Her voulait être normale, Her voulait passer inaperçue. Her voulait disparaître dans l’anonymat de la foule, qu’on la laisse vivre sa vie sans la surcharger d’attentes dont elle ne savait que faire. Her voulait vivre, tout simplement. Et puis la vie lui était tombée dessus sans prévenir.

- Oh, t’as coupé tes cheveux ? Tu veux faire comme Cilla ?
- J’en avais juste marre de les avoir dans la figure.

Menteuse. Elle en avait surtout marre de laisser à un ennemi potentiel une prise aussi facile. Mais Her ne se sent pas de te le dire, parce que ça finirait en discussion trop longue et qu’aujourd’hui elle a la flemme.

- Et ça te manque pas ?
- Bof. Je trouve ça moins chiant. Pourquoi, t’es intéressée ?
- Nah. J’aime bien jouer avec et faire des coiffures. Et puis si on m’embête je fouette avec ma tresse !

Her rigole un peu en t’imaginant berserk à abattre tes ennemis à coups de fouet capillaire. L’image est théoriquement badasse, certes, mais dans la réalité ce n’est pas vraiment possible. Quoique : tout est possible sur l’île.

- Dis, tu me feras essayer ton noir ?
- Lequel ?
- Tous !
- Owl va faire une syncope, tu sais ?
- Mais non ! S’il est jaloux je lui en mets aussi !

La Fille s’esclaffe à nouveau en imaginant Owl avec des paupières noires somkey, et du rouge à lèvre noir. Il a déjà les cheveux longs, si on lui met des t-shirt résille en prime il pourrait sans doute claquer. Pas que les résilles soient son truc à elle. Elle laisse ça à son mec, il les porte véritablement mieux qu’elle.

De toute façon, tout lui va à ce con. Her ne sait pas comment il fait ça, mais il le fait. Un léger sourire qui flotte à ses lèvres à la pensée, et soudainement ton visage, Peach, est beaucoup trop près du sien.

- Ooooh quand tu souris comme ça, j'parie que t'es en amour ! C'est qui c'est Invité ?
- Peach ta gueule !

Tu as déjà esquivé le bras de la sentinelle qui voulait t’attraper et tu t’en vas en galopant. Merde. Her a une vague idée du jeu qui vient de commencer, et elle ne sait pas si ça l’amuse ou si ça l’embarrasse. Un peu des deux, sans doute. D’un bond elle s’élance aussi, manquant de bousculer un Guts qui visiblement rentre de “mission” vu le truc visqueux dégueu dont il est couvert.

- HER EST AMOUUUREUUUUSEUUUH !
- PEACH PUTAIN !

C’est un cri du cœur alors que Her te course. Her rit, Her pleure, Her gueule sans se soucier comme avant d’avoir le bon dosage de normalité. Son caractère s’est affirmé depuis son arrivée ici. Ou plutôt, depuis qu’elle a croisé le chemin d’un crétin créteux et de sa bande de camarades hétéroclites.

Cheveux courts, fringues sombres “de mec”, maquillage de nuit. Her accepte de se faire remarquer, de laisser voir ses orages et ses bons jours. Elle ne veut plus se cacher comme avant, mais il faut bien quand même, au moins pour certaines choses. Leur projet à la bande, ça ne doit pas sortir au grand air. Pas avant d’être prêt, pas avant que ce soit le bon moment. Alors en attenant, elle joue le jeu et ne change que de look.

- J’te tiens, drôlesse !

Un éclat de rire t’échappe, Peach, alors que tu te fait alpaguer par Her qui fait mine de prendre des airs de méchante pour le jeu. Quelques gloussements plus tard, et tu rends les armes de bonne grâce. Et c’est là que tu le vois, qui se laisse à peine deviner sous le débardeur débraillé de ton amie : un gros bleu coloré. Her capte ton regard, et tire le vêtement par dessus avec désinvolture.

- C’est rien, c’est juste l’arène l’autre jour.
- T’as gagné ?

Her ne répond pas et se contente de ricaner parce que tu connais déjà la réponse. Ce n’est pas comme si les combats d’arènes étaient secrets, ni que c’était son premier. Her commence à bien la connaître. Son entraînement intensif paie, même si bien sûr elle n’est pas invincible. Entraînement de Sentinelle, entraînement avec les Natifs pendant le Givre, et même parait-il entraînement avec une fée de la garde Royale. Mais ça, Peach tu as des doutes.

Her voulait être normale, avant. Her s’en fout désormais, et veut juste qu’on la laisse vivre sa vie sans la surcharger d’attentes dont elle se fout. Her veut vivre, tout simplement.

Her. Parce que c'est elle, celle qui a pu enfin s’approprier son nom et lui donner une identité propre malgré son coté générique. Her, parce qu'on sait que c'est de celle-là dont on parle. La bucheuse forcenée de la bagarre. La fille de l’Arène.

1960. Elle est de cette époque là, née au début de la seconde grande vague de féminisme aux Etats-Unis. Et ce n'est pas anodin : sa mère en est une parait-il, fière et brave qu’on lui disait. Une femme au courage éclatant qui se battait pour leur bien commun à toutes, qu’elle proclamait. Une femme dont il était pourtant compliqué d'être la fille, parce qu’elle n’était pas faite pour être mère. A force de vouloir se battre pour elles toutes, elle en avait oublié un truc fondamental : Brooke est sa propre personne avant d’être une soldate pour la Cause. Pour l’enfant, c'était juste trop. Ça tuait dans l’œuf son devenir.

1,64m. Elle a un peu grandi, mais c’est subtil. En revanche les résultats de son entrainements forcenés ne sont pas si discrets : que ce soit par une musculature un peu sèche qui se devine, ou les multiple contusions, petits bobos, et quelques cicatrices ça et là, Her n’est plus si passe-partout. Ni large ni fluette, non, mais athlétique et musclée. Son corps fonctionne bien. C’est le but : il faut ce qu’il faut.

Nom de plume. Elle écrivait beaucoup, avant. C’était sa facon de digérer ce qu’elle voyait, vivait, d’avoir une chronique de ce qui se passe. Elle écrivait ses journées, les exploits des autres, les évènements dont elle a été spectatrice. Mais pas actrice, non. Ça c’était pour les autres, les premiers rôles. Elle t'a peut-être vu, Invité, elle a peut-être écrit sur toi. Et puis pendant un temps, plus rien. Plus d’écriture, plus de récits, parce qu’il n’y avait plus le temps, plus urgent, plus important. Une main estropiée, des cataclysmes sur l’ile avec des airs de fin du monde, ça vous fait ça parfois. Maintenant, Her s’y remet peu à peu. Mais écrire est devenu plus compliqué, le crayon lui glisse des doigts, sa précision n’est plus comme avant. Alors elle utilise la main de quelqu’un d’autre, et avec Apache ils composent secrètement des chansons de révolte.

Gauchère en devenir. Sa main droite ne s’est jamais totalement remise d’une rencontre avec une épée. Tous les doigts sont là, mais les tendons ne sont pas intacts. Elle a moins de force dans sa main dominante désormais, moins de précision aussi. Alors elle entraine des deux mains à gagner en souplesse et dexterité : la droite pour réapprivoiser ces limites nouvelles, la gauche pour remplacer la droite. Ca commence doucement à venir. Her n’aime pas beaucoup les cicatrices de sa dextre, mais surtout parce que ça lui rappelle la situation qui a déclenché ça, et sa propre connerie. Alors elle porte des mitaines renforcées. Aux deux mains, pour moins faire flag que c’est à cause d’une vulnérabilité à une en particulier.

Révoltée. Parce qu’elle y a trouvé une nouvelle famille de casse-cous cassos’ hétéroclites. Parce qu’elle y a trouvé un but, un qui lui parle et lui appartient. Parce qu’elle en a marre de se cacher, de subir, de suivre. Parce qu’elle veut pouvoir choisir son chemin et sa facon de vivre. Parce qu’elle est, finalement, sa propre personne et la fille de sa mère.

Normale. Parce qu’au fond, elle fait ce que tout le monde fait : choisir ce qui lui importe, les gens qui comptent pour elle, et essayer d’avancer malgré les coups durs.

C’est pareil. J’pensais que ce serait mieux, mais c’est pareil. Le décor change, mais y a le même problème fondamental : on peut pas vivre comme on veut, on peut pas être qui on est. Alors y a le même taf à faire, et puisque cette fois j’suis là pour rester, autant s’y mettre.

Franchement je ne m’en souviens pas trop. Des bouts reviennent, des fois, mais ils sont rarement trYs plaisants. On me donnait des ordres et on avait des attentes, ici aussi. On me disait quoi penser, ici aussi. Mais je crois qu’ici, sur l’ile, je me trahis moins. J’ai des gens auxquels je tiens, des principes que je veux suivre, un rôle que je me suis choisi. Ici, au moins, je peux être plus utile que la-bas. Ca me va mieux.

Deux chefs en puissance. Deux personnes de pouvoir qui veulent décider pour les autres et leur voler leurs choix. La différence, c’est que l’un des deux peut -littéralement- faire la pluie et le beau temps sur l’ile. L’autre, c’est la même avec les pouvoirs et une main en moins, et le goût du sang plus assumé.

Arrive dans les années 70. Devient immédiatement Her la fille si normale qu’elle devient invisible, et ne se demarque en rien de spéciale pendant les premières intrigues.
Début de Canicule : rencontre Apache et après un recrutement explosif intègre la révolte.
Pluie : S’entraine au combat avec les sentinelle, et Crépuscule.
Givre : Reste au Grand Canyon pour surveiller les mouvements du QG GP, contrairement aux autres révoltés. S’entraine avec les Natifs.
Se chope un petit copain entre deux claquements de dents et un choc emotionnel.
Disparition de Pretty, elle enquête et cherche à savoir ce qui lui est arrivé sans trop savoir si la fureur de la trahison ou l’inquiétude pour son frère de coeur l’emporte.
Printemps : réintègre le Grand Arbre, commence à être plus active dans la révolte à sa manière. Change de look, et abandonne toute prétention d’être normale à tout prix. Garde prudemment une image de bonne sentinelle efficace, surtout depuis que Justice s’est tapé l’affiche avec le concert, ce couillon.

- Heeer ! Ton chéri te cherchaiiit !
- Mon ch- Hein ? Lequel ?
- Owl ! Vous vous parlez tout le temps !
- Encore à vouloir me caser Peach ? Tes hormones chauffent, ou quoi ?
- Mes zormornes ?
- Demande à mon amoureux adoré, va.
- Han, j’vais lui dire que tu l’as appelé comme çaaaa !

C’est devenu le nouveau jeu préféré de Peach, de caser tout le monde avec n’importe qui. A l’écouter, Her a un harem non négligeable : Owl, donc (meh..), Invité (???), Scar (être bien foutu ne fait pas tout), Clenched (..pourquoi ?), Apache (chut) et Clover. Clover, quoi. Avec qui Her s’était pris la tête quand elle était tombée sur elle et Trouble qui s’engueulaient. La logique de la petite récolteuse avait été aussi absurde que rafraîchissante. Un baratin embrouillé d’équilibre entre froufrous et anti-froufrous, ce genre de trucs. Bref, maintenant c’est au tour de la Chouette d'être un prétendant, visiblement. Il  est également un des réguliers des talents matrimoniaux de la petite. Her avait eu du mal à retenir un fou rire quand il avait été question de caser le soigneur avec Right (“Il est grand aussi donc c’est plus simple pour les bisoux !”) et Pit (“Mais siii, il te donnerait des fleuuuurs, ça irait bien dans tes cheveux !”).

Personne n’est à l’abri. Personne.

- Et toi Peach, t’as quelqu’un ?
- Bah non, hein. J’peux pas laisser Mr. Midnight tout seul.
- Si seulement tu pouvais laisser les autres tous seuls aussi..
- Hein ?
- Rien, j'dois filer ! Oh et : je crois que quelqu’un aime bien Owl.. Tu devrais enquêter.
- Oh ?! Qui ??

Her est déjà partie tant que la diversion marche, et c’est bien dommage. En d’autres circonstances, elle aurait adoré voir la tête de Peach qui s’illumine gravement avec la révélation de ce couple évident qui se profile.

- Bambi ! Bien sûr.

En de longues foulées, la sentinelle s’éloigne et part pour une de ses promenades habituelles. C’est un truc qu’elle a toujours fait, même quand elle jouait la fille normale, et qui donc n'étonne personne. Maintenant on la reconnaît, et quelque part elle aime bien. C’est aussi (pas mal) grâce à quelques personnes qui lui ont permis de s’affirmer. Que ce soit la patte (lourde) de Nasty avec le maquillage et les cheveux courts, les mitaines renforcées (chut, c’est un secret !) par Tool.. Et bien sûr un caractère d’enfer qui ne veut plus se taire, merci Apache pour cette explosion de personnalité. Elle a parfois encore un peu du mal à s’y faire, mais en son fort intérieur Her ne regrette pas : elle sait un peu plus où elle va.

Parce que la vie est un combat, parce qu’elle est faite pour ça, Her s’assume guerrière. C’est son rôle, son utilité. Combat de mots, combat de poings, qu’importe. Il existe autant de batailles que de gens. Certains apportent au monde le savoir, l’intelligence et la précision, comme Dandy. A d’autres sont alloués les crocs, comme à elle. On ne peut changer l’utilité fondamentale d’un outil. Jamais un marteau ne servira à boire quelque chose, par exemple. Il était temps qu’enfin elle soit honnête avec elle-même et accepte ce qu’elle est fondamentalement : une soldate.

Du pouce, la sentinelle effleure ses phalanges écorchées sans y penser. Des restes de son entraînement avec Just un peu plus tôt. En tant que sentinelle, ils doivent s’entraîner de toute façon. Tant qu’à faire, elle préfère que ce soit avec quelqu’un comme lui plutôt que l’autre débile blond. Et puis il est bon dans ce domaine.

Après un temps impossible à mesurer, Her arrive finalement à destination : l’Ossuaire. Elle a ses repères, maintenant. Elle et Apache se retrouvent discrètement mais régulièrement, et l’Ossuaire est un de leurs points de rendez-vous. C’est un coin qui la laisse mitigée, avec à la fois de mauvais souvenirs et d’autres bons qui commencent à s’y entasser. La plupart avec son punk, d’ailleurs.

Est-ce qu’il aura de nouvelles paroles de chanson à lui montrer ? Y a des chances, c’est devenu un truc en plus qu’ils partagent. Un truc un peu plus sain que l’alcool et les clopes. La première fois qu’il lui avait montré son œuvre ça avait été.. Un grand moment. Un beau dialogue. Imaginez la scène : un punk tout content et fier de son oeuvre, qui annonce le titre à sa (pas) douce, et les réactions de celle-ci.

- Titre : Bière et punk.
- Ok ! Et les paroles du coup ?
- Bière et punk.
- Oui j’avais compris, mais après ?
- Bière et punk.
- .. C’est un concept. On t’y reconnaît bien, remarque.

Heureusement que sa plume s’est affinée, quand même, à l’autre zouave. A force, Her avait même fini par suggérer ça et là quelques trucs. Notamment quand il était question de brailler “que les chefs aillent tous se faire enculer”, on ne va pas se mentir. Y avait de l’idée, mais si elle pouvait garder son mec en vie, ce serait bien. Et puis c'était pas très inclusif, comme formulation.

De fil en aiguille, elle avait fini par avouer à Apache qu’avant elle écrivait un peu. Tout en disant haut et fort que c’était pas bon, ni des lectures intéressantes, mais trop tard : Apache s’était déjà enthousiasmé.

C’est comme ça qu’elle en arrive là, mains dans les poches de son short de baroudeuse, à jouer avec un bout de papier froissé : ses premières vraies suggestions et contributions pour une chanson qu’Apache avait commencé. Il arrive à lui faire faire des trucs impossibles, à la Fille. Y compris se tenter à la composition en tandem, donc.

Et c’est aussi pour ça qu’elle l’apprécie.

- Hey.

Her vient de passer l’embrasure de la cabane défoncée qui leur sert toujours de QG, et elle sourit au tas informe de bras et de jambes sur le canapé mort qu’est son petit copain. Comme un ressort il se redresse, et son sourire radieux répond à celui de la Fille.

Putain. Il est toujours aussi beau, ce con.