Enfin les âmes pouvaient cesser leurs tourments, entre le givre, la magie malade dans les veines et cette loyauté qui avait mené jusqu'à croire aveuglément... il valait mieux ne jamais douter. Et Allan avait encore les entrailles qui le répugnaient, et à chaque fois qu'il fermait les yeux il revoyait les pendues et un bûcher à l'odeur infecte. Le retour à la normale n'aidait pas à calmer ces visions d'horreurs répugnantes, le rhum en revanche... ou juste demeurer avec ce petit groupe d'hommes friands de chasses aux ennemis. Simplement d'autres bourreaux, ils ne suivaient pas l'Inquisiteur dans sa foi, mais ils s'accompagnaient volontiers dans les traques et les mises à mort. Lentes, en général. Néanmoins, ils se refusaient à aller aussi loin que ce chien de Big Jack.

Ce soir-là, ou plutôt cette nuit, le groupe à la chair chaude retrouvée buvaient en cascade le rhum qui leur avait bien manqué. Ils s'étaient un peu bagarrés aux cartes, avant de rire à nouveau autour de bouteilles d'alcool qui fondaient autant que le fléau de l'hiver passé. Leurs voix avaient même chanté des notes faussées toute vacillantes par l'haleine de fêtard.

Tous étaient matelot du Jolly Roger, des hommes dans la trentaine avancée : il y avait Joseph qui semblait être le plus menus du groupe mais il était particulièrement agile dans les cordages du navire, Pierre était le plus massif et portait un oeil de verre teinté de vert, quand au dernier... Paul collectionnait les pistolets, il disait que c'était sa passion mais tout le monde savait qu'il les perdait. Simplement par rage de ne pas savoir tirer correctement, il finissait par se servir du manche comme d'une masse sur sa victime sans manque de s'acharner et de jeter l'objet ensuite.

Bref, c'était avec cette bande-là qu'Allan se trouvait et partageait une beuverie bienvenue. Le calme était venu dans les rangs, Joseph pointa du doigt une drôle de silhouette qui arracha un froncement de sourcil à l'Inquisiteur. Quelque chose clochait.

- L'est bizarre cette ombre, c'est pas...

- Le gars qui s'est fait jeté par la donzelle à la taverne ! Un grand moment que ça a été. Ajouta Pierre.

- Il a sûrement besoin de boire un coup, vous en dites quoi ? On le réconforte un peu ? Souriait Paul.

Tous avaient l'air motivés, bien conscients de l'immense possibilité de jouer d'une blague vivante. Allan mit un peu plus de temps à apprécier l'idée, mais finalement il se levait et se joignait au projet avec une nouvelle bouteille à la main.

- Vous êtes des saints à vouloir tendre la main à une âme condamnée.

Allez, qu'ils jouent un peu avec la magie. Cette même chose qui avait engendré toute cette mascarade depuis des siècles, jusque dans le passé d'un village du nouveau monde.

Ce fut Paul qui s'approcha le plus vite de la créature portant le nom de Vijendra, prenant le scribe par la nuque dans son coude. Accolade faussement amicale et chaleureuse offerte avec un sourire auquel il manquait une incisive.

- Alors, les amours ça va pas trop hein ? C'est peut-être les oreilles...

Les autres matelots rirent, puis Allan tendit le rhum à Vijendra.

- Prends ça, on t'invite.

Le pirate était plus souriant lorsque l'alcool était bien installé, ils avaient tous l'air plutôt joyeux et entrainaient un peu de force l'elfe jusqu'à la plage où ils avaient installé leur petite fête.

Spoiler:

Le "cadeau" refusé fut ouvert et Allan s'en offrit quelques gorgées après avoir haussé les épaules, il ne se retourna pas lorsque Paul acheva son accolade par une main plaquée sur la bouche de la chose bipède.

- Crie pas, personne va venir pour ce que t'es. Tu l'sais non ?

Ils avaient décidé de s'en prendre à ce drôle d'énergumène, une fée grandeur humaine. C'était intriguant non ? La science aurait peut-être voulu ouvrir pour voir les entrailles, mais pas d'inquiétude... l'Inquisiteur n'était pas friand de ces savoirs de scientifiques. Il préférait purifier les moisissures que l'Île répandait jusqu'à eux.

Comment avait-il pu oublier les noms de ses enfants ? Il avait passé bien trop d'années sur cette terre maudite, sans pouvoir prier les corps suspendus aux branches...

Alors que ce "Vijendra" était trainé sur la plage, Joseph s'attelait à faire un joli noeud comme les marins savaient en créer autour du cou de la fée tandis que Paul le gardait peut-être un peu trop fermement sous le bras. Une laisse en un matériel assez fort pour tenir les ouragans, elle serait très efficace sur un papillon.

Ce fut Pierre qui attrapa le bout de la corde, la tenant enroulée à l'avant-bras. Et ils riaient, ils continuaient de boire. Mais Vijendra pourrait déjà être débarrassé de la sale odeur d'aisselle. Un feu de bois crépitait, il portait dans les airs cette odeur agréable de bois. Au moins, dans ce genre de foyer, il n'y avait normalement pas de chair impie.

Enfin, Pierre poussa le scribe étrange dans le sable avant de poser le pied dans le dos du malheureux.

- Z'avez vu mon chien ? Hey mais attention c'est un cabot magique paraît !

Si Allan n'était pas plus amusé par les remarques, les autres s'amusaient bien en revanche. Paul tirait un peu les oreilles pointues de leur jouet du moment.

- Ah bah ton chien faut que tu le tienne mieux en laisse, il fout la frousse aux dames !

- C'est bizarre, pourtant il peut même pas être en chaleur.

- On devrait être plus sympa avec les créatures, elles peuvent se montrer utiles.

Lançait l'Inquisiteur qui terminait la bouteille en s'installant sur une bûche. Et lorsqu'il observait Vijendra, malgré le rhum, une forme de lueur mauvaise restait dans les yeux sombres. Intérieurement, il se démenait entre ses restes de souvenirs et ce dégoût d'avoir eu dans les veines de la magie. Il voulait bien déverser ce qui bouillonnait en lui contre la première chose "féérique" qui lui tomberait sous la main. D'ordinaire, il ne faisait que faire justice. Il ne faisait protéger leur camp.

Cependant, Allan n'était pas sobre. Il participait au jeu de la petite bande pour le moment.

- Oh ? Ahaha ouais, on pourrait lui apprendre des tours.

S'amusait Joseph en redressant la tête de la fée, en lui tirant les cheveux. Evidemment, la délicatesse n'était pas son fort. L'équipe approuvait et Pierre donna un coup dans les côtes de l'Infortuné.

- Allez ! L'Elfe, fais-nous rire ! T'auras un su-sucre.

Aboyait Pierre tandis que les autres attendaient de bien se marrer, même l'Inquisiteur se préparait à sourire. C'était un moyen de se passer les nerfs sur cette maudite magie

La réplique de la chose aux oreilles pointues fit hurler de rire toute l'assemblée arrosée. Même Allan trouvait ça hilarant dans son état, c'était bien absurde et de mauvais goût. La remarque sur les canons froissa tout de même Pierre tira sur la corde avant de menacer :

- Ok t'es un rigolo, mais t'as pas à parler comme ça des canons. Ils sont beaux nos canons.

Ce devait être le rhum qui parlait plus que l'homme, mais le poing partit en plein visage de Vijendra en représailles. Paul pleurait d'hilarité, Joseph sifflait une autre bouteille dans la caisse qu'ils avaient trainé avec eux à l'origine. Quand il n'avait été question que de boire autour d'un jeu de carte. Ce temps semblait bien révolu. Tous les quatre se regroupèrent finalement autour de la fée, ils ne savaient pas vraiment quoi en faire de cette chose.

Allan leva les yeux en direction de l'autre bout de la plage, il n'observait rien de particulier, mais il se disait que ce traître aurait une utilité au final.

- Ça fait longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion de faire de beaux bûchers, il pourrait traîner les bûches qu'on a préparées. Qu'il fasse sa bonne oeuvre.

Ils pensaient pouvoir reprendre des chasses prochainement, et il valait mieux avoir du bois de prêt. Il ne restait qu'à assembler.

- Une potence pour les hérétiques, dressée par l'un des leurs... ça me conviendrait.

Bras croisés, c'était la rancune envers des êtres que personne ici n'avait jamais croisé qui parlait par les mots de l'Inquisiteur.

- Ouaaaais, on bosse déjà dur. Franchement ces bêtes pourraient mettre un peu la main à la pâte.

Justifiait Joseph en prenant l'elfe par le cordage au cou, le traînant jusqu'aux troncs moyens fraichement abattus.

- Casse-le pas, il est délicat il manie l'papier pas les échardes !

S'inquiéta faussement Paul avant de frapper l'arrière du crâne de Vijendra pour le faire se baisser sur les bûches. Pierre quant à lui, rigolait toujours. Allan traçait déjà une croix dans le sable, où il voulait précisément planter le tronc donc l'une des extrémités avait été coupée en pointe. Puis il claqua des doigts et aboya à Vijendra :

- Le traître, tu prends la première pièce devant toi et tu la traîne ici.

Il planta le talon au centre de son tracé en terminant son premier ordre.

Allan se trouvait plutôt bon juge à donner vue sur la mer aux âmes condamnées juste avant de sentir l'Enfer les emporter.

Peut-être que la faiblesse de la créature avait de quoi faire rire la bande, et n'étonnait pas vraiment Allan, mais rapidement réponse à ce manque d'obéissance devenait claire. Simplement la violence. Il valait mieux rester en surface de l'esprit et ne pas réfléchir plus loin que les apparences, hein ? Du moins, l'Inquisiteur en avait décidé ainsi. Il n'écouterait plus que ce que l'alcool relevait. À cause de légendes et autres idioties... lui-même avait été accusé. N'était-ce pas l'origine de la cicatrice sur la main du matelot ? Apparemment, personne ne savait mener de tribunal correct. Lui saurait le faire au mieux. Et il décrétait à cet instant que l'elfe devrait prendre les sentences pour tout ce qui s'était passé. Depuis cette plage jusqu'au fond d'un village en pleine chasse aux sorcières imaginaires.

- Evidemment.

Froid, l'Inquisiteur n'avait rien de l'impartialité de ce que devrait être un juge, il restait à regarder la misérable chose échouée qui se lamentait. Allan devait avouer cependant qu'il n'avait rien espéré de cet énergumène.

- Tu pleures plus que les "gamins" que j'ai brûlés.

Ce n'étaient pas des enfants, non, ce n'étaient que des illusions trompeuses. Des âmes damnées à un démon volant. Et en devenant fée, Vijendra passait au statut de traître. La foi aurait dû le faire braver les tempêtes, s'il n'avait pas été sauvé, c'était qu'il était perdu. Tijl lui parlerait du Pardon plus tard.

Pierre s'impatientait déjà, envoyant la tête de la fée contre le tronc qu'elle ne savait pas soulever. Puis il se chargea de trainer la pièce et de la planter dans le sable. Il y avait mis de la force, pour bien fixer ce qui servira de centre au bûcher. Il avait grommelé bien des insultes variées à l'égare de son "chien" au passage. Ce qui amusait bien Paul, celui-ci approchait à nouveau Vijendra pour lui mettre une bûche épaisse mais bien plus modeste entre les mains et coinça ses doigts dans le cordage au cou de la fée.

- Rêvasse pas. On a assez de poids différents si t'es trop faiblard.

Et il le trainait, ne ménageant aucun de ses cris pour lui faire porter le bois.

Joseph, de son côté, s'était éloigné. Il devait être plus loin que le sable de la plage, du côté encore sauvage sans habitations à proximité. Les traces de pas qu'il avait laissées étaient un peu tordues, il ne marchait pas en ligne droite, mais il avait l'équilibre tenace. Et les noeuds encore bien maitrisés.

- Dépêche-toi, faut préparer ça pour quand Joseph reviendra. On a laissé un piège l'autre jour, on veut profiter de ce qui a pu s'y fourrer. J'espère pour toi que y a eu une bête dedans.

Il ricana de son haleine d'éthanol, avant de pousser la créature à nouveau dans le bois. Pierre s'occupait avec le sourire des morceaux de troncs bien plus imposants. Et Allan observait la scène, en train de préparer une corde particulièrement épaisse que Joseph avait apporté au préalable.

Le temps de la plaisanterie avait assez duré, ils avaient achevé eux-mêmes le plus lourd du labeur. Et lorsque la fée semblait être sur le point de tourner de l'oeil, Paul se ravisa de lui donner plus de coups. Ce qui était amusant, c'était de l'entendre pleurnicher, pas jouer la belle au bois dormant. Ce qui ne donna pas plus de douceur à ce pirate-là d'ailleurs, il se contenta de trainer la victime jusqu'à une grande bûche qui servirait une autre fois de base pour l'y attacher. Bien face au bûcher qui prenait forme.

Pierre achevait les grandes portions, et vint vers ce qui était Vijendra. Simple surveillance. Et déjà au loin, Joseph réapparaissait emmenant avec lui une silhouette plus petite. Plus il approchait, plus l'on pouvait distinguer de ce qu'il s'agissait. Un enfant perdu. Isolé, ou abandonné par ses équipiers... c'était que le temps du printemps donnait envie de repartir en exploration.

Allan fouillait dans ses poches, il en sortit de l'amadou qu'il disposait sur le bûcher sorti de sable. À bien y regarder, on pouvait cerner des zones plus sombres parfois sur la plage. Là où se trouvaient les restes des carcasses dévorées par les flammes. Il y en avait moins qu'auparavant, puisqu'ils avaient été orbleus.

L'enfant jeté au sol, juste sous le nez de Pierre et du scribe, laissait voir diverses marques de de passage à tabac. Il y en avait qui venaient bien de Joseph, mais d'autres étaient un peu moins fraiches.

- On a une petite prise qui devrait fondre comme du beurre ! J'crois que d'autres l'ont battus, il a peut-être volé un bonbon à des copains.

Expliquait le matelot aux cordages en pinçant une joue du garçon perdu, une corde pareille à celle que Vijendra portait au cou avait été nouée au même endroit sur l'enfant. Paul approcha à son tour pour aider son collègue à installer leur prise au tronc central. Allan suivait le mouvement, tendant la corde qu'il avait préparée à Joseph. Celui-ci s'attela à faire des noeuds particuliers, bien serrés, au point de couper le sang dans les poignets et chevilles du petit. La plus épaisse des cordes servait à maintenir le tronc, les jambes et le cou.

L'enfant devait avoir dans les 10 ans, il semblait être bien affaibli lui-aussi. Néanmoins, il put pousser des cris et des supplications. Sans oublier les larmes. Malgré l'alcool qui semblait être devenu secondaire, les matelots restaient encore pompette mais capables de se souvenir et de faire ce qu'il savaient si bien mettre en place.

Ils riaient, et Pierre s'attela à tenir la tête de la chose féérique.

- Faut pas rater le spectacle, c'est aussi celui que t'as mis en scène. Héhé-

L'Inquisiteur profitait de ces moments de grande mise à mort pour interroger sur les camps ennemis, toutes informations étaient bonnes à prendre. Cependant, il n'avait pas mieux que son sabre et son pistolet. Tant pis pour l'interrogatoire. Et puis, il aurait été trop brusque. Le rhum restait encore aux commandes. Là, tous ne voulaient que s'amuser et faire flamber des trucs.

Des damnés.

Allan était un peu plus docile, à cause de ces bouteilles il se détachait un peu de ses élucubrations. Il ne se vexait même plus lorsqu'on lui disait démon, il s'était contenté de rire comme les autres. C'était tant ironique de la part d'un pactisant de démon justement.

En temps normal, cependant, il aurait pu s'énerver.

- On ne fait que te purifier, détruire tout ce qui est corrompu, puis devant les Portes... ton véritable jugement aura lieu. Peut-être que si tu demandes pardon ton âme aura droit au moins au Purgatoire pour éviter l'Enfer, à moins que tu ne sois pas baptisé... en ce cas, sans nom originel, tu seras perdu dans les Limbes et aucune voix ne priera pour toi. Ce sera mieux que les tortures des démons.

Un peu de fanatisme, sinon ce n'aurait pas été Allan.
Le feu fut démarré, de l'amadou avait aussi été disposé parmi les cordes.

- Tu devrais nous remercier, même une fée nous a aidé à créer ton bûcher.

Ajouta l'Inquisiteur en désignant ce qui restait de conscient de la créature magique. Les flammes grandissaient autant que les cris et les pleurs du garçon perdu, la chaleur commençait à dévorer les yeux. Joseph, Pierre et Paul riaient aux éclats. Et l'Inquisiteur rangea les mains dans les poches de son manteau noir, l'une d'elles reposait sur une petite bible.

Pendant un instant, Allan aurait pu sentir une forme de regret. Une inquiétude brève sur le sens de ce qu'il avait fait sur l'île depuis le début, mais bien vite il oublia.

Hors de question de repenser aux pendus, et puis les cris prenaient trop de places.

- Alors la fée ?! T'as vu ton beau travail ?

Se moquait Paul pendant que la chaleur dévorait leurs visages.

TW description de mise à mort par le feu et vomi, et yeux mais de manière très brève et uniquement suggérée pas de description:

C'en était presque émouvant de revoir les flammes purificatrices dévorer leur première monstruosité après ce terrible hiver. Dommage que l'alcool soit assez présent pour nuire à l'entièreté de la conscience d'Allan, il aurait pu mieux apprécier. Et peut-être ressentir ce doute léger au fond des entrailles, qu'envoyait-il réellement dans l'autre monde ? Trop embrumé pour y penser, il se contenta de s'en aller prendre une autre bouteille dans leur caisse de trésor de la taverne.

Pierre, Paul et Joseph suivirent le mouvement.

Ils fêtaient le retour des chasses et des feux de joie, quelle tristesse ce serait s'ils venaient à manquer de rhum.

- Allez ! On s'en r'fait un autre !

- Raaah ça va, tu saurais même plus attacher un noeud Joseph ! Et mon chien, l'est plus en état. Y porterait pas même des brindilles !

Les protestations de Pierre arrachèrent l'Inquisiteur de sa contemplation accompagnée d'élixir d'oubli, les yeux sombres scrutaient la chose gisant non-loin du rejet de l'estomac. Quel esprit bien faible pour ne pas savoir apprécier la mort d'une monstruosité.

- Et ton "chien", Pierre, combien de temps ça tient sous cette forme ?

Le matelot qui répondait à ce nom parut perplexe en captant le regard de son collègue, il avait oublié que les fées ne faisaient pas taille humaine normalement. Paul vint se planter devant Vijendra, une bouteille de rhum collée aux lèvres avant de rire.

- Il est pas foutu de soulever du bois, il est pas foutu d'apprécier le spectacle, à quoi ça sert du coup ? Hein ?! Hein ?!

Ça n'en avait pas l'air, mais il s'agissait bien d'une devinette.

- Allez les gars, on a une fée agrandie... on essayer de trouver où elle planque sa poudre magique. On pourra jamais rien lui demander à faire, on peut se servir nous-même !

Et le gars trouvait son idée excellente, Joseph s'attelait même déjà à récupérer les cordages attachée au tronc où le scribe était lié, pour passer à une position plus pratique pour la "science" de l'exploration.
Cette curiosité n'enchantait pas tant Allan, mais elle pouvait servir. Il restait cependant là à contempler ce qui restait du corps, le feu durait bien mais avait déjà commencé à ronger les dernières forces du pilier central.

Pierre ronchonnait un peu, mais il se laissa convaincre après avoir encore bu. Les trois s'attelaient à leur nouveau projet, et Paul se tourna vers l'Inquisiteur pour lui demander une chose importante.

- Alors, dis, est-ce que les fées ça ressent la douleur ou est-ce que ça fait semblant comme les autres "monstres" ?

Un petit moment sans aucune réponse passa, Allan sortit finalement le sabre rangé jusqu'à ce moment. Ses textes ne parlaient pas de comment chasser et faire avouer quoi que ce soit des fées, il ne saurait pas même comment les classer. Si les catins du diable étaient des sorcières, les fées en étaient les animaux de compagnie ? Il n'avait aucun souvenir des contes de fées.

Il s'approcha, moins vacillant que les autres, il toucha l'une des traces de sang violacé venant de la créature et l'observa à son tour à la lueur des flammes.

- Pour commencer, ça ne saigne pas.

Evidemment, pour lui, du sang qui n'était pas teinté de rouge n'était qu'une nouvelle excuse pour décréter l'absence d'humanité. Il devait s'agir d'un faux sang, juste de la sève, une aberration de magie.

- Du faux sang, est-ce que ses os sont en pierres précieuses ?

Demandait Joseph en terminant ses noeuds, ils avaient plaqué Vijendra au sol. Mains liées entre elles, chevilles de même, la corde du haut était tenue par Pierre et celle des pieds par Joseph qui rattachait sa part au tronc d'origine. Paul frappa du talon, de toutes ses forces, sur l'un des genoux de leur fée du moment.

- Alors ? L'elfe ? C'est du rubis ou du saphir ? Ou peut-être du diamant ? Et chiale pas ! Tu joues la comédie apparemment.

À part l'odeur infecte dans l'air, les esprits avaient délaissé l'intérêt du cadavre dans les cendres.

La chose hurlait, aussi minable qu'une bête blessée et prise au piège. Les pirates riaient et descendaient encore plus de rhum, jusqu'à ce qu'ils aient avalé toute leur petite réserve. Allan avait été moins avide, trop concentré à surveiller ce qui avait été Vijendra. Les insultes n'avaient que tracé un sourire en coin, l'Inquisiteur trouvait ces mots bien faibles. Peu inventifs de la part d'une monstruosité magique.

Le sang violet qu'il observait sur le sabre n'évoquait que le dégoût de ce monde féérique. Infernal serait plus approprié. Même Hook avait été corrompu le temps d'un mal venant par l'air sûrement. Un souffle maudit que seuls les démons du ciel damné savaient engendrer.

Ici, Dieu semblait les oublier. En levant les yeux, seuls des démons accrocheraient le regard.

Mais cette ignoble image, cet infâme décor de branches et de corps pendus, revint à Allan comme ces musiques qui hantaient parfois les esprits. Impossible d'ignorer, l'odeur ressemblait à celle qui planait sur la plage. Cette fumée noire avait quelque chose de rassurant, ou de vengeur.

Un égarement, pendant que Joseph avait coupé une mèche de cheveux à l'Infortuné.

- C'est pas beau ces mots-là, dis donc ! On attend toujours ta jolie poussière.

Rouspétait Paul en pinçant le nez de la créature. Il perdait d'ailleurs l'équilibre et se retrouva sur les fesses, il voyait double.

- Justement, la poussière c'est peut-être dans les cheveux ! Il faut les couper et les broyer !

Supposa Joseph en observant tant bien que mal ce qu'il venait de prendre, Pierre ne rajoutait rien à ça. Celui-ci rigolait simplement. Et Allan quant à lui... il imaginait déjà un autre brasier. Il tenait un peu mieux sur ses jambes que les trois autres, au moins.