Inconstante : c'est l'adjectif qui décrit probablement le mieux Prisme, et pas uniquement pour parler de son apparence ou son identité de genre fluide. Personnage haut en couleur dans tous les sens du terme, Prisme vit tout dans les excès. Ses joies, ses peines, ses colères, ses frustrations, qui peuvent aller et venir plus vite que vous éternuerez... Tout sentiment qui la traverse enfle immédiatement dans des proportions hors norme et peut donner lieu à des scènes intenses, dans certains cas hautement agaçantes, même pour ses congénères les plus patients. L'exubérante Prisme a tendance à ne respecter rien ni personne, pas par méchanceté, non, mais juste parce que ses émotions à vif et son égo démesuré l'empêchent de remarquer ses comportements proprement inadaptés. Seuls quelques rares élus sont capables de tempérer ses ardeurs à tout moment - la reine Mab en fait évidemment partie. Elle ne s'aventurerait jamais à contrarier sa Majesté. Sauf si cette dernière insistait pour qu'elle lui donne du Rouge, mais c'est un point qu'on traitera plus tard...

Prisme est venu au monde avec une maîtrise accrue pour diviser la lumière. Les couleurs n'ont donc pas de secret pour lui : il sait les rendre plus chatoyantes et est dans une certaine mesure capable de les changer en distillant ses ondes colorées dans ce qu'il touche. Il en profite pour se pavaner comme un paon, car il est très fier de son apparence, autant que du don qui lui a été offert. En règle générale, les couleurs qu'il porte décrivent son humeur : une vive joie impliquera du jaune ou de l'orange, le vert sera synonyme de fureur ou d'amertume, le bleu indiquera la mélancolie, le violet quant à lui est réservé à la passion, à la fascination. Ce n'est qu'une règle générale ! Parfois (souvent en fait), Prisme pourra se vêtir d'un véritable arc-en-ciel parce que l'envie lui en est venue, ou bien associera deux couleurs sans signification précise parce que ce jour là, elles lui semblaient aller bien ensemble. En cas de grande tristesse, ou si il ne se sent pas bien, il n'est pas impossible que Prisme, en plus de devenir moins brillant, perde littéralement ses couleurs. Il apparaîtra alors terni. Pour une raison qui lui est inconnue, Prisme n'a jamais été capable de voir ni de produire le rouge. Il le vit très mal et ne l'assume absolument pas, au point qu'il l'a toujours caché à tout le monde. Il a recourt à tous les stratagèmes pour cacher ce terrible défaut, à commencer par déclarer à qui veut l'entendre qu'il déteste cette couleur, et que pour cette raison on ne le verra jamais l'utiliser. Prisme voit donc les objets rouges tous noirs. Il est incapable de faire la différence entre ces deux couleurs et se montrera extrêmement prudent en leur présence, afin de ne faire aucune gaffe qui risquerait de trahir son secret.

Ses cheveux noirs de jais sont par ailleurs un signe distinctif. Souples, épais, très doux, ils sont sa fierté et il ne lui viendrait jamais à l'idée de modifier leur apparence. Fut un temps elle craignait qu'ils soient rouges, mais elle a fait en sorte de s'assurer du contraire en prêchant le faux pour savoir le vrai. Elle a de grands yeux turquoises (ils le restent, car elle n'a aucune envie de se mettre littéralement le doigt dans l’œil) et l'apparence approximative d'un.e adolescent.e de 16 à 18 ans. Elle ne se départit jamais de son air noble, pour ne pas dire snob, et elle se tient en règle générale très droite. Sa peau légèrement mate change parfois de nuances - violacées, brunes, ocres... mais ces modifications restent toujours discrètes, car elle trouve les couleurs criardes de mauvais goût lorsqu'elles concernent son épiderme. Prisme émet une douce lumière blanche aux éclats irisés. Ses ailes, semblables à celles d'une libellule, émettent elles aussi un éclat similaire. Toutefois, le reflet bleu qui rappelle sa neutralité prévaut sur toutes les autres couleurs.

"Neutralité" est par ailleurs un terme inexact dans son cas puisque le genre de Prisme est fluide. Il se sent rarement entre deux ou au-delà de la binarité. Fille ou garçon, son apparence diffère peu, quoique ses traits se modifient légèrement, ainsi que sa physionomie générale. Prisme est menu, pour ne pas dire frêle, et de taille moyenne lorsqu'il prend forme humaine. La poitrine qu'il lui arrive d'avoir est relativement discrète et passe inaperçue dans certaines tenues. Prisme n'éprouve absolument aucun besoin d'associer son expression de genre à son identité et il lui arrivera donc régulièrement d'adopter des codes dits féminins lorsqu'il se sent garçon, et au contraire des codes dits masculins quand elle se sent fille. Tout dépend uniquement de son humeur du moment. Ainsi, à moins d'être très attentifs aux détails, il arrivera couramment à ceux qui le côtoient de se tromper en le genrant. Prisme n'en prend jamais ombrage : il se contente de corriger les erreurs au cas par cas. Lorsqu'il s'exprime sous forme humaine, dans le langage des humains, on entend une légère différence de timbre qui permet d'éviter de se tromper plus facilement.

La Pluie tombait drue sur l'île, impitoyable calamité corrosive, lorsqu'un rire innocent retentit au-delà des substances irréelles. Une nouvelle perle de joie se glissa en Jamais, étrangère aux sanglots du ciel. Aussi vite que possible, elle fendit l'air, prête à rejoindre son foyer. L'improbable advint quand son chemin rencontra celui d'une épaisse goutte d'eau : sa lumière éclata. Ses couleurs chatoyantes se délièrent, s'échappèrent les unes des autres, puis décidèrent, bien qu'un peu chamboulées, de continuer leur route comme si de rien n'était. Malchanceux, le Rouge n'eut pas cette occasion. Le rayon dévié, très tourneboulé, perdit son chemin, rebondit de goutte en goutte pour, finalement, s'échouer dans l'inconnu tel une étrange étoile filante. Ainsi Prisme naquit sans son Rouge, qui perdu quelque part attend encore sa fée.

La reine Mab fut donc très inspirée lorsqu'elle lui donna son nom, car c'est bien d'un prisme qu'il est accidentellement né.

Le Rouge manque à Prisme mais cela ne l'empêche pas de créer des couleurs qu'on considère généralement comme composées à partir de ladite nuance : violet, orange... Pas besoin de se creuser la tête ni de penser en terme de synthèse additive ou soustractive, puisque Prisme est capable de manier chacune des couleurs de l'arc en ciel sous forme de lumières monochromatiques, à l'exception de son extrémité carmine, dont les longueurs d'onde lui ont échappé. C'est certes un peu moins drôle avec les couleurs nécessairement composées. Il sera notamment incapable de créer du bordeaux, et son rose ressemblera plus à un violet clair pétant qu'autre chose. A tout le mieux il parvient à créer du marron en assombrissant un orange, mais autant dire qu'il est beaucoup plus à l'aise lorsqu'on lui demande de créer des nuances allant du jaune au violet, avec une préférence pour les couleurs saturées.

Prisme peut sans mal changer la couleur de petits objets inanimés, de la babiole jusqu'à la porte d'entrée taille fée. Au-delà, elle commencera à éprouver des difficultés. Un objet trop gros lui donnera du mal : elle devra y passer plus de temps, s'épuisera, devra parfois attendre de se sentir mieux afin de réaliser le moindre nouveau changement de couleur. Si elle donne trop de lumière, elle risque même de faire un malaise ou de se rendre malade plusieurs jours. Le vivant réagit différemment à sa magie : les changements de couleur ne sont que temporaires. Ainsi elle peut teindre certaines parties de son corps (elle en use et en abuse pour se "maquiller"), d'une autre personne, d'une plante... Mais ça ne durera jamais plus que quelques heures. Quelques minutes, voire quelques secondes, si elle n'y met que peu d'énergie ou si elle a eu les yeux plus gros que le ventre.

Son don des couleurs l'obnubile tant qu'il a tendance à oublier qu'il possède en commun avec les autres fées aristocrates la maîtrise plus générale de la lumière, ainsi que le pouvoir de charmer un certain nombre de créatures. Il est très rare qu'il se serve de ces capacités et dans une situation d'urgence, il serait capable d'omettre de le faire (... ou bien de prendre conscience de ses options un peu en retard).

Prisme peut se montrer adorable, ouverte et joueuse lorsqu'elle est dans de bonnes dispositions, et tout en même temps hautaine, méprisante, bougonne lorsque ce n'est pas le cas. Qui n'a eu à faire qu'à l'une de ses facettes aura du mal à imaginer qu'elle puisse aussi posséder l'autre, cependant il est plus que courant de constater l'une puis de subir l'autre (ou inversement) au cours de la même rencontre.

Dans le même ordre d'idée, quand Prisme est euphorique, il peut donner l'impression de retomber en enfance, notamment dans sa façon de s'exprimer - il est alors très prompt à répéter les mots plusieurs fois à la suite pour insister dessus. Cela peut aussi lui arriver à l'occasion de certains coups de colère. Prisme a plutôt bon fond, mais gare à qui provoquera son courroux, car il peut se montrer très mauvais avec ceux qui s'attirent ses foudres.

On ne sera aucunement surpris d'apprendre que Prisme est très mauvaise perdante. Jouer d'accord, mais seulement si c'est pour gagner.

Il n'est pas rare (très loin de là) que Prisme se serve de son don pour donner plus de teintes à son visage (lèvres, pommettes, paupières...). Il a vu les humains faire et a tout de suite adopté l'idée. Quand on peut mettre plus de couleurs dans sa vie, pourquoi s'en priver ?

Prisme ne supporte pas de ne rien faire. Pire : elle ne supporte pas l'ennui, qui la met sans faute de fort méchante humeur. Et elle s'ennuie très vite. Ainsi elle cherchera toujours de quoi s'occuper, que ce soit dans la citadelle - au risque d'embêter tout le monde - ou dans les archevilles qu'elle visite très souvent sous prétexte d'aller colorer les intérieurs de ses habitants. Elle sera toujours prompte à essayer un nouveau jeu, et tout à fait capable de s'envoler seule à l'extérieur à la recherche de paysages qui lui sont encore inconnus. Rien ne l'émerveillera plus qu'une vue somptueuse, une montagne, une cascade, un animal fabuleux... Très paradoxalement elle ne supporte pas de se salir et encore moins de se mettre en danger, ce qui est donc relativement incompatible avec son tempérament aventureux, et source de colères diverses, régulièrement piquées contre une flaque de boue, ou un malencontreux buisson de ronces. Prisme se souvient alors qu'elle est avant tout une citadine.

Par ailleurs, l'humanité l'intéresse au plus haut point, et notamment les divers styles vestimentaires des individus qui la constituent. Pour cette raison, avant que le givre ne bouleverse profondément la vie quotidienne sur l'île, on le voyait couramment prendre forme humaine, cacher ses ailes avec une cape volée sur un étal lors de sa première visite, et s'aventurer sur le Port à la recherche de belles pièces et de beaux tissus, qu'il ramenait dans une cachette personnelle, un terrier "abandonné", à proximité de l'entrée de la Citadelle. Il essaie d'apprendre à coudre et s'occupe parfois en coupant des petits morceaux de tissus dans les pièces qu'il ramène afin de les reproduire en miniature et de pouvoir les porter. Certaines fées trouvent son passe-temps - et ses choix vestimentaires - bizarres, mais Prisme s'en moque profondément. De temps en temps, Prisme ramène d'autres trésors dans son terrier. Des objets (probablement volés) qui l'ont intrigué, ou qu'il trouvait jolis.

Il lui arrive aussi de se fondre à l'humanité pour en étudier le comportement, qu'elle trouve aussi fascinant qu'amusant. Imiter les humains est probablement son jeu préféré, surtout lorsqu'elle arrive à long terme à les berner ! C'est un jeu extrêmement dangereux, mais elle n'a pas l'air de s'en rendre compte. Elle ne peut de toute façon plus s'y adonner en ce moment, puisqu'il lui faudrait pour cela atteindre le camp de réfugiés, et prendre de ce fait des risques inconsidérés. Cependant, on ne sait pas exactement ce à quoi l'ennui serait capable de la pousser...

Lors de ses pérégrinations hasardeuses, Prisme s'est aussi trouvé un compagnon privilégié : un chatmousse, chimère naturelle ressemblant à s'y méprendre à un félin tout ce qu'il y a de plus classique, à cela près qu'il ne se nourrit presque exclusivement que d'eau et de lumière, par le phénomène de photosynthèse. Quand Prisme a découvert le terrier qui lui sert désormais à stocker ses trésors, il le pensait vide. A tort. Le chatmousse est un animal qui, régulièrement, a besoin d'hiberner pour régénérer. Il plante ses pattes dans la terre et s'endort durant une période parfois très longue. Pendant son sommeil, du lichen pousse au travers de ses poils jusqu'à le recouvrir intégralement. Il devient alors terriblement facile de le confondre avec une grosse pierre pleine de mousse, et c'est exactement ce qui est arrivé à Prisme. Prisme, qui était justement assis sur l'animal au moment où ce dernier s'est réveillé. Terrorisé, il a bien cru que son dernier jour était venu et qu'il allait se faire croquer par ce gros chat noir, qui s'est au contraire montré ravi d'avoir de la compagnie. Après quelques temps passés ensemble, Prisme et la chimère sont devenus inséparables. Il lui a même donné un nom : Frousse, parce qu'il lui en a fiché une bonne quand ils se sont rencontrés, et parce que ça rime avec "mousse".

(Passage vu avec le concerné par Mab interposée XD)
A sa naissance, on a assigné à Prisme un mentor en la personne d'Ether qui n'était en réalité pas très intéressé par ce travail et ne l'effectuait que pour en tirer les bénéfices associés : un peu de prestige ne fait jamais de mal... Avec une telle éducation, on comprend sans aucun mal comment la jeune fée est devenue ce qu'elle est maintenant : beaucoup trop fière, en mal d'attention permanente, à la recherche de l'admiration des autres, de la sensation de leur être nécessaire, d'une gloire finalement très superficielle. Son ennui permanent et son humeur changeante, régulièrement massacrante, cachent une grande solitude, que seul Frousse tempère un peu depuis qu'il est entré dans sa vie. Pas très douée pour le relationnel, Prisme ne s'est jamais vraiment fait aucun ami. Entendons nous bien : ça ne signifie pas qu'elle s'entend mal avec Ether, lequel a tout de même fait en sorte de la garder en vie jusqu'à présent, en lui interdisant de sortir durant la Pluie salée et en lui racontant ce qu'il se passait dehors pour la dissuader de fuguer - tuer sa jeune pupille par négligence l'aurait fait mal sur son CV. Elle n'a jamais connu autre chose et serait bien incapable de regretter une relation dont elle n'a pas notion. Comme tout jeune enfant curieux, Prisme a dû lui poser beaucoup de questions à une époque. Elles ennuyaient rarement Ether qui à défaut d'être attentionné se montrait plutôt loquace. Par contre, ce qui l'intéressait, c'était avant tout de s'écouter parler : plus que de chercher à éduquer Prisme il déviait régulièrement la discussion sur ses sujets de prédilection. Les humains, tout particulièrement. Personne ne doute qu'il est l'origine de la fascination que Prisme éprouve à leur égard. Elle lui doit probablement aussi sa tendance aux commérages (et en même temps quand il n'y a "rien" à faire, il faut bien s'occuper !).

Bien, mais beaucoup trop cloisonnée entre les murs de la Citadelle à mon goût ! La routine est insupportablement ronflante. Quand je suis né c'était "gnagnagna sors pas la pluie", et maintenant c'est "gnagnagna attention le givre". Je n'ai jamais connu l'île sous un temps clément, j'admets le regretter un peu. Je regrette surtout le temps où je pouvais explorer le pays plus librement. J'ai hâte que ça se termine ! Je suis né en temps de crise alors j'ai tendance à ne pas me poser la question du "si" mais plutôt du "quand" ça va bien vouloir se calmer. Tout en ne me mettant absolument pas au courant des dernières évolutions par moi-même, parce que bon, je n'ai pas que ça à faire (... en fait si, mais c'est pas amusant). Frousse aussi en a marre de rester enfermé, il voudrait bien retourner au terrier pour piquer un somme, mais je ne veux pas qu'il devienne un orbleu en fourrant ses patounes dans le sol givré.

On m'en a parlé mais je ne l'ai jamais vu par moi-même... Pour m'intriguer il m'intrigue ! Est-ce que je pourrais voir du rouge là-bas ? Les paysages sont-ils différents ? Les couleurs aussi ternes qu'on veut bien le dire ? A quoi ressemblent les vêtements des humains ? Leurs coutumes sont certainement des plus étranges ! Il faudra que j'aille voir, un jour. Ça ne doit pas être si compliqué, si ?

C'est un humain mais ce n'en est pas un, c'est un peu une fée aussi, il rend notre monde fascinant et fait chatoyer ses couleurs... Ça doit être le compagnon de jeu idéal, c'est certain ! Mais quand je suis née il était très triste, et ensuite très endormi... Hook est un vieil humain, ça le rend par principe amusant parce qu'il a des réactions bizarres. Enfin... C'était le cas avant qu'il ait les yeux tous bleus. Les orbleus font très peur. C'est bien pour ça, et uniquement pour ça que j'accepte de m'enfermer alors que je m'ennuie TELLEMENT. Personne n'en a rien à faire que je m'ennuie, en plus. Personne ne fait aucun effort. Un véritable scandale.

La naissance de Prisme a eu lieu tandis que la Pluie salée tombait déjà par seaux entiers sur le pays de Jamais. Elle était encore très jeune quand les fées de toutes les régions durent se réfugier au palais. Elle ne s'intéressa pas, et ne comprit donc pas vraiment ce qu'il se passait. Elle n'a pratiquement vécu que dans le nouveau système impliqué par la réforme et n'a pas vraiment conscience de la profondeur des changements occasionnés.

Son mentor lui interdisait de sortir afin de le garder en sécurité. Malgré sa frustration, Prisme n'a jamais essayé d'aller contre cet ordre, en réalité bien trop effrayé par les récits qu'on lui contait, notamment ceux qui concernaient les fées de sel. Lorsque la pluie cessa, Prisme commença à sortir à l'extérieur. C'est à cette occasion qu'il explora les contrées alentour ainsi que les archevilles, qu'il entra en contact avec d'autres peuples que le sien, se fondit parmi les humains, commença sa collection de tissus et d'objets en tout genre et enfin, rencontra Frousse. Il vécut ainsi jusqu'à ce que le bal organisé par Hook vienne tout changer et que la menace du givre le force à s'enfermer de nouveau dans la Citadelle. Les orbleus lui faisant encore plus peur que les fées de sel, Prisme n'a pas osé sortir à l'extérieur depuis. Et il est en permanence d'humeur massacrante.

Prisme passa la tête sous une grosse racine et dut même lever une jambe pour parvenir de l'autre côté. Le terrier s'était éboulé, c'était très contrariant ! Il faudrait qu'elle demande à Frousse de déblayer tout ça car il était hors de question qu'elle se contorsionne chaque fois qu'elle voudrait revenir ici. Elle tira de toutes ses forces sur son nouveau larcin : un veston soyeux, brillant, décoré de très jolis motifs. On lui avait dit que c'était du "brocart". L'exhibant, elle avait joué à faire semblant d'être humaine face au chatmousse interdit, probablement rendu perplexe par son jeu d'actrice, et puis elle avait repris sa taille originelle et décidé de ranger son nouveau trésor avec les autres. Seulement, il allait être difficile de faire passer le vêtement dans un aussi petit trou.

N'ayant aucune patience, elle essaya quand même. Quelque chose bloquait mais plutôt que de réfléchir elle tira, tira, battit des ailes à tout va pour se donner plus de force et puis... tomba à la renverse, tandis qu'on entendait quelque chose se déchirer. Un nuage de terre granuleux lui tomba dans les yeux. Prisme glapit et se frotta le visage. Ça faisait mal ! Elle ne voyait plus rien, et son beau trésor était tout abîmé.

C'était.
NUL !

Nul nul nul nul, mais alors nul, et encore nul et puis surnul. Ce terrier était nul, elle n'aurait jamais dû venir ici en premier lieu. D'ailleurs, tout ce qu'elle voulait, c'était être chez elle. C'était encore trop loin. Ça aussi, c'était nul. Hors d'elle, la fée tapa des poings comme des pieds sur le sol et tinta aussi fort qu'elle en était capable en espérant que Frousse ne serait pas stupide au point de ne pas comprendre le message sous-entendu : elle était excédée, alors il avait tout intérêt à venir la sortir d'affaire sans tarder.

Un œil vert apparut dans la fente par laquelle elle était entrée, bientôt suivi d'un miaulement interrogatif.

"TU VAS LE CREUSER CE TROU OUI OU NON ?"

Éclat bien inutile, comme le chatmousse était déjà en train de gratter la terre et de rendre l'accès à nouveau facile. Prisme se redressa et s'avança, désolée, vers son pauvre veston désormais sale en plus d'être troué. Dégoûtée, elle secoua la tête de gauche à droite.

"On rentre, j'en ai marre."

Frousse poussa un nouveau miaulement puis donna l'impression de vouloir la guider quelque part. Intriguée, Prisme consentit à le suivre. Ils arrivèrent parmi les trésors de la fée qui se sentit instantanément soulagée. Sa petite caverne aux merveilles lui faisait toujours un peu de bien au moral.

"OH !"

Elle remarqua alors ce qui n'aurait pas dû être là. Ce que Frousse était en train de lui montrer, et qu'il poussait du bout du nez. Une toute petite plume d'oiseau, qui brillait de mille feux. Prisme n'avait jamais vu un turquoise aussi beau ! Maintenant, elle voulait le mettre partout.

"Frousse tu es le meilleur chatmousse de tous les chatmousses ! C'est joli joli joli ! Tu veux être joli toi aussi ? Regarde comme c'est beau !"

De l'index et du majeur elle se toucha le bout des lèvres, et sa peau prit la même teinte bleu vert que celle qui lui avait fait retrouver sa bonne humeur. Rieuse, elle tourna sur elle-même avant d'approcher du visage de Frousse qui loucha tandis qu'elle touchait les poils entre ses yeux. Ils changèrent brièvement de teinte, et l'expression de la chimère provoqua une fois de plus son hilarité. Et si ils allaient à la chasse aux oiseaux ?

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***
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"Non.
- Mais enfin ! Prisme, ce n'est pas comme si tu allais vivre ici de toute faç...
- NON.
- Juste un petit rideau de rien du tout ! S'il te plaît !
- NOOOON."

Les bras croisés sur sa poitrine, le dos terriblement droit, les lèvres non moins terriblement pincées, Prisme n'aurait pas pu avoir l'air plus mécontent. Ses yeux plissés cachaient un iris à la pupille rétractée. Ses cheveux tombaient en cascade sur ses épaules dénudées. Il portait une robe corset intégralement faite de plumes d'oiseaux - l'une de ses lubies du moment. Lorsqu'il était arrivé, le vêtement brillait d'une multitude de couleurs différentes mais dorénavant, et suite à quelques caresses discrètes, il avait intégralement viré au vert bouteille. Et ça n'était pas rassurant. C'était maintenant ses ongles, au rythme de ses pichenettes nerveuses, qui prenaient l'un après l'autre la même couleur.

"Tu te moques vraiment de moi. Tu sais très bien que je ne donne pas là dedans ! Je n'ai pas que ça à faire alors tu m'excuseras, mais je crois que je vais m'en aller...
- Mais c'est quand même fou, ça ! Ça ne te concerne même pas, pourquoi es-tu aussi butée ?
- Le rouge est une couleur IMMONDE.
- Tout le monde n'est pas obligé d'être de ton avis, petite...
- Déjà c'est petit. Ensuite ce n'est pas petit parce que je ne suis plus petit depuis AU MOINS longtemps. Ensuite, comme je le disais, le rouge est une couleur IMMONDE. Je refuse de commettre ce crime de mauvais goût, débrouille toi sans moi."

Le cœur de Prisme battait un peu trop fort. Il détestait quand ce genre de choses arrivaient. Combien de temps encore arriverait-il à cacher aux autres fées qu'il était incapable de voir, et a fortiori de créer cette couleur ? Qu'allait-on penser de lui ? Il aurait l'air ridicule, lui dont la maîtrise des teintes et des nuances était censée être la spécialité ! Son interlocuteur grommela et finit par abdiquer. Ils le faisaient tous. Celui là lui tenait la jambe depuis plus de cinq minutes, mais certains s'étaient déjà montrés plus insistants encore.

"... C'est ridicule. Va pour... Tu peux me faire un ocre brun, un peu orange ?"

Prisme roula des yeux, leva les bras au ciel et soupira, grandiloquent :

"Enfiiiin... !"

Il s'approcha donc de l'objet, lança une main souple contre sa surface et laissa la nouvelle teinte s'étendre jusqu'à la recouvrir intégralement.

... Il était encore très agacé. Il observa son commanditaire par dessus son épaule, avec aux lèvres un sourire mauvais qui ne présageait rien de bon.

"... Et voilà ! Ce n'était pas si compliqué... papy.
- Hey !"

Se faire traiter de vieux schnock serait probablement le dernier des problèmes du concerné car Prisme était en train de sortir de sa maison, et il avait incidemment mis sa main sur la porte d'entrée... laquelle était, doucement mais sûrement, en train de virer au jaune canari.

"Reviens ici sale petit chenapan !"

Mais Prisme n'en avait aucunement l'intention. L'autre fée pouvait bien lui courir après si ça lui chantait ! Il s'envola dans les airs et le provoqua avec un pied de nez. Riant à pleine gorge, il s'enfuit à toute vitesse. Son euphorie ne serait que de courte durée. Le Rouge lui manquait. Chaque fois qu'on le lui rappelait, il sombrait immanquablement dans la mélancolie.