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Sujet: Re: Après l'Ordinaire, la pluie Dim 3 Jan 2021 - 15:15

Peut-être qu’elle n’aurait pas dû poser cette question. Pourtant, Vijendra y avait si bien répondu, assez pour que San puisse comprendre où il veut en venir. Elle perd rapidement son regard admiratif, au profit d’une inquiétude notoire lorsqu’elle remarque les légers tressaillements de l’elfe.

- Excusez-moi... je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise avec cette question. Vous voulez peut-être vous rassoir ? Demande-t-elle en lui montrant le tabouret posé près de sa commode en chantier.

En cherchant un moyen de changer de sujet, San arrête ses pensées sur la demande de Vijendra. N’est-il pas mal à l’aise avec les hauteurs ? C’est du moins ce que ses souvenirs de l’expédition dans le Monde Ordinaire lui disaient. Il doit vraiment tenir à sa cape... En y réfléchissant, ça parait évident. Il se cache. Il cache sûrement son apparence des autres. Malgré tout, sa demande l’inquiète trop pour qu’elle accepte. Elle n’a pas envie de le voir grimper sur cette échelle pour récupérer cette cape, tout en risquant de subir au passage les moqueries des petits malins qui vivent au Port. En soit, elle se doutait que c’était déjà le cas... Et elle était sincèrement navrée de ne pouvoir y faire grand chose.

San pousse un long soupir, et masse un court instant sa tempe droite. Depuis quand elle se fait autant un sang d’encre pour les autres ? Au final, elle finit par tourner la tête vers Vijendra.

- Vous savez, j’ai beaucoup de longues capes. Je peux bien m’en séparer d’une, ça ne me dérange absolument pas. Votre cape, où qu’elle soit, doit être totalement détrempée... Vous allez attraper un rhume si vous ne sortez pas avec quelque chose de sec sur le dos.

Tout ce qu’elle venait de dire était sincère, et elle espérait que ça ne sonne pas comme une excuse. Elle continue, après une hésitation :

- J’irais chercher moi-même cette cape, si vous voulez. Prenez ça comme un remerciement pour vos compliments et pour les dessins que vous me donnerez. Elle hésite, lui adresse un sourire puis poursuit : Vous êtes quelqu’un de gentil. Désolée si je vous ai paru malpolie lors de nos premières rencontres. Je ne fais pas confiance à grand monde, la plupart du temps.

Sujet: Re: Après l'Ordinaire, la pluie Lun 4 Jan 2021 - 0:01

Oh non, non. Il ne fallait pas qu'il s'assoie. Il fallait juste qu'il arrête de penser à tout ça. Il y avait des sujets qui étaient devenus hors limite pour lui. Il le savait, mais il s'y était tout de même aventuré par deux fois : une première parce qu'il n'avait pas fait assez attention. Une seconde parce qu'il avait accepté de répondre à la question. San ne l'avait obligé à rien, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.

Vijendra posa une main sur son visage et soupira pour évacuer les tensions. Ses tremblements s'accentuèrent sans que cela soit mauvais signe : s'il parvenait encore à éloigner les pensées déplaisantes plutôt que de s'y noyer, alors c'est que la situation n'était pas aussi critique qu'elle l'aurait pu.

"Merci, ça va aller... Je vais bien."

Cette déclaration était probablement un tantinet exagérée. Cela faisait longtemps que Vijendra n'avait pas été "bien", et il serait probablement encore un peu fragile durant les instants à venir. Mais il n'allait pas craquer nerveusement en plein milieu de l'atelier de San, et sachant ce dont il était capable ces derniers temps, c'était déjà une sorte de victoire.

Occupé à juguler le déferlement d'émotions qui ne demandait qu'à l'emporter, l'elfe ne remarqua pas la façon dont San hésita sur la marche à suivre. Il ne tourna les yeux sur elle que lorsqu'elle proposa de lui prêter une cape. Alors ça, c'était inespéré !

C'est qu'il n'avait pas l'intention de mettre le vêtement trempé pour rentrer : ça aurait été très désagréable et ça ne l'aurait pas rendu plus discret. Il faudrait cependant qu'il le récupère et il préférait éviter d'embêter Henrik avec ça s'il le pouvait. Le libraire était très occupé. Vijendra lui causait bien assez de soucis comme ça. Parce qu'il ne pouvait quoiqu'il en soit pas abandonner la cape sinistrée sur le bord de ce fichu volet, Vijendra gardait sur le visage une trace d'hésitation.

"J’irais chercher moi-même cette cape, si vous voulez."

... L'hésitation en question disparut rapidement, remplacée par une stupeur inattendue. Que cela vint ou non en remerciement d'autre chose, Vijendra ne l'avait pas vu venir, et son soulagement - quoique mêlé d'un soupçon de culpabilité à l'idée d'embêter San avec cette histoire de cape fugueuse - creva immédiatement le plafond. Il n'avait vraiment pas eu envie de grimper à cette échelle, encore moins avec les pirates mal intentionnés qui seraient peut-être encore dehors pour se moquer de lui et de sa prétendue capacité à voler.

Il ne comprit pas tout de suite pourquoi ses yeux étaient en train de se remplir d'eau, ni pourquoi sa gorge se serrait douloureusement. Pourquoi était-il ému, comme ça, d'un coup ? Ca n'avait absolument aucun sens.

"Vous êtes quelqu’un de gentil. Désolée si je vous ai paru malpolie lors de nos premières rencontres. Je ne fais pas confiance à grand monde, la plupart du temps."

Elle ne lui avait jamais parue malpolie, voyons... Seulement très timide. Il pouvait le comprendre. Il y avait plein de gens bien sur le Port, mais il y avait aussi plein de gens qui n'étaient pas très fins. Il y avait plein de gens qui n'étaient pas si bien que ça, aussi, finalement. De cela, Vijendra ne s'était rendu compte que très récemment. On ne lui réservait plus le même accueil qu'avant. Cela lui avait donné l'occasion de voir qui était réellement son ami, et qui n'était pas aussi agréable à fréquenter qu'il l'avait cru.

Malheureusement, les exemples négatifs étaient légions, à tel point qu'il en arrivait à pleurer - il l'avait enfin compris - simplement parce qu'une quasi-inconnue lui évitait de se confronter à de nouvelles brimade, et faisait au passage preuve d'une profonde bienveillance à son égard. Il cacha une grimace involontaire dans le creux de ses mains.

"Oh c'est parfaitement compréhensible vous savez... Je... Merci... Merci pour votre aide. Je suis désolé. Merci..."

Pour l'originalité, on repasserait, mais cela résumait bien ce que ressentait Vijendra à l'heure actuelle : il lui était très reconnaissant, San le sortait d'une belle panade. Mais désormais, il sanglotait, et il se sentait bête, d'autant qu'il allait la mettre mal à l'aise. Alors il s'excusait.

Sujet: Re: Après l'Ordinaire, la pluie Jeu 28 Jan 2021 - 18:47

San n’ose pas trop bouger, surprise de l’émotion qui traverse sans aucun filtre Vijendra. Pudique, elle détourne par réflexe les yeux lorsqu’elle le voit pleurer très sincèrement. Se ravise ensuite, en se rendant compte que le Pirate pourrait peut-être mal le prendre, alors qu’elle n’est nullement gênée ou dégoûtée. Après un court temps d’hésitation, elle lui adresse le sourire le plus chaleureux dont elle est capable.

- Ne vous excusez pas. Je ne vous l’aurais pas proposé si je n’avais pas envie de vous rendre service.

Elle ose faire un pas vers Vijendra, puis rajoute :

- Si vous en sentez le besoin, n’hésitez pas à revenir à n’importe quel moment. Vous serez toujours le bienvenu.

La birmane n’ajoute rien de plus pour l’instant. Comment aurait-elle réagi, si elle s’était retrouvée fée pour toujours ? L’aurait-elle bien pris ? Sans doute pas au départ, surtout lorsque cela implique dans un premier temps d’abandonner tous ses projets qui ont pu lui permettre de tenir depuis son arrivée non-voulue dans le monde des pirates.

- ... J’imagine... enfin, j’imagine à peine comme ça doit être compliqué.

S’instaure ensuite un court silence, qui l’embarrasse et qu’elle finit par rompre rapidement :

- Vous venez ? Je vais rapidement monter dans ma chambre. Il fait un peu frais ici. Vous pouvez rester devant la cuisinière si vous voulez.

San jette un dernier coup d’œil à Vijendra afin de s’assurer qu’il est bien derrière elle, puis le laisse seul quelques instants afin d’aller chercher cette fameuse cape. Elle grimpe les escaliers, pousse la porte de sa chambre, et ne met pas longtemps à chercher une nouvelle tenue dans son armoire. L’Artisane finit par redescendre au bout de plusieurs instants, tenant une cape noire soigneusement pliée entre ses mains.

- J’espère qu’elle va vous aller. Vous avez dû remarquer que je ne suis pas très grande, rajoute-t-elle sur un ton taquin.

Elle déplie la cape, la secoue un peu afin de la rendre plus présentable, puis la temps à Vijendra.

- Vous voulez l’essayer tout de suite ? Pour la cape que vous avez perdu, vous pourrez revenir la chercher un autre jour. J’aimerais la nettoyer et la faire sécher avant de vous la rendre.

Il aurait bien aimé réussir à se calmer, mais voilà : ça l'avait pris d'un coup et c'était très fort, à tel point qu'il peinait à avoir le moindre contrôle sur ses émotions - et sur ce qu'il en montrait. S'essuyant régulièrement les yeux dans l'espoir que les larmes qu'il épongeait seraient les dernières à couler (ce qui n'était jamais le cas), l'elfe balbutia quelques remerciements supplémentaires à San qui était en train de le rassurer sur sa sincérité, et de lui rappeler qu'il pouvait venir la voir à l'envie. C'était sa gentillesse qui l'avait ému en premier lieu et en soi ces précisions ne l'aidaient pas à se calmer, mais ça lui faisait beaucoup de bien. Il était devenu rare qu'il attire la bienveillance des habitants du Port, à l'exception d'Henrik et de quelques amis.

"... J’imagine... enfin, j’imagine à peine comme ça doit être compliqué."

Cette réflexion lui fit beaucoup d'effet. Elle exprimait beaucoup de compassion. Elle était aussi très frontale. Plus frontale en tous les cas qu'on osait généralement l'être avec lui, de peur de le contrarier. Les sanglots de Vijendra cessèrent assez brutalement. Il tourna la tête en direction de l'Artisane et soutint son regard. Il y avait dans ses yeux énormément de choses qui n'avaient pas besoin d'être prononcées pour s'exprimer de manière éloquente. Il essuyait encore les larmes qui coulaient. Il resta silencieux un instant, conscient de vouloir dire quelque chose, mais incapable de savoir quoi.

San était restée suffisamment évasive pour que l'elfe ne se rebiffe pas. Elle n'avait pas utilisé les termes qui fâchaient. Elle ne l'avait pas associé à ce à quoi il ne voulait pas être associé.

Elle n'avait pourtant pas fait comme si de rien n'était, et Vijendra préférait généralement qu'on le traite exactement comme avant, mais dans ce contexte, c'était différent. Il avait l'impression d'être compris, et ça, c'était inestimable. Parce qu'il se sentait très seul dans sa condition d'humain coincé dans une peau qui ne lui correspondait pas. Parce que c'était un fardeau qu'il avait l'impression que personne ne comprenait. Ni les fées, ni les humains.

"Vous venez ? Je vais rapidement monter dans ma chambre. Il fait un peu frais ici. Vous pouvez rester devant la cuisinière si vous voulez."

Baissant timidement les yeux, il ravala ce qu'il était sur le point de dire. Le sujet était passé ailleurs, ce n'était plus pertinent. Au moins, il ne pleurait plus vraiment.

"Oui, d'accord. Merci, vraiment, vous me retirez une sacrée écharde du pied..."

Comme on le lui avait proposé, il attendit sagement le retour de l'Artisane en restant à côté de la cuisinière. Ses cheveux étaient déjà secs et étrangement aussi soyeux, aussi bien coiffés que si on venait de lui faire un brushing. Ce n'était pas très normal, pas très humain, après la saucée qu'il venait de recevoir, mais il faisait de son mieux pour ignorer ce détail. Ses vêtements en revanche étaient encore humides, alors ça faisait du bien de rester à proximité d'une source de chaleur.

Il se tourna vers San qui revenait vers lui et la remercia avec un sourire pâle quand elle lui tendit le vêtement. Ce n'était pas très grave si la cape n'était pas assez longue pour lui couvrir les chevilles. Honnêtement, ce qui était important, c'était qu'il y ait une capuche et qu'il puisse cacher ses oreilles. Le reste était accessoire.

"Pour la cape que vous avez perdu, vous pourrez revenir la chercher un autre jour. J’aimerais la nettoyer et la faire sécher avant de vous la rendre."

Regard étonné sur son interlocutrice. Vijendra n'aimait pas spécialement faire la lessive - il n'aimait même pas du tout ça, il aurait beaucoup donné pour être en possession d'une machine à laver. Il avait la sensation durable qu'il n'aurait pas dû avoir à faire ce genre de choses. En plus, ça lui asséchait les mains, ce qu'il avait en horreur. Cela dit, ça le dérangeait un peu que San se dévoue à ce point pour lui.

"C'est très gentil de votre part, mais vous n'êtes vraiment pas obligée vous savez, ça m'embête..."

Du même temps il était en train d'enfiler la cape pour l'essayer comme on lui avait proposé de le faire. Il avait repéré la taille de la capuche, et donc :

"Je suis sûr que ça va être très bien."

Dès qu'il eut noué le vêtement autour de son cou, il rabattit le tissu sur sa tête en prenant bien soin de masquer les pointes cartilagineuses qui dépassaient. Il marqua un temps d'arrêt. Quelque chose lui tournait dans la tête depuis maintenant plusieurs minutes. Il chercha les yeux de San, soudain plus sérieux.

"Excusez-moi, ça n'a rien à voir, mais je me demandais... Est-ce que ça s'est bien passé pour les enfants, au final ? Ils ont pu tous évacuer ?"

Elle saurait certainement qu'il parlait de l'aventure qu'ils avaient partagée dans le monde Ordinaire. Vijendra n'avait pas été là pour voir comment tout s'était terminé. Ensuite, sa vie s'était effondrée, il n'avait pas pris le temps de se renseigner. Personne n'avait pensé à le débriefer non plus, les priorités de chacun étant ailleurs.

Pourtant, c'était quelque chose qui lui tenait à cœur. Il avait vraiment fait de son mieux pour que les enfants ne soient pas touchés par l'incendie. Il voulait savoir si ça avait marché. Cela serait au moins ça de pris, même s'il continuait de penser qu'on se serait tout aussi bien débrouillé sans lui, et que son sacrifice accidentel était absurde, celle pour laquelle il avait tout risqué et tout perdu l'ayant jeté comme un malpropre.

Cadeau:

Sujet: Re: Après l'Ordinaire, la pluie Dim 7 Mar 2021 - 18:00

A quelque part, San était presque rassurée de l'avoir vu pleurer, puis se calmer. Il devait en avoir gros sur le cœur, peut-être même plus qu'il ne l'imaginait. Gardant un doux sourire sur le visage, elle le regarde faire et constate à son tour que le tissu est assez large pour couvrir ses oreilles. Elle attend qu'il finisse, pour finalement lui répondre :

- Vijendra, je vous l'ai déjà dis. Si ça m'ennuyait tant que ça, je ne vous le proposerai pas. Ça ne prend pas tant de temps de nettoyer une cape.

Finalement, l'elfe pose un regard plus sérieux sur elle. A sa question, San lui rend un regard surpris : il parlait de l'expédition du Monde Ordinaire. C'est vrai qu'il n'avait pas eu le loisir de voir l'évolution de la situation peu après l'incendie qui s'était déclaré.

- Les enfants ont pu évacuer, il n'y a pas eu de morts. Elle reprend, après une courte hésitation : Je n'ai pas eu l'occasion de le dire, mais je trouve que vous avez bien agi lors de l'expédition.

San finit par changer de sujet.

- Je me répète, mais venez quand vous voulez : vous serez toujours le bienvenue, peu importe la situation. Je vais de toute façon devoir me mettre en contact avec votre libraire, s'il manque tant de papier.

Si la fabrication lui paraissait faisable pour ses compétences, elle s'y lancerait sûrement. Il faut avouer que dans un coin de sa tête, elle réfléchissait également aux retombées économiques. Bref, à voir. Elle aurait presque roulé des yeux en se rendant compte qu'elle pensait comme une adulte, si Vijendra n'avait pas été là. Mais après tout, son commerce ne peut pas tourner dans le vide.

- Nous aurons peut-être l'occasion de nous revoir plus souvent.

Ou pas.

Sujet: Re: Après l'Ordinaire, la pluie Dim 14 Mar 2021 - 22:51

L'elfe coula un regard relativement étonné sur son interlocutrice et subitement, il se demanda si San avait déjà eu une machine à laver dans sa vie. Et si c'était le cas, s'en souvenait-elle seulement ? Les gens sur cette Île menaient (et avaient mené) des vies tout bonnement difficiles à croire et à appréhender pour l'enfant gâté du XXIème siècle que Vijendra avait été.

S'il avait fallu qu'il nettoie cette cape lui-même, il aurait trouvé ça atrocement long, salissant et contraignant. Vraiment il n'y avait rien de pire que faire la lessive à la main, surtout lorsqu'il fallait nettoyer un vêtement de taille aussi conséquente.

Mais puisqu'elle insistait pour le faire et puisque pour elle, ça ne semblait pas être une telle corvée, Vijendra n'allait pas insister plus longtemps. Dans l'absolu ça l'arrangeait même s'il continuait de trouver ça embarrassant. Et puis il détestait se montrer contrariant.

"Bon alors dans ce cas... Merci..."

De fil en aiguille, son esprit avait dérivé. Il s'était plongé dans les souvenirs de l'expédition dans l'Ordinaire. Une question importante lui était venue.

"Les enfants ont pu évacuer, il n'y a pas eu de morts."

Un immense soulagement le submergea. Dieu soit loué, ça avait fonctionné. Les enfants avaient été sauvés de l'incendie. Tout n'avait pas été complètement vain. Mais pouvait-il espérer y avoir réellement été pour quelque chose ? Il gardait le sentiment qu'on se serait très bien débrouillé sans lui.

"Je n'ai pas eu l'occasion de le dire, mais je trouve que vous avez bien agi lors de l'expédition."

Voilà une remarque à laquelle il ne s'était pas attendu, et qui eut sur lui beaucoup d'effet. Extrêmement surpris, l'elfe tourna les yeux sur l'Artisane. Il la fixa quelques instants, incapable de parler. Il était ému au point de ne plus trouver quoi dire et de sentir de nouvelles larmes lui monter aux yeux. Mais cette fois, malgré sa lèvre brièvement tremblante, il ne pleura pas. Lorsqu'il répondit finalement, ce fut dans un filet de voix enroué par l'émotion :

"Merci..."

Vijendra avait le vertige, ce qui l'avait rendu lent et probablement fait de lui un fardeau. Et puis la première ligne, ce n'était tout simplement pas son truc. Et puis il s'était "perdu" alors que l'action battait son plein. De là à se dire qu'il n'avait concrètement pas dû servir à grand chose, qu'il n'aurait pas dû venir, et qu'il avait fichu sa vie en l'air ~~pour Maëlle~~ pour rien, il n'y avait qu'un pas qu'il avait allègrement franchi.

Son esprit tentait tant bien que mal de trouver un sens à ce qui lui était arrivé. Ce n'était pas la même chose si ça venait de quelqu'un d'autre. Ca avait beaucoup plus de valeur, quelque part, parce que c'était certainement plus objectif. Sa gratitude à l'égard de l'Artisane lui donna le courage de se confier un peu plus ouvertement, mais il détourna les yeux pour le faire.

"Si c'est vrai, si ça n'a pas été totalement inutile alors... C'est déjà ça de pris."

La conversation alla encore ailleurs. A vrai dire, elle touchait certainement à sa fin. Il était temps que Vijendra rentre à la librairie et laisse son hôtesse tranquille. Elle avait déjà fait preuve d'énormément de générosité à son égard, il ne voulait pas l'empêcher plus longtemps de travailler, ou de faire quoiqu'elle put avoir envie de faire. Il accrocha sur ses lèvres un sourire encore pâle mais sincère et vérifia une dernière fois que la cape était bien accrochée, qu'elle n'allait pas s'envoler, ni libérer ses oreilles à un moment inopportun.

"Henrik va être ravi, j'en suis sûr. Et je vais m'occuper de vous trouver les plans dont je vous ai parlé dès que je serai rentré. J'espère qu'on se croisera plus souvent. Je me répète un peu aussi mais.. Vraiment, merci. Vous avez fait beaucoup pour moi aujourd'hui... Rien ne vous y obligeait. Ca me touche beaucoup."

Et là-dessus...

"... Je devrais profiter de l'accalmie pour rentrer. On ne sait jamais quand la pluie peut revenir."

Il tourna les yeux en direction de la porte, et espéra que les pirates de tout à l'heure étaient partis s'abriter de l'averse loin d'ici.

Cadeau:

Nouveau sourire sincère à l'adresse de Vijendra.

- Mais de rien.

Pour tout, à vrai dire. Elle voyait bien que l'émotion était encore là, palpable, chez Vijendra, mais elle préférait rester pudique et ne pas en ajouter plus.

- Merci encore. Si cela convient à vous et monsieur Henrik, je peux très bien passer dans les temps qui suivent. Comme ça, vous ne serez pas non plus obligé de trop vous déplacer. J'ai beaucoup de travail, mais je peux essayer de faire de mon mieux... mais ne soyez pas trop surpris si vous ne me voyez pas arriver prochainement.

Elle préférait s'en excuser d'avance : San travaillait la plupart du temps seule sur ses commandes. A tout moment, un client pouvait apparaître et lui ajouter une charge de travail supplémentaire. Elle préférait ainsi prévenir d'avance, et ne pas faire preuve d'impolitesse.
Aux propos de Vijendra, elle hoche doucement la tête : la discussion semblait toucher à sa fin. En le voyant jeter un coup d’œil vers la porte. Elle l'ouvrit, jetant un coup d’œil vers l'une des artères principales du Port qui s'étendait face à elle, non loin. La jeune femme hume un court instant l'air ou flotte une odeur de terre mouillée.

- L'averse vient à peine de cesser et le ciel est encore sombre, je pense que personne n'osera s'aventurer dehors pour l'instant.

San ne dit pas explicitement qu'avec cette météo, il aura moins de chance de se faire ennuyer sur le Port. Parce qu'elle s'en doute bien qu'il doit se prendre des remarques acerbes au vu des nombreux malins qui se promènent dans le secteur. Elle en a déjà fait l'expérience avec des pirates misogynes qui se rendaient compte que l'Atelier n'était pas tenue par un homme, mais par une femme.

Enfin, la plupart qui disent ça ne savent même pas tenir un marteau correctement et sont moins efficaces qu'elle.

La birmane se tourne vers l'elfe, et fait quelques pas vers lui.

- ... Vijendra, soyez prudent. Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à revenir. Mon hospitalité est sincère et tient sur le long terme.

Au vu des circonstances, il est certainement mieux de se répéter.

Le sourire sur les lèvres de Vijendra était désormais voilé par une couche d'émotions contrites. Il appréciait tout de ce que San faisait pour lui, mais les difficultés qu'il pouvait rencontrer lorsqu'il sortait dehors, depuis sa malencontreuse métamorphose, étaient un point sensible. Il avait été extrêmement soulagé que l'Artisane se propose pour décrocher la cape égarée à sa place, notamment parce que cela signifiait qu'il n'aurait pas besoin de monter à une échelle ni de se confronter trop longtemps aux pirates qui s'étaient moqués de lui.

S'entendre dire qu'il ferait certainement mieux de limiter ses déplacements de façon générale, c'était autre chose. Il baissa les yeux, la gorge vaguement nouée. Henrik partageait un avis similaire. Au début, Vijendra s'était dit qu'il exagérait. Désormais, il n'en était plus si sûr. Le sentiment de sécurité qu'il avait pu éprouver auparavant lorsqu'il évoluait dans les rues du Port s'était évaporé.

Cela dit, c'était tout simplement trop dur de l'admettre. Vijendra voulait croire que les moqueries dont il était régulièrement l'objet n'étaient pas si graves. Ce n'était que des fanfaronnades malveillantes. Personne n'avait d'intérêt à aller plus loin que ces brimades malheureuses. Et puis la plupart des habitants du Port restaient des gens tout à fait bienveillants et agréables qui devaient certainement se rendre compte que ce n'était pas parce que ses oreilles étaient plus longues et sa peau plus sombre qu'avant qu'il était devenu quelqu'un d'autre.

Il était ici chez lui. Les gens devaient forcément le savoir. Tout irait bien, tant qu'il évitait de se balader seul dans les lieux les moins fréquentables. Ca n'était pas si différent des précautions qu'il prenait avant en évitant de s'approcher du Jolly Roger ou de ses marins, n'est-ce pas ?

"Ca me convient, et ça lui conviendra sans doute très bien aussi. Mais ça ne me dérange pas de me déplacer, vous savez... Généralement, il ne pleut pas et il ne vente pas comme ça. Je n'ai juste pas eu de chance aujourd'hui..."

Constatation qui valait aussi pour la façon dont il s'était donné en spectacle devant un groupe d'individus hautement désagréables. Si le temps n'avait pas été contre lui, ou bien s'ils n'avaient pas été là, tout ce serait beaucoup mieux passé. Habituellement, il n'était pas victime de pareils incidents quand il sortait.

"L'averse vient à peine de cesser et le ciel est encore sombre, je pense que personne n'osera s'aventurer dehors pour l'instant."

L'elfe pinça les lèvres. Vijendra aurait été capable de ne pas se rendre compte des raisons pour lesquelles San faisait cette constatation, mais considérant les pensées contrariées qui l'avaient traversé juste précédemment, il ne manqua pas le coche. La remarque l'écorcha un peu. Il avait l'impression d'être devenu aux yeux de San et d'Henrik - entre autres personnes qui lui avaient fait des réflexions de ce genre - une sorte de paria qui aurait du faire en sorte de vivre dans l'ombre pour être certain de ne rencontrer aucun problème.

.. Le plus difficile dans cette histoire étant qu'ils avaient sans doute un peu raison, et que Vijendra à force de mauvaises expériences l'avait compris, intégré, même s'il affirmait souvent le contraire. Si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas pris un tel soin à porter des capes dès qu'il sortait dehors, de sorte à cacher son visage et ses oreilles.

De toute façon, il n'aurait pas été légitime qu'il lui reproche ses préoccupations quand il était été le premier à s'être dit qu'il devait profiter que la pluie se soit à peine arrêtée pour partir avant que ses harceleurs reviennent. Elle se faisait du souci pour lui, c'était très gentil de sa part. Il devait faire abstraction du reste. L'elfe se tourna une dernière fois dans la direction de son interlocutrice et lui adressa le sourire le plus avenant dont il se sentait capable malgré son cafard envahissant.

"Je serai ravi de revenir vous voir. Et ne vous inquiétez pas, je... fais ce qu'il faut." c'était déjà dur d'admettre qu'il en existait un besoin. Il détourna les yeux et ajouta enfin, peu avant de passer le seuil de la porte :

"A bientôt, San. Je suis heureux d'avoir mieux fait votre connaissance, aujourd'hui."

Et là-dessus, après un dernier sourire, il allait probablement s'éclipser.

Cadeau:

✘ AVENTURES : 2537

The End

Nul ne sait comment cette aventure s'achève,
On l'aura oublié, dès que le jour se lève.

FIN DE L'AVENTURE

» Pluie de cœur, cœur de nuage, nuage de pluie [PV Loutre Sage]
» Après toi
» Après la fin
» Après la Nomination
» Souvenir, ce qui reste après le geste.

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