Au sein du Grand Arbre et sa population colorée, on ne remarque pas tout de suite Violet, et c’est tant mieux. Cette dernière, sans être ostensiblement solitaire, n’a jamais aimé être au centre de l’attention. Sa présence est discrète, de prime abord, comparable à ces parfums légers que l’on peut sentir à la réception d’une clinique.

Si on lui posait la question, Violet expliquerait, à sa manière, qu’elle n’a pas grand chose pour elle et qu’il ne faut pas s’en attrister car elle-même s’en fout, contente de ce qu’elle est. Ses habits sont discrets, fonctionnels, ses cheveux sont lisses, sans volume et d’un brun terne. Ses yeux en amande, sombres au milieu d’un visage pâlichon, affichent souvent une expression nonchalante, peu effleurée par autre chose que des sourires sommaires. Et puis, Violet ne parle pas. Violet fume un peu, observe les alentours avec la même énergie qu’une patiente qui attend son rendez-vous depuis une heure et dont le téléphone s’est éteint à mi-parcours.

Dans ces conditions, je comprendrais que vous ne vous attardiez pas.

Pourtant, vous vous en doutez : Violet est plus que ça.

Dans les yeux marrons de l’Esquisse brille une détermination constante et tranquille, souvent prête à se muer en un acharnement un peu effrayant. Lorsque Violet se met une idée en tête, c’est impossible de l’en débarrasser, si bien que la plupart des Perdus abandonnent et cèdent : essayez d’argumenter avec quelqu’un qui refuse de vous parler et vous les comprendrez.

Mis à part ce côté obstiné, la discrétion apparente de la Mère cache d’autres aspects : Violet est courageuse et se soucie du bien d’autrui, peu importe si c’est un bébé de 5 ans ou un grand Perdu qui en a 17. Mais Violet n’est pas envahissante, ses regards solliciteurs ne s’adressent qu’à ceux qui souhaitent les cueillir. Si on lui demande la raison, elle préférera l’explication la plus pragmatique et communiquera - à sa manière - qu’elle a suffisamment de choses à faire.

Elle est indépendante, Violet. C’est une grande fille qui sait s’occuper d’elle-même et qui apprend à s’occuper des autres, sur le tas. Malgré son mutisme parfois déroutant, ses enfants ont l’air de ne pas avoir trop à s’en plaindre (sauf en ce qui concerne sa cuisine). Violet ne se plaint pas, elle lave les vêtements, éteint les veilleuses et laisse les petits s’accrocher à ses bras. Au moment de raconter des contes, elle préférera des théâtres d’ombres et dessins de calepins, traçant des mondes imaginaires dans l’imaginaire jusqu’à ce que le plus entêté des Armuriers ne feigne le sommeil. Et même, elle veillera encore. Par altruisme et par entêtement, pour la clope qu’elle s’allumera dès que le dernier Perdu sera endormi. Puis ce sera son tour.

Après, Peter chantera, il faudra se lever une fois encore.

Essayer d’oublier le Blues.

✸ Dans le Monde Ordinaire, Violet a promis à ses parents que, s’ils la forçaient à voir un psy, elle ne parlerait plus jamais. Elle s’est tue à la première séance et n’a plus rien dit dès sa sortie, même en en arrivant au Pays de Jamais. La force de l’habitude.
✸ L’Esquisse est donc tout à fait capable de parler, mais choisit ne de pas le faire. Ses mots sont rares, elle les distribue avec parcimonie. A la place elle mime, ou fait usage d’un calepin enchanté par une Fée, sur lequel elle écrit ou dessine, et dont le contenu s’efface d’un geste de la main. L’objet de la quitte jamais.
✸ Violet fume, des clopes principalement et de l’herbe parfois, pour calmer ce qu’elle appelle ”son Blues”.
✸ Elle n’est pas musicienne mais très mélomane. Violet danse volontiers aussi, et se fout bien de si elle le fait comme il faudrait.
✸ Les animaux la fascinent. Si vous êtes accompagnés d’un familier, attendez-vous à ce qu’elle vous colle.
✸ L’Esquisse ne se sépare jamais d’un pendentif en forme de demi-cœur rose à paillettes, qu’elle a volé dans un magasin Claire’s de l’Ordinaire. Si on s’approche, on peut y lire la moitié du mot ”BFF”.
✸ Elle a aussi une seule aile de papillon tatouée sur la cheville. Le dessin est affreusement kitsch, mais si vous lui en parlez, elle se mettra à sourire.
✸ Dans le Monde Ordinaire, Violet avait deux meilleurs amis, Sara et Sangha. Ce dernier l’a suivie au Pays de Jamais.
✸ Violet souffre d’une forme de Covid long qui a affecté son endurance et lui a enlevé son sens du goût. Les plats qu’elle cuisine sans recette sont donc hasardeux, souvent fades. Heureusement, Vanessa l’a aidée, lui refilant des recettes qu’elle suit à la lettre. Depuis peu, elle a recommencé à percevoir certaines saveurs mais son goût met du temps à revenir.
✸ Son dos lui fait mal, souvent, elle ne sait pas trop pourquoi. Lorsqu’elle se rend seule à l’Infirmerie, c’est pour ça.
✸ Elle a de la peine à se faire à la nature fantasque de l'Île : comment ça, la géographie n'est pas stable et le temps non plus ? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, même ? Pourquoi tout le monde a l’air de trouver ça normal ?
✸ Si elle s’en doutait déjà avant, désormais Violet a beaucoup de peine à ignorer son attirance pour les filles dans un Grand Arbre plein de Perdues de son âge, toutes jolies de mille façons, comme toutes les formes que peuvent prendre la Lune. Son attirance est dénuée de honte : quoi qu’elle puisse penser, elle a une conscience aiguë de vivre parmi les enfants et ne compte acter sur aucun de ses coups de cœurs.
✸ On dit qu’elle sait bien écouter, mais c’est une illusion provoquée par son mutisme. Quand on la connaît bien, ce n’est pas difficile de voir quand l’Esquisse s’ennuie, quand elle fait semblant de faire attention.
✸ Malgré son statut de Mère, Violet semble oublier sa vie d’avant avec une facilité terrible, comme si une part de son inconscient s’y appliquait. Sa vie n’était pas nulle pourtant, pas extraordinaire non plus. Violet dirait que peut-être que c’était le Vieux Monde qui débloquait, le Vieux Monde et la Machine - comme elle l’appelait.

Forcément, tout est encore un peu nouveau. Violet s’y adapte sans trop de soucis, même si le concept d’un espace/temps élastique lui donne mal au crâne. La présence de Salvo l’aide, heureusement, ça lui fait un repère familier, un souvenir de la maison. Elle ne se rend pas compte de la chance qu’ils ont eue, à être placés dans le même groupe et les aspects les plus durs de l’Île sont encore lointain, pour elle. Pour le moment, elle ne voit que les rires et les tâches qui vont avec sa vie de Mère. Elle fait ce qu’on lui demande, trouve une certaine douceur dans ce nouveau quotidien, le cadre qu’elle offre aux plus jeunes. La vie ici est moins amère que dans l’Ordinaire, elle en serait sans doute heureuse si elle ne se sentait pas si étourdie tout le temps.

L’Ordinaire, c’était la Machine. Quelques années d’insouciance, puis trimer jusqu’à être vieux. Violet n’aurait pas pu attendre la retraite et l’idée de se plier aux lois de ce monde-là la rendait malade. Suivre Peter a été une évidence, ils n’avaient pas grand chose à perdre. Sara lui manque encore, mais ça passera. Le reste est déjà en train de passer, sans qu’elle ait l’impression de s’appliquer à oublier.

Violet connaissait déjà l’histoire de Peter Pan avant qu’il vienne les chercher. Elle a accepté son offre sans trop y croire, avant de se questionner sur l’implication de l’existence d’un personnage de roman dans son monde. Une fois arrivée sur l’Île, tout avait l’air vraiment réel alors elle a fini par s’y faire.
Peter est beau, Peter est brillant. Violet apprécie sa présence. Elle a déjà entendu parler des côtés les plus cruels de l’Enfant Roi, sans y prêter réellement attention. Elle verra bien. Et de toute façon, elle peine à croire qu’un enfant aussi sympa puisse être réellement méchant.

Violet n’a jamais croisé le Capitaine Hook. Les Garçons Perdus en dressent un portrait terrible et l’Esquisse se demande où est la vérité et où commence l’exagération. Elle ne souhaite pas croiser de Pirates pour autant et préférerait que sa vie au Pays soit douce. De ce que disent certains enfants, il existe des Pirates gentils, mais Violet n’a pas envie de se risquer au Port. L’Arbre et ses alentours lui suffisent amplement, pour le moment (plus tard, elle se connaît, elle voudra voir l’Océan).

Violet arrive avec le Printemps. Les Armuriers étant sans Mère, on lui donne la place sans réfléchir. Elle est Mère depuis.

Ça se passe dans une ville dont elle a oublié le nom, et dont les couleurs se fondent avec celles de toutes les autres villes où elle a pu se rendre, en rêve ou en vrai. Le souvenir de sa chambre est encore relativement vivace, avec ses murs d’un blancs ternes et le bordel harmonieux des habits laissés au sol ou sur son lit.

Violet est assise près de sa fenêtre, le regard perdu dans l’horizon grisâtre blessé par une quantité déraisonnable de gratte-ciels. Dehors, pas un bruit, la cité d’habitude si bruyante a des airs de ville fantôme. Son regard délaisse la vue de sa fenêtre pour contempler les restes de l’assiette de pâtes que lui a glissé sa mère une demi-heure plus tôt. Un temps, la bouche de Violet se pince : il vaudrait mieux qu’elle se nourrisse, mais la perspective des nouilles sans goût l’ennuie d’avance. Avec une lassitude manifeste, l’adolescente s’empare du paquet de clope posé sur quelques manuels scolaires. La sensation râpeuse de la fumée sera plus stimulante, et puis sa mère n’osera pas venir l’engueuler.
Pas dans son état.

La ville d’où elle vient - quel que fut son nom - n’a rien de remarquable, si ce n’est sa proximité avec l’Océan. Appuyée contre le rebord de sa fenêtre, Violet se sent reconnaissante de pouvoir en sentir encore l’odeur iodée, portée par les vents. Le temps s’est arrêté depuis plusieurs semaines, elle n’a plus revu sa cuisine depuis 3 jours. L’inertie aurait de quoi la rendre folle, mais Violet est terriblement butée. Elle ne laissera pas une pandémie, si inédite soit-elle, l’emporter.

A côté de l’assiette de pâtes, une série de notes résonne. Électrisée par ce signal, Violet saute au bas de son rebord et glisse de côté, atterrissant sur une chaise de bureau qui avait appartenu autrefois appartenu à [c’était sa grande sœur, elle a oublié son nom]. Frénétiquement, ses doigts attrapent le clavier de son ordinateur portable et y tapent un mot de passe court. L’écran change, découvre une application aux couleurs sombres. Au-dessus d’une conversation, l’icône d’un appel, sur lequel elle clique avant d’activer sa webcam.

Dans son écran, le visage de Sara apparaît. Son maquillage est prononcé - crayon noir et face à la craie, encadré par des cheveux d’ébènes. Pourtant, son expression neutre disparaît lorsqu’elle voit à son tour le visage de Violet.
- Vi ! Tu vis encore !
Elle lui répond d’un hochement de tête enthousiaste, avant de taper une réponse qui apparaît au bas de l’écran.
”Ouais. Toi aussi, à ce que je vois.”
Un rire grave et chaleureux. Ignorant son propre reflet, dans un coin de son écran, Violet s’abîme dans l’expression joviale de Sara. Après un échange de platitudes, cette dernière attaque le vif du sujet.
- Comment ça va ? T’as quoi comme symptômes ?
”Ça va. Je tousse moins et apparemment j’ai plus de fièvre, par contre j’ai perdu le goût.”
- Non, sérieux ?
”Ouais.” Une hésitation, avant qu’elle tape : ”Ça me fait plus rien, quand je mange. C’est la merde.”
Durant quelques secondes, un étonnement sincère se peint sur les traits de Sara. Puis soudainement, son expression s’illumine.
- Tu te souviens du cinnamon challenge, il y a quelques années ? Maintenant tu pourras le faire sans tousser !
L’idée est stupide, mais cela ne l’empêche pas d’avoir atteint son but. Passée la surprise initiale, Violet se met à sourire.
”Ou bouffer des piments. Tu sais, ceux que [elle a oublié son nom] se vantait de pouvoir supporter.”
- Trop bonne idée, bordel... faut qu’on se fasse ça, mais en vrai. Quand on pourra sortir de nouveau.
Un temps. Entre elles, un silence maussade s’installe. En temps normal, les bruits de la circulation en contrebas auraient ponctué leur pause, mais rien ne se produit.
C’est Sara qui finit par parler, comme toujours.
- Je te jure que ce confinement va finir par me rendre folle. Je sais que c’est pour une bonne cause, mais bordel ! Je veux sortir. Aller à la mer, et voir [elle a oublié son nom aussi, elle sait juste que c’était un connard. Son connard de petit ami].
”Je comprends... mais moi, j’aime bien. Je fais rien de mes journées, à part les devoirs... sinon j’écoute de la musique et je dors beaucoup. Mais j’aime ça, tu sais ? J’ai l’impression que d’un coup, j’ai plus besoin de charbonner jusqu’à ma mort. Je crois que c’est comme ça que la vie devrait être, Sara, tu sais. J’en suis convaincue.”
- Pfff.
Sara lui adresse une moue qui en dit long. Après un temps, elle lui répond :
- Je sais pas, Vi. A ce qu’il paraît, c’est pas si mal, quand on a un taf qu’on aime.
Violet ne lui répond pas, peu convaincue. S’animant de nouveau, Sara détourne la conversation.
- Au fait, ton colis est arrivé ?
La distraction marche du tonnerre : c’est au tour du visage de Violet de s’animer, s’illuminant d’un enthousiasme quasi enfantin. Disparaissant de l’écran, elle finit par y réapparaître avec, dans les mains, une série de vinyles. Avec une précaution touchante, elle les dépose aux côtés de l’ordinateur et tape :
”On joue à devine le style ?”
- Si tu veux.
Sara joue l’indifférence, mais sa réponse suffit amplement. Présentant chacun de ses nouveaux arrivages devant la webcam, Violet attend le verdict de Sara, avant de hocher la tête ou la secouer. Cette dernière est forte, malgré son manque d’intérêt pour tout ce qui ne s’apparente pas à la new wave ou au goth. Pourtant, l’enthousiasme de Violet finit par la contaminer. Son amie se prend au jeu, commente le moindre détails.
- Tu peux pas me dire que c’est pas du classique, ça. Ou alors de la folk bizarre, qu’elle énonce devant l’image d’une femme blonde aux traits cachés derrière un masque rouge sang.
”T’es vraiment pas si loin. En tout cas ça pourrait te plaire, c’est brutal.”
- Ouais, ouais. Montre le suivant.
Sur un fond bucolique, la silhouette d’une personne déguisée en fantôme se découpe.
- C’est clairement du rock indé. Balance la suite.
Nouveau vinyle, nouvelle devinette. Sara le contemple, avant d’énoncer avec un certain dépit :
- Hots Rats ? Ça veut dire quoi, même, ce titre ?
”Ça veut rien dire. C’est toujours comme ça, avec Frank Zappa.”
Ainsi de suite jusqu’au dernier de la série. Sara reste circonspecte devant l’image, se plonge dans les yeux quasi luminescents d’une figure enfantine, sur fond noir et bleu. Pas de titre, pas d’indication.
- Je sais pas. C’est flippant, en tout cas. J’aime bien.
Au paroxysme du contentement, Violet prend une grande décision. Avec une clarté quelque peu éraillée par le manque d’habitude, sa voix résonne :
- C’est Fear Of A Blank Planet. Il faut que tu l’écoutes. Cet album... je trouve pas les mots, tellement je l’aime. J’ai l’impression qu’ils ont fouillé dans mon crâne pour écrire les paroles.
Un silence. Sur son écran, le visage de Sara passe de la surprise à une émotion sincère. Malgré la distance, quelque chose de rare et précieux passe entre elles.
- ... je vois. Merci.
Les mains de Violet s’agitent sur le clavier, comme si de rien n’était.
”Ne t’habitue pas trop, j’ai épuisé mon stock de mots pour la semaine.”
Sara lui répond d’un rire sincère, étouffé par l’attendrissement.
- Tu fais chier.


Le monde est retourné à la normale, le temps d’une semaine. La journée a été longue, étirée comme un chewing-gum sans goût. Violet a fumé le reste de son stock avant d’errer, masque sur le nez, sentir le manque de consistance de ce monde dont elle ne veut pas faire partie. Lorsque les couleurs se sont effacées et que le Blues l’a reprise, elle a envoyé un message à Sangha et l’a accompagné d’un meme stupide avant de prendre le chemin de la maison. L’Océan ne la réconforte pas cette fois, le manque d’horizon est trop puissant. Durant quelques mois, elle avait cru que le monde se réveillait, voyait à quel point la Machine pouvait être fragile. Mais rien de tout cela ne s’était produit, tout le monde avait recommencé à se tuer au travail. En toussant, en perdant l’odorat ou le goût - comme elle. En faisant le deuil des mamies.
Quel gâchis.

Un temps. L’envie d’envoyer un message à Sara est fort, mais Violet n’en fait rien. Elles ne se parlent plus depuis cette soirée sur la plage, depuis que Violet avait laissé échappé le secret qui la rongeait et que Sara l’avait rejetée - avec des mots doux, des larmes dans les yeux, un regret sincère. C’était encore pire, encore plus humiliant. Lorsque son connard de petit ami avait chopé Violet le lendemain et lui avait tordu le poignet en la traitant de sale gouine, l’adolescente n’avait rien dit. Elle l’avait laissé hurler, lui ordonner de ne plus jamais voir Sara et lui cracher dessus avant qu’elle ne craque et lui jette son sac à la gueule et de s’enfuir, réfrénant les larmes et l’envie de hurler.

Rien ne va plus, rien n’allait jamais vraiment avant. Les problèmes de Violet sont peut-être insignifiants, à l’échelle du monde, mais pour elle, rien n’est plus grave que ce qu’elle vit en ce moment. Ce soir-là, elle mange à peine, attend l’arrivée de Sangha. Elle n’a plus d’herbe, ils devront se contenter d’être sobres, jouer à tuer des Sims ou écouter les plus doucereuses chansons de sa collection de vinyles. Peut-être qu’il sera occupé, qu’il voudra retourner aux rues qui ont toujours l’air de l’avaler tout cru mais Violet ne le laissera pas, pas cette fois. Le Blues est si fort, se change en une envie de voir autre chose. Lorsque Sangha arrive, Violet oublie son spleen quelques secondes, ignore que, dans un monde différent, quelqu’un a dû sentir leur appel.

Elle est avare de mots, Violet. Elle n’a rien dit devant l’apparition comme tout droit sortie du livre qui prenait la poussière sur l’étagère, elle l’a laissé parler, en pinçant ses bras en silence et en se rappelant toutes les 5 secondes qu’elle n’était plus censée être défoncée. Le deal était trop beau, la proposition insensée, mais lorsque Sangha l’a regardée et lui a posé la question, elle n’a pas réfléchi.
Ils sont arrogants, tous les deux. À leur façon, ils ne s’étonnent pas tant, que Peter Pan les ait choisis. Dans la balance, les regrets fantômes pèsent peu contre la promesse d’un monde nouveau.
- On y va ? Lui demande Sangha, et Violet entend sa voix enrouée qui répond, solennelle juste pour cet instant :
- Ouais. On y va.