Wise est surement un des Perdus qu'Arrow apprécie le plus. Il y a un lien profond d'amitié, de confiance et de respect entre eux. Pourtant, quand Wise était arrivé au Pays de Jamais, Arrow l'avait trouvé bizarre, maniéré. Le préjugé avait été fort mauvais. Les deux garçons n'auraient jamais été emmenés à sympathiser si un jour le Diplomate n'avait pas pris la défense du Chasseur devant Pan.  La Flèche, prenant sa réticence à bras le corps pour ne pas faillir à son honneur, était alors venue le remercier et pour une raison qu'il a oublié, ils avaient commencé à discuter.
Ça avait été le déclencheur.

Aujourd'hui, les deux perdus échangent souvent ensemble. Il se ressemblent et s'opposent, dialoguent mais ne parlent pas la même langue, écoutent les arguments de l'autre, essayent de comprendre. C'est la confrontation du  pragmatisme intellectuel contre l'instinctif, de la perfection irréelle de la théorie contre la réalité branlante de la pratique. Il y a une recherche de la plus grande justesse et de la tempérance. Et, à force de se côtoyer, ils se sont d'ailleurs l'un et l'autre influencés. Arrow, sans s'en rendre compte,  a piqué des expressions à Wise et il est curieux d'entendre de la bouche du Chasseur ces mots un peu compliqués.

Autre chose surprenante pour le non-habitué, est le faciès qu'affiche le chasseur en présence de l'Aiguille. Celle-ci fait parti des rares Perdus devant lequel Arrow perd sa carapace de solennité et retrouve cette étincelle de joie et de spontanéité infantile qui fait qu'il n'a jamais davantage grandi. Il  part dans de grandes explications aux milles détails, le regard illuminé. Un large sourire fend son visage et son corps accompagne son récit de gestes amples. Il vit pleinement, comme quand il est dans la forêt.  Mais ce n'est pas alors Arrow le chasseur mais Arrow le gosse de 16 ans. Il en est presque touchant.
Parfois aussi,Wise sourit imperceptiblement devant l'attitude de l'Instinctif, s'amuse de le voir froncer soudainement les sourcils et reprendre aussitôt une meilleure contenance quand il s'aperçoit du côté trop démonstratif de sa spontanéité.
Certains trouvent que le Diplomate a un petit côté paternel envers son aîné mais les plus observateurs comprendront que les deux garçons se considèrent d'égal à égal.

Leur fraternité est d'autant plus forte qu'elle supporte les tempêtes respectives des deux Perdus, car, contrairement à ce que la plupart pensent, Arrow et Wise sont capable de joliment s'engueuler. L'objet de la discorde est alors souvent une impulsivité du Chasseur que le Diplomate essaye de résonner en vain. L'Instinctif, l’envoie bouler lui et sa morale protectionniste et paternaliste et l'Aiguille, blessée dans son égo, fulmine. Elle abandonne la Flêche et tant pis si celle-ci se fait briser.
Pendant plusieurs jours, ils boudent tout deux comme des gamins puis, la rancune pas tenace quand il est question de l'autre, regrettent, attendant que l'un en premier, vienne s'excuser.

La Litanie

Parfois, contrariant son habitude de fuir l'infirmerie, Arrow venait, s'asseyait et le visage impassible, observait silencieusement l'agitation qui animait la pièce. Il respirait profondément, s'emplissait du lieu, et d'un calme troublant, fermait les yeux pour laisser revenir à lui les images.
Lors des moments de faiblesse de la Flèche, l'infirmerie miasmatique devenait lieu de confrontation, berceau olfactif du souvenir.
Derrière ses paupières closes, l'Instinctif récréait alors les sensations pour mieux les disséquer et les affronter, tentait de retrouver les fondements des dogmes qui le régissaient. Il réincarnait sa conscience, prenait une claque pour  mieux reprendre pied. Depuis toujours, c'était la seule méthode qu'il se connaissait, acte radical qu'il ne faisait pas en présence de n'importe qui.  Arrow, pour cet exercice n'acceptait que les malades et Soul car la plus grand force de Soigneur, c'était sa présence. Sans rien dire, avec douceur, l'Âme neutralisait les émois avec son fond de mélancolie.

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Depuis la mort de Vinyle et le début de la Nuit,  Arrow venait souvent à l'infirmerie quand tout le monde dormait. Il cherchait inconsciemment une compensation là où son aversion et celle du Rayé s'étaient retrouvées, comprenant avec le deuil que seul, il ne servait plus à rien de fuir, qu'il fallait mieux toquer, entrer, et s'installer.
Ces bouts de nuit, Soul le regardait toujours un instant à son arrivée puis se détournait, continuant à fumer au bord de la fenêtre. Il savait qu'Arrow n'était pas venu pour parler, qu'il s’assiérait sur le sol dans un coin et se recroquevillerait. Serein, il s'endormirait même peut-être pour quelques heures.
C'était un personnage parfois curieux Arrow, un presque homme encore un peu enfant qui s'il n'acceptait que peu le contact de ses pairs, avait encore besoin de leur présence.

Soul et Arrow se connaissaient depuis longtemps mais n'étaient pas vraiment amis. Ils auraient pu le devenir s'ils n'avaient pas été l'un et l'autre aussi distants et différents.

Néanmoins, l'écart qui les séparait ne les rendait pas totalement indifférents au sort de l'autre.
Lors de l'incident de Chatty(*), la Flèche avait compris à quel point le rôle du chef-soigneur, plus qu'aucun autre, était délicat et pesant à porter. Il avait compris pourquoi Soul était le seul à être apte pour ce poste, pourquoi il sentait toujours la fumée et qu'inexorablement, il grandissait.
Soigner, espérer et devoir abandonner avait ouvert les yeux d'Arrow sur ce qu'était réellement l'Immuable : une belle âme déchirée par son dévouement et son abnégation ; une personne qui méritait son estime et son respect mais qui était aussi le triste reflet de ce qu'il serait surement devenu s'il était resté auprès de siens, du côté de la réalité. Alors quelque part, Soul, par sa condition de prisonnier, lui faisait pitié.
La Flèche aurait aimé l'aider mais elle savait qu'elle ne pouvait rien faire, alors, pour ne pas débiter des discours auxquels elle ne croyait pas, elle se taisait.

Arrow tenait à Soul. Pas spécialement à la personne qu'il était mais plutôt à l'aura qu'il dégageait et à l'image de pilier qu'il donnait à voir. Il savait que pour le Grand-Arbre, sa vie et sa maturité était précieuse.

Fang, c'est le chef des chasseurs et aussi théoriquement le sien (bien qu'en vrai, Arrow n'a aucun chef hormis Pan). Pour cette raison, l'Instinctif écoute ses ordres quand ils lui paraissent juste mais n'a jamais ressenti d'admiration envers le garçon. Il le respecte sans la moindre sympathie car Arrow n'a aucune confiance en Fang.
Cette vision négative de son chef prend sa source dans les débuts du Chat en tant que Perdu, à cette époque où Arrow lui apprenait à tirer à l'arc. Dans sa façon de tirer et abattre, il l'avait trouvé brutal, destructeur, supérieur. Il ne l'avait vraiment pas aimé mais n'avait rien dit car cela n'était jamais venu à le concerner.
~oOo~

Aujourd'hui l'âme de Fang s'est assagie mais Arrow sait qu'il reste le même garçon de quinze ans manquant de tempérance. Il suffit de le regarder poser son regard d'adorateur aveugle sur Peter pour comprendre que la passion, si vivante et destructrice, l'habite encore.

Hijo de la Luna
Moony, Moony, Moony,
Petit Moony,
Grand Moony,
Vieux Moony,
Enfant qui semble avoir la tête dans la lune
mais qui, trop âgé en réalité,
A sur terre, les pieds bien ancrés.

Moony était là avant même l'arrivée d'Arrow et faisait donc parti des plus vieux Perdus qui, ni mort, ni grandi, ni banni, était encore miraculeusement en vie, .

Moony, la plupart le pensait éternel gamin. Et, à vrai dire, longtemps, il l'avait vraiment été. En effet, Arrow était déjà Grand quand Moony avait commencé à mûrir. Ses expressions, sa façon de réagir, son regard avaient imperceptiblement changés. C'était trois fois rien pour l'Instinctif et rien du tout pour les autres qui, floué par la comédie du Fabricant , n'avait rien remarqué.

Le chasseur de son côté, pas ami et pas cafteur, n'avait rien dit devant la découverte. Il avait songé « pas trop tôt », suivit de « pauvre gars », puis, la pensée passée,  indifférent, était retourné à ses occupations. Moony qui grandit, ce n'était pas un problème urgent.

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Arrow, depuis, surveille de loin les agissement de l'Artisan, se disant qu'un jour, au moment critique où les ficelles de son jeu deviendraient visibles aux autres Perdus, il irait lui parler pour l'aider un peu. Néanmoins, actuellement, débordé par ses propres problèmes, il avait mieux à faire que de discuter.