien de brutal. La voix du garçon non plus.
“Je ne pense pas que ça recommencera.”
Tremblant, Skunk s’oblige à relever la tête. Il a l’air perdu, dépassé par son propre comportement : d’habitude, il évite de se faire mal devant les autres, ou alors il ne le fait pas de manière aussi évidente. Il sait très bien que c’est quelque chose de rance, une hypocrisie sociale de plus qui se voit mais ne se dit pas. Que même si les cicatrices sur ses bras sont trop nombreuses pour être dues au hasard, il est censé prétendre que ce sont des accidents. Parce que c’est moins effrayant que la vérité, pour les autres comme pour lui-même.
Skunk est abasourdi d’avoir commis une telle erreur, qu’il parvient normalement à éviter même lorsqu’il est ivre mort. Il ne se rappelle pas avoir jamais perdu le contrôle à ce point-là. Ça le terrorise.
Mais cette horreur hébétée est tempérée par une autre surprise, tout aussi inédite : la réaction du Soigneur.
Dire que celui-ci demeure serein serait tristement optimiste : le grand adolescent est aussi épuisé qu’à cran, même Skunk peut le voir. Mais il reste calme, il n’a pas l’air effrayé ou en colère, ni indigné par ce que le Dandy a fait ; il se contente de retenir le poignet de ce dernier, sans forcer, sans lui faire mal. Et il continue de tenter de le rassurer :
“Je te laisserai pas repartir comme ça.”
Cette fois les yeux rougis de Skunk trouvent les iris vairons de son aîné, en une quête muette et éloquente de vérité. Ce ne sont que des mots, après tout, et parfois (souvent) les mots mentent. Ils ne se connaissent pas, le Soigneur n’a aucune raison de s’investir autant pour un gosse malade parmi tant d’autres, encore moins quand le gosse en question est un chieur à la réputation patentée.
Pourtant, le Soigneur a l’air sérieux. Il a l’air d’y croire.
Skunk ne comprend pas ce qui lui vaut une telle détermination, mais dans son état d’épuisement, même la méfiance la plus viscérale finit par perdre de son sens. Alors il hoche la tête, accepte tacitement la promesse sans fondement de l’autre Perdu. Lui aussi, il a besoin d’un peu d’espoir.
Sa main s’affaisse dans la prise du Soigneur. Il ne cherche même pas à l’en retirer.
“... Peut-être que... que je devrais me rallonger un peu, alors... essayer de dormir...”
Il soupire et son regard se perd dans le vide, avec une douleur et une lassitude qu’un garçon de quatorze ans ne devrait pas être capable d’exprimer.