Sujet: Bookworms [Flashback] Ven 25 Déc 2020 - 7:58
---[Flashback] - Intrigue 6 - Vent Frais---
- Bookworms -
La pluie s’est arrêtée. Enfin.
Pour la première fois depuis une interminable fraction d’éternité, la forêt n’est ni empoisonnée, ni hantée, ni en feu, ni inondée. Sous les semelles de Skunk, l’humus a retrouvé une texture souple mais ferme, agréable, et l’adolescent savoure le plaisir simple de pouvoir mettre un pied devant l’autre sans craindre de marcher dans une horrible flaque d’Esprit maudit ou dans des sables mouvants créés par une rivière sortie de son lit.
Certes, le vent est un peu frais, et au fond de lui Skunk sait que l’accalmie ne va pas durer : il est là depuis longtemps à présent, il sait comment cette foutue Île fonctionne, et il a bien vu dans quel état était Peter Pan lorsque ce dernier est rentré du Monde Ordinaire, après le sauvetage des Sirènes. Le Dandy se doute que les choses ne vont pas aller en s’arrangeant.
Mais bon, la Pluie a été très longue, et il a décidé que lui aussi avait le droit à son petit moment de déni. Il gérera la prochaine catastrophe lorsqu’elle arrivera. Pour l’instant, il est juste heureux de pouvoir porter un costume et une chemise propres sans qu’ils soient détrempés en permanence et de pouvoir aller lire un peu dehors, loin des autres Perdus, sans avoir à mettre son livre en danger de mort.
Le temps frais a même quelques avantages: Skunk a toujours préféré s’habiller avec plusieurs couches, qui étoffent sa carrure de gringalet, le vieillissent un peu et donnent de la consistance à son personnage de dandy. En plus, ces derniers temps, Curve (qui devient vraiment de plus en plus douée) l’a gâté: elle lui a donné un pull neuf, une jolie paire de gants en cuir doublé, et surtout une belle écharpe bleue dont il est particulièrement fier - il a trouvé lui-même la laine de moulpaca qui la compose, et ce n’était pas une mission facile (qu’on se le dise, Skunk exècre l’alpinisme). Mais le résultat en vaut mille fois la peine; dans l’Ordinaire, il ne croit pas avoir jamais eu l’occasion de toucher du cachemire, mais il suppose que ça ressemble à l’étoffe douce et chaude à présent enroulée autour de son cou.
L’adolescent est donc remarquablement de bonne humeur (selon ses critères), et il se laisse même aller à un début de sourire lorsqu’il distingue son objectif, un grand arbre à l’écart des principaux sentiers qui ressemble à un très vieux platane; ses branches ploient sous une énorme masse de feuilles multicolores (ce jour-là, elles sont dans des nuances de bleu et d’argent) qui dissimule aux regards curieux son principal intérêt, à savoir la petite plate-forme que son tronc forme juste deux ou trois mètres au-dessus du sol. On y accède sans difficulté grâce à quelques branches plus basses, qui ressemblent presque plus à un escalier qu’à une échelle - comme Her n’a pas manqué de le faire remarquer à Skunk lorsqu’elle lui a montré l’endroit, même lui peut s’en sortir, avec cette escalade-là.
Le souvenir achève de lui arracher un vrai sourire.
“Salut toi. Ça fait longtemps.”
Calant bien sous son bras le gros livre qu’il a apporté, le Perdu accède rapidement à la plate-forme, largement assez grande pour que deux ou trois personnes puissent s’y asseoir, voire s’y allonger. Il retrouve avec satisfaction la branche morte dont ils se servent pour balayer les feuilles tombées là, ce qu’il s’empresse de faire.
Puis il jette un coup d’oeil à un discret repli dans l’écorce, à la jonction entre une grosse branche et le tronc de l’arbre. Il est légèrement déçu (mais guère surpris) de n’y trouver aucun morceau de papier : Her lui laisse un mot là, parfois, quand elle passe dans le coin. Mais avec tout ce bordel d’expédition catastrophe dans l’Ordinaire, elle n’a sans doute pas encore eu le temps de revenir depuis qu’il a cessé de pleuvoir. Bah, tant pis, cette fois-ci ce sera lui qui laissera une note en repartant.
Skunk retrouve sans peine son emplacement préféré, une intersection entre deux branches qui ressemble délicieusement à un fauteuil incliné - oui, il a des goûts de grand-père, il assume. Il s’y installe avec un plaisir manifeste, avant d’ouvrir son livre sur ses jambes repliées en tailleur. C’est son plus vieux volume de l’Encyclopaedia Britannica, le tome trois qu’il a déniché peu après son arrivée. Il en a trouvé d’autres depuis, mais celui-là est resté son préféré, comme le prouvent les annotations et feuilles volantes qui jalonnent tout l’ouvrage. Même sans l’Oubli qui ronge impitoyablement ses souvenirs, Skunk ne se lasserait pas de le relire, encore et encore.
L’adolescent commence à feuilleter délicatement le livre de ses doigts gantés, cherchant un article qui l’intéresse, exactement comme beaucoup d’autres gamins choisiraient des chocolats dans la vitrine d’un pâtissier.
♪ (And if I were you, I wouldn't love me neither.)
Dernière édition par Skunk le Dim 27 Déc 2020 - 9:26, édité 1 fois
Écorce
☼ Fée des Forêts ☼
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Ven 25 Déc 2020 - 15:51
Avec la fin de la pluie et le début de ce drôle de vent frais, Écorce avait enfin eu moins de travail et avait pris plaisir à retrouver sa maison, ses livres, ses travaux... Et surtout le calme et le silence. Elle avait beau apprécier son peuple, leur compagnie pouvait lui être lourde lorsqu’elle était constante, surtout lors des périodes de tensions permanentes. La voilà qui se retrouvait à fuir, loin du Bois Joli, loin de la citadelle des Fées. A tel point qu’elle s’était aventurée aux alentours du Grand Arbre, un endroit qu’elle évitait d’ordinaire. C’est que les Garçons Perdus pouvaient se montrer si bruyant et malvenu... Elle n’avait jamais la patience de les supporter à côté d’elle sans se taire. Ou sans désespérer.
Écorce avait finalement jeté son dévolu sur un platane, sans doute aussi vieux que l’île : elle n’avait jamais remarqué cet arbre, et était presque tombée sous son charme : notamment de son feuillage bleu et argent, qui lui rappellerait presque les sapins du Monde Ordinaire qu’elle retrouve dans certaines maisons lors de l’hiver. La fée s’était installée près de la cime, dans le nœud d’une branche, et feuilletait son carnet de recherches depuis un bon moment lorsqu’elle entend des pas s’approcher. Par réflexe, elle pousse un énorme soupir et jette un bref coup d’œil vers le tronc : il ne manquait plus que ça. Un Perdu qui vient la déranger. Écorce se transforme en feuille lorsqu’elle l’aperçoit grimper l’arbre, puis reprend son allure normale lorsqu’il semble s’être installé contre des branches à l’allure de fauteuil.
De son perchoir à quelques mètres de lui, Écorce fronce les sourcils et lui porte un lourd regard de jugements. La dernière fois qu’elle avait vu un Perdu grimper dans un arbre, c’était pour arracher le feuillage qu’elle s’était évertuée à changer de couleur. Pour aucune raison, en plus ! Il avait mérité sa punition, celui-là. Quoique ce Perdu ne semblait pas avoir de mauvaises intentions. Il avait même ouvert un livre. Il était peut-être moins bête que tous les autres. La vue du livre éveille la curiosité d’Écorce, qui range son carnet et descend en silence. Elle se pose sur la branche au-dessus de Skunk, et plisse les yeux afin de voir ce qu’il est en train de lire.
La fée manque de s’exclamer à voix haute lorsqu’elle comprend enfin ce qu’il est en train de lire. Une encyclopédie ! L’une des rares encyclopédies qu’elle n’a jamais vu ou possédé. De là où elle est, elle ne reconnait pas le volume ni l’année humaine de publication, mais il s’agit bel et bien de l’Encyclopedia Britannica. Écorce a un goût amer avec cet ouvrage, depuis qu’elle a remarqué qu’il n’existe plus de version papier récente dans le Monde Ordinaire. Elle n’a jamais retrouvé d’anciennes versions chez les chercheurs et autres archéologues qu’elle a allégé de leurs possessions, et en ce jour frais, il faut croire que la chance lui sourit.
Ecorce ne monte aucune stratégie dans sa tête, et elle a déjà sauté de son perchoir pour se poser sur le sommet de l’ouvrage de Skunk. Il faut dire que c’est l’une des rares situations où elle ne réfléchit jamais : elle veut ce livre, qu’elle ait ou non l’accord du propriétaire. Il y a un court instant de flottement où elle regarde dans les yeux le Perdu. Au final, elle profite du moment pour saisir à pleine main le sommet de l’ouvrage, et le tirer vers elle. Il est lourd ! Tellement lourd que sur le moment, Écorce se fait entrainer par le livre qui tombe jusqu’au sol. Heureusement pour elle, le Perdu n’a pas encore réagi. Et ça lui laisse le temps de trainer le livre, et de réussir à s’envoler d'au moins un mètre.
Le vol fréquent d'objets fait qu’Écorce aurait presque l’habitude de porter des choses aussi lourdes.
Skunk
♣ Récolteur ♣
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Dim 27 Déc 2020 - 11:09
Evidemment, Skunk n’entend pas la fée s’approcher; même si elle émettait un son plus marqué que son délicat tintement, le Perdu est en train de lire quelque chose qui lui plaît, et cela l’a toujours rendu sourd et aveugle au monde qui l’entoure.
Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’il est venu jusque là pour en profiter: il sait que lorsqu'il est plongé dans un livre, cela le rend plus vulnérable que d’habitude, qu’il surveille moins bien ses arrières et n’anticipe pas la menace permanente que constituent les autres gosses. Au lieu d'être reposant, cela en devient encore plus stressant, à tel point qu’il a quasiment renoncé à lire en public lorsqu’il se trouve au Grand Arbre: à part lorsqu’il s’enferme dans sa petite distillerie, Skunk n’y a guère accès à ce luxe que sont la solitude, le silence... et le soulagement de savoir que, au moins pendant quelques heures, personne ne va venir le faire chier.
N’est-ce pas?
Le Dandy s’intéresse à un article sur la vinification, trouvé au détour du mot “chablis”, lorsqu’un petit tas de feuilles scintillant atterrit sur la reliure de l’encyclopédie.
Le Garçon Perdu tressaille, brusquement extirpé de ses pensées. Puis il reste figé tandis que l’énigmatique projectile devient une minuscule créature humanoïde, qui se redresse sur son livre et lui rend son regard d’un air critique.
Ce n’est pas la première fois qu’il croise une fée, bien entendu. Mais il en a rarement vu une d’aussi près, et malgré la stupeur il ne peut s’empêcher de ressentir une certaine forme d’émerveillement. C’est qu’elle (elle?) est objectivement magnifique cette étrange petite chose, avec ses longs cheveux couleur châtaigne semés de branches et de fleurs, avec ses jolies ailes dont l’écorce brille sous l’effet de sa précieuse poussière - fée des bois, lui souffle le souvenir d’une liste dressée longtemps auparavant (carnet numéro sept).
Skunk a presque le temps d’esquisser un sourire fasciné. Puis il se rend compte brutalement que quelque chose ne va pas dans la manière dont la fée le regarde. Quelque chose ne va pas du tout.
L’instant d’après, la petite créature tire sur son livre, qui glisse de ses cuisses pour dégringoler de l’arbre avec elle.
“HEY!”
Pris de court, il se penche pour regarder en contrebas et découvre que la fée tente de s’envoler en tirant sur la couverture de l’encyclopédie. Qu’elle essaie de s’enfuir avec.
La vérité, brutale et cruelle, frappe Skunk au visage plus violemment que le ferait un coup de poing: elle veut lui voler son livre. Cette fée est en train de lui voler son livre.
“LACHE ÇA TOUT DE SUITE, SALOPERIE!”
Il se redresse sur sa branche et envisage un instant de suivre la trajectoire du petit brigand. Mais même dans ces circonstances, le saut lui parait très haut, et il préfère finalement bondir à travers la plate-forme pour dévaler le long du tronc, aussi vite que le lui permettent ses membres trop longs et mal coordonnés d’adolescent - d’ailleurs il manque de se rétamer à l’atterrissage, mais sa colère affute ses réflexes et le maintient debout.
Le temps qu’il arrive jusqu’au sol, hélas, la fée a eu le temps de décoller et Skunk la voit qui s’éloigne déjà. Les feuilles volantes sur lesquelles il a patiemment pris des notes pendant des années s’échappent des pages du livre et commencent à s’éparpiller dans la brise, vision qui fait atteindre au Garçon Perdu un nouveau palier dans la rage et la douleur:
“Non non non NON T’AS PAS LE DROIT ESPECE DE PETITE PUTE!”
Il court, plus vite qu’il n’a couru depuis des lustres, ignorant la fureur nauséeuse qui creuse un puit de souffrance dans sa poitrine et lui brûle les yeux de larmes qui ne coulent pas. C’est qu’il la connait, cette scène ridicule, oh il la connait par coeur - c’est si drôle de piquer son bouquin à l’intello du coin, c’est si drôle de le voir courir et crier, et Skunk sait bien que cela ne sert à rien d’insulter la fée, qu’elle ne va pas brusquement faire demi-tour en s’excusant, qu’elle ne va pas le lui rendre, qu’ils ne le font jamais. Mais il doit essayer. Il ne peut pas perdre ce livre là.
Son seul espoir, c’est que la sale petit voleuse a visiblement eu les yeux plus gros que le ventre: l’encyclopédie est grande et lourde, et la fée qui la hisse à bout de bras peine à prendre de l’altitude. Si Skunk met la main sur une branche ou un caillou, il est presque sûr de pouvoir la toucher, aussi mauvais tireur soit-il. Mais avant, profitant de son élan, il commence par sauter pour essayer de rattraper le livre - son livre.
♪ (And if I were you, I wouldn't love me neither.)
Écorce
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Ven 1 Jan 2021 - 19:07
Il y a un instant de battement où Écorce hésite très sérieusement à faire demi-tour, piquée au vif par les insultes de Skunk - qui ne sont, de son point de vue, aucunement méritées. Ce livre est trop bien pour lui, c’est évident. C’en est tant évident qu’Écorce, prise d’un accès de confiance, manque de se faire avoir par le bond du Perdu. Il est plus rapide qu’elle ne le pensait ! L’Archéologue force, produit davantage de poussière de fée et parvint à s’envoler de presque deux mètres. Elle ne fait pas attention aux feuilles volantes qui s’éparpillent, tout comme elle essaie d’ignorer les injures du gamin.
Écorce persiste, prend de la vitesse. Si Skunk n’a toujours pas mis la main sur un projectile, elle se doute bien que ce n’est qu’une question de temps. D’autant qu’il persiste, et qu’il n’a visiblement pas l’air prêt à abandonner son bien. A quelque part, ça amuse la fée : mais sur l’instant, elle en retire surtout de l’agacement. S’il lui fichait la paix, elle aurait le temps de déguerpir sans demander son reste. D’autant qu’elle ne pensait pas que l’encyclopédie serait aussi lourde. Si elle a déjà volé moins lourd que ça, jamais personne n’a eu l’audace de la poursuivre : peut-être parce que personne ne l’a jamais vu dérober quelque chose sous son nez.
Et le drame arrive : l’ouvrage est bien trop lourd, Skunk est bien trop déterminé, et Écorce perd en force et en vitesse. En esquivant une énième tentative du Perdu pour attraper l’encyclopédie, l’ouvrage glisse de ses petites mains... et s’écrase sans demander son reste sur la figure du Garçon Perdu.
Écorce, stoppée dans un vol stationnaire, observe la scène d’un œil interdit : son regard et ses mains sont dirigées vers le malheureux livre... puis sur le Garçon Perdu. Il est simplement sonné, n’est-ce pas ? Peut-être assommé ? Ou pire ? Ça ne plait pas à Écorce, et une expression d’inquiétude se peint sur son visage ; elle a beau ne pas aimer la plupart des humains de cette île, ce n’est pas non plus au point ou elle souhaite les voir mort de sa main. Elle garde une distance de sécurité respectable - au cas où Skunk bondirait soudainement pour lui régler son compte... - et observe d’un œil circonspect l’adolescent. Bon, il a l’air de respirer. C’est déjà ça. L’espace d’un instant, elle est tentée de prendre le livre et de déguerpir. Mais clairement, elle n’en aurait pas la force. Ses bras la tiraille, est encore haletante de sa tentative, et elle regrette presque de ne pas avoir un rapace en guise de monture.
La fée le voit enfin remuer les épaules : bon, il est vivant. C’est déjà ça.
- Ça t’apprendra à être malpoli, lâche-t-elle sur un ton accusateur.
Un observateur de la scène dirait que c’est l’hôpital qui se fout de la charité.
Skunk
♣ Récolteur ♣
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Dim 10 Jan 2021 - 20:58
La fée a bien de la chance: là tout de suite, Skunk a mieux à faire de son souffle que de lui balancer de nouvelles insultes, qui à n’en pas douter seraient pires que les précédentes. Il ne s’autorise que quelques râles indignés, qui s’échappent entre ses dents serrées à chaque fois que ses doigts frôlent le livre volé. La sale petite bestiole l’esquive toujours, mais de justesse, et bien qu’elle accélère de manière perceptible, elle ne parvient toujours pas à prendre de l’altitude.
L’espoir attise la rage et la détermination de l’adolescent, qui ralentit juste le temps d’attraper une branche morte et de la lancer dans la direction de la voleuse - il vise mal et il se doute bien qu’il ne la touchera pas, mais il a vite compris que chaque petit écart de trajectoire qu’il la pousse à faire joue en sa faveur. Plus teigneux que jamais, il accélère à nouveau, prend son élan, saute.
BAM.
Il a le temps d’entendre un bruit. Un drôle de bruit, sec, pas très fort mais qui résonne longtemps sous son crâne; un instant, il voit passer l’image incongrue d’un coup de poing sur une porte.
Puis la forêt disparait dans un fatras rouge et noir noyé d’étincelles, et Skunk achève son saut sans jamais sentir le sol revenir sous ses pieds.
Le lâché de rideau est bref, cependant. Il ne sent pas sa chute, mais il reprend conscience presque aussitôt après... Enfin, ce qui ressemble à de la conscience. Il sent le vent frais qui joue avec ses cheveux, il devine même le bourdonnement de la fée, mais tout est lointain, lisse, assourdi. Il doit avoir les yeux ouverts, puisqu’il voit l’humus couvert de feuilles mortes de la jungle - sur lequel il est allongé, apparemment. Mais là encore l’image ressemble à celle d’un vieux téléviseur, les bords sont flous et les couleurs désaturées. Il n’a pas mal, ce qui semble être une bonne nouvelle. Mais son corps refuse de bouger, et ça ce n’est définitivement pas une bonne nouvelle.
Pourtant, Skunk ne panique pas. Il sait très bien ce qu’il lui arrive: il a pris un mauvais coup sur la tête, il a perdu connaissance et maintenant il faut qu’il se dépêtre de sa commotion cérébrale. Pas de quoi s’émouvoir, c’est loin d’être la première fois. Après tout, il est un régulier de l’Arène, et rarement pour en ressortir en tant que gagnant; il a l’habitude.
Certaines mauvaises langues diraient que ça explique des tas de choses.
Lentement, péniblement, Skunk s’oblige à réintégrer son propre corps. Il se concentre sur ce qu’il sent, voit, entend, sur la fraîcheur des feuilles contre sa joue, sur sa frange bien trop poisseuse pour être collée uniquement par de la sueur - ce dernier constat parvient à lui arracher un grognement: et merde, il en a ras le bol des points de suture... Owl va encore râler.
Mais là tout de suite, il a plus important à gérer: à mesure que sa vision s’éclaircit, il voit à nouveau ses notes qui s’éparpillent lentement aux alentours. Et plus surprenant, toute proche, son encyclopédie qui gît ouverte sur le sol forestier.
Skunk fait l’effort de se hisser sur les coudes et retient de justesse une plainte acide: le mouvement réveille brutalement la douleur qui sommeillait depuis le début en haut de son front, au-dessus de son oeil droit, et bon sang si, en fait, il a mal.
Cependant, encore une fois, ce n’est pas une priorité: d’un geste tremblant mais déterminé, le Dandy tend le bras pour agripper son livre, puis il le ramène contre lui d’un geste farouche, sans prendre le temps d’en lisser les pages - il le voudrait bien, mais pour l’instant il ne parvient pas à tenir assis sans s’appuyer sur son autre main.
Puis une petite voix tintinnabulante et accusatrice parvient à s’imposer par-dessus le concert de carillons qui résonne encore dans sa tête:
“Ça t’apprendra à être malpoli.”
Hagard, Skunk lève les yeux et croise le regard sévère de la petite fée, qui continue de le survoler en vol stationnaire. Et commotion cérébrale ou pas, soudain, c’est l’illumination. La dangereuse illumination.
Est-ce que cette petite pétasse lui a vraiment lâché son propre livre sur le crâne?...
La stupeur s’efface brusquement des traits un peu trop pâles de Skunk, au profit d’une fureur hargneuse qui transforme ses paroles en un grognement presque animal:
“Le malpoli te conchie la gueule, salope. C’est toi qui a voulu voler mon livre! Tu te prends pour qui putain?!”
Il jette un regard autour de lui, sur ses innombrables notes envolées, et une douleur perceptible se glisse dans sa voix:
“Regarde ce que tu as fait...”
Instinctivement, Skunk essaie de se lever pour aller récupérer ce qui peut encore l’être, mais l’effort lui fait tourner la tête si violemment qu’il en perd le peu de couleurs qu’il lui restait. Il retombe assis, haletant et nauséeux, toujours en appui sur une main, son encyclopédie serrée contre lui d’un air rien moins que féroce.
♪ (And if I were you, I wouldn't love me neither.)
Dernière édition par Skunk le Jeu 21 Jan 2021 - 8:21, édité 1 fois
Écorce
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Dim 10 Jan 2021 - 21:40
Le roulement d’yeux d’Écorce, qui trahit clairement l’agacement à entendre ce sale gamin chouiner aussi fort, cache malgré tout une pointe de culpabilité... Enfin. Il n’avait qu’à pas lui courir après, aussi ! S’il était resté sagement à sa place à se faire voler en paix, tout serait allé bien mieux et il n’aurait pas aussi mal.
Les insultes de Skunk l’aide à oublier un court instant ce ressenti. L’Archéologue n’y répond nullement, gardant le port droit, les bras croisés et la tête haute, comme elle ne le fait que très rarement. Ce sale gamin insolent. Il ne mérite aucunement qu’elle dépense de l’énergie contre lui.
- Arrête de geindre. Elle marque une pause, avant de rajouter : C’est un livre trop bien pour un Perdu de ton genre.
Elle pense très sincèrement ce qu’elle dit. Quoique ses pensées sont, une fois de plus, déviées par le vacillement de Skunk, sans doute encore hagard du coup qu’il a par accident reçu. Incapable de se redresser pour chercher les feuilles volantes échappées de son ouvrage, il reste sur place, serrant précieusement son bien contre lui. Écorce arque un sourcil en le voyant faire. Il n’y a que les amoureux des livres et de la lecture pour faire ça... et pour le coup, elle s’en veut encore plus.
Que faire ? Le laisser se débrouiller tout seul ? C’est tout ce qu’il mériterait. Pourtant, en jetant un coup d’œil autour d'elle, le cœur de la fée se serre bien malgré elle. Il faut dire qu’elle ne se met à sa place que parce qu’elle aime les livres, elle aussi. Voir son travail éparpillé serait pour elle un vrai déchirement. Au final, après un long moment de réflexion, l’Archéologue pousse un très long soupir agacé et part ramasser les feuilles qui traînent au sol. La tache est rapide et après avoir vérifié qu’elle n’a rien oublié, la fée des forêts se rapproche prudemment de Skunk - au cas où il aurait envie de lui bondir dessus pour se venger... - en portant à bout de bras ses feuilles.
Avant de les lui rendre, elle réussit à les retourner et à parcourir ce qui est écrit. Écorce lit vite, et cette lecture en diagonale lui permet de comprendre une chose : elle l’a peut-être jugé un peu trop vite - quoique ça, elle ne se l’avoue pas à elle-même. Et la prochaine fois, elle fera en sorte de voler un livre sans disperser les potentielles notes de son propriétaire.
- Hm.
Sans aucune retenue, Écorce jette les feuilles dans la figure de Skunk, tout en gardant son vague petit air de supériorité.
- Finalement, tu es moins bête que ce que je pensais.
Elle ne formulera pas d’excuses à voix haute. Il ne manquerait plus que ça, tiens !
Skunk
♣ Récolteur ♣
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Ven 22 Jan 2021 - 9:57
Alors que Skunk en est encore à encaisser de devoir regarder, impuissant, plusieurs années de travail s’éparpiller aux quatre vents, la voix de la fée lui parvient à nouveau, improbablement hautaine venant d’une si petite chose:
“Arrête de geindre.”
Scandalisé, l’adolescent relève la tête pour la massacrer du regard: c’est elle qui lui vole son livre, c’est elle qui disperse ses notes, c’est elle qui l’assomme avec un volume d’encyclopédie... et elle ose lui dire de fermer sa gueule, en plus?!
Non, non, même pas; elle lui a dit d’arrêter de geindre. Skunk est beaucoup trop sensible à la sémantique pour ne pas faire la différence: balancer à quelqu’un qu’il doit fermer sa gueule, c’est vulgaire mais c’est franc, direct, ça met les deux opposants sur un brutal pied d’égalité. Ça... c’est juste de l’infantilisation et du mépris à l’état brut.
Mais le coup de grâce, c’est la phrase qui suit.
“C’est un livre trop bien pour un Perdu de ton genre.”
Skunk se décompose comme si la fée l’avait giflé. Déjà pâle, il devient livide, et serre les mâchoires si fort que ses dents lui font mal. Dans ses yeux clairs, ce n’est plus simplement de l’indignation et de la colère que l’on peut voir, mais une véritable haine d’adolescent, qui mord et calcine, sans concession. Il est tellement hors de lui que sa voix en devient lisse, atone, à peine marquée de quelques accrocs liés à une puberté inachevée:
“C’est mon livre. Et je t’emmerde.”
Sa prise se resserre encore sur l’encyclopédie, à tel point que les jointures de ses doigts blanchissent à l’intérieur de son gant. S’il avait une main de libre, il ferait volontiers un doigt d’honneur à la fée pour marquer le coup. Et détourner l’attention de ses yeux qui, bien malgré lui, brûlent à nouveau de larmes rageuses.
Pas juste “trop bien pour un Perdu”. “Trop bien pour un Perdu de ton genre”. Encore une fois, tout est dans la nuance. Et malgré tout ce temps qui a passé, Skunk n’a pas oublié cette nuance-là. Il sait exactement de quoi parle la fée. Elle aurait pu dire “pour un petit merdeux de ton genre”, ça serait revenu au même.
Pour qui se prend cette saloperie de mouche verte, pour lui parler comme... comme le ferait un putain d’adulte?!
La petite créature se détourne alors avec un soupir exaspéré et s’éloigne, laissant enfin à Skunk l’opportunité de baisser la tête avec un long soupir tremblant : sa fureur n’a rien fait pour atténuer son mal de crâne et la jungle continue de tanguer méchamment autour de lui.
Tant bien que mal, il se cale sur ses talons, pour libérer un de ses bras et porter la main à ses cheveux. Mais au dernier moment, il se rappelle qu’il porte des gants neufs; il retire délicatement le gauche avec les dents, avant de défaire sa belle écharpe pour la déposer à côté de lui - après un tel gâchis, il ne manquerait plus qu’il mette du sang dessus.
Puis il explore à tâtons la bosse au sommet de son front, avec bien moins de précautions que celles dont il a fait preuve envers ses vêtements et son livre. La douleur le fait grimacer un peu, mais pour son plus grand soulagement il ne sent pas de vraie plaie ouverte, juste un impact qui teinte à peine ses doigts de rouge: peut-être qu’il va passer à travers les points de suture, cette fois.
Tout en piochant son mouchoir dans sa poche pour y essuyer sa main, Skunk relève la tête. Et il constate alors que la fée n’est pas partie, comme il le pensait. Elle bourdonne toujours dans les parages, occupée à...
Elle ramasse ses notes.
En prenant le temps d’en lire certaines, en plus.
Skunk reste un instant figé, bouche entrouverte. Sa colère tente de flamber à nouveau, mais cette fois cela commence à faire un peu trop à la suite, et le Perdu se sent surtout gagné par une profonde lassitude : on lui a déjà volé des carnets, et il sait comment cela se termine. La petite peste le fait pour se venger, évidemment. Cela ne lui suffit pas qu’il perde ses notes, non; elle va se foutre de sa gueule, de son travail, puis qu’est-ce qu’elle va en faire, les déchirer? Les jeter dans une mare pas loin? Les accrocher en haut d’un arbre? Les...
... Les lui balancer dans la figure. Ok. Ça ce n’était pas prévu, par contre.
“Finalement, tu es moins bête que ce que je pensais.”
Skunk sursaute et baisse les yeux, ahuri, sur la volée de papier qui retombe devant lui. Le vent recommence tout de suite à jouer avec, l’obligeant à lâcher précipitamment son encyclopédie pour rattraper les feuilles volantes avant qu’elles ne lui échappent une seconde fois. Il les rassemble en un tas irrégulier, qu’il contemple quelques secondes d’un air perdu. Puis, lentement, il relève la tête pour jeter à la fée un regard toujours hostile et suspicieux, mais cette fois un tantinet plus mesuré.
“C’est l’inconvénient avec les idiotes, elles jugent les autres avec les moyens qu’elles ont.”
Boudeur, il remet les feuillets dans la couverture de l’encyclopédie. Puis il entreprend de décorner les pages de l’ouvrage malmené, tout en ronchonnant:
“Je ne suis pas bête. Et puis qu’est-ce que tu en sais toi, d’abord? Qu’est-ce qu’une fée peut en avoir à foutre d’un livre, d’une encyclopédie? C’est pas comme si c’était encore un arbre...”
♪ (And if I were you, I wouldn't love me neither.)
Dernière édition par Skunk le Ven 22 Jan 2021 - 14:49, édité 1 fois
Écorce
☼ Fée des Forêts ☼
✘ AVENTURES : 117 ✘ SURNOM : L'Archéologue. ✘ AGE DU PERSO : Plusieurs saisons.
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Ven 22 Jan 2021 - 14:28
Tout le long, Écorce continue d’observer ses petites manies, et ses expressions. S’il continue sur sa lancée d’impolitesse, la fée n’en a cure et continue d’afficher son air hautain. Même si au fond, à son plus grand désarroi, la culpabilité fait son chemin. Comme elle le pensait, il a l’air de vraiment y tenir, à son livre... le voilà en train de décorner avec soin les pages de l’encyclopédie.
- L’inconvénient des idiots, c’est qu’ils jugent les autres avec les moyens qu’ils ont.
C’est qu’elle serait presque fière de l’assurance qu’elle vient de prendre et de l’insolence dont elle fait preuve. Si elle pouvait être comme ça tous les jours, la vie lui serait parfois plus simple.
- Je ne suis pas bête. Et puis qu’est-ce que tu en sais toi, d’abord ? - Je n’en sais absolument rien. Je pars du principe que tous les Garçons Perdus sont bêtes, stupides, bruyants et malvenus.
C’est un jugement de valeur qu’Écorce assume totalement, même si à quelque part, elle sait bien qu’il ne faut pas mettre tous les humains dans le même panier. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire ! D’autant que ce n’est pas pour rien qu’elle fuit le Grand Arbre et la flopée de sales gosses qui y prolifère.
- Qu’est-ce qu’une fée peut en avoir à foutre d’un livre, d’une encyclopédie ? C’est pas comme si c’était encore un arbre...
Écorce fait les gros yeux au Perdu, comme si elle était outrée de sa façon de parler de cet ouvrage. Et quoi ? Encore un arbre ? Ce n’est pas parce qu’elle est une fée des forêts qu’elle ne s’intéresse qu’aux arbres !
- Je lis beaucoup, finit-elle par avouer, la voix un peu serrée, comme si elle venait de lui confier son plus grand secret.
Elle serre ses petits poings, vexée dans sa fierté qu’il ait des idées reçues sur le sujet. Ce n’est pas lui qui vient de parler de jugement sans connaître les autres ? Ça parait si peu évident, une fée qui aime les livres ? Hmpf. Ah, ces hommes qui croient tout savoir... Pas un pour rattraper l’autre.
- Ce n’est pas n’importe quel livre. C’est l’Encyclopaedia Britannica, quand même. Ça fait longtemps que je cherche cette encyclopédie, les humains du Monde Ordinaire ne l’édite plus depuis un moment. Je pensais que tu l’avais trouvé par pur hasard et je voulais te la voler pour ma collection. Mais tu as l’air d’être conscient de la valeur qu’elle a...
Avouer ça la force à afficher une mine boudeuse.
- Dommage pour moi. Je finirai bien par la trouver ailleurs.
Elle s’avouait vaincu ; au moins, c’était déjà ça. Si elle lorgnait encore un peu sur l’ouvrage, elle ne ferait pas la bêtise de tenter de le subtiliser à nouveau : Skunk s’y attendait, et il pouvait très bien l’écraser comme on écraserait une mouche sans qu’elle ne puisse réagir. Les bras croisés, Écorce adresse un nouveau regard au Dandy et observe la jolie bosse qu’il arbore. Les sourcils froncés, elle manque d’ouvrir la bouche afin de se justifier sur l’incident, puis se ravise. Trop fière qu’elle est, elle n’a toujours pas envie de s’excuser, même si elle commence doucement à se rendre compte qu’il est moins stupide que tous les autres.
Skunk
♣ Récolteur ♣
✘ AVENTURES : 227 ✘ SURNOM : (Le) Dandy ✘ AGE DU PERSO : Tout juste quatorze ans
Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Mer 27 Jan 2021 - 21:00
Quand la fée lui renvoie sa phrase sur les idiots, Skunk se contente de lui jeter un coup d’oeil dédaigneux; il ferait bien un commentaire sur le fait qu’elle vient grosso modo de lui balancer “c’est celui qui dit qui est!”, mais ce serait prendre le risque de se lancer dans une de ces disputes de cours de récréation dont il a une sainte horreur, et il a déjà bien assez mal au crâne comme ça.
“Je pars du principe que tous les Garçons Perdus sont bêtes, stupides, bruyants et malvenus.”
Cette fois, il ne daigne même pas lever les yeux du livre dont il est en train de s’occuper. Il fait juste une petite moue vexée, qui s’accompagne tout de même d’un léger mouvement de tête aux allures de concession: c’est qu’il ne peut pas exactement donner tort à la fée, sur ce coup-là. Bien sûr la généralisation est insultante, mais d’un autre côté, Skunk vit au Grand Arbre depuis bien assez longtemps pour trouver que beaucoup de ses “camarades” sont, effectivement, bêtes, stupides, bruyants et malvenus.
“Ce n’est tout de même pas une raison pour les voler.”
Oui, ce point-là lui reste vraiment en travers. Quand il pense à ce qu’il risque, tous les jours, pour trouver des livres en bon état, quand il pense aux efforts qu’il a pu faire pour ne jamais rien voler, pour toujours laisser des compensations en échange de ce qu’il prend, même quand il va fouiner dans les réserves des Pirates... Et voilà que cette petite chose prétentieuse qui bourdonne au-dessus de lui parle de voler des livres comme si c’était normal. Skunk sait bien que les fées n’ont pas la même vision des choses, mais quand même, différence culturelle ou pas, c’est son livre, merde!
“Je lis beaucoup.”
Skunk cille, trois ou quatre fois de suite, avant de relever doucement la tête - le mouvement lui tire une grimace de douleur, mais la fée est encore un peu en hauteur et c’est le seul moyen qu’il a de la regarder en face. Elle reste en vol stationnaire, hors de sa portée (sage initiative), mais elle a décroisé les bras, abandonnant la posture arrogante qu’elle arborait jusqu’à présent. Skunk devine toujours de la contrariété sur son petit visage, mais maintenant, elle a l’air moins agacée que bizarrement... mal à l’aise?
La minuscule créature reprend alors d’un ton sec, lui expliquant toute l’importance de l’ouvrage. Le Dandy commence par lui opposer un regard irrité - il le sait que c’est l’Encyclopaedia Britannica, elle le croit vraiment demeuré ou quoi? Mais la suite des explications de la fée le prend de court :
“Ça fait longtemps que je cherche cette encyclopédie, les humains du Monde Ordinaire ne l’éditent plus depuis un moment. Je pensais que tu l’avais trouvée par pur hasard et je voulais te la voler pour ma collection. Mais tu as l’air d’être conscient de la valeur qu’elle a...”
Par réflexe, Skunk referme le volume et laisse sa main gantée posée dessus, l’air méfiant. Mais la fée se contente d’ajouter qu’elle en cherchera un autre. Elle croise à nouveau les bras, mais cette fois-ci, même Skunk remarque que le geste n’est pas tant hautain que défensif.
Un peu perturbé (une fée avec une collection de livres? c’est possible ça?), l’adolescent ramasse doucement son bien. Est-ce que la petite créature essaie de l’apitoyer? Il n’en est pas certain, mais dans le doute, il se permet quand même de l’avertir :
“Si tu dis ça pour me faire changer d’avis, tu te fatigues pour rien: je ne te le donnerai pas. C’est non négociable.”
Il baisse les yeux sur la couverture sombre de l’encyclopédie et hésite un instant. Puis, un peu à contrecoeur, il ajoute:
“C’est l’un des premiers vrais livres que j’ai trouvés en arrivant ici. En plus il était presque neuf, c’est une édition de 1994. C’est l’année où...”
Où j’ai suivi Peter Pan. Où j’ai vendu mon âme. Où je me suis fait avoir comme un con.
“... C’est là que j’ai quitté l’Ordinaire.”
Il ramène doucement le volume contre lui, l’air un peu lointain. Puis il fait une nouvelle fois l’effort de lever les yeux, en réprimant un autre vertige:
“Elle n’est vraiment plus éditée? L’Encyclopaedia Britannica? Mais elle date du dix-huitième siècle, pourquoi d’un coup... Ce... ça n’a pas de sens.”
Sa voix vacille un peu, à peine, trahissant son malaise croissant - il a du coton plein la tête, et un fond de nausée continue de serrer sa gorge. Mais Skunk a du mal à savoir si c’est dû à son traumatisme crânien, ou plutôt à la révélation que vient de lui faire cette étrange fée voleuse de livres : comment l’une des plus importantes encyclopédies de son monde peut-elle ne plus être éditée? Et depuis “un moment”? Qu’est-ce que c’est, “un moment”? Un an? Cinq? Dix?
... Plus?
Un instant, Skunk envisage de demander à la fée en quelle année se trouve le Monde Ordinaire, mais sa nausée s’accentue brusquement et il décide de s’abstenir. C’est comme quand il a réalisé que Witted et Owl étaient nés la même année que lui, comme quand Cyber lui a dit avoir vécu en 2016. Cette idée du temps qui passe sans passer a quelque chose d’atroce, de presque physiquement douloureux. Sans doute parce que c’est insensible, mais irréversible. Et que songer qu’il est parti de chez lui depuis plus de vingt-cinq ans, c’est...
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Écorce
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Jeu 28 Jan 2021 - 18:51
Le point sur le vol fait hausser les sourcils d’Ecorce qui, contrairement à Skunk, n’a jamais cherché un moyen plus poli pour prendre les possessions des autres. Elle a arrêté de compter le nombre de livres qu’elle a volé à des chercheurs du Monde Ordinaire. De toute façon, ce n’est pas trop une perte pour eux. Ils doivent bien avoir les moyens d’en récupérer d’autres. Elle doit savoir et étudier le plus de choses possibles, et tant pis pour les autres. Là, le cas est un peu particulier. Il faut dire que c’est rare d’avoir un Garçon Perdu avec un ouvrage aussi rare entre les mains. Elle préfère ne pas relever ce point, puisqu’il n’a de toute façon visiblement pas l’air d’accord avec elle.
- Je t’ai dis que je n’en voulais plus, grommelle-t-elle. De toute façon, je ne pourrais plus t’avoir par surprise. Je n’ai pas envie de mourir écrasée.
Alors il a trouvé ce livre sur le Rivage ? Quelle chance. Elle voit bien le fait qu’il ait l’air de lui avouer cette information à contre-coeur, et préfère ne rien rajouter. D’autant qu’il avait l’air particulièrement perturbé depuis qu’Ecorce lui avait dit que l’ouvrage n’était plus édité. A quelque part, elle comprend sa panique. Elle avait déjà eu des déceptions du même genre. La plus ancienne en date, et la plus marquante, était lorsqu’elle avait appris l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Elle retient une mine triste en y repensant, préférant se concentrer à nouveau sur le Perdu qui, visiblement, avait gagné un peu de son attention. En le voyant tirer une grimace lorsqu’il redresse la tête vers elle pour lui parler, Ecorce finit par se poser sagement sur une pierre - évidemment à bonne distance - devant le Dandy.
- En fait, l’encyclopédie existe encore.
Pourquoi elle le lui avoue ? Elle aurait pu le laisser avec son malaise, de s’imaginer le temps depuis lequel il se trouve sur l’île. Certains y sont depuis un siècle, après tout. Ecorce fait un rapide calcul, concluant qu’il est là depuis plus de vingt-cinq ans. Mais elle ne le lui dira pas. Elle ne sait pas trop d’où elle sort cette soudaine et vague sympathie : sans doute parce qu’elle a compris qu’il est vraiment moins bête qu’il n’en a l’air et qu’elle s’en veut un peu de lui avoir fait mal au crâne.
- Mais les humains utilisent un nouveau système qu’ils considèrent plus rapide et moins coûteux en papier pour stocker les données encyclopédiques, continue-t-elle en finissant par s’asseoir en tailleur. Il faut dire qu'elle n'a absolument pas la notion du prix : la monnaie actuelle du Monde Ordinaire la dépasse un peu. Ils ont fait pareil avec le Roman Imperial Coinage et avec des dictionnaires connus comme celui d’Oxford. Ça leur évite d’éditer des dizaines de tomes pour une seule encyclopédie sur une courte période, et de faire des corrections plus rapides.
Elle croise les bras puis, emportée par sa propre passion et son avis sur la question, finit par faire un aveu à Skunk :
- Je trouve ça stupide. Ça prend peut-être moins de place, mais il n’y a plus la beauté de l’ouvrage, ni le plaisir de tourner les pages. Ils auraient au moins pu utiliser les deux systèmes... Les humains sont bêtes, par moment.
Si ce n’est tout le temps, de son point de vue.
Skunk
♣ Récolteur ♣
✘ AVENTURES : 227 ✘ SURNOM : (Le) Dandy ✘ AGE DU PERSO : Tout juste quatorze ans
“Je t’ai dit que je n’en voulais plus. De toute façon, je ne pourrais plus t’avoir par surprise. Je n’ai pas envie de mourir écrasée.”
Skunk jette à la fée un regard consterné. Oh, donc l’argument de cette jolie demoiselle pour renoncer à le voler, ce n’est pas que c’est mal et qu’elle n’aurait pas dû le faire pour commencer, non. C’est juste que ce n’est plus possible sans l’effet de surprise, parce que sa victime pourrait l’aplatir comme un vulgaire moustique. Génial. Elle a vraiment l’air d’une charmante personne, cette petite saleté.
En plus Skunk est un peu choqué qu’elle le croie capable d’écraser une fée. D’accord, il est du genre grincheux, colérique et potentiellement un tout petit peu violent sur les bords. Mais il n’est quand même pas un barbare. Il y a vraiment des Garçons Perdus qui font cela aux fées?
... Bon d’un autre côté, il y a bien des fées qui tentent de tuer des Garçons Perdus, visiblement.
Skunk porte à nouveau la main à sa bosse, grimace en sentant la douleur acide qui pulse toujours sous l’impact sanguinolent et résonne dans tout son crâne. Il baisse les yeux sur son livre et n’a pas grand mal à repérer la petite tâche cramoisie, sur un angle de la reliure qui a été abîmé par le choc. Encore quelques minutes plus tôt, ce détail aurait mis le Dandy dans une rage noire. Néanmoins, sachant ce qu’il sait à présent, il ne se sent pas tant en colère qu’un peu mélancolique.
Au Pays de Jamais, cette encyclopédie a toujours été un trésor, que Skunk a chéri en tant que tel. Mais l’idée qu’elle puisse se faire rare également dans l’Ordinaire lui donne soudain moins l’impression de posséder un objet précieux que de s’occuper d’un animal en voie de disparition - touchant, mais triste et sans espoir.
Ce livre, c’est quelque chose qui appartient à un temps révolu. Quelque chose d’inadapté, d’obsolète, quelque chose qui a été naturellement effacé. Comme lui doit l’être aussi, sans doute, à présent.
“En fait, l’encyclopédie existe encore.”
La voix de l'improbable brigand extirpe encore une fois Skunk de ses pensées, mais cette fois-ci avec une absence de morgue qui fait tiquer le Perdu. Il lève les yeux et cille un peu vite, surpris de trouver la fée à son niveau, posée sur un caillou. Sans doute est-elle fatiguée, après avoir tenté de voler un livre qui doit bien faire... oh, au moins deux cents fois son poids? L’explication semble logique, et Skunk s’en contente d’autant plus aisément que cela lui fait quand même nettement moins mal de ne plus avoir à redresser la tête pour pouvoir lui parler.
Lui parler. Discuter? Comment est-ce qu'ils se seraient retrouvés à discuter? Mais c’est pourtant bien ce que la fée est en train de faire, non? Skunk réprime un tic de l’épaule, l’air méfiant et mal à l’aise: qu’est-ce qu’elle a en tête, cette fripouille? Elle le sait pourtant qu’elle ne parviendra plus à le prendre au dépourvu, elle l’a dit elle-même. Est-ce qu’elle chercherait tout de même à l’amadouer, malgré son refus catégorique? Est-ce qu’elle prépare un tour de passe-passe en traitre?
Incrédule et sur la défensive, Skunk l’écoute malgré lui, attiré sans oser l’avouer par les informations qu’elle lui donne sur la pérennité de l’encyclopédie, sur ce nouveau système de stockage qui permet de s’affranchir du papier, et soudain, quand elle parle du “plaisir de tourner les pages”, Skunk s’illumine et s’exclame:
“Ils ont dématérialisé les livres, c’est ça? Ils en ont fait des banques de données!”
Un éclair de surprise passe sur ses traits, comme s’il n’en revenait pas lui-même d’avoir parlé aussi vite, avec un enthousiasme aussi nettement perceptible; certes, il est étrangement (très) soulagé que l'Encyclopaedia Britannica n'ait pas simplement disparu de la surface de la Terre, mais ce n'est pas... Enfin ce n'est pas le genre de nouvelle que les gens accueillent en se retenant de sauter en l'air, quoi. Embarrassé, Skunk se tasse un peu sur lui-même, avant de tenter une nuance :
“J’ai un ami... qui est là depuis moins longtemps que moi. Au Grand Arbre. Il m’a montré la musique numérisée, sur son téléphone portable. Et les fichiers de films, sur son ordinateur. Des centaines de fichiers.”
D’un geste absent, il caresse du pouce la couverture de son encyclopédie.
“C’est vrai que c’est pratique. Mais je trouvais déjà ça un peu dommage de ne plus avoir de cassettes, de disques ou de VHS. Je ne pensais pas que pour les livres...”
Il reste un instant silencieux, visiblement perdu dans ses pensées. Il prend le temps d’intégrer ce que la fée vient de lui dire, mais aussi et surtout, il réalise que ce ne sont pas que des informations: elle vient de lui donner une opinion. Une vraie opinion, pas juste l’un de ses jugements à la con - une opinion avec laquelle il est d’accord, en plus. C’est bizarre. Ça fait tache. Un peu comme quand elle lui a dit qu’elle lisait beaucoup, sur ce drôle de ton qui a ressemblé à un aveu.
Le regard vert-de-gris de Skunk se pose à nouveau sur la fée, avec une intensité inédite. Oh, il est encore un peu hostile et suspicieux, oui. Mais c’est clairement autre chose qui se joue dans sa tête tandis qu’il dévisage la petite créature, presque comme s’il la voyait vraiment pour la première fois.
Jusqu'à ce qu'il lâche d’une voix étrangement calme et posée:
“Si tu as renoncé à me prendre cette encyclopédie, si tu ne cherches pas à me convaincre de te la donner... Pourquoi m’as-tu rendu mes notes?”
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Mar 2 Fév 2021 - 12:36
Une banque de données ? Ecorce affiche un air surpris, et écoute attentivement ce que Skunk lui raconte, tout en hochant la tête à chacune de ses remarques. C’est exactement ça ! Et c’est bien résumé. La fée a eu l’occasion d’espionner quelques chercheurs qui utilisaient ce système pour consulter à tout moment des livres, pourtant à l’autre bout du monde... ça l’avait fasciné. Autant que déçue. Si tout devient comme ça dans le Monde Ordinaire, comment va-t-elle faire pour emmagasiner de nouvelles connaissances ? Elle se voyait mal ramener un ordinateur sur l’île, d’autant qu’elle sait très bien que les appareils électroniques ne marchent pas ici.
A son tour, le Dandy se tasse un peu. La façon dont il donne son avis fait écho à celle d’Ecorce. Cette dernière le remarque d’ailleurs, notamment au ton pris par le Perdu, mais elle ne dit rien de plus. En y réfléchissant bien... il y a de quoi. Il y a à peine quelques instants, il l’insultait encore tandis que la fée faisait preuve de mauvaise foi envers lui. Avoir cette pensée la gêne un peu, et elle n’aime pas trop ça. Elle s’avoue intérieurement avoir blessé un humain qui ne le méritait pas. Au moment où elle pense ça, elle croise le regard de l’intéressé. Il songe peut-être à la même. Au final, il finit par lui poser la question.
- Si tu as renoncé à me prendre cette encyclopédie, si tu ne cherches pas à me convaincre de te la donner... Pourquoi m’as-tu rendu mes notes?
Les épaules d’Ecorce s’affaissent un peu, tandis qu’elle passe sa main dans ses cheveux. Elle monte déjà ce qu’elle s’apprête à lui dire dans sa tête, et sans savoir pourquoi, elle trouve ça parfaitement idiot. Il faut dire qu’elle n’a pas l’habitude de s’excuser pour un humain. La plupart ne le méritent pas. Visiblement, Skunk fait partie de ces trop rares exceptions.
- Euh... C’est...
Ça commence mal, si elle se met à bégayer : elle se connait parfaitement après tout.
- ...
Argh. Ecorce fixe les brins d’herbes un court instant, inspire profondément, et tente de capter les prunelles vertes du Dandy. Être intelligent, c’est aussi savoir reconnaitre ses erreurs.
- C’est parce que tu es vraiment moins bête que je ne le pensais. Voilà, c’est lâché. Elle ne compte absolument pas lui laisser le temps de répondre, et reprend immédiatement : Sur l’île, je ne vole que les idiots. Et je considère tous les Pirates et les Garçons Perdus comme tels, et tant pis pour les généralités. Ils détruisent tout, ils font du bruit, ils sont malpolis, méchants et...
Ecorce s’arrête en se rendant compte qu’elle est à court d’adjectifs.
- ... Ils sont méchants comme seuls les humains peuvent l’être. Et ça m’agace. Surtout quand certains ne prennent pas soin des livres. J’ai cru que tu étais comme ça, mais j’ai changé d’avis en voyant tes notes. Je te les ai rendu parce que je sais ce que ça fait de voir son travail partir en fumée sans prévenir. Ça aurait été trop bête. Tu avais écris des choses intéressantes.
Un court silente flotte, durant lequel Ecorce joue avec ses doigts. Elle cherche ses mots.
- C’était aussi une façon de m’excuser. Je ne voulais pas vraiment te faire mal, avec ton livre.
Elle a fini de parler. A son tour, elle ose regarder une nouvelle fois Skunk comme si, à son tour, elle le découvrait pour la première fois. C’est d’ailleurs là qu’elle se rend compte qu’il a l’air bien plus propre sur lui que ne le sont la plupart des Garçons Perdus... et qu’elle remarque également la bosse qui gonfle sur son crâne. C’est ce qui la pousse à lui faire une nouvelle proposition.
- Ce n’est pas bien ce que j’ai fais. Je n'ai pas le droit de demander que tu me pardonnes, mais pour m’excuser, je peux te prêter un livre. Qu’est-ce que tu voudrais ? J’ai énormément d’encyclopédies, de monographies, de recueil d’articles, de rapports de fouilles archéologiques... Je suis sûre d’avoir quelque chose qui t’intéressera.
Pour le coup, c’était sa fierté de fée qui parlait, même si ça lui était compliqué de prêter ses précieuses collections à quelqu'un d'autre. Ce n’était pas bien ce qu’elle avait fait : son jugement de valeur, sa tentative d’homicide involontaire. Ce n’est visiblement pas un garçon comme lui qui le méritait. Elle aurait dû s’en prendre à quelqu’un d’autre... ou voler plus rapidement ce livre. Quoique cette dernière pensée disparaissait de plus en plus de sa tête. Ecorce avait la sévère impression de s’être rabaissée au niveau des humains les plus stupides. Si elle n’aimait pas ce sentiment, c’était aussi pour s’excuser correctement.
- Je suis sincère, rajoute-t-elle, une expression sérieuse sur le visage.
Skunk
♣ Récolteur ♣
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Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Ven 12 Mar 2021 - 18:17
Skunk ne sait pas trop à quoi il s’attendait, en demandant à la fée pourquoi elle lui a rendu ses papiers. Peut-être au mieux à une vague culpabilité, dissimulée sous un supplément de mauvaise foi? Il a du mal à imaginer plus sympathique de la part de quelqu’un qui l’a assommé avec son propre livre et lui a ensuite ordonné d’“arrêter de geindre”.
Mais pour le coup, le petit être a l’air vraiment embarrassé par sa question. La fée bégaie, se triture les doigts, les cheveux, regarde ailleurs. Plus intrigué qu’il ne veut bien l’avouer, Skunk reste sur la défensive, mais il laisse ses épaules se dénouer un peu et il se redresse autant que sa tête le lui permet.
“C’est parce que tu es vraiment moins bête que je ne le pensais.”
Dubitatif, le Dandy hausse un sourcil, mais il ne relève pas la valeur discutable de l’excuse - il faut dire que c’est un “compliment” qu’il utilise lui-même, ce serait un peu inélégant de sa part de mal le prendre. De toute façon la fée enchaîne déjà, tout à la fois agaçante et un peu drôle dans sa franchise lorsqu’elle insiste sur le fait que les Pirates et Perdus sont tous des abrutis. Skunk en esquisse même un petit sourire, à peine venimeux, à peine douloureux. Il ne le montre pas, mais quelque chose lui fait mal dans la poitrine, de manière très profonde et très pointue, quand la fée dit qu’ils “sont méchants comme seuls les humains peuvent l’être”. Peut-être parce qu’il a un peu trop l’impression de savoir de quoi elle parle.
La suite le surprend d’autant plus:
“J’ai cru que tu étais comme ça, mais j’ai changé d’avis en voyant tes notes. Je te les ai rendues parce que je sais ce que ça fait de voir son travail partir en fumée sans prévenir. Ça aurait été trop bête. Tu avais écrit des choses intéressantes.”
Quelque chose d’étrange passe sur le visage de Skunk ; il s’efforce de maintenir une expression circonspecte de rigueur, mais derrière son masque rigide, il y a comme une lueur de surprise et de plaisir. L’espace d’un instant, d’une seconde, une question spontanée (“C’est vrai?”) lui monte aux lèvres. Mais il l’étouffe aussitôt, gêné par sa candeur - ne sois donc pas si stupide, elle dit ça juste pour te flatter, juste parce qu’elle veut l’encyclopédie, c’est tout ce qui...
“C’était aussi une façon de m’excuser. Je ne voulais pas vraiment te faire mal, avec ton livre.”
... D’accord. Là, méfiance ou non, ce n’est plus de la surprise qu’il ressent, c’est carrément de la stupéfaction. A tel point qu’il en reste un peu ahuri et qu’il en oublie (heureusement) la correction automatique (“on ne s’excuse pas, on demande pardon”) qui traverse son cerveau comme un trait d’acide.
C’est que Skunk a l’habitude qu’on lui vole ses livres. Il a aussi l’habitude qu’on le cogne lorsqu’il tente de les récupérer.
Mais qui s’en est déjà excusé par la suite?
Et ce n’est ni un accident, ni une maladresse: la fée insiste, avec des mots humbles et clairs qui ne prêtent pas à interprétation (“Ce n’est pas bien ce que j’ai fait.”). Puis elle propose carrément de lui prêter un livre, en guise d’excuses.
La créature scintillante le regarde, bien en face, et le Garçon Perdu réalise qu’il ne sait pas quoi répondre, plus quoi penser. A nouveau, il se dit que c’est à cause du traumatisme crânien, que la douleur qui lui enserre les tempes l’embrouille et le déconcentre. C’est assez pratique comme explication, puisque c’est vrai. Mais au fond, Skunk sait bien que son mutisme est moins en rapport avec sa commotion cérébrale qu’avec cette émotion malvenue qui s’installe doucement en lui et cherche à percer ses défenses, cette sensation à la fois agréable et dangereuse qui enserre sa gorge.
Skunk s’efforce vraiment de maintenir sa prudente distance avec la fée, de prendre du recul. Mais ses pensées sont comme paralysées par la simple idée que quelqu’un puisse lui demander pardon de l’avoir mal traité. C’est rare, si rare... Il ne peut s’empêcher de s’en sentir touché, et en même temps il s’en veut de s’en sentir touché, alors qu’il sait bien que tout ceci est sans doute faux, que cette petite chose est une voleuse, qu’il serait ridicule de lui faire confiance pour quelques paroles bien amenées.
Que les gens mentent. Même les fées.
“Je suis sincère.”
Skunk souffle par le nez en un soupir sonore et détourne un peu la tête, l’air contrarié : cela, ça ressemble énormément à ce que dirait quelqu’un qui n’est pas sincère. Il faut qu’il se ressaisisse, sinon il va se faire avoir.
Mais elle a l’air si sérieuse. Ses mots sonnent tellement justes. Et sa proposition est si tentante.
Lentement, avec des précautions d’animal sauvage, l’adolescent ramène ses yeux clairs sur la petite créature. Il serre à nouveau son encyclopédie contre lui, comme pour se rassurer, avant de demander avec un mélange de réticence et de curiosité:
“Cette collection dont tu parles... Je suppose qu’elle est à taille humaine, vu ta proposition et la façon dont... tu t’approvisionnes?”
Il grimace un peu, agacé par sa propre indulgence : elle les vole, enfin! Il ferait mieux de s’en souvenir, au lieu de se laisser stupidement amadouer par la perspective d’accéder à un ouvrage qu’il n’a jamais lu.
“Comment fais-tu? Où est-ce que tu gardes tant de livres?”
C’est un peu un test, le Dandy ne cherche pas à le dissimuler ; il a envie d’y croire sans oser le faire, et il a vraiment besoin de plus d’éléments avant de décider si la fée se fout de sa gueule ou non. Mais c’est aussi un peu sincère, comme le prouve la précision qu’il laisse échapper ensuite :
“J’ignorais que les fées avaient des bibliothèques.”
Est-ce que Absinthe lui en a déjà parlé? Peut-être, en mentionnant le Palais de Mab. Mais de là à songer que c’est plus qu’une exception, et que des fées ordinaires peuvent avoir leur propre collection de livres... Cela rend Skunk curieux et pourtant un peu triste, comme à chaque fois qu’il réalise que quelque chose qui lui manque au Grand Arbre existe bel et bien sur l’Île, mais hors de sa portée.
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Écorce
☼ Fée des Forêts ☼
✘ AVENTURES : 117 ✘ SURNOM : L'Archéologue. ✘ AGE DU PERSO : Plusieurs saisons.
✘ DISPO POUR RP ? : Potêtre ! ✘ LIENS : Récits & Annexes.
Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Dim 14 Mar 2021 - 13:05
Écorce esquisserait presque un sourire en le voyant détourner légèrement la tête : elle se doute bien qu'il ne la croit pas. Il faut dire que sa proposition sort de nulle part, mais après tout, tant pis pour lui s'il n'a pas envie de prendre le risque... Il doit probablement sous-estimer sa bibliothèque personnelle, ou se dire qu'elle ment.
A sa dernière remarque, la fée serait presque prise d'un tic nerveux. Qu'est-ce qu'il croit ? Que les fées ne sont pas capables d'avoir des bibliothèques ? Ça l'outrerait presque, mais elle ne dit rien. De un, parce que ce n'est pas le moment. De deux, parce qu'à force de l'observer et de voir qu'il sert presque affectueusement son encyclopédie entre les mains, elle se dit qu'il en vaut peut-être la peine.
Peut-être. A voir, donc.
- Petit, je suis une fée.
Elle dit ça comme si ça justifiait tout - et c'est d'ailleurs le cas.
- Je suis un être de magie, continue-t-elle en levant les mains. Je peux très bien stocker des livres à taille humaine dans ma maison, l'intérieur s'agrandit si j'en ai besoin. Il y a aussi pas mal d'ouvrages que je réécris à ma taille de fée parce qu'ils sont en mauvais état. Si tu ne me crois pas, tu n'as qu'à venir chez moi... un jour.
Au grand jamais elle n'aurait fait une proposition comme ça à n'importe quel humain. Mais il faut dire qu'elle est un peu agacée par ses doutes ! Elle prend ça comme si on s'attaquait personnellement à tout le travail qu'elle déploie pour apprendre toujours plus et pour accumuler le maximum de connaissances. Et comme dit... il en vaut peut-être la peine.
- Il y a une immense bibliothèque dans le palais royal des fées.
Écorce se tait, comme si elle souhaitait planer une quelconque forme de suspens ou de solennité. Skunk n'a sans doute pas idée de la taille de la bibliothèque royale.
- Par contre, reprend-t-elle, j'ai une préférence pour les civilisations antiques. J'espère que c'est ton cas également, parce que je n'ai presque que cette thématique dans ma collection personnelle. Enfin, j'ai également des ouvrages de références de l'histoire humaine. Elle marque une pause. Si tu ne me crois toujours pas, je peux te parler en grec ancien ou te lire un texte en sumérien.
Écorce est très sérieuse.
- Je te l'ai dis, ce n'est pas bien ce que je t'ai fais. Et j'ai ma dignité. J'aurais honte de te jouer un sale tour après cette proposition, surtout à quelqu'un qui a l'air plus malin et intelligent que ses congénères.
Elle s'arrête, ferme un court instant les yeux, et pousse un léger soupir. Ah, elle parle beaucoup trop... elle sent qu'elle va être fatiguée plus qu'à l'accoutumé, ce soir.
- ... Comment tu t'appelles, d'ailleurs ? Demande-t-elle spontanément. Au point où elle en est...
Skunk
♣ Récolteur ♣
✘ AVENTURES : 227 ✘ SURNOM : (Le) Dandy ✘ AGE DU PERSO : Tout juste quatorze ans
Sujet: Re: Bookworms [Flashback] Lun 15 Mar 2021 - 18:20
Skunk est un petit con et il le sait. Il est impatient, méfiant, agressif. Il ne sait pas faire confiance, encore moins accorder le bénéfice du doute. Il est brutal, indélicat, vicieux. Il n’a pas de pitié pour l’égo des autres, et il éprouve bien trop de plaisir à faire vriller ceux qui l’insupportent.
Parfois, il a envie de faire des efforts, de se détacher un peu de son personnage, de montrer qu’au fond il est capable de mieux que cela.
Et d'autres fois, il se dit juste qu’il a raison d’être un petit con.
“Petit, je suis une fée.”
Difficile de décrire l’effet que lui fait cette seule phrase, à quel point c’est une grande claque en travers de la figure, aussi douloureuse et humiliante que celles des adultes qu’il a pu connaître dans l’Ordinaire.
Rien que ce “petit”, évidemment, est la définition de l’intolérable. Au minimum, ce serait un qualificatif maladroit, qui tape dans la conscience toujours trop vive que Skunk a d’être un avorton qui n’aura jamais le droit de grandir sans le payer très cher. Mais dans un tel contexte, suivi d’une explication aussi lapidaire et condescendante, cela devient quasiment un crachat au visage, une insulte qui lacère la fierté de l’adolescent aussi cruellement et aisément que l’avait fait “un Perdu dans ton genre”.
La fée ne perd décidément aucune occasion de lui rappeler qu’il n’est qu’un gosse, une moitié d’individu qui n’a rien à dire, rien à demander, rien à exiger, qui n’a qu’à obéir et se taire.
Skunk perçoit cette opinion dans chaque parole de la petite créature, qui s’exprime à nouveau avec ce dédain insensible qu’elle n’avait que mis de côté - le temps de s’excuser, la bonne blague... Et pourquoi ce retour en arrière? Parce qu’il a osé poser une question. Une simple question, par curiosité, par intérêt, en toute bonne foi, et voilà que Madame s’agace, lui parle de sa maison magique et de la bibliothèque de la Reine comme si elle était contrainte d’énoncer des évidences à un couillon de cinq ans, et cette arrogance même pas consciente brûle le Dandy comme du sel versé sur une plaie jamais fermée.
Elle le prend vraiment pour un idiot, en fait. Elle le voit comme un gamin à peine moins con que les autres, que l’on peut calmer avec une excuse bien formulée, un vague compliment sur son travail et la promesse magnanime d’un livre à lire.
Et lui, en pathétique crétin avide du moindre semblant d’attention, il a bel et bien failli être ce gamin-là.
Dans les iris clairs de Skunk, quelque chose disparait avec un bruit de porte qui claque. Il se tasse imperceptiblement, ses bras se crispent autour de son encyclopédie et son visage redevient un masque pâle et rigide, moulé autour de ses yeux brûlants et sur les muscles saillants de sa mâchoire. Il refuse de laisser voir à la fée à quel point il a honte, à quel point il est déçu, à quel point il (pourrait la tuer) la hait pour ce qu’elle a fait, pour ce qu’elle dit. Pour ces excuses auxquelles il a presque cru, et qu’elle ose répéter.
“Je te l'ai dit, ce n'est pas bien ce que je t'ai fait. Et j'ai ma dignité. J'aurais honte de te jouer un sale tour après cette proposition, surtout à quelqu'un qui a l'air plus malin et intelligent que ses congénères.”
Les yeux de Skunk s’étrécissent et ses traits frémissent, comme s’il était un animal sur le point de montrer les crocs, et ce n’est que par pur orgueil qu’il parvient à garder le contrôle de lui-même - partir dans une nouvelle bordée d’injures ne ferait que donner raison à cette petite peste.
S’il le pouvait, il se lèverait et partirait, avant de perdre tout ce qu’il reste de sa dignité. Mais sa rage ne fait qu’accentuer son terrible mal de crâne, et il craint de ne pouvoir faire que quelques pas avant de s’effondrer, de vomir, ou les deux. Alors il se résout à rester là, toujours assis sur ses talons, à inspirer à fond par le nez dans l’espoir de conserver un peu de maîtrise. Juste un peu. Juste assez.
“... Comment tu t'appelles, d'ailleurs ?”
“Qu’est-ce que ça peut te foutre?”
Sa voix claque, froide et grondante, avant qu’un rictus hideux ne vienne étirer ses lèvres:
“Oh, toutes mes excuses : est-ce mieux si je demande “quel intérêt pourrais-tu bien porter à mon nom de pauvre mortel, dame fée”? Préfères-tu que je m’exprime ainsi? Cela te semble-t-il plus digne de ton statut d’érudite? Ou est-ce de l’anglais trop complexe pour ta petite tête gargarisée de grec ancien?”
Il se redresse, avec un drame adolescent aussi excessif que parfaitement sérieux ; la douleur lui flanque le vertige, mais pas assez pour le faire taire.
“Tu as raison. Je suis intelligent. Bien plus que tu ne sembles le réaliser, et surtout bien assez pour n’avoir que faire de ton jugement : ce que tu m’as fait, la façon détestable dont tu me parles, et le simple fait que tu oses te vanter d’une “collection” que tu as volée suffit à prouver que tu n’es qu’une personne inconséquente et méprisable, qui prend son orgueil pour de l’intelligence. Dérober les travaux des autres ne fait pas de toi une savante. Juste une imposture.”
Son expression se fait étrangement dépitée, tandis que sa prise se resserre sur son encyclopédie obsolète. C’est vrai qu’elle a voulu lui prendre l’un de ses biens les plus précieux, qu’elle l’a agressé, qu’elle a éparpillé son travail. Mais elle a fait preuve de remords, non? Elle lui a rendu ses notes. Et il y a peut-être un fond de sincérité dans ses excuses, malgré son indéniable arrogance. Skunk pourrait lui laisser une seconde chance.
L’espace d’un instant, le Garçon Perdu dévisage la fée, cette jolie petite chose qui lui parle tellement comme le faisaient les adultes de son ancienne vie. Puis, sans lui laisser le temps de répliquer, il prend sa décision, ignore sa propre déception et poursuit d’un air sombre:
“Je ne suis pas un petit garçon qu’on impressionne avec de jolies phrases sur la dignité et la sincérité. Je ne veux pas de tes livres volés. Et je ne t’aiderai pas à te racheter une bonne conscience que tu ne mérites pas.”