A ceux qui lisent les rp des autres:

Ses plaies lui font mal.

Lacerate l'ignore, continue sa progression. Les peaux qu'elle a revêtues peinent à la protéger du froid qui mord les contours de ses cicatrices, les tirent. Chaque pas titille ses nerfs, provoquant des petits éclairs de douleur qu'elle subit sans se plaindre, habituée. Elle est déterminée, Lace. Comme souvent.

Ce n'est pas la première fois qu'elle se rend à l'Ossuaire Préhistorique. Il faut dire que plusieurs de ses Chasseurs s'y sont installés, à la séparation. Elle ne peut leur en vouloir : si elle n'avait pas été Cheffe, elle aurait sans doute fait pareil. Du coup, elle a pris l'habitude de visiter ses Chasseurs Sans-Abri, vérifier que tout va bien. Et pour le moment, ça va.
C'est déjà ça.

Cette fois, pourtant, c'est différent. Elle s'y rend pour une raison précise.

Dès qu'elle aperçoit la zone, la température semble changer. Se débarrassant presque à la hâte de la peau qui lui couvrait les épaules, la Gueule Cassée continue sa progression vers les habitations, saluant ça et là ceux qui lui accordent de l'attention. Jusqu'à un objectif précis : la tente de Blood.

Sans s'annoncer, Lacerate passe la tête par l'entrée. L'Osselet est occupée : d'après ce que la Cheffe devine, elle entretient ses armes.

- Hey.

Un sourire. La Gueule Cassée s'autorise un pas de plus, se glisse sous les peaux tendues.

- Tout va bien ?

Oh, elle a une idée derrière la tête.
Mais d'abord, s'assurer que tout est OK.

Ce n'est pas si mal, l'Ossuaire.
Pour Blood qui s'épanouit dans la solitude et les ossements, c'est un lieu d'apaisement. Un lieu où le seul rempart contre la douleur et la misère se trouve être la routine indispensable qui régit leurs existences à présent dominées par le Givre.
Parfois, Blood se demande si le froid s'éteindra. Plus les jours défilent, plus il devient difficile de se souvenir de toutes les couleurs de la Nature. Du son que produit le bourdonnement d'une abeille. Du premier cri d'un petit. Plus aucun petit ne nait. La vie s'est tue.
Parfois, Blood se demande si le froid s'éteindra. La plupart du temps, Blood évite de penser.

En tant qu'autochtone, elle sait qu'elle est encore plus vulnérable au Givre Mortel que les enfants de l'Ordinaire. Elle est prudente, avisée, aucune précaution n'est ignorée. Si le mal l'atteint, il la dévorera. Comme la Bête. Le poison du Givre ressemble beaucoup au poison de la bête.

Ce matin, comme tous les matins, Blood s'est éveillée à l'aube. Elle tisse les tissus de peau qui entoure ses flèches. L'ensemble de son corps est recouvert de fourrure, à l'exception de l'extrémité de ses doigts et de ses yeux, dont l'éclat rouge détonne sur le gris-brun des peaux.
Elle porte toujours sa tête de loup sur la tête.

— Hey.

Blood ne sursaute pas, mais son corps se tend aussitôt. Elle arrête son geste et lève les yeux. Aucun mot ne sort de sa bouche, et ce n'est pas à cause du cache-cou qui lui barre les lèvres. Blood ne s'atteindait pas à voir apparaître sa Cheffe.
Son coeur se serre. Elle redoute une annonce douloureuse.

— Tout va bien ?

Blood demeure figée un moment.
Comment répondre à cette question ? L'étreinte contre son coeur ne faiblit pas. Elle abaisse doucement sa flèche, qu'elle repose contre son genou.

— J'allais finir.

Elle ne répond pas vraiment à la question, mais elle ne se voit pas dire autre chose.
Elle se lève.

— Le froid est plus puissant qu'hier. Et moins que demain. C'est ainsi que Blood exprime ses émotions, mais peu l'ont compris parmi les Perdus. L'Osselait abaisse ce qui lui sert de cache-cou et fixe sa Cheffe. Je prie les Esprits que le vent qui amène Lacerate n'est pas de mauvais augure.

Ses pupilles brillent. Ce n'est pas une formule.

Elle n'a pas le temps de penser à l'absurdité pourtant évidente de sa question que Blood répond sobrement, d'un :

- J'allais finir.

Lacerate hoche la tête, jette un oeil à la flèche ; comme d'habitude, le travail de l'Osselet est efficace.

- Le froid est plus puissant qu'hier. Et moins que demain.

Langage factuel, presque un peu obscur mais que la Cheffe pense avoir appris, à force, à déchiffrer. Léger sourire, malgré la gravité des paroles de sa Chasseuse : la Gueule Cassée s'est toujours voulue rassurante dans l'adversité.

- Je prie les Esprits que le vent qui amène Lacerate n'est pas de mauvais augure.

La Cheffe se rapproche, répond doucement :

- Rassure-toi, je ne suis pas venue pour t'annoncer de mauvaises nouvelles.

Une légère pause, avant qu'elle ne reprenne :

- Ils manquent de peau, au campement, et je comptais aller en chercher. Je me demandais si tu voulais venir avec moi.

Pourquoi Blood ? Oh, plein de raisons.
Parce que cela fait longtemps qu'elle n'ont plus chassé ensemble.
Parce que Lacerate, même en temps de crise, veut voir où en sont ses Chasseurs, s'ils apprennent.
Parce que c'est un moyen de veiller, un court temps, sur elle (mais elle ne le dira pas).

Sourire encourageant.

- Qu'est-ce que tu en dis ?