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Skunk
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MessageSujet: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptySam 26 Déc 2020 - 9:13

--- [Flashback] - Intrigue 5 - La Pluie Salée (Début) ---


- And then I ran into the Devil -


Don't you dare look away, boy
Don't you dare look away, now




Sous le couvert des arbres du Bayou, la pluie est nettement moins drue, mais l’humidité est toujours omniprésente. A mesure que le jour baisse, un voile de brume s’élève doucement au-dessus des flots noirs, encombrés d’arbres morts et de murmures inaudibles.

En bordure du marigot, là où on trouve encore un peu de terre ferme, le Fish’s Belly s’anime lentement dans l’attente de sa clientèle nocturne. Les employés en sont encore à nettoyer la salle, mais bientôt les serveurs et cuisiniers commenceront leurs aller-retours dans les réserves. Et le Perdu qui se faufile entre les étagères desdites réserves a très conscience qu’il devient urgent de déguerpir.

Skunk est entré par une fenêtre, qu’il a repérée lors d’un précédent passage - elle est à l’arrière du petit bâtiment, et son bois vermoulu a suffisamment travaillé pour qu’elle ferme mal. Elle donne directement sur l’entrepôt, et notamment sur tous les ingrédients secs qui intéressent le Récolteur.

L’adolescent n’apprécie pas de fouiner ainsi dans les provisions du Fish’s Belly: outre la réputation préoccupante du chef de l’établissement, qui aurait peut-être vaguement tendance à bouffer les gens, Skunk n’est pas un voleur. Mais s’il veut maintenir sa production d’alcool malgré les températures nettement plus basses, peu propices à la fermentation spontanée, il a vraiment besoin de sucre et de levure. Et donc il n’a pas le choix.

En fait c’est très simple, Skunk refuse de s’exposer encore à un sevrage comme celui qui lui est tombé dessus pendant la canicule. Se retrouver à boire de l’alcool à brûler faute de mieux n’a déjà pas été un grand moment de fierté, mais ce n’est finalement pas grand chose comparé à la descente aux enfers qui a suivi. Pour une fois l’adolescent essaie de ne pas trop y songer, de laisser l’Oubli faire son oeuvre, mais il a du mal à chasser de ses pensées cette sensation atroce d’avoir frôlé un néant froid et sombre, ou la manière dont il a finalement émergé de son délire fiévreux juste pour se voir ensuite dépérir pendant des semaines, au milieu de tous les autres gosses qui mouraient de faim et de soif les uns après les autres.

L’expression sur le visage de Owl, aussi, quand il a prononcé les mots “crise d’épilepsie”.

Non. Plus jamais.

Et tiens, en parlant de Owl... Est-ce que c’est du thé, sur l’étagère du haut? Skunk attrape l’une des boîtes cylindriques si familières, l’entrouvre en la portant à son nez, hoche la tête et la cale dans son sac avec ses autres trouvailles. Un dernier regard circulaire pour vérifier qu’il n’a rien oublié, une dernière hésitation. Finalement il attrape encore une bouteille de whisky, dans une caisse toute proche - il apprécie le parfum sucré du rhum, mais cela fait une éternité qu’il n’a pas bu un bon vieux scotch, et le goût lui rappelle toujours quelque chose d’agréable. Il pioche un chiffon dans son sac et l’enroule autour de la bouteille, à la fois pour la protéger pendant le transport et pour éviter qu’elle fasse du bruit en tintant contre le reste de son chargement.

Puis Skunk fouille dans sa poche et en retire deux grosses pierres d’un rouge profond. Il est presque sûr que ce sont des rubis bruts : leur couleur est intense, leur éclat est brillant et il n’a pas réussi à les rayer, ce qu’il se rappelle être plutôt bon signe. Après réflexion, il laisse le plus gros dans la caisse, à la place de la bouteille, et rempoche l’autre. Il n’a pas pris grand chose : Riverside n’aura aucun mal à rentrer dans ses frais avec un rubis de cette taille, même non taillé.

Satisfait par son petit arrangement moral, Skunk se hâte de ressortir par la même fenêtre qui lui a permis d’entrer. Une fois à l’extérieur, très doucement, il tire le battant jusqu’à ce qu’il paraisse clos. Puis, tout en ajustant son sac sur ses épaules, il fouille les alentours du regard à la recherche du sentier par où il est venu.

Il ne le trouve pas. Avec l’avancée du crépuscule, la brume a pris corps, et maintenant le marais est noyé de brouillard.

“Et merde, fait chier...”

Accroupi sous la fenêtre, Skunk laisse un tic passer dans son épaule, agacé par sa propre idiotie: il le sait pourtant que cette saloperie de Bayou disparait dans la purée de pois quasiment chaque soir. Il n’est pas allé assez vite, et maintenant impossible de dire dans quelle direction il doit partir; il distingue encore la terre ferme autour du Fish’s Belly, mais au-delà, il ne sait plus où se trouvent sentiers, pontons... ou juste les marais, avec leur horizon perdu dans la pourriture et la boue.

Quelque chose se serre dans la gorge de Skunk, qui prend le temps d’attraper sa flasque dans le holster dédié qui la retient sur sa cuisse. Il y prélève une grande lampée de rhum - une seule, pas deux ou trois comme il le faisait encore récemment. Puis il force plusieurs inspirations dans sa poitrine creusée d’appréhension, avant de passer nerveusement les doigts dans ses cheveux déjà collés par l’humidité.

Allez, courage. S’il fait un peu attention et qu’il regarde où il met les pieds, il n’a pas de raison de s’approcher des rives boueuses du marigot. Mais il faut qu’il se décide: plus il attend, plus la lumière va baisser, plus le brouillard va se faire dense, pire ce sera. Il est arrivé par l’arrière de l’établissement, de cela il est sûr. Autant commencer par là; au minimum, cela lui laisse moins de risque de croiser quelqu’un.

Skunk inspire par le nez, encore une fois, d’une manière décidément trop forcée. Puis, après un dernier coup d’oeil à l’intérieur du Fish’s Belly pour vérifier que personne ne regarde par la fenêtre, il se détache du mur de bois flotté et file en courant vers la barrière d’arbres la plus proche, yeux rivés au sol pour éviter les flaques de boue.






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyJeu 7 Jan 2021 - 20:21

La pli i vé tombé ti baba,
Laisse a li tombé,
La di quand varriv à terre,
Va rod un manière
Diriz a li



Tout ce dégueulis de bleu, ça se prête au blues, pas vrai ? Une phrase empruntée à Ozzie et ses vinyles qu’il faisait joliment danser entre ses doigts épaissis de chevalières. Ozzie Pikèr avait raison. Le temps était au bleu et à la pluie et au blues. N’en déplaise aux guédés, la maudite pluie salée avait infiltré leur maison et corollé leur magie. Dimanche ne faisait pas exception malheureusement : tracassé et morose, tiraillé par l’imminence de ses fiançailles et la menace qui pesait dans le ciel, sa magie sentait le soufre comme jamais. Et ses crevasses brûlaient d’un éclat bleu à la fois vif et terne, agaçant rappel que même le Bayou n’était pas tout à fait affranchi des tyrannies de Peter Pan.

Bref : la nuit ne pouvait pas tomber assez vite. Il lui tardait de s’extirper de la morosité tenace de sa propre case et aller se divertir chez Louis.

Le baron flottait le long des passerelles étroites du marigot en direction du Fish’s Belly, ses pieds nus effleurant à peine les hautes tiges de dambas nichées contre les ponceaux de bois luisant. Précédé de Zézère et suivi par Bien-Aimé, qui eux traînaient leurs lourdes jambes mortes sur les reliefs aléatoires du lacis de pilotis, tranquillement et sans bruit, à la façon des gens du Bayou. Un épais brouillard enflait entre les arbres et se déroulait peu à peu sur la surface des eaux deux fois salées, amortissant les contours de toute chose jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une vague esquisse - parfois mensongère d’ailleurs, car le Bayou reste le Bayou. Les nombreux luminaires du Fish’s Belly ne formaient d’une vague nappe dorée au creux d’un bain couleur mercure, et même le Calciné ne devait donner qu’une image flottante de feux follets, silencieux et inoffensifs.

C’était sans doute pour cela que son tranquille cortège ne fut pas remarqué immédiatement. Et que, assez soudainement, quelque chose qui se voulait furtif heurta la colossale masse qu’était Zézère. Juste assez fort pour déstabiliser le feu grand homme, le faire reculer d’un seul pas. Mais son masque, complexe et occulte assemblage d’ossements et de bois flotté, vacilla encore davantage, pivota sinistrement de côté avant de glisser tout à fait pour effectuer un plongeon dans les eaux du marigot. Ploup. Ce fut le seul petit bruit rond qui engloutit l’artefact sans lui laisser la chance de flotter même un bref instant. Curieux.
Ce fut ainsi un visage humain mais intensément horrifiant, ravagé de creux et de blessures de flèches, sous lesquels brûlaient avec un éclat fade les deux étincelles bleues qui le maintenaient animé, qui se pencha vers l’Enfant Perdu, avec un mouvement de côté qui aurait pu traduire de la curiosité si la créature en était encore capable. Sa main se referma sur le col du petit, lui coupant toute envie de se faufiler plus loin. Un peu en retrait, une autre paire d’yeux incandescents et bleus, plus flamboyants, plus vivants paradoxalement, s’arrondissaient. Le Guédé s’approcha, posant ses mains sur les épaules de son Zézère, et observa la prise de son zonbi en silence.






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyVen 29 Jan 2021 - 16:32

Skunk ne s’en est pas si mal sorti, pourtant. Il a retrouvé un ponton, et il est presque sûr que c’est le bon - il a reconnu la petite lanterne de métal peint, suspendue à l’extrémité de l’unique rambarde. Rien n’a bougé du côté du Fish’s Belly, qui disparait déjà dans la brume. Autour de lui, le silence n’est troublé que par les chants des grillons et une occasionnelle rumeur boueuse, dont il ne tient pas à connaitre l’origine.

Ragaillardi mais toujours nerveux, l’adolescent s’engage sur le chemin de planches mal jointes qui s’enfonce dans le brouillard. La tentation de courir est forte, mais il s’oblige à en rester à une marche rapide, pour ne pas faire de bruit ni prendre le risque de glisser sur le bois humide. Il se retourne, encore et encore, pour être certain que personne ne l’a vu, que personne ne le suit.

Et alors qu’il regarde par-dessus son épaule juste un peu trop longtemps, il percute de plein fouet une énorme masse sortie de nulle part.

Le choc lui-même n’est pas si violent, mais il est assez brutal et surprenant pour que Skunk recule de deux pas, dérape, perde l’équilibre et ne se rattrape que de justesse à la rambarde. Il ne perçoit rien du masque qui tombe et sombre au sein des flots noirs du bayou. Mais quand il relève la tête, oh comme il voit bien tout le reste.

Ses yeux clairs dérapent sur le visage de la créature, se blessent sur ce carnage de chair lacérée qui dévoile par endroits l’os calciné, accrochent les orbites vides d’où émane une vague lueur bleue. L’odeur de souffre de cette odieuse parodie d’humain est une présence aussi écrasante que sa massive silhouette, et soudain Skunk réalise à quel point il est proche, beaucoup beaucoup trop proche.

Avec un petit cri étranglé, l’adolescent toujours pendu à la rambarde tire sur ses bras pour se redresser, force ses semelles à retrouver un appui sur le ponton détrempé. Mais avant qu’il puisse faire le moindre pas en arrière, une main monstrueuse tombe sur son col et se verrouille autour de sa chemise et de sa cravate, froide, immobile, inflexible. La prise d’un mort.

Par réflexe, Skunk agrippe le poignet de la créature, mais il se ravise avec un gémissement révulsé quand ses ongles mordent bien trop facilement dans la chair (carbonisée) sombre et friable. D’un geste tremblant et totalement hors de propos, il essuie ses doigts sur les revers de son pantalon, sans cependant quitter des yeux l’abomination qui le surplombe.

Il est foutu. Et il le sait.

Mais Skunk n’est pas le genre à se laisser faire - jamais. Il est bien trop paniqué pour y réfléchir de manière consciente, mais s’il a la moindre chance d’échapper à cette horreur, il la prendra. Alors oui, il tire quand même sur sa chemise pour essayer de l'arracher à la prise du monstre. Il porte quand même la main à son couteau, bien que ce soit une simple lame de Récolteur. Il balance quand même un coup de pied, qui cherche l’aine, ou au moins l’intérieur de la cuisse.

C’est là qu’un mouvement capte son attention, juste à côté de la créature. Et qu’il comprend qu’il n’est pas seulement foutu, mais vraiment dans la merde.

L’homme qui s’approche porte des cicatrices lui aussi, mais rien de comparable avec celles qui ravagent la figure de la chose morte. Les siennes ne sont pas tourmentées, mais aussi nettes que des bris de verre. Elles cerclent son cou et ses poignets, balafrent son torse d’une croix profonde. Elles brillent d’un feu bleu vif, intense, aux reflets changeants, qui confère des reflets indigos à sa peau d’un noir d’obsidienne.

Skunk lève la tête et croise le regard de l'inconnu, pour le découvrir empli de cette même lave froide. Il pourrait trouver cela magnifique, s’il n’avait pas entendu bien trop de rumeurs sur les gens du bayou, leur magie et leur vaudou, et s’il n’était pas actuellement coincé dans la prise implacable d’un cadavre calciné.

Les yeux du Perdu passent d’un homme à l’autre d'un air fébrile, alors qu’il cherche désespérément un moyen de se sortir de là. Il a toujours une main sur le manche de son couteau, mais face à deux adversaires - à ces deux adversaires, l’agressivité devient une solution vraiment risible. Alors, sans trop réfléchir, Skunk se rabat sur la première idée qui lui passe par la tête, et émet d’une voix juste un peu désincarnée:

“Je... Loin de moi l’idée de vous interrompre. Je... ne fais que passer.”






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyJeu 30 Déc 2021 - 12:28

Un sifflement léger, à peine audible - le Baron aspira un peu l’air moite du Bayou entre ses dents, les lèvres pincées en une moue songeuse, et un brin agacée.

“Té…”

La syllabe s’étira en longueur, roule dans la gorge du Baron. Un galet de rivière qui touche le fond, ripe sur le basalte et s’enfonce dans un limon de silence. C’est l’agacement tranquille qu’on ressent en voyant qu’un margouillat s’est faufilé là où il ne fallait pas. C’est pas méchant, un petit lézard comme ça - mais personne n’en veut. C’est insignifiant, un peu dégoûtant aussi, avec sa peau pâle à en être translucide. Ça rit pour un rien et surtout, ça se fourre partout dans la case. Une nuisance, donc.

Les yeux calcinés du Guédé étaient posés sur le garçon, sans insistance ni profonde curiosité, peut-être juste attirés par la petite danse aérienne des maigres piquets qui lui servaient de jambes. Il avait lui-même les bras croisés, en appui sur les épaules du mort-vivant, ses pieds ne touchaient pas le sol, et c’était une longiligne silhouette qui se ployait en avant pour observer la petit bête en travers de son chemin. Celle qui disait qu’elle ne faisait que passer. Un rictus anima le visage du Baron, juste le temps d’un sourire en coin dénué de la moindre chaleur.

Pas si vite.”

De toute évidence, l’anglais dont il faisait usage pour s’adresser à l’enfant semblait servir de divan à un voluptueux accent créole qui concédait peu d’effort à une prononciation qualifiable d’adéquate. Il n’y avait pas de colère ni de menace claire dans son ton, mais quelque chose d’indiscutablement dangereux se logeait dans la paresse de ses mots, dans son désintérêt continu pour le couteau qu’empoignait le Garçon Perdu, dans la rigidité attentive du zombi qui lui servait d’accoudoir. Et si l’indifférence était le privilège naturel des prédateurs, il ne fallait pas oublier que c’était parfois le seul plaisir du jeu qui animait leurs actions :

“Mon pauvre Zézère! Il t’a pris ton masque.”

Le Baron glissa une main tendre et compatissante sur la mâchoire malmenée du mort-vivant, dont l’expression n’est qu’un littéral trou béant à peine ramené à une semblance d’humanité par l’éclat bleuté logé au fond de ses orbites. Un grondement sourd s’ensuivit, et comme toujours il était difficile de dire si le mort soupirait de sa propre volition, ou s’il ne faisait que suivre l’inaudible commande de son maître. Le Guédé secoua la tête lentement, puis la pencha le côté pour appuyer sa joue contre le crâne de son serviteur. Les brèches luisantes de sa gorge émirent un craquement étrangement souterrain, et une escarbille sulfureuse virevolta dans l’air nocturne, juste assez haut et loin pour diffuser son éclat cobalt le long des reliefs élégants de son visage à lui, et en retombant creusa les déchirures profondes qui marquaient celui de Zézère. Sinistre contraste, suturé par la même lumière bleutée.

“A ou là.” Fit-il enfin à l’enfant, laissant couleur son regard de lave sur le marmaille pendiyé. Toi là, petit. “Kossa mi sa fé ek ou aster?”

Le murmure n’était pas tellement destiné à être compris, mais le sens restait limpide - le Baron s’interrogeait sur ce qu’il allait faire du fautif.

Quel serait le prix à payer. Car il y en a toujours un.

Et peut-être avait-il déjà une idée très précise de ce qu’il demanderait (extorquerait) au jeune Perdu. Le Baron se fendit d’un nouveau sourire en total désaccord avec la préoccupation navrée qu’il avait feinte jusque là. Mais l’attente, forcément, faisait également partie de ses nombreux privilèges.






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptySam 16 Avr 2022 - 14:08

Skunk ne sait pas trop ce qu’il attendait d’une défense aussi brillante et éloquente que “je ne fais que passer”. Bon, il s’est bien douté que l’horrible zombie charbonneux n’allait pas brusquement le relâcher en s’excusant d’avoir froissé sa chemise. Mais oui, dans la panique, l’adolescent s’est laissé aller à une pointe de naïveté : se sachant (quasiment) de bonne foi, il s’est dit que s’il provoquait une légère ouverture du dialogue, il pourrait peut-être expliciter son innocence et se tirer de ce merdier à moindres frais.

Il lui suffit d’entendre la voix du guédé aux yeux en fusion pour que ce mince espoir s’évapore, ne laissant derrière-lui qu’un dépit d’autant plus amer qu’il est familier : Skunk ne sait pas à qui il fait face, mais il reconnait trop bien ce ton, cette menace paresseuse du prédateur partagé entre l’ennui et le sadisme. Il comprend qu’il n’y aura pas de dialogue, pas de négociation, pas de raison ni de logique.

C’est juste tombé sur lui. Comme d’habitude.

“Mon pauvre Zézère! Il t’a pris ton masque.”

L’expression du Perdu se ferme, ses traits se crispent dans une colère hargneuse. Son poing se resserre autour du manche de son couteau, même si c’est toujours aussi inutile et qu’il le sait. Il ne comprend pas le reproche du guédé - il n’a pas vu tomber le masque de la créature mutilée, et de là où il se trouve, surplombé par ses deux opposants, il ne peut même pas voir l’autre zombie paré d’un atour semblable. Mais au fond, quelle importance? Ce n’est pas la première fois qu’on lui invente des torts.

“C’est faux! Je n’ai rien pris!”

Drapé dans une indignation adolescente aussi riche en culot qu’elle est dépourvue de bon sens, Skunk fusille l’homme-lave du regard. Néanmoins, sa détermination se fissure très vite : quand le guédé caresse le chantier de chair morte qui sert de visage à sa créature, allant jusqu’à poser sa joue contre le crâne ravagé, le Dandy ne peut retenir une grimace dégoûtée, qui devient vite une révulsion plus viscérale encore lorsque le zombie émet un grondement éploré.

Les yeux clairs de l’adolescent trainent trop longtemps sur ces deux immenses silhouettes, sur cette peau noire qui fait écho à la chair carbonisée, sur ce feu bleu qui uni les cicatrices de l’un aux orbites vides de l’autre. Le guédé lui parle, encore, avec des mots que Skunk ne comprend pas, et cette fois le Perdu se tasse sur lui-même, comme s’il prenait doucement conscience de l’ampleur de ce à quoi il fait face. Pourtant, même s’il se fait moins vindicatif, son regard reste planté dans celui de l'homme-lave, alors qu’il répète d’un air buté :

“Je n’ai rien pris. Je l'ai dit, je ne fais que passer. J'ai percuté ce... C'est un simple accident. Ce n'est pas plus ma faute que la sienne!”






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptySam 21 Mai 2022 - 16:35

Le changement s’opéra dans le plus grand des silences, porté par les remous cendrés du marigot, peut-être porté aussi par la brise fraîche qui se faufilait entre les bras des palétuviers. On aurait pu aussi dire que c’était les mots maladroits du Perdu qui accentuaient le phénomène, petit à petit, justification après justification.

Il soufflait sur des braises, le petit. Normal que le feu prenne.

Cela avait commencé avec le mot “faux” (et un clapotement sourd à la surface, et un craquement de tige dans la distance, et un rire d’oiseau au-dessus de leurs têtes). Une étincelle, bleue et étrangement terne, qui aurait pu ressembler à un feu follet s’il n’y avait pas une si distincte intention dans la façon dont elle se tordait. Puis une seconde flammèche, montant de la surface de l’eau et s’y répandant comme sur de l’huile sans le moindre murmure ni sifflement. Pendant ce temps, le Guédé gardait les yeux rivés sur le garçon, supposément attentif à son esquisse de plaidoyer, souriant et immobile. Ce ne fut que lorsque le Perdu se tut que le cercle de flammes se dessina visiblement, gagnant progressivement en hauteur et en clarté - mais sans crépitement, sans vie. Il n’y avait plus dans l’air qui les entourait qu’une oppressive odeur de soufre, de sel et de tourbe, une chaleur d’une lourdeur incompréhensible, le tout hissé sur un fond sonore dérangeant et presque imperceptible, fait de sourds grondements, de battements secs (de coeurs ou de tambours?) et de voix lointaines, nombreuses et angoissées, qui intimaient au silence. “Chut”. “Shh”. Si la transformation du décor avait de quoi inquiéter, c’était surtout l’expression inchangée du Baron qui détonnait. Comme si lui-même n’avait pas remarqué la présence du rideau de flammes, comme s’il pensait à autre chose ou que pour lui temps s’était arrêté au moment où le Perdu avait ouvert la bouche pour autre chose que des excuses. Son sourire était le centre de cette myriade de magie occulte, le trou noir au centre de cette galaxie naissante encapsulée de soufre.

A présent, les flammes bleues dansaient autour d’eaux, mais aussi sous le ponton, et dans les branches basses des arbres alentours. Un tunnel à la netteté dévorante s’élevait jusqu’au ciel nocturne, nettoyé de l’ample couverture brumeuse du Bayou. Soudainement sorti de son immobilité, le Guédé glissa lentement jusqu’à ce que ses pieds touchent le bois vermoulu du ponton, le faisant doucement craqueler et siffler sous la chaleur et la boucane âcre de son pas. Il contourna Zézère, gardant une main affectueuse sur son bras, et considéra de plus près le Perdu en ignorant toujours souverainement la présence du couteau au poignet du garçon. Pris à un jeu dont lui seul semblait s’amuser, il fit un tour complet du prisonnier, affectant une expression d’intense réflexion, une moue presque dubitative. Il avait noté le sac lourd en travers de ses épaules, l’étui qui étreignait sa cuisse et l’improbable qualité de ses vêtements pourtant rapiécés. Drôle de petite bestiole. Un Collecteur, non ? Ou bien Récolteur ? Il n’avait jamais retenu les noms qu’ils se donnaient entre eux. Le Baron lui offrit alors un roulement de poignet élégant avant de décréter avec un ton des plus naturels :

“J’ai beau y réfléchir, tes os sont trop petits pour faire l’affaire. Il me faudra autre chose.”

Il ponctua sa phrase d’une pichenette lancée au rabat du sac du récolteur. Il faisait chaud, très chaud auprès du Guédé. Plus que d’ordinaire, pour ceux qui savent. Ses yeux luisaient d’un éclat sinistre, comme si l’idée de désosser l’adolescent n’était pas encore tout à fait écartée dans son esprit. Il pencha la tête de côté, songeur.  

“Alors? Veux-tu réparer ta moitié de faute?






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyLun 11 Juil 2022 - 18:36

Skunk a fini ses récriminations sur une expression grincheuse, qui souligne la sincérité de sa réaction pourtant spectaculairement stupide. Même si les fausses accusations sont un point sensible pour lui, même s’il n’a visiblement pas identifié le guédé auquel il fait face, on pourrait s’attendre à ce que l’adolescent se montre un tantinet plus précautionneux face à un être aux yeux de lave bleue qui se fait escorter par des zombies.

Peut-être qu’à force de côtoyer la magie et les monstres de cette Île étrange, où le beau peut vite s’avérer mortel et où le repoussant peut être merveilleux, le Dandy en a perdu son sens de la mesure et du danger. Ou alors, peut-être qu’il n’en a jamais vraiment eu. Allez savoir.

Néanmoins, Skunk a beau exprimer son indignation avec un timing regrettable, il n’est pas idiot. Même pendant qu’il parle, au fond, le Perdu voit bien que quelque chose ne va pas du tout dans le sourire figé que lui oppose le grand inconnu en redingote. Et lorsque le silence retombe, le Dandy se rend compte que l’air change, se réchauffe, s’emplit de souffre. Il y a soudain comme un bourdonnement diffus qui rampe dans le marais, une rumeur grave que l’adolescent perçoit à peine et dans laquelle, pourtant, il a l’impression de reconnaître (chuuut) une angoisse subtile (tais-toi tais-toi tais-toi), presque familière (arrête arrête tu vas le contrarier tu vas le contrarier).

Les traits de Skunk se lissent, passent doucement du vindicatif au perplexe. Ses yeux vert-de-gris restent encore un instant levés vers le guédé, mais moins par défi que sous l’effet d’une fascination morbide, qui se teinte de plus en plus nettement d’appréhension.

Et juste au moment où le Dandy semble reprendre la pleine mesure de ce qu’il a pourtant su tout de suite (il est dans la merde, il est vraiment dans la merde), les flammes bleues qui couvaient sous le ponton s’élèvent soudain tout autour d’eux, dans un silence aussi parfait que profondément contre-nature.

Skunk tressaille et ne parvient pas à retenir un petit cri de surprise effrayée. Instinctivement, il cherche à s’écarter de la fournaise qui s’infiltre à travers le ponton juste derrière-lui et il tire violemment sur sa chemise, toujours prise dans la poigne morte de Zézère. Le vêtement au tissage approximatif se déchire, mais pas assez pour libérer le Perdu, qui reste prisonnier de sa cravate et, bien sûr, du tunnel de flammes.

Alors que le Dandy se fige et porte la main à son col avec un grognement de dépit (“Putain...”), le guédé, lui, se décide à bouger. Le grésillement de ses pieds qui entrent en contact avec le bois humide du ponton attire l’attention du garçon, qui réalise alors deux choses très préoccupantes.

La première, c’est que jusqu’à présent, l’inconnu ne touchait en fait pas le sol.

La seconde, c’est que le feu azuré qui couve dans ses yeux et ses cicatrices ne se contente pas de briller : il brûle. Skunk peut en sentir la chaleur lourde et menaçante, tandis que l’homme (?) l’approche et le contourne, lentement.

L’adolescent se sent examiné, jaugé, décortiqué, au point que des frissons remontent le long de son dos et de sa nuque. Cette fois, cependant, il ne fait rien pour aller contre le guédé. Il se tasse insensiblement sur lui-même, regarde de l'autre côté et ne bouge pas. Quand le Bayouteux le contourne, le Dandy ne tourne même pas la tête, comme s’il avait soudain conscience que le moindre mouvement pouvait s’avérer... de trop.

Ne le contrarie pas.
Ne le contrarie PAS.


Encore cette aigreur familière, que Skunk ne parvient pas à identifier mais qui lui laisse un sale arrière-goût de crainte et d’humiliation. Il essaie de déglutir, mais sa bouche s’est faite très sèche. Et ce n’est pas l’effet de la chaleur.

“J’ai beau y réfléchir, tes os sont trop petits pour faire l’affaire. Il me faudra autre chose.”

Confusément, Skunk se sent un peu vexé que cette grande sauterelle calcinée qualifie ses os de “trop petits” - d'accord, il n’a pas eu le temps de faire sa poussée de croissance, il est au courant, est-ce qu’on pourrait le lâcher avec ça, merci ?

Mais la contrariété de l’adolescent ne dépasse pas ce simple réflexe conditionné. Même lorsque l’inconnu flanque une pichenette dans son précieux sac à dos, le Dandy reconnait le craquement du tissu brûlé, mais il ne laisse échapper qu’une infime grimace, aussitôt ravalée.

C’est que quelque chose a changé dans le ton du guédé. Quelque chose d’aussi net et dangereux que l’apparition du rideau de flammes bleues. Quelque chose qui fait que le Perdu ne doute à aucun moment du fait que l’homme a vraiment envisagé de le découper en morceaux. Qu’il y pense peut-être encore.

D’accord. Là, c’est réussi, Skunk a officiellement la trouille.

“Alors? Veux-tu réparer ta moitié de faute?

Le Perdu reste un instant figé, dans un effort un peu trop visible pour contrôler sa peur croissante. Puis il lâche le manche de son couteau, laissant la petite lame retomber dans son holster. De la même main, il va piocher dans sa poche le rubis restant avant de le présenter au guédé, paume bien à plat. A aucun moment il n’a osé ramener son regard vers l'homme en redingote.

“Ce... C’est tout ce que je possède de précieux.”

Un silence. Puis, d’un ton à peine moins ténu, mais avec une assurance qui trahit une phrase répétée à l'avance, il ajoute :

“Mais je sais où en trouver d’autres.”






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Baron Dimanche
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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyMar 27 Déc 2022 - 16:05

Ah - la cruelle ignorance de ces pauvres enfants privés d’ombres.
A quelques subtils paramètres près, le baron aurait pu s’émouvoir de la répartie du gamin, avec son assurance pétrie de peur et son grand caillou rouge planté dans sa petite main bien propre. Tout ce qu’il possède de précieux. Un rubis? Il y avait de quoi rire aussi, et Diab était notoirement plus prompt à la moquerie qu’à la compassion. (Surtout cette nuit, surtout en ce moment, surtout quand Maman flottait constamment dans l’air comme un parfum d’ylang-ylang). Néanmoins patient, il se fendit d’un sourire en coin. Zézère lui en aurait bien pleuré s’il le pouvait encore, mais il était réduit à regarder de ses grands yeux creux le garçon avec sa flamme de vie luisante dans ses yeux et palpitante dans ses veines. Tout ce qu’il possède de précieux.

“Une pierre précieuse?”, constata enfin le Baron avec une vague moue qui ressemblait à de l’appréciation, avant de se corriger avec un brin de dérision supplémentaire lorsque l’enfant suggéra qu’il savait où en trouver d’autres. “Plusieurs. Merveilleux.”

Le sorcier leva la main de nouveau, alla piocher la pierre du bout de deux doigts, et la fit rouler et tourner dans sa paume avec légèreté. Le rubis, au contact de sa peau, sembla gagner en couleur et en luminosité, captant davantage les éclats bleutés des flammes qui les entouraient. Le Guédé referma la main et son regard incandescent glissa de nouveau sur le Perdu. Son expression n’avait pas bien changé, partagée entre désintérêt et attente, quelque part entre une patience joueuse de panthère et le recul silencieux d’un python qui se prépare à mordre. Le gamin s’en douterait sûrement. Après tout, la colonne de flamme était toujours là, prison mouvante et tellement, tellement chaude. Après tout, les voix qui tapissaient l’ombre étaient toujours là à supplier, à mettre en garde. Le masque de Zézère était toujours au fond du marigot dans un lourd linceul de boue et couronnée de racines et de vieux os oubliés. Et le garçon ne s’était pas encore excusé, platement, à genoux, en suppliant pour avoir la vie sauve. Oui, sûrement, s’il n’était pas bête, il devait se douter que ça ne suffirait pas. Que le sourire sympathique qui montait aux lèvres du sorcier était tout sauf une bonne nouvelle.

“Il me faudra autre chose, Dalon.” répéta soudain le Guédé, avec tous les accents d’une bonne humeur parfaitement factice. Dalon, camarade. Pas besoin d’apprendre les idioties que ces enfants s’échangeaient en lieu de place de leurs noms, il aurait encore plus de mal à le prendre au sérieux. Cela suffirait pour ce que le sorcier réservait au gamin. Le baron se pencha juste un peu, assez pour pouvoir s’assurer que le Perdu ne pourrait que le regarder de nouveau dans les yeux. La suite était importante.

“Ce sont les services qui sont précieux, ici.”

Ce fut la seule explication que le guédé consentit à donner.
La seconde suivante fut un éclair azuré blanchi d’une extraordinaire chaleur : le baron venait de toucher du bout de l’index le torse du garçon, calcinant instantanément ce qui restait de lambeaux de chemise, grillant de nombreuse crevasses roussies dans la cravate qui seule retenait encore le jeune garçon prisonnier de la poigne de Zézère. Sur la peau du Perdu pourtant ne subsista qu’une infime trace rouge, en demi-lune, pas plus impressionnante que la trace d’un ongle.
Naturellement, un doigt pointé n’est jamais une bagatelle, surtout quand on est sorcier : c’était là une marque, infime, la moins damnante que pouvait se permettre le guédé. D’aucuns diraient qu’il s’agissait d’une malédiction : lui considérait simplement cela comme une forme d’assurance. Un pense-bête, en somme.

“Ala.”

Le Dandy n’était ni le premier, ni le dernier à être désigné ainsi par le Baron.
Peut-être que de retour à l’Arbre, quelques anciens lui confieraient qu’ils avaient aussi été appelés “Dalons” il y a bien longtemps. Qu’il s’agissait d’une étrange aventure, dont la plupart revenaient sains et saufs, mais hautement confus. Ils diraient que cela confirmait la rumeur selon laquelle les enfants de la Maman Brigitte ne pouvaient guère sortir par eux-mêmes du Bayou bien longtemps, et qu’ils envoyaient volontiers les quelques malchanceux qui leur tombaient sous la main à leur place. Tant que la mission n’était pas remplie, tous gardaient gravées dans leur esprit et leurs rêves des images distinctes et obsédantes de plantes rares, d’animaux et artéfacts étranges qu’ils devaient ramener au Bayou. On lui raconterait aussi sans doute l’histoire du Perdu qui avait spontanément pris feu lorsqu’il avait longuement refusé de remettre les pieds dans le marigot - mais cette histoire n’était peut-être pas tout à fait vraie. Peut-être.

“Alé a ou aster.”

Le Baron fit un geste désinvolte du poignet : le sans-ombre était désormais libre de partir.  La colonne de flammes s’étiola presque aussitôt, comme ravalée par les remous lourds et sombre du Bayou. Il n’eut pas un regard supplémentaire pour le jeune Perdu, et le dépassa d’un mouvement élégant, diffusant encore à chaque pas une série de craquements et de sifflements de bois humide que l’on brûle.
Ce ne fut qu’un peu après que Zézère, silencieux, caverneux, releva un à un les doigts calcinés qui retenaient encore le jeune garçon, pour ensuite porter ses deux mains à son visage et en cacher les terribles meurtrissures. Un lourd soupir sembla lui échapper, puis il reprit lourdement son chemin à la suite de son maître, sans davantage se soucier de la présence du garçon sur son chemin.



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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyLun 31 Juil 2023 - 16:33

Le Bayouteux s’empare du rubis, qui devient bien insignifiant au creux de cette main sombre ornée de flammes bleues. Et le petit commentaire moqueur de l’homme-lave ne laisse pas la place au moindre espoir : Skunk comprend immédiatement que, en effet, cela ne suffira pas.

Sous l’effet d’une fierté aussi farouche qu’inutile, le Dandy s’efforce de rester digne face au guédé. Mais le garçon sent bien que son corps se tasse sur lui-même, que sa tête se baisse insensiblement. Les murmures affolés des flammes bourdonnent dans sa tête (ne le contrarie pas ne le contrarie pas ne le contrarie pas) et butent sur quelque chose au fond de ce vide laissé par l’Oubli, une habitude rance au goût d’urgence qui lui donne envie de se faire plus petit, plus silencieux, à disparaitre autant que faire se peut.

“Il me faudra autre chose, Dalon.”

La voix du Bayouteux reste légère, presque débonnaire. Pourtant, d’un coup, Skunk comprend que le sorcier n’est pas seulement prêt à le tuer : il est aussi très capable de lui faire mal. Et si la mort reste une menace parfois difficile à appréhender pour un Garçon Perdu de quatorze ans, la souffrance, elle, est terriblement réelle.

L’homme se penche vers lui et soudain le Dandy oublie son culot et sa grande gueule. Son courage se dilue dans une terreur profonde, atavique. Sans même s’en rendre compte, il recule, essaie de fuir, même si cela n’a aucun sens avec le mur de flammes qui les encercle toujours. Mais sa cravate le retient aussi efficacement qu’une laisse et rien ne lui permet d’échapper aux yeux incandescents qui captent son regard :

“Ce sont les services qui sont précieux, ici.”

La suite...

La suite, Skunk ne saurait pas comment la décrire.

Il sent quelque chose toucher sa poitrine, et c’est tout à la fois un frôlement et un coup de poing. Une réminiscence étrange le renvoie à une autre fois où une main d’adulte s’est refermée sur son col, une autre fois où le choc dans son torse est venu d’un mur contre lequel on l’a plaqué, et cela n’a rien à voir et pourtant c’est exactement la même chose, la peur, la panique, tout est noyé dans le feu, un parfum de souffre lui emplit la tête, sa peau hurle et il voit vraiment l’incendie qui le calcine aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.

Cela ne dure qu’un instant.
Cela dure toute une vie.
Et puis tout disparait, aussi brusquement que l’on souffle la flamme d’une bougie.

Pendant une dernière fraction d’éternité, il ne reste qu’une image, un flash imprimé sur la rétine du garçon comme s’il avait trop longtemps fixé le soleil - un étrange soleil, qui dessine des plumes, des griffes, des feuilles, des odeurs et des bruits.

Puis cela se dissipe également et il ne reste que cette réalité qui ne ressemble pas à la réalité : le Bayou, le ponton, l’homme en redingote, les morts qui marchent.

Le feu n’est plus là. Pour l’instant.

Skunk reste immobile, hébété. Lorsque le zombie le relâche et reprend sa marche, sans tenir compte de la présence du Garçon Perdu sur sa trajectoire, c’est tout juste si ce dernier a le réflexe de se pousser ; il glisse sur le bois humide, se cramponne une nouvelle fois à la rambarde du ponton et reste accroché là, pâle, le regard vide.

Quand il finit enfin par réintégrer son propre corps, l’homme-lave et sa lugubre escorte ont disparu dans le brouillard.

Lentement, le Dandy se redresse. Il se sent fiévreux, la sueur perle sur ses tempes et dans son dos, mais il a un peu de mal à savoir pourquoi : les détails de la rencontre se dissipent déjà, comme si l’esprit pourtant précis du garçon se refusait à enregistrer trop d’informations en lien avec le guédé aux cicatrices brûlantes. Sans doute parce que même au Pays de Jamais, certaines magies ne sont pas faites pour être regardées dans les yeux. Pas sans conséquences irréversibles.

Skunk porte la main à sa poitrine endolorie, sur laquelle il ne voit pas la marque laissée par le doigt de l’homme-lave. En revanche, il réalise que l’avant de sa chemise a largement brûlé et pend en lambeaux calcinés de ses épaules, ce qui lui tire une petite plainte. Sa cravate n’est pas en meilleur état ; en voyant les lézardes qui y dessinent des écailles carbonisées, le Dandy frissonne de dégoût et la fait passer par-dessus sa tête sans même la dénouer, pour la jeter dans le marais comme il l’aurait fait d’un serpent venimeux. Puis il repart, d’un pas vacillant.

Il ne réalise pas qu’il connait le chemin pour sortir du Bayou, à présent, même dans la nuit et la brume.

Il ne réalise pas que l’image fantomatique est toujours inscrite au fond de ses yeux, et qu’elle y restera un bon moment.

Il ne réalise pas qu’il n’aura pas le luxe de simplement oublier cette rencontre.

Pour une fois, il aurait préféré.






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MessageSujet: Re: And then I ran into the Devil [Flashback]   And then I ran into the Devil [Flashback] EmptyJeu 29 Fév 2024 - 14:12

The End


D'une façon ou d'une autre ce chapitre s'achève,
Le suivant commencera dès que le jour se lève,
Offrant à nos étoiles, de quoi coudre nos rêves.


FIN DE L'AVENTURE




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