Des cheveux roux coupés au carré, fins et lisses, de grands yeux verts en amande pétillants de malice, le sourire en coin taquin de celle qui en sait plus que ce qu'elle en dit : voici Witted, Diplomate de son état, aussi flamboyante que le reste de l'armée des rouquins présents au Grand Arbre. Si sa petite taille et sa corpulence moyenne font qu'on la remarque moins que les autres (après tout, à huit ans, on peine à atteindre le mètre trente), elle compense avec une verve acérée et des mots bien choisis. Et gare à qui oserait la provoquer : elle n'a ni sa langue, ni ses poings dans sa poche.

Pourtant, elle n'a pas l'âme bagarreuse. Au contraire, elle est plutôt amicale et agréable, si son instinct ne lui dit pas de se méfier. Simplement, elle ne s'en laisse pas conter, et lorsque les mots ne sont plus efficaces, elle n'éprouve pas le moindre remords à coller une droite ou un coup de pied bien placé. Son frère lui a bien appris.

D'ailleurs, ce n'est pas la seule chose qu'ils partagent. Si Witted est bien plus réfléchie que son frère, elle possède le même tempérament de feu : impulsive, il lui arrive de parler avant de réfléchir et de dire des choses qu'elle pourrait regretter plus tard : blesser les autres n'est pas vraiment son objectif principal. Par contre, lorsqu'on la cherche et qu'elle laisse remonter la colère, elle s'avère mauvaise et revancharde et est capable de se venger de manière particulièrement insidieuse.

Aventureuse et tête brûlée, elle semble ne pas avoir peur de grand chose -sans être réellement courageuse en situation dangereuse-, n'est pas la dernière pour partir en Expédition et ne le fait pas toujours avec la plus grande des prudences... Intrépide et maligne, elle n'est cependant jamais à court d'idée pour se sortir des ennuis -"Astucieuse", diraient certain.es... c'est qu'il faut mériter son surnom !- ce qui la rend particulièrement efficace en négociations lors des captures d'enfants. Et puis, tout cela lui a permis d'apprendre à connaître plusieurs recoins de l'Île et les personnes et créatures qui y vivent, ce qui est bien utile lorsqu'on est Diplomate.

Dès qu'il s'agit de son rôle au sein du Grand Arbre, Witted est professionnelle et dévouée. Elle sait faire bonne figure lorsque c'est nécessaire, et bien qu'il lui faille parfois calmer son tempérament de feu, elle est tout à fait capable de témoigner la retenue qui s'impose. Extrêmement intelligente, elle fait preuve d'une maturité qui n'existe pas chez beaucoup d'enfants de son âge et ne s'entendait d'ailleurs pas très bien avec les enfants de sa classe, préférant la compagnie des plus âgés. Étrangement équilibrée entre enfance facétieuse et sens des responsabilités, Witted possède une intelligence au-dessus de la moyenne -bien qu'elle n'ait jamais été diagnostiquée dans l'Ordinaire, il aurait fallu que sa mère s'intéresse à eux autrement que comme punching-ball pour ça- mise à mal par un comportement social pas toujours adapté aux situations qu'elle rencontre.

Dotée d'un instinct particulièrement développé et sur lequel elle se repose beaucoup, elle a tendance à se départir difficilement de ses premières impressions. Cela ne veut pas dire qu'elle ne changera jamais d'avis, mais plutôt qu'elle fera longtemps preuve de méfiance à l'égard de quelqu'un.e qu'elle ne sent pas. De fait, il n'est pas rare qu'elle mène ses petites enquêtes, ce qui lui donne parfois une image de "Miss-je-me-mêle-de-tout" qui lui colle à la peau. Elle dit n'en avoir que faire, mais ce n'est probablement pas l'entière vérité. Elle est bien plus blessée qu'elle ne le montre par ce genre de remarques. Elle a cependant l'habitude de ne pas montrer ce qu'elle ressent, autant pour se protéger que pour protéger les autres -notamment son frère, qui a toujours fait beaucoup pour elle et à qui elle ne voulait pas en rajouter.

Elle s'est très rapidement adaptée à la vie au Grand Arbre, au contraire de son frère -avec qui elle a toujours essayé de passer du temps et qu'elle surveillait d'un œil dès qu'elle le pouvait, malgré leurs rôles très différents.

Son surnom, l'Astucieuse, lui vient non seulement de sa capacité à se sortir des mauvais pas d'une manière différente à chaque fois, mais aussi de son côté espiègle : elle adore jouer des tours et titiller ses camarades, toujours avec affection, cependant. Par exemple, elle parle couramment le gaélique irlandais -qu'elle pratiquait régulièrement avec son frère, à l'époque- et cherche à convaincre Raven que les insultes gaéliques qu'elle utilise en sa présence sont en réalité des salutations soutenues (en espérant bien évidemment être là le jour où il les sortira à quelqu'un). Oh, bien sûr, l'Inflexible lui en voudra à mort... mais elle est convaincue que le jeu en vaut la chandelle.

Sans qu'elle sache exactement pourquoi, elle éprouve toujours un sentiment de malaise profond lorsque deux Perdus s'affrontent dans l'Arène, sur ordre de Peter ou pour régler leurs comptes. Il y a dans cette image un lien à des souvenirs qu'elle ressent comme terribles et elle n'a absolument aucune envie de (re)faire face à de telles souffrances. Elle trouvera donc toujours une excuse pour ne pas venir lors de ces événements, sans jamais expliquer la réelle raison à quiconque. Il s'agit en quelque sorte de sa boîte de Pandore personnelle.

Witted est passionnée par la bibliothèque de Raven. Elle lui emprunte souvent des livres, et fait bien attention à les remettre à sa place après coup. Bon, parfois, elle fait aussi exprès de les poser ailleurs, pour tester les réactions du Diplomate. C'est qu'elle aime bien le faire râler, en réalité.

Depuis toujours, elle est terrorisée par le "Pooka", cette sorte de gobelin métamorphe à la peau sombre des légendes irlandaises, qui sort la nuit pour -notamment- blesser les humains. Elle essaie de ne pas trop y penser, car cette chose existe forcément sur l'île, non ? Tout existe sur l'île de toutes manières... Malheureusement, les cauchemars, en période propice ou non, ne se contrôlent pas. Autant dire que la vie au Canyon, ces derniers jours, n'est pas des plus faciles.

L'une des formes de prédilection du Pooka étant celle d'un "élégant destrier à la crinière flottante et aux yeux jaunes sulfureux et brillants", elle en retire une phobie profonde de tout ce qui se rapproche de l'équidé.

Après le bannissement de son frère Bitter, elle a demandé à Peter de la changer de groupe -pourquoi pas les Artisans ? Elle était débrouillarde et assez agile de ses doigts pour essayer de fabriquer des mécanismes qui pourraient leur faciliter la vie au Grand Arbre- mais l'Enfant-Roi n'a rien voulu entendre. D'après lui, Witted était "trop douée" comme Diplomate pour se faire offrir un rôle ailleurs. Parfois, elle se demande si quelqu'un ne lui a pas soufflé cette réponse... Après tout, ce n'était pas comme si Peter la (re)connaissait vraiment.

Qu'à cela ne tienne, elle a gardé son poste mais est devenue l'une des Diplomates les plus revêches lors des procès : si Witted défend un.e Perdu.e qui veut éviter le Bannissement, vous pouvez être sûrs qu'elle y mettra tout son cœur et qu'elle œuvrera avec une ferveur féroce. Probablement parce qu'elle s'en veut de ne pas avoir su éviter le Bannissement à son frère -et en même temps il n'a jamais été à sa place parmi les Perdus. Mais n'essayez pas de savoir exactement ce qu'il en est : elle ne vous le dira pas, et vous risqueriez même de finir sur sa liste noire.

Ces procès sont toujours relativement difficiles, et si la carapace de la petite s'est certainement endurcie au fur et à mesure -et à force d'échecs plus ou moins bien vécus- c'est également grâce à l'appui de ses collègues qu'elle n'a pas sombré. Sense, notamment, est toujours là pour lui remonter le moral et lui changer les idées, tout en tâchant de lui donner des conseils constructifs pour les prochaines séances. Le fait qu'elle était également une amie de son frère doit aussi aider un peu.

Bien évidemment, elle se sent responsable des malheurs de son frère sur l'Île. Elle n'aurait pas dû se laisser convaincre, lorsque Peter leur a proposé de venir avec eux. Elle avait senti qu'il y avait anguille sous roche, elle aurait dû en parler directement avec son frère. Mais il semblait en avoir tellement envie, et elle n'avait jamais su résister à son regard clair qui lui faisait les yeux doux... Et elle ne voulait pas le quitter. Le fait que leur séjour sur l'Île ait provoqué exactement l'inverse l'attriste énormément, mais elle le cache sous des couches d'indifférence et de colère à l'égard de celui qui a tout de même choisi de rejoindre les Pirates plutôt que les Peaux-Rouges ou n'importe quel autre groupe qu'elle aurait facilement pu visiter.
...Enfin, elle dit qu'elle lui en veut. Au fond, ce n'est peut-être qu'un énième moyen d'ignorer son propre sentiment de culpabilité.

Bitter -Asher, ou quelque soit son nom- lui manque terriblement. Ce n'est pas une pensée qui peut la faire grandir, car elle a toujours été très proche de son frère. Très protectrice, aussi, autant que lui. Elle ne se souvient pas quoi exactement, mais elle sait qu'ils ont affronté beaucoup ensemble. Et qu'ils ont fait beaucoup pour rester tous les deux. C'est probablement pour cela qu'elle lui en veut encore de s'être fait bannir -de l'avoir abandonnée.
Quant à ce qu'il s'est passé lors de l'attaque du Jolly Roger... elle ne sait pas quoi en penser. Une part d'elle voudrait lui demander -non, exiger- des explications. Une autre a trop peur de le revoir pour oser y penser. A sa manière, elle aussi, fait l'autruche. Il paraît que c'est de famille.

Plutôt bien ! Adaptable et toujours avide de nouvelles aventures, elle s'est vite habituée à la vie au Grand Arbre et à toutes les bizarreries du Pays de Jamais. Depuis que son frère est parti, néanmoins, ce n'est plus tout à fait pareil. Même si elle fait en sorte de ne laisser personne le remarquer, il lui arrive d'être moins joyeuse, plus perdue dans ses pensées, l'air un peu triste. Mais cela lui passe souvent bien vite, d'autant qu'il est rare qu'elle se laisse totalement approcher.

Une certaine nostalgie. Ses souvenirs sont flous, mais elle a des réminiscences, des ressentis qui lui font chaud au cœur quand elle pense à l'Ordinaire, la plupart du temps. Pour autant, elle n'a pas envie d'y retourner. D'abord, parce qu'il y a aussi des choses beaucoup moins agréables qui lui titillent l'arrière du crâne quand ses pensées s'échappent vers l'Ordinaire. Et aussi, parce que tout ce qui lui importe à présent est sur cette île, de toute façon.

Witted aime bien Peter. Bien sûr, il a ses accès (et excès) d'autoritarisme, mais reste qu'il parvient bizarrement à s'attirer sa sympathie. Peut-être parce qu'elle a l'habitude des personnages qui se donnent des airs mais qui, au fond, ne cherchent qu'à être aimés (suivez son regard). Cependant, une partie d'elle lui en voudra toujours de l'avoir séparée de son frère.

Hook, elle ne l'aime pas. Pas parce qu'elle ne doit pas l'aimer dans tous les cas, mais pour ce qu'il a failli faire à son frère. Elle n'en a entendu que des échos, mais cela lui suffit. Si elle n'avait au départ qu'une profonde indifférence à l'égard du personnage (parsemée d'une pointe de curiosité car après tout, le Capitaine Hook est un peu comme une figure mythique), elle est plutôt remontée contre lui, à présent. (Comment ça, une excuse pour dévier sa propre culpabilité ? Vous n'en savez rien vous d'abord !)

Arrivée en 1988 en même temps que son frère Aïdan, rebaptisé Bitter. Elle-même fut renommée Witted, et choisie comme Diplomate. Malgré quelques sceptiques parmi ses camarades, elle fait rapidement ses preuves et montre que son astuce peut être utilisée à bon escient au sein de son groupe -même si elle ne met pas de côté les bêtises et autres jeux d'enfants pour autant.

Lors de l'Invasion des Cauchemars, ses peurs d'enfant refont surface. Elle fait de son mieux pour ne pas se laisser submerger, d'autant plus quand elle voit que Bitter le vit encore moins bien qu'elle, mais ce n'est pas facile. Elle ne participe pas à l'expédition pour trouver la fleur Brise-Songe, se concentrant sur son frère et elle.

Après le bannissement de Bitter, elle cherche à changer de groupe et demande à devenir Artisane, mais Peter refuse, sous prétexte qu'elle est beaucoup trop douée comme Diplomate (et tous les arguments qu'elle peut avancer concernant le fait qu'elle serait tout aussi douée ailleurs ne changent rien). Elle se spécialise dans la défense des Perdus lors des Bannissements.

Lors de la Malédiction de l'Esprit Loup, elle décide de partir avec les autres à la recherche de l'Esprit Nuit, estimant que ses capacités comme négociatrices peuvent être utiles. Witted manque de peu d'être touchée par une plante empoisonnée, le Perdu qui l'accompagne n'a pas cette chance. Elle ne vit pas très bien la déferlement de haine et la violence qui s'ensuivent, faisant resurgir des sensations oubliées. C'est en fuyant -et abandonnant son partenaire au Démon- qu'elle s'en sort et passera le reste de sa recherche à se demander ce dont il peut être question, avant de choisir sciemment d'oublier ce ressenti et de l'enfouir plus profondément encore.

Avec une nuit perpétuelle et un Peter Pan cloîtré dans son antre, la Nuit des Horreurs met les Perdus à rude épreuve. Witted prend son rôle de Diplomate très au sérieux, ressoudant les rangs, faisant en sorte que chacun.e ne se laisse pas submerger par la peur et que les conflits ne fleurissent pas (plus que d'ordinaire) au sein du Grand Arbre. C'est également lors de cette intrigue qu'elle apprend que son frère a rejoint les Pirates du Jolly Roger (même si elle s'en doutait déjà un peu).

Il n'y a pas que l'Île qui s'échauffe lors de la Canicule : les esprits aussi. Plus Diplomate que jamais -quand elle n'a pas elle-même envie d'en étrangler quelques uns- Witted cherche, tout comme précédemment, à apaiser les tensions. Elle participera à la mission au Volcan, cherchant mine de rien à obtenir de nouvelles informations sur son frère. Elle apprendra qu'Asher -c'est son nom maintenant- est le nouveau Maître d'Armes de Hook, entre deux frayeurs et négociations ardues avec l'Esprit Feu pour ne pas finir sacrifiée au Volcan.

Ah, la Pluie Salée... Elle l'attendait avec impatience, l'a accueillie avec plaisir et un sentiment de nostalgie qu'elle n'a pas compris. Mais très vite, comme beaucoup d'autres, elle se lasse, puis inquiète. Et puis, il y a l'assaut des Pirates. Elle y est allée comme tant d'autres, avec bravoure et la peur au ventre, et aussi ce petit quelque chose en plus, cette appréhension mêlée d'attente... Elle veut le voir. Juste avoir une idée de ce qu'il est devenu. Juste pour s'assurer qu'il l'a bien oubliée, pour le blesser autant qu'elle se sent blessée, peut-être plus encore, parce qu'il n'a pas le droit de l'abandonner.
Grand mal lui en prit. En plein cœur de la bataille, elle ne fait pas assez attention. Elle voit le pirate venir, et un autre, du coin de l’œil. Pas le temps d'y prêter beaucoup attention. Trop de monde. Witted fuit en le regardant à peine alors que c'est exactement la raison de sa participation : son frère -elle est certaine que c'est lui- vient de lui sauver la vie.
Elle n'est pas très efficace après cela. Trop perturbée. Les cauchemars reprennent du service. Ses inquiétudes et sa colère aussi. Parce qu'il est toujours plus facile d'être en colère que de se poser des questions. Surtout quand on est un enfant qui ne sait pas encore exactement comment gérer ses émotions. Si Witted se débrouille plutôt bien en temps normal, c'est toujours différent lorsqu'il s'agit de son frère.

Avec l'avènement du Givre Mortel, Witted suit la majorité de ses camarades au Canyon. Elle se donne pour mission de faire la liaison entre les Perdus du Canyon et ceux de l'Ossuaire. Il lui arrive donc très souvent de faire le trajet de l'un à l'autre, avec des vivres et/ou des informations. Bien entendu, le fait que cela l'amène à être moins souvent au contact des Pirates Rebelles qui feraient affaire avec les Peaux Rouges n'a en rien influencé sa décision... Absolument pas, voyons.

Un petit cri, dans une maison presque vide. De grands yeux verts qui s'ouvrent sur un plafond clair de la lumière de la lune. Les émeraudes terrifiées tremblent autant que le reste du petit corps qui serre sa couverture à s'en blanchir les jointures. Un coup d’œil à droite, à gauche, vers la fenêtre dont le rideau resté ouvert laisse deviner les étendues de verdure qui les entoure. Une ombre, probablement celle d'un arbre dont les branches crissent face au vent furieux, lui arrache un nouveau cri. C'est lui, elle en est persuadée !

Ses pieds glissent hors du lit, suivis par le reste de son corps. L'enfant fait quelques pas, sa couverture toujours à la main, l'autre approchant dangereusement son pouce de sa bouche. Pourtant, elle se retient. Elle est grande, maintenant, elle n'a plus besoin de faire ça, n'est-ce pas ?

Elle sort de la chambre qu'elle connaît par cœur, avance timidement dans le couloir sombre. Étrangement, l'absence de fenêtre lui fait moins peur. Elle se met sur la pointe des pieds pour faire le moins de bruit possible en passant devant une porte entrebâillée : elle ne sait pas si elle est là ou pas, mais elle n'a pas l'intention de chercher à le savoir. Les coups qu'elle a reçus plus tôt dans la journée la font grimacer à chaque pas, bien qu'il l'ait prise dans ses bras pour lui en éviter quelques uns.

La peur de la chose remplacée par celle de la mère (à défaut de meilleur appellation) fait brièvement disparaître les tremblements de ses jambes. Ce monstre-là, elle sait comment l'éviter. Quelques pas plus loin se trouve son antre, et avec lui sa destination. Sa porte est fermée, mais cela ne l'arrête pas. Le panneau de bois grince légèrement sur ses gonds lorsqu'elle tourne la poignée, avant de pousser juste assez pour passer. Il n'a pas besoin de beaucoup plus pourtant : elle l'entend grogner, et cela lui arrache un petit sourire, soulagement amusé. Il est là. Tout va déjà mieux.

Sans un mot, elle avance dans la chambre jusqu'à atteindre le lit. Il a déjà écarté la couverture, invitation informelle dans laquelle elle se faufile. Elle pose sa tête sur l'oreiller, près de la sienne.

"Je peux rester avec toi ? Le Pooka est revenu...
-Tu l'as vu ? Hochement de tête rapide et très convaincu. D'accord alors. Reste, je te protègerai.
-Pour toujours ?
Hochement de tête mi-endormi mi-convaincu, alors qu'une main ébouriffe les cheveux roux sans ménagement.
-Pour toujours.

Un soupir soulagé, et enfin le reste de peur quitte les yeux verts, dont les paupières se referment tranquillement tandis que son pouce se fraye un chemin vers sa bouche. Tant pis si elle passe pour un bébé. Il est là. Il sera toujours là. Elle n'a plus rien à craindre.

-

Un cri étranglé alors que les yeux s'ouvrent à nouveau, pour de vrai, cette fois. Dans un lit de camp au fond d'une tente de fortune, Witted tremble. Mélange de peur et de rage. Elle ne se souvient pas du contexte, peut encore moins distinguer les contours de l'endroit où elle se trouvait. Mais elle sait de quoi il s'agit. Un rêve, un souvenir, une chimère... un mensonge, à présent.

Sans un bruit, la gamine se lève, tirant sa couverture avec elle. L'hiver n'est vraiment pas clément. Elle met les pieds dans ses chaussures sans se soucier de les lacer et s'emmitoufle dans le plaid qui la maintient au chaud avant de se traîner vers la sortie. Autour d'elle, les respirations plus ou moins tranquilles de ses camarades du moment. Les nuits sont agitées au Camp ces derniers temps, maintenant que les Mythes ont succombé. Chacun.e profite du moindre moment calme pour aspirer au repos qui leur manque cruellement.

La chevelure de feu contraste avec les lueurs de la nuit. Il n'y a plus grand monde à l'extérieur des tentes, autre qu'une équipe de Sentinelles et quelques adultes qu'elle ne connaît pas. On s'intéresse peu à elle ces derniers temps, ce qui l'arrange : elle préfère ne pas se faire remarquer, de peur que sa présence revienne à d'autres oreilles.

Ses pas la mènent près du Feu Sacré, et du Cocon avec lui. Elle lève les yeux vers son chef, son Roi, qu'elle ne distingue plus que dans son imaginaire au travers de la lumière. Witted soupire, avant de reprendre son chemin.

Les pieds dans le vide. Elle est montée jusqu'en haut d'une des tours de garde, amadouant la personne qui s'y trouve. 'Je veux juste prendre l'air', dit-elle 'Me changer les idées. Ce sera pas long.'. Son regard se perd dans le lointain, vers une direction qu'elle estime être celle du Ranch des Rebelles. Son estomac se contracte. Elle ramasse un caillou qui traîne à côté d'elle et le jette le plus loin possible, de toutes ses forces, avec un cri de rage qu'elle essaie pourtant de garder le plus silencieux possible, par égard pour tous les endormis -et pour éviter que la personne qui l'a laissée rester la regarde trop de travers.

"Pour toujours... Tu parles ! Sale menteur !"

Elle ignore la tristesse de sa voix, elle ignore ses poings serrés sur son plaid à s'en blanchir les jointures, elle ignore les larmes de frustration qui semblent couler sans s'arrêter le long de ses joues. Elle redescend rapidement, ignorant plus fort encore le sentiment de vide qui lui tord les entrailles.

Demain, elle partira en expédition pour prendre des nouvelles de ses camarades de l'Ossuaire. Rien de tel qu'un autre paysage pour se changer les idées.