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Sujet: La Valse des Echos {Eileen&Carne} Sam 25 Mar 2023 - 23:38

La Valse des Echos {Eileen&Carne} E5c144aa40017f96818d777001478092

Yes my love, I confess to you
I am only here to break your heart in two
The very flower you chose that day
Its only task was to decay
You see?

La première fois, je n'y avais pas prêté attention.
Un simple soubresaut.
Un écho.
Rien de moins, pas d'avantage.

O'Flaherty cuvait son vin ponçant le comptoir depuis tôt dans la mâtinée. D'ordinaire, on voyait se pointer un Tilj pour venir le ramasser avant que son ivrognerie passe de mélancolie à rage. Pas cette fois, cependant. Je me serais désintéressé du spectacle si n'était passé devant mon nez le minois furieux d'une donzelle aux cheveux de feu. Elle secouait l'autre abruti fin cuit pour qu'il déloge son derche du siège moulé à la forme de son cul par force d'habitude.
Tout mon être s'est figé.
Il a su avant moi que j'avais un "truc" important sous les yeux. Ce truc me chatouillait la caboche au passé composé.

Un Oubli.

J'ai su ce jour que tu t'appelais Eileen.
Eileen, la petite sœur du Hargneux.
On ignorait tous que ce con là pouvait avoir de la famille, mais l'Île est ainsi, elle charrie son petit lot de surprises. Qui sait, peut-être que j'ai moi aussi une sœur quelque part ? Basura ! Qui se fout d'avoir une soeur quand on a une mère merveilleuse comme la mienne ?

Je ne sais pas pourquoi je te suis alors.
Depuis ce jour.
Immanquablement.
Ta tignasse de feu tressé m'attire comme un feu-follet. A moins peut-être que ce soit ta peau de lait, toute éclaboussée de rouge. Je n'arrive pas à me défaire de cette sensation de familiarité. L'organe dans cette morte-poitrine d'écume et d'encre, parfois se crispe à proximité de toi.
Evidemment, tu ne me vois pas. Je suis taillé dans l'obscurité des Abysses, de cette opacité glacée dont les murènes se nourrissent en attendant la proie ingénue qui passera à porté de leurs crocs. Tu ne me vois pas, si je n'ai pas décidé que tu le puisses.
Alors je te contemple, dans ta bicoque marginale, déchaussant et défroquant ton frangin pour le border, le forçant à se sustenter, nettoyant les souillures de sa bile alcoolisé... Je vois la tendresse du geste, sa vaillance désespérée et parfois j'envie ce cabrón.

Pourquoi ?

Pourquoi suis-je encore là à te contempler pendre ta lessive ?
Est-ce pour ta chevelure épicée jetée aux quatre vents, sous le soleil de printemps ?
Est-ce pour tes joues qui rosissent chauffées par l'effort de la besogne ?
Est-ce pour le parfum particulier de ta sueur portée par les embruns ?

Coup de vent brutal.
Comme un éclat de rire du destin.
Une de tes chemises s'envole et, sans calculer mon geste, j'attrape le vêtement fugueur.
Et maintenant ?
Je fais quoi maintenant ?
Je te le rends ?
Je te parle ?
Je plante mes dents dans ta couenne pâle ?
(Non, pas les Pirates, Smee a dit !)
(Es una pena...)

Tu marches vers moi de toute façon....

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

NNL Award :

La vie au Port suivait son cours.

Eileen n’en faisait pas partie depuis longtemps -quoi que ce mot veuille dire sur cette île où le temps est un concept aussi abstrait qu’inexistant- mais elle avait la sensation de commencer à s’habituer à sa nouvelle routine.

S’habituer ne voulait pas toujours dire apprécier, malheureusement. Certains moments étaient évidemment plus agréables que d’autres. Elle aimait pouvoir observer le lever de soleil sur l’océan, que ce soit depuis la plage ou la fenêtre de sa -toute nouvelle- chambre. Elle appréciait tout autant de pouvoir décorer celle-ci à sa guise, remplissant les étagères de livres de toutes factures, trouvés sur le rivage ou auprès de Henrik et accrochant au mur les différentes œuvres qu’on lui avait offertes au cours de sa vie passée comme de l’actuelle. Elle adorait passer du temps avec son aîné, à profiter du feu de cheminée en se racontant des histoires, à s’endormir contre lui et se réveiller dans son lit, ravie par sa simple présence.

Elle appréciait moins ses rechutes. Les moments où elle devait aller le chercher à la Taverne, le secouer pour qu’il réalise sa présence et le traîner jusqu’à chez eux en priant pour qu’il ne s’évanouisse pas sur le chemin. Elle n’aimait pas lorsque certains aspects de sa vie passée lui manquaient plus que de raison, et qu’elle se retrouvait à lutter contre une peine qu’elle ne pourrait jamais totalement étancher. Elle détestait la sensation de malaise qu’elle éprouvait avec les regards de certains pirates, de nuit comme en plein jour, qui l’observaient comme des loups attendant que l’agneau trébuche. Elle n’était pas sans défense, et elle l’avait naturellement fait comprendre, mais il y avait toujours cette inquiétude au fond de son esprit, cette sensation d’être constamment épiée, contre laquelle elle ne pouvait rien.

Mais cela n’empêchait pas Eileen de tirer le meilleur de ce qu’elle vivait à présent. Même les tâches ménagères, dont elle ne s’occupait que depuis peu -ce rôle étant réservé aux Mères- trouvaient grâce à ses yeux. Préparer les repas ou faire la lessive devenaient des habitudes lui permettant de tester de nouvelles choses ou de se plonger dans ses pensées sans quiconque pour l’interrompre. Et puis, elle éprouvait une certaine fierté à s’améliorer à chaque tentative : ses plats devenaient presque présentables !

Cette journée avait commencé comme la plupart des autres, avec une routine qui avait quelque chose de rassurant. Après un bon petit-déjeuner à base de thé -un autre exploit à ses yeux- et de fruits fraîchement cueillis, elle s’était lancée dans une lessive, tâche fastidieuse mais qui avait le mérite de la faire travailler. Frotter n’était pas de tout repos et il lui arrivait de s’arrêter pour reposer ses bras endoloris. Souvent, elle préférait la faire en plusieurs fois. Elle avait appris qu’il pouvait être intéressant de laisser tremper le tout, aussi.

Enfin, elle avait commencé à étendre une bonne partie de leurs vêtements sur le fil qu’elle avait demandé à Asher d’installer dans ce qui leur servait de jardin, entre la maison et la forêt. Un coup de vent plus violent que les autres, et la chemise qu’elle s’apprêtait à attacher s’envola, lui arrachant un cri de surprise. Eileen reposa immédiatement le reste de ce qu’elle avait entre les mains pour courir après le vêtement en ronchonnant : elle était bonne pour recommencer, elle allait forcément être à nouveau tachée !

La rouquine s’arrêta net en remarquant que la chemise pendait soudainement au bout d’un bras blanc recouvert de tatouages qui semblaient bouger au gré du vent. Marchant dans sa direction, son regard vert poursuivit sa route pour tomber sur un torse, puis des épaules recouvertes... d’algues ? Et enfin sur un visage, qui semblait la dévisager sans le faire vraiment. Présent et absent à la fois. Il y avait quelque chose d’inquiétant dans la présence et l’attitude du personnage -comment avait-elle pu ne pas le remarquer avant ?- et la jeune femme décida donc de rester prudente mais polie.

« Merci beaucoup ! » lança-t-elle en souriant et tendant la main vers son bien sans pour autant s’en saisir. « Avec ce vent, j’aurai pu courir après un bon moment ! »

$La Valse des Echos {Eileen&Carne} Meena_10$

Il parait que le drapeau est un signe de paix. Cette chemise qui claque au vent au bout de mon poing y ressemble à s'y méprendre. dans un silence presque recueilli je la vois accourir à moi, ralentissant finalement ses foulées, chevelure flamboyante offerte à la houle. Elle me subjugue, m'hypnotise, au point de m'en couper la chique.

Une étrange plénitude m'envahit.
Les battements de mon coeur se font plus irréguliers.
Si humain...
Comme à chaque fois ma mémoire gratte sous mon crâne pour trouver la corrélation avec cette sensation familière de déjà-vu.
Tu es si jolie, avec ta bouche rose qui profère quelques mots courtois, alors que ton regard exprime une défiance toute naturelle. Je suis dangereux, tu as raison de te montrer prudente, mais me croirais-tu si je te disais que je ne te veux aucun mal ?

- Merci beaucoup ! Avec ce vent, j’aurai pu courir après un bon moment !
- De nada guapa ! J'aurais trouvé ça plaisant, d'une certaine manière... m'entends-je dire, sur un timbre plus doux que d'ordinaire.

Elle tend la main vers moi pour récupérer son bout de tissus. Je m'exécute, mais se faisant je lui attrape la pogne et l'attire à moi, ployant de toute ma hauteur sur son visage tout maculé de rouge. Elle sent bon : un rien de sueur, de lessive et de soleil. Un parfum plaisant.

Je me demande quel gout elle a...

- Tu n'as pas la même odeur que ton frère... dis-je, curieux.

Je la dévisage de mes prunelles désassorties et myopes. Ma nature ancienne n'a pas guéri ce désagrément oculaire. Une coquetterie de chair que je en m'explique pas. Les détails de ses traits se précisent. D'immenses yeux verts, vaillants, un derme de lait, velouté et rosi par sa course-poursuite. Fasciné, je me prends à vouloir compter chaque petite tâche qui parsème ses joues. Mon sourire s'élargie découvrant des dents blanches et pointues.
Pourquoi suis-je aussi content, au juste ?

- On dirait que du sang t'a éclaboussée et est resté incrusté sous la peau...

En écho à mes paroles, les sirènes tatouées sur ma couenne frétillent et nagent, charmant la nouvelle venue de leurs minauderies. Je lui rend délicatement l'usage de ses doigts tout en me redressant.

- T'es Eileen, c'est ça ? Moi, c'est Carne. Un silence. Tu... Tu veux de l'aide pour étendre ton linge ?

Je la regarde avec des yeux ronds, surpris par ma propre proposition. J'ai un ricanement qui sonne bête et ma tronche me donne l'impression d'être cuite à la broche. Je triture l'écaille de sirène pendue à mon cou, comme à chaque fois que mon corps se souvient de l'humain qu'il était, mais pas ma cervelle.

- Si t'as besoin d'aide, obviamente... fais-je en baissant ce regard que je sais être désagréable, soutenu trop longtemps.

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

NNL Award :

Si l’allure de l’homme n’avait pas l’air particulièrement engageante, Eileen savait bien qu’il ne fallait pas se fier aux apparences : souvent, les plus ronchons faisaient les amis les plus aimables... Mais elle restait tout de même méfiante. On l’avait prévenue de beaucoup de choses, à demi-mots, lorsqu’elle s’était installée. Son frère en particulier, semblait prompt à lui dire de rester loin de tout et de tout le monde. On lui avait dit de se montrer prudente face aux habitants du Bayou -peu savaient qu’il était déjà trop tard pour cela- ; de garder ses distances avec certains pirates ; de ne jamais, ô grand jamais s’approcher de trop près du Jolly Roger -et plus particulièrement de son Capitaine.

De cet homme plus pâle qu’elle encore, il ne lui semblait pas avoir eu d’écho.

La réponse à son remerciement était faite de mots chantants qu’elle ne reconnaissait pas. Intriguée, elle faillit lui demander des détails, mais le ton de la seconde phrase la laissait sur ses gardes : elle avait appris à reconnaître ces douceurs dans la voix qui n’étaient que poudre aux yeux, ou demande implicite pour qui avait le malheur d’y répondre ne serait-ce que d’un sourire. Alors, la rouquine fit taire sa curiosité, se contentant d’attendre de pouvoir récupérer son bien avec un air qu’elle espérait le plus neutre possible.

L’action suivante la prit par surprise et elle laissa échapper un léger cri en avançant d’un pas. Depuis son grandissement, Eileen n’avait plus l’habitude d’être surplombée par grand monde : bien souvent, elle dépassait ses camarades d’une tête, ou arrivait à peu près à leur hauteur. Il restait des exceptions, comme son aîné, mais aucun ne s’approchait si brusquement pour mettre son visage si près du sien. La stupéfaction se mêlait à une terreur souterraine, l’empêchant de réagir autrement qu’en se laissant scruter, le souffle court. Pouvait-elle seulement s’éloigner si elle le voulait ? Elle n’en était pas si sûre.

Et l’inconnu fit une nouvelle remarque qui changea ses traits de la crainte à l’indignation la plus profonde. Elle retint de peu le « Encore heureux ! » qu’elle avait sur le bout de la langue, mais son regard furieux et ses joues rosées de colère parlaient pour elle. Non pas qu’il lui viendrait à l’idée d’insinuer que son frère sentait mauvais, mais tout de même ! Elle espérait bien qu’on ne pouvait pas les confondre à l’odeur.

... L’espace d’un instant, Eileen se demanda si cet homme s’était approché de son frère de la même façon. Probablement pas, si son nez était encore droit. Asher avait une notion très claire de l’espace vital et détestait qu’on l’approche ainsi sans prévenir. Toute tentative se traduisait par une droite bien méritée. Alors... comment l’inconnu pouvait-il faire une telle comparaison ?

« ... »

L’image lui parlait plus que de raison. En frissonnant, elle passa sa main libre sous son œil, puis sur sa joue, comme si elle voulait nettoyer les tâches de sang dont il parlait. Elle avait pourtant bien compris de quoi il était question mais n’avait pu s’en empêcher. Comme... comme s’il n’avait pas tort, en quelque sorte.

Puis il lâcha enfin sa main et l’instant se rompit. Le regard d’Eileen, perdu et incertain après cet étrange moment, vadrouilla un instant sur les tatouages, sirènes enivrantes qui paraissaient la saluer autant que leur propriétaire... vers qui elle releva immédiatement le regard en entendant son propre nom.

« ...Comment... ? » Comment connaissait-il son prénom ? Elle ne l’avait jamais vu, et elle savait Asher bien assez avare de discussions -d’autant plus à son sujet- pour que cela ne vienne pas de lui.

Mais déjà, il lui coupait la chique avec une autre question, qu’elle n’aurait jamais cru voir venir. Et visiblement, il était aussi étonné qu’elle. Les yeux ronds, les joues rouges, il ressemblait à un petit garçon pris en faute, bien loin de l’image d’assurance angoissante qu’il dépeignait un peu plus tôt. Il paraissait gêné et Eileen sentit un sourire s’esquisser bien malgré elle sur ses lèvres. Un peu plus et elle se mettait à pouffer gentiment -mais elle avait bien trop l’habitude de ceux qui se vexaient de telles réactions pour s’y risquer.

Alors qu’il insistait gentiment, elle pencha la tête sur le côté, réfléchissant. Ce n’était très certainement pas une bonne idée. Tout, dans cette rencontre, flairait bon le danger. Mais que risquait-elle vraiment à accepter l’aide d’un -plus si- inconnu pour étendre son linge ? Qu’il soit ici ou quelques mètres plus loin ne changerait pas grand chose... et elle doutait qu’il fasse simplement demi-tour si elle refusait.

« Pourquoi pas ? » finit-elle par répondre, un léger sourire aux lèvres. Et, avec un signe de tête, elle l’invita à la suivre pour retourner dans le jardin. C’est au bout de quelques pas qu’elle laissa sa curiosité initiale refaire surface.

« ...Quelle est cette langue que tu parles par moments, Carne ? »

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- ...Comment... ?

Parce que je te vois, je t'observe, je te sais.
Parce que je t'entends parfois converser avec ton ainé et que c'est ce prénom qui franchit ses lèvres.
Parce que je suis intrigué et que je me renseigne, voilà tout.

Ma proposition est audacieuse au point de m'étonner moi même. Pourquoi ? Ma fielleuse conscience (Zeb pense pourtant que je n'en ai pas) m'exhorte à ne pas jouer avec la nourriture. Cependant, quand je contemple son visage poupon et ses yeux rieurs, que ses tâches de rousseur dansent ainsi sur ses joues, toute envie de la boulotter me déserte. L'idée même de la convertir ne m'effleure pas la caboche. J'ai juste envie de profiter un peu, un tout petit peu, du charmant spectacle qu'elle m'offre.
Et ce cœur qui fait des embardés, à croire qu'il essaie de sortir de ma poitrine pour communiquer. Cállate pendejo !

- Pourquoi pas ?

Surpris qu'elle m'invite, je la suis en callant mon pas sur le sien, incapable de ne pas lui jeter des œillades dérobés. A-t-elle peur ? D'ordinaire mon nom inspire une assez juste terreur, du moins un malaise persistant. Il n'y a que mes fidèles, les rats qui ont grignoté leurs murs pour se libérer, qui savent que je n'aspire qu'à offrir à ma mère tout ce qu'elle mérite : une famille, une patrie, un havre de paix.
Pour nous, les Monstres.

- ..Quelle est cette langue que tu parles par moments, Carne ?
- Chais pas, que j'avoue avec un haussement d'épaules. Ma tête se souvient pas, mais ma langue bouge toute seule des fois. Malgré le grand ménage de l'Oubli, la chair a sa propre mémoire, t'sais.

Une étrange et profonde nostalgie s'empare de moi.

- Ici, tout se délave. Le sel, il emporte les couleurs, les souvenirs... Les ombres d'avant. Enfin...Tu comprends c'que j'veux dire ?

Sous nos pieds, l'absence de nos ombres respective se fait sentir. Nous étions des enfants perdus, devenus adultes égarés. Quand à moi, je suis désormais un monstre qui sait où il doit aller. J'ai beau savoir que tu es un détour -un joli détour- je ne peux m'empêcher de dévier un peu de ma route. Tes cheveux roux accrochent toute la lumière. Je suis comme une phalène imbécile qui s'approche trop prêt.

Tu m'as déjà fait du mal...

Une pensée volatile.
Improbable.
Eileen n'est pas là depuis bien longtemps. Nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant.

J'attrape une robe (ou est-ce une chemise de nuit ?) dans le baquet de linge humide et tente maladroitement de l'accrocher avec des pinces de bois sur la corde tendue.

- T'es pas la depuis longtemps, no es así ? Ca t'va la vie de pirate ? Pas trop dure, j'veux dire ?

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

NNL Award :

Avait-elle peur ? Un peu. Probablement parce qu’elle savait qu’elle devait avoir peur de cet homme à la peau trop pâle et aux tatouages intrigants, qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam mais qui lui semblait renseigné et qui trouvait normal de la tirer par le poignet pour l’approcher à une distance beaucoup trop réduite de son visage pour être confortable.

Pourtant, elle ne l’avait pas chassé après avoir récupéré sa chemise (et son espace). Au contraire, elle avait accepté sa proposition de lui donner un coup de main et laissait à présent sa curiosité enfantine faire la conversation. Peut-être parce qu’elle n’était pas contre un peu de compagnie. Peut-être parce qu’elle avait la sensation que c’était également le cas de Carne. Et qu’elle ne voyait pas ce qu’une séance d’étendage de linge pouvait provoquer comme dégâts.

Et peut-être parce qu’au fond, elle avait bien plus peur de ce qui pourrait arriver en cas de refus que l’inverse.

Épinglant avec soin la chemise voyageuse, Eileen écoutait la réponse du Prêcheur, sourcils légèrement froncés. Les images étaient belles, mais elles dénotaient une vision bien sombre de ce Pays. Elle aurait du s’en douter. Elle hocha doucement la tête à la question, un léger sourire aux lèvres malgré tout.

« Oui, je vois... » Elle mit un moment à continuer, finissant sa tâche et se baissant pour prendre un second vêtement dans le panier. « ...Mais je crois que je ne suis pas mécontente d’avoir perdu ces ombres. Elles laissent place à de nouvelles qu’on peut choisir de rendre heureuses. »

Pas toutes, certaines beaucoup plus difficilement que d’autres, mais la Diligente se disait que s’il y avait bien un raison de continuer à vivre, c’était celle-là. La nostalgie ne servait à personne. Les regrets encore moins.

Elle secoua la tête, cherchant à échapper aux souvenirs pas assez lointains pour qu’elle les oublie. A moins qu’elle y soit bien trop attachée. En arrivant sur l’Île, tout le monde voulait échapper à quelque chose. C’était en cela que la disparition d’une Ombre et d’un Nom étaient des bénédictions. Au fil d’un temps inexistant, même s’il restait des souvenirs que l’on préférait oublier, on se prenait également à l’excès inverse : vouloir préserver certaines mémoires, certains visages, aussi longtemps que possible.

La nouvelle question de Carne la sortit de ses réflexions. Délaissant son ouvrage un instant, elle lui jeta un regard en coin. Il paraissait dévoué à sa tâche, avec une véritable envie de faire la conversation. Est-ce que cette rencontre allait devenir l’un de ces visages qu’elle chercherait à conserver ?

« ... Pas très longtemps, non. J’ai passé un peu de temps près des Piccaninnys après le Givre. » Pourquoi elle décidait de détailler comme ça ? Aucune idée. Mais Eileen n’avait ni l’habitude de mentir ni honte de son parcours. Tant qu’on ne lui en demandait pas les raisons, toujours. « Ça... me va, oui. » Ajouta-t-elle en haussant les épaules. « Ce n’est pas beaucoup plus difficile que ma vie d’avant. »

Elle ne savait pas si parler du Grand Arbre était une bonne chose. Par défaut, quand elle s’adressait à un Pirate, plus encore à un semi-inconnu, elle évitait de faire des allusions directes à sa vie de Perdue. Il ne manquerait plus que l’une ou l’autre de ses connaissances décide de rapporter au maître des lieux, qui pourrait l’accuser de Haute-Trahison en un claquement de doigts. Autant éviter qu’on ne s’intéresse qu’à elle.

« Ça ne fait pas longtemps, c’est vrai, mais ne t’ai jamais vu avant en me baladant au Port... Tu vis sur un bateau ? »

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- Oui, je vois ... Mais je crois que je ne suis pas mécontente d’avoir perdu ces ombres. Elles laissent place à de nouvelles qu’on peut choisir de rendre heureuses.
- S'réinventer, hein ? Ué. Parfois c'est mieux. Parfois, pire.

Je ne me rappelle pas avoir été heureux, avant de retrouver Mère. Avant d'avoir accepté le monstre qui m'habite. Le bonheur ne me semble pas être autre chose que la communion tendre que j'ai avec elle. L'Oubli a nettoyé les rivages de ma mémoire de son écume, ne laissant qu'une plage de sable lisse.

- ... Pas très longtemps, non. J’ai passé un peu de temps près des Piccaninnys après le Givre.
- Oh... J'ai été Piccaninny un jour. J'crois.

Je me gratte la poitrine et les sirènes d'encre viennent butiner mes doigts. Je ne me souvenais pas de ça avant de le proférer tout haut. C'est peut-être ce qui explique mes tatouages, ma manière de chasser et la machette que je porte toujours sur le flanc comme une relique.

- Ça... me va, oui. Ce n’est pas beaucoup plus difficile que ma vie d’avant.
- Ta vie d'gosse ?

Drôle de douleur dans le creux du poitrail. Passagère. Déjà balayée d'instinct.
J'en ai mangé, de la marmaille. Tant mieux qu'elle soit plus du lot. Ca aurait été dommage de passer à côté d'un moment comme celui-ci. Je ramasse deux chaussettes qui me semblent bien trop longues pour tenir sur des pieds.
Etendre du linge.
Je pensais ne l'avoir jamais fait et pourtant j'ai une vague impression de déjà-vu, sous des couches et des couches de silice battue par les vagues.

Les cigales jouant de leur violon
sous un soleil de plomb.
Une vieille femme en noir et son panier d'osier
débordant de draps immaculés.
Le parfum puissant de la lavande imprégnant les tissus.
Une antique comptine chantonnée par une voix d'enfant.

- Ça ne fait pas longtemps, c’est vrai, mais ne t’ai jamais vu avant en me baladant au Port...
- J'y viens pas souvent.
- Tu vis sur un bateau ?
- Chuis l'Harponneur du Jolly Roger. Un spécialiste des sirènes. Chuis à moitié-sirène moi-même, que je fais avec un petit ricanement qui découvre ma dentition effilée. J'aime pas être à terre, pas avec les humains. Ils puent la peur. La peur d'c'te foutue Île, la peur du Capitàn, la peur d'mourir, la peur d'êt' oubliés, la peur de c'qu'y comprennent pas... Y chient tous dans leurs falzars, les couilles en otages par cette seule maitresse.

Je cale momentanément une pince à linge dans ma bouche le temps de parvenir à placer ce drôle de pantalon bouffant à dentelle tout blanc. Je la retire alors pour fixer le tissus sur la corde avec mon instrument.

- Moi, j'leur fait peur. Si j'viens au port c'est juste pour voir Mère.

Pourquoi suis-je en train de me confier à cette petite rouquine ?
Je l'ignore.
Je me sens bien.
Et triste en même temps.
Extraño...

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

NNL Award :

Parfois c'est mieux. Parfois, pire.

Eileen ne répondit rien, mais ses mains se mirent à trembler légèrement sur le linge à peine étendu. Elle s’empressa d’en chercher un nouveau dans la panière, attendant que le sujet s’éloigne de lui-même. C’était un peu de sa faute pour l’avoir lancé mais elle ne s’attendait pas à ce que Carne frappe ainsi au cœur de sa cible personnelle. Au fond d’elle, elle était convaincue qu’il s’agissait d’une simple coïncidence, d’une réponse logique. Mais une sorte d’angoisse sourde, sombre, semait le doute. Et pourtant...

Le pirate posa une autre question, à laquelle la rouquine répondit sans se faire prier. Elle était plus avare de détails d’ordinaire, mais probablement encore perturbée par la boîte de Pandore dont ils s’étaient bien trop approchés à son goût. Ses explications plus denses qu’habituellement ne furent cependant pas perdues, puisque l’homme fit une remarque qui amena la jeune femme à s’interrompre dans sa mission d’étendage pour lui jeter un regard intrigué -et un peu sceptique, il fallait l’avouer : cet homme encore plus blanc qu’elle, ancien Piccaninny ?

« Ah ? »

On sentait dans son ton une curiosité mesurée. A ce stade, mentionner qu’elle s’entendait encore relativement bien avec une bonne partie de la tribu n’était pas une option : Carne utilisait le passé pour une raison. Néanmoins, elle prendrait toutes les informations qu’il voulait bien lui donner.

Et peut-être que, si elle s’en rappelait le moment venu, elle demanderait des détails à Capricorne lors de leur prochaine rencontre.

Le fil de la discussion se tissait à nouveau vers elle et la Diligente n’était pas certaine que ce soit une bonne chose. A la question du Prêcheur concernant sa vie d’avant, elle se contenta d’un hochement de tête et d’un « Mhm mhm. » approbateur, sans autre commentaire. Elle préféra de loin enchaîner sur un autre constat qui amènerait l’homme à parler de lui-même.

Carne parlait de lui, et Eileen interrompit sa mission d’étendage pour tourner un œil vers lui. L’idée qu’il soit membre d’équipage du Jolly Roger ne la mettait pas très à l’aise, parce qu’il y avait toujours le risque que ces gens-là soient ceux qui en veulent le plus à son frère... Mais le Prêcheur avait l’air de détester tout le monde à la même échelle. Un léger sourire amusé passa sur les lèvres de la jeune femme : décidément, elle avait le chic pour s’attirer la compagnie de personnes qui détestaient le reste du monde. Peut-être qu’elle devrait se poser des questions.

« Pourquoi tu leur fais peur ? » La question lui échappa alors qu’elle retournait à sa mission, prenant un nouveau morceau de tissu dans le panier. Le fait est qu’elle avait des hypothèses pour répondre à sa propre question, mais elle n’était pas certaine que les pirates du Port ressentent la même chose qu’elle... A moins qu’il s’approche de tout le monde ainsi ? Elle lui jeta un regard en coin. Non... Quelque chose lui disait qu’il aurait probablement plus d’hématomes que cela si c’était le cas.

Et puis, une autre partie de son discours lui fit froncer les sourcils. « Ta mère est ici ? »

Il ne venait pas de dire qu’il ne se souvenait pas de sa vie d’avant ? Et s’il avait vraiment fait partie des Piccaninnys, sa mère avait plus de chances de se trouver près du Canyon, non ?

Elle ne comprenait plus grand chose, et c’était un sentiment qui ne lui avait jamais plu.

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- Pourquoi tu leur fais peur ?
- Parce que je suis un monstre, que je réponds le plus tranquillement du monde. Personne n'aime les monstres ! Surtout ceux qui ne se cachent pas sous un lit.

Je fais coulisser un pan de drap la dissimulant et je ploie ma longue carcasse noueuse vers elle. Mon sourire s'étire sur ma dentition effilée. L'écaille miroitante qui pendouille entre mes clavicules tourne sur elle même. Les sirènes turquoises batifolent et se précipitent vers l'avant de mon torse pour saluer cette nouvelle amie.

- Ton frère ne t'a pas dit ? ... Je mange les gens que je tue. Enfin, je mangeais. C'est plus compliqué, maintenant.

Je lève les yeux au ciel avec une moue d'enfant contrarié par des règles absconses édictées par des adultes bien-pensants.

- Smee m'a interdit de manger les pirates et j'ai promis à Smee. Haussement d'épaules. Un loco siempre respeta la palabra de otro loco, si ?

J'aime bien, Smee. C'est un monstre, comme moi, sauf qu'il est si bien déguisé en humain, qu'il a oublié. Un monstre persuadé d'être un humain qui sert avec une dévotion louable un humain qui se prend pour un monstre. Les monstres aiment fort et sans limitations quand les humains sont d'un égoïsme si profond...

- Et puis, je me suis "réveillé" et j'ai arrêté de manger mes cousines.

Les sirènes d'encre applaudissent à tout rompre.

- Et enfin l'Hiver est venu et a tout chamboulé, hey ! L'ennemi d'hier c'est devenu le poto du jour, voir même du lendemain et du surlendemain. Les enfants ça grandit, les humains ça s'allie, les Orbleux, ça se dégivre.

Je ricane en jouant avec l'élasticité d'une chaussette. Jamais compris le besoin de se recouvrir les pied avec des trucs pareils.

- Maintenant, tout le monde aimerait remettre les choses à leur place parce que la géométrie c'est rassurant. Les boites et les étiquettes, c'est toujours très euclidien, finalement. Mais tu es là et moi aussi, à nous deux déjà, on a franchi toutes les barrières à la transversale ! Non ?
- Ta mère est ici ?

Je plisse les yeux et me penche à nouveau pour mieux détailler son visage et son expression. De loin tout me semble toujours flou, comme si l'océan m'accompagnait toujours à terre.

- Hum... Je prends ses épaules dans mes mains. Regarde nos pieds, Eileen, que je lui souffle avec une douceur qui me vient du passé. Je remue les orteils, tout près de ses petons chaussés. Ni elle, ni moi ne possédons d'ombre. On a plus nos mamás depuis longtemps. La canaille volante a bien essayé de les remplacer par d'autres, mais si ça n'est pas un choix du coeur, alors ça sert à rien. Tu crois pas ?

Je la relâche délicatement et mes prunelles ambivalentes s'emplissent de tout l'amour que j'éprouve pour Mère. Cet amour brûle du tréfond abyssale poisseux de goudron où il est tapi. Mon oeil d'encre coule sur ma joue, comme suppurant une larme.

- Mère m'a réveillé avec ses berceuses. Sa solitude m'a touchée. On ne devrait jamais souffrir autant parce que personne ne vous comprend. Je vais lui offrir une famille, et un endroit où les monstres n'auront plus à se justifier d'être juste là. Mais en attendant de la sortir du Bordel, je la visite et je la fais promener... Ca la rend heureuse, tu vois ? Les Dormeuses ont besoin de rêver...

Nous les Monstres, nous aimons fort et sans limitation. Nous aimons au delà de toute raison. Le cœur des humains est bien trop petit pour le comprendre. N'est-ce pas Eileen ?

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

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Sujet: Re: La Valse des Echos {Eileen&Carne} Dim 8 Oct 2023 - 19:19

Parce que je suis un monstre.

La réponse, si calme, si naturelle, déclencha un frisson dans l’échine de la jeune femme. Pourtant, c’était un discours auquel elle était habituée : Carne n’était pas, et de loin, le premier à lui dire ces exacts mots et être persuadé de leur véracité.

Mais c’était la première fois qu’elle savait, en les entendant, qu’ils étaient vrais. Le Prêcheur ne dégageait pas cette haine de soi, cette colère sourde qui exultait contre soi-même à défaut de pouvoir s’exprimer contre les autres, non : il n’y avait dans son ton que la simple tranquillité de celui qui énonce un fait, ni plus ni moins.

Et c’était bien pour cela qu’elle ne pouvait que le croire.

Elle manqua de sursauter quand il apparut à nouveau dans son champ de vision et leva légèrement les yeux en direction de son visage, comme pour tenter de se convaincre que son instinct lui jouait des tours... ce qui ne lui arrivait quasiment jamais. Malheureusement, se prit-elle à penser à cet instant, alors que les précisions de celui qui s’était invité dans son jardin rendaient l’atmosphère plus glaçante encore.

Ton frère ne t'a pas dit ? ... Je mange les gens que je tue. Enfin, je mangeais. C'est plus compliqué, maintenant.

Son frère lui avait dit bon nombre de choses, mais n’était pas forcément rentré dans les spécificités de chacun. Il s’était contenté de lui dire qui, au Port, était de bonne ou de mauvaise compagnie, sans toujours s’étendre sur le pourquoi du comment. Ou même sur des noms, d’ailleurs. L’ensemble de l’équipage du Jolly Roger avait été affublé du même panneau « Danger » sans aller chercher les détails. Sauf Messieurs Skelton et Vangheluwe, bien entendu.

Peut-être qu’elle aurait dû chercher à en savoir plus, finalement.

Smee m'a interdit de manger les pirates et j'ai promis à Smee. Un loco siempre respeta la palabra de otro loco, si ?

L’espace d’un instant, un sourire -léger bien qu’un peu crispé- s’étendit sur les lèvres de la rouquine : il y avait quelque chose de comique à l’idée que cet homme, qui lui avouait sans le moindre problème être cannibale et n’avoir aucun dilemme moral à l’idée de dévorer ses semblables -s’il les considérait toujours comme tels, et vu son discours le doute était permis- se mettait des barrières sous prétexte de tenir une promesse. Il lui restait donc une forme de loyauté, quelque part ?

Eileen l’espérait ardemment. Parce que la part de son esprit qui faisait tourner une alarme en boucle depuis que leur discussion avait pris un nouveau virage lui hurlait qu’il s’agissait de la seule chose sur laquelle elle allait pouvoir compter en cas de problème.

« Je vois... »

La mention du « réveil » lui fit pencher légèrement la tête sur le côté, vaguement intriguée. Il y avait là un concept qui lui échappait, mais cette fois-ci elle avait bien compris que demander des explications n’était pas une bonne idée. A la façon dont les sirènes s’enthousiasmaient sur la peau plus blanche encore que la sienne, les cousines en question étaient filles de la mer... et bienheureuses de leur nouvelle situation.

Puis vint autre chose.

Et enfin l'Hiver est venu et a tout chamboulé, hey ! L'ennemi d'hier c'est devenu le poto du jour, voir même du lendemain et du surlendemain. Les enfants ça grandit, les humains ça s'allie, les Orbleus, ça se dégivre. Maintenant, tout le monde aimerait remettre les choses à leur place parce que la géométrie c'est rassurant. Les boites et les étiquettes, c'est toujours très euclidien, finalement. Mais tu es là et moi aussi, à nous deux déjà, on a franchi toutes les barrières à la transversale ! Non ?

Il ne pouvait peut-être pas le voir, mais le regard de la jeune femme se voila à l’entente de ces mots. Quelque chose de douloureux et de nostalgique, venu d’un passé qu’on espérerait à la fois plus lointain, et plus récent. Pour pouvoir l’oublier, ou y faire quelque chose. Le vert de ses yeux se couvrit d’une pellicule transparente, avant qu’elle ne les ferme et respire profondément pour ne pas se laisser envahir.

Pas ici. Pas maintenant. Pas face à ce semi-inconnu qui, elle l’avait bien compris à présent, était bien plus dangereux qu’elle ne l’avait anticipé. Ce fut finalement un regard doux mais un peu triste, qu’elle posa sur le Prêcheur.

« Si, probablement... » Son discours n’avait pas réellement besoin d’une réponse, mais la Diligente préférait lui en offrir une. Il y avait des gens qui s’énervaient quand on leur répondait inutilement, d’autres quand on ne le faisait pas. De ce dont elle était témoin, Carne faisait partie de ceux qui faisaient la discussion. Et donc plus facilement de la seconde catégorie.

Elle n’avait pas envie de tenter le Diable. Assez littéralement.

Une question la titillait cependant, qu’elle finit par poser. Le terrain était certainement moins dangereux que le reste, et ne rien comprendre avait tout de même tendance à lui user les nerfs. Elle remit donc les pieds dans le plat concernant cette histoire de mère, qui la perturbait. En se rapprochant, Carne put certainement voir sa mine contrariée et ses sourcils froncés, bien que la surprise de le voir à nouveau se pencher si près d’elle lissa quelque peu ses traits... Elle ne s’y faisait pas.

- Hum... Regarde nos pieds, Eileen. La susnommée se laissa faire, baissant le regard là où on le lui indiquait, même si elle savait très bien où il voulait en venir et donc ce qu’elle allait trouver. Ou leur absence, du moins. On a plus nos mamás depuis longtemps. La canaille volante a bien essayé de les remplacer par d'autres, mais si ça n'est pas un choix du cœur, alors ça sert à rien. Tu crois pas ?

Le ton était plus doux, l’atmosphère moins nocive. La rouquine eut un petit rire de gorge -partiellement nerveux plus que totalement amusé- en l’entendant ainsi parler de Peter Pan. C’était étonnant : au Port, elle avait remarqué que beaucoup évitaient purement et simplement de parler de lui ; probablement pour ne pas mettre Hook en colère. Mais lorsqu’ils le faisaient, c’était toujours avec des métaphores plus ou moins élaborées... dignes de celles qu’elle pouvait déjà entendre dans certains recoins du Grand Arbre.

Étaient-ils tous si différents, finalement ?

Le discours de l’homme sur sa mère -qui qu’elle soit réellement- tapait bien plus profondément que la jeune femme n’avait envie de le montrer. Aussi restait-elle tête baissée, les mains jouant avec le tissu humide qu’elle n’avait pas encore étendu. Juste assez longtemps pour que la nouvelle tempête dans son regard émeraude reflue et laisse place à quelque chose de plus calme. Ce ne fut qu’une fois certaine de maîtriser le trémolo qu’elle pouvait déjà sentir dans sa gorge qu’elle releva les yeux et se remit à l’ouvrage, en répondant avec une certaine douceur.

« C’est bien. » Une épingle, puis l’autre. « Vous avez de la chance, de vous être trouvés. »

Elle était bien placée pour savoir qu’il n’y avait rien de plus important qu’une famille. Même ici. Surtout ici. Qu’elle soit ou non de sang n’avait que peu d’importance, en fin de compte.

« Peux-tu la visiter à tout moment ? » Elle ne connaissait pas bien les règles de Lady Ruby concernant ses employées. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle avait visiblement de la chance de ne pas avoir à en faire partie.

« Je comprends le besoin de s’échapper de la... de cette réalité, parfois. C’est en partie pour ça que je donne un coup de main à la librairie, avec les lectures publiques... » Sa tâche actuelle terminée, elle leva le nez vers son étrange invité pour ajouter en souriant, telle une enfant mentionnant sa nouvelle passion. « Mais surtout parce que j’adore partager mes lectures. C’est une autre forme de rêverie. »

L’alarme sonnait toujours, mais elle restait en tâche de fond dans son esprit. Pour le moment, la discussion reprenait des rails plus tranquilles... et puis, ce n’était pas -ce n’était plus- quelque chose dont elle pouvait parler souvent : Asher avait beau l’écouter volontiers, elle savait bien que son intérêt pour ces choses-là était limité.

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Sujet: Re: La Valse des Echos {Eileen&Carne} Dim 15 Oct 2023 - 12:40

Jolie petite Eileen, gracieuse flammèche jetée en pâture aux quatre vents. Tu es fragile et vaillante. Je le vois dans tes grands yeux limpides, humides de milles tempêtes intérieures. J'aimerais connaitre le gout de tes larmes, me couper sur les éclats de cristal de tes rires...

Et découvrir la tessiture de tes cris...

Il y a longtemps que ce morceau de chair humaine qui pulse dans ma poitrine n'a pas gratté comme un fauve afin que je le libère. Je te regarde pendre ton linge sur cette corde et je me dis que tu n'es pas de ce genre de papillon qu'on épingle pour en figer la beauté.

Tu es plus.
Tu me rappelles quelqu'un mais qui ?

D'un geste tendre -qui me surprend un peu moi-même, je te redresse le menton et range consciencieusement une de tes mèche de cheveux flamboyante derrière l'oreille.

- Tu es triste, Eileen ? C'est moi qui t'ai rendue triste ? Je demande avec une inquiétude sincère, presque puérile.
- Peux-tu la visiter à tout moment ?
- Mère ? Non, il faut que je paie, comme si moi, j'avais envie de la baiser... je grince avec amertume et une grimace qui trousse les narines de mon grand pif. Mais elle laisse la fenêtre de sa chambre ouverte la nuit, alors je l'escamote dès que je peux, et je l'emmène promener, danser avec les autres monstres et rêver...

Et comme pour appuyer mon propos, j'attrape ta taille et je te fais valser. Je chante un peu. J'ai une belle voix. Toutes les sirènes me l'ont dit : si je n'étais pas un foutu mâle, peut-être que je serais né poisson.

- Je comprends le besoin de s’échapper de la... de cette réalité, parfois. C’est en partie pour ça que je donne un coup de main à la librairie, avec les lectures publiques... Mais surtout parce que j’adore partager mes lectures. C’est une autre forme de rêverie.
- Tu racontes des histoire ! Ma gueule s'illumine comme celle d'un gosse. Un perdu qui a grandi trop vite, hey ! Me encantan las historias ! Quels genres d'histoires ?! je m'exclame, fou d'une joie dont je ne ne m'explique pas vraiment la source.

Mon visage se fronce d'un pli de sourcil songeur. Les sirènes sur ma peau semblent s'être immobilisées pour chanter à l'unisson une cantate silencieuse.

- Avant mère, il y avait quelqu'un qui racontait des histoires, aussi... quelqu'un que j'aimais bien.....Long silence méditatif.... C'était ma soeur, je crois... Je ne suis plus sûr...

Mon oeil sombre recrache un filet d'encre noire qui coule en sillon souillé sur ma peau blême. La félicité qui m'habitait s'est muée en mélancolie et creuse un trou dans ce pauvre organe qui tente de survivre dans sa cage d'os. Je suis triste, maintenant. Je ne comprends pas ! Pourquoi suis-je triste comme si j'avais perdu une chose importante ?
Une part de moi, envolée.

- Disculpe me... Ricanement qui ressemble à un feulement de poisson-chat. Chais même pas pourquoi je pleure ! C'est couillon !

Je m'essuie le visage d'un revers de main brouillon, me barbouillant les joues de ma crasse intérieure.

- C'est nul l'Oubli, hein ?

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

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Sujet: Re: La Valse des Echos {Eileen&Carne} Dim 5 Nov 2023 - 19:41

Le geste était aussi doux et tendre qu’il puisse être entre deux quasi-inconnus, mais cela n’empêcha pas la rouquine de sursauter violemment en sentant la main du Prêcheur lui toucher le visage. Eileen écarquilla les yeux sous le coup de la surprise, tâchant néanmoins de garder son calme. Elle avait déjà du mal avec le contact non annoncé, de manière générale. Alors, de la part de cet homme dont elle avait compris qu’elle devait se méfier bien plus qu’elle ne le faisait...

Pourtant, Carne n’était pas méchant. Pas avec elle, du moins. Elle le voyait bien. Il avait vraisemblablement remarqué sa tristesse et paraissait inquiet d’en être la cause. Déglutissant visiblement, elle hocha la tête d’un côté puis de l’autre, ne faisant pas exactement confiance à sa voix pour lui répondre. Le geste précédent lui faisait encore battre le cœur à une vitesse bien trop rapide, il lui fallait se calmer avant tout.

C’est sûrement pour cela aussi qu’elle relança la discussion sur un sujet qui ferait plus parler le pirate qu’elle-même, le temps de se remettre d’émotions qu’elle ne comprenait pas totalement -ce qui avait le don de l’agacer. (Mal)Heureusement, Carne ne lui laissa pas le temps de se pencher là-dessus non plus : voilà qu’il l’envoyait valser, littéralement. A nouveau, son regard émeraude s’agrandit et bien qu’elle se laissât faire, il était évident à présent qu’Eileen était mal à l’aise. Si ses mains touchaient les épaules de l’autre, c’était uniquement pour lui permettre de garder son équilibre. Et lorsqu’elle prit la parole à nouveau, ses mots trahissaient une autre pensée.

Mais il semblait qu’elle avait, une fois de plus, lancé un sujet qui parlait au Prêcheur. Le voir s’extasier ainsi pour ce métier qu’elle avait choisi par plaisir (le seul du lot, d’ailleurs) lui arracha un sourire un peu pâle -l’alarme toujours en tâche de fond- mais présent tandis qu’elle répondait à la question.

« Oh, un peu de tout... Des copies fraîches de la librairie, des nouvelles, des romans, des poèmes, du théâtre... Parfois, des gens ne sachant pas lire reçoivent du courrier, alors je le lis pour eux et je les aide à répondre... »

C’était une partie de son travail qu’elle faisait sans même demander rémunération au chapeau. Garder contact avec des gens qu’on apprécie, qui sont parfois bien loin malgré la petitesse de cette Île... C’était bien trop important à ses yeux pour se monnayer.

La jeune femme se perdait presque dans ses souvenirs, quand les mots du pirate lui firent tourner vers lui un regard prudent, mais enjoué.

« Oh ! Tu as... avais une sœur ? » Au milieu de sa phrase elle se rendit compte que son enthousiasme n’était probablement pas le bienvenu. « Je suis désolée... » D’autant que son interlocuteur se mettait à pleurer... de manière très étrange, au travers de cet œil inquiétant...

Ce fut certainement à ce moment là que ses sirènes internes atteignirent leur paroxysme sous la forme d’une question dont la réponse devait pourtant être limpide :

Cet homme était-il simplement toujours humain ?

Eileen prit l’excuse de se pencher à nouveau vers le panier de linge humide pour réprimer un frisson, avant de lever la tête vers Carne, qui paraissait ne pas savoir quoi faire de sa tristesse. Elle se redressa, linge à la main, en lui adressant un léger sourire.

« Parfois, savoir pourquoi, ce n’est pas le plus important. » Elle lui tendit le mouchoir qu’elle venait de prendre. « Le plus important, c’est de laisser sortir. »

Il n’était peut-être ~~pas~~ plus humain au sens strict, mais la rouquine ne pouvait nier qu’elle était témoin de beaucoup d’humanité de sa part... bien plus que d’autres, si elle en croyait ses récits. Ayant à présent une conscience aiguë de sa chance, elle se demandait quand elle s’arrêterait : allait-il se lasser sans préavis ?

Elle souffla doucement du nez à sa question -qui avait tout de rhétorique, selon elle- avant de lever un sourcil et une épaule, dans une attitude à la fois désinvolte et désabusée.

« Sur le coup, ça paraissait pas si mal. »

Elle n’avait pas souvenir -ha ha- d’avoir connu des Perdus malheureux d’oublier leur ancienne vie. Après tout, ils avaient tous suivi Peter pour une -relativement- bonne raison, non ? Elle-même n’avait que peu de certitudes non étiolées par l’Oubli sur sa vie d’Avant, mais celle-ci en faisait partie.

« Tu ne crois pas ? »

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Sujet: Re: La Valse des Echos {Eileen&Carne} Mer 27 Mar 2024 - 10:34

J'entends ton coeur.
Il est juteux, gorgé de sang chaud dont les pulsation rapides accentuent la rougeur de tes joues. Les constellations incrustées dessus s'y perdent un peu.

Tu es belle.
Tu me rappelles...
...Un visage flou, avec d'épaisses boucles de feu.
Il y avait quelqu'un au bout de cette phrase, de cette ligne perdue dans l'écume des souvenirs un faciès aussi tacheté que le tien, avec les mêmes sourires et la même peur de moi logée dans les trippes.
Un sentiment de tristesse me cheville brusquement le coeur.

- Oh ! Tu as... avais une sœur ?
- Peut-être... J'ai un haussement d'épaules, alors que la certitude que oui se faufile dans mes entrailles.
- Je suis désolée...
- Por qué ? C'pas toi qui l'a fait disparaitre, si ? fais-je avec un vague sourire. Disculpe me... Chais même pas pourquoi je pleure ! C'est couillon !
- Parfois, savoir pourquoi, ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est de laisser sortir.

Je repousse gentiment son mouchoir sans le toucher.

- 'Vais salir ton linge. C'te souillure ça part pas, jamais.

La mienne est ancrée à l'âme, comme une tumeur bien au chaud dans les tissus de mon corps. Je l'ai acceptée, un jour, je ne sais plus quand et j'ai oublié tout ce qu'il y avait avant pour me consacrer au présent.
Mais parfois, je regrette ce vide abyssal, ce néant inexplicable et ces questions sans réponses. Surtout quand je t'observe, jolie petite Eileen. T'ai-je connue, avant ? Quand nous étions tous deux des enfants ?

- C'est nul l'Oubli, hein ?
- Sur le coup, ça paraissait pas si mal. Tu ne crois pas ?
- J'imagine que oui. C'est l'fond d'commerce du Pan, après tout... nan ? L'désespoir des enfants... Je fixe le sol et nos ombres absentes. On a tous des douleurs qu'on voudrait laisser dans l'obscurité. Et puis, brusquement, le temps reprend ses droits. Pourquoi ? Sans doute parce que la chair à de la mémoire et c'que l'esprit veut effacer reste gravé dedans, dans les fibres de notre viande.

Je l'observe longuement de mes yeux dépareillés.

- Pourquoi t'as grandi, toi ? Je questionne avec une étonnante douceur dans lma voix.

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

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« 'Vais salir ton linge. C'te souillure ça part pas, jamais. »

Une moue intriguée se peignit sur le visage de la rouquine, qui dévisagea les larmes noires roulant sur le visage si blanc une seconde de trop avant de détourner le regard. Malaise, sans savoir s’il s’agissait de l’étrange liquide, de leur conversation, du mot « souillure » -qui lui restait en travers de la gorge sans qu’elle ne parvienne à s’expliquer pourquoi- ou du mouchoir qui retombait le long de son corps avec le mouvement de son bras.

Mais le sujet changea et avec lui partie du trouble qui habitait la jeune femme. Oh, il n’était pas bien loin : il suffirait d’un rien pour faire revenir la vague, mais parler de l’Oubli, aussi ironique que cela puisse paraître, était un terrain connu et rassurant.

« Le désespoir... » répéta-t-elle à voix basse en écoutant les paroles du Prêcheur. Elle n’avait pas l’impression d’avoir été désespérée, quand elle avait suivi Peter -du peu qu’elle était capable de s’en souvenir. Son frère, cependant...

« ... »

Carne pouvait paraître aussi dangereux que fou, pourtant il faisait preuve d’un raisonnement qui lui parlait, plein de cohérence. Elle pinça légèrement son auriculaire gauche dans sa main droite, glissant le long du doigt dans un geste inconscient tandis que le pirate mentionnait les souvenirs de la chair. Oui, il y avait probablement des choses que l’on ne pourrait jamais oublier, peu importe la magie qui était à l’œuvre. Mais n’était-ce vraiment qu’une histoire de corps ?

« C’est peut-être une résistance de l’esprit, aussi. » Laissa échapper Eileen, sans savoir si elle répondait vraiment à son interlocuteur ou s’il s’agissait d’une simple réflexion faite à voix haute.

Finalement, elle haussa brièvement les épaules avant de ses remettre au travail. Ils pourraient discuter des mécanismes de l’Île et de son Créateur pendant des jours, indéfiniment même, et ne jamais trouver d’explication ou de solution. Car Peter et sa Magie étaient ainsi faits : ne restait qu’à l’accepter.

Puis, Carne posa une question. Une question simple, sur un ton très doux qui dénotait avec son attitude précédente. Comme s’il savait déjà le sujet brûlant. La Diligente s’interrompit dans ses gestes, sur le point d’étendre l’une de ses robes. Elle resta un moment ainsi, bras tendus vers le fil, regard supposément posé sur le tissu et pourtant parti tellement plus loin... Ses yeux verts s’humidifièrent et elle garda le silence un instant, trop longtemps.

On a tous des douleurs qu’on voudrait laisser dans l’obscurité.

C’est un simple mot qui finit par passer la barrière de ses lèvres, qui se muèrent en un sourire très doux, comme un lever de soleil printanier.

« Asher. »

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L'esprit résiste. Il renâcle, même ! Il s'accroche à la carcasse, y infuse ses informations, bien planquées. Un vrai petit renard sournois qui vous entourloupe l'esprit ! Le mien fait des détours et des circonvolutions en empruntant le chemin de souvenirs qui me semblent appartenir à un autre.

Elle. La femme-enfant. Une chevelure rouge vif. Des constellations plein les joues.
Des mensonges plein la bouche.
Le parfum d'une peau fiévreuse de femme.
L'amertume du dépit et de la frustration.

Du verre multicolore éclaboussé de soleil.
Le chant des cigales.
L'odeur des vieilles pierres gorgées de chaleur.

Elle. La femme-poisson. Le début d'une Faim sans nom.
Le gout du sel et du fer sur sa langue.
La saveur du chagrin et du sang.
Le filandreux de la chair crue et de la trahison.

Le ciel étoilé. Du rhum et de bon amis.
Quelques rimes au pied levé.
Une écaille translucide accrochée autour du cou.

Elle. La femme-sorcière. La disparue des Marais.
La boue et le goudron poisseux des tréfonds.
La psalmodie des Voix du Bayou.
Une âme sacrifiée.

Le parfum des embruns.
La pourriture d'un corps en décomposition.
Un monstre qui obture la lumière.

Elle. La femme-panthère. Mon inconnue intime.
Celle qui a hurlé mon nom.
Deux enfants nus et noirs comme des anguilles luisantes.
Sourire en demi-lune blanc, éclatant. Un écho du petit papouse blanc.

Je secoue la tête. Les impressions se détricotent comme des lambeaux de fumée.

- Asher.

Evidemment.
On ne grandit jamais pour nous mais pour eux, ces autres qui s'intercalent dans nos vies. J'observe son minois si joli. L'affection manifeste qu'elle éprouve pour lui, fait naitre une boule épineuse dans le creux de mon ventre. Les sirènes d'encre sur ma peau frétillent des nageoires.

- Sans regret, alors, j'imagine... La famille c'est sacré. Et j'ajoute avec un sourire charmant malgré moi. L'a d'la chance ton frangin, ma foi !

J'enroule un index blafard autour d'une de ses mèches rousses.

- Mais t'oublie pas dans l'affaire... C'est dommage de diluer un rhum de qualité dans de l'alcool frelaté.

Iä, Iä, Cthulhu naflfhtagn...

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