Le retour se passe comme dans un rêve.
Le zeppelin ne s'est pas fait tirer dessus ni aborder par des hélicoptères. Il poursuit sa route dans le ciel à vitesse de croisière. C'est bizarre de se retrouver là dedans. Tout ressemble au Nautilus. La forme, les couloirs, les machines. Mais en même temps rien n'est pareil. Tout est plus simple. Pas de fuites ni de monstres ni de baleines pour mettre leur voyage en péril. Le charbon bien terrestre ronronne dans les fours comme un enfant sage. Pas besoin d'être là à tout instant, à craindre que tout explose, on diminue les effectifs et se relaye plus souvent. On réapprend à dormir. On s'ennuie.

Profitant de sa pause, Freckles revient de l'infirmerie. Il a parlé au garçon de la supérette. Justin. Y a encore son nom inscrit sur la stupide étiquette. Il lui a expliqué. Qui ils sont, où ils vont. Il a dit que c'était une erreur, qu'il était chef et qu'il parlerait à Peter, et qu'il arrangerait ça, et qu'il pourrait rentrer chez lui. Et pauvre Justin, avec ses bandages et des sutures faites à l'arrache, avait presque paru soulagé.
Mais c'était un mensonge. Il compte pas parler à Peter. Il ne peut pas parler à Peter. Rien que l'idée lui donne la gerbe. Il ne sait même pas s'il a le droit, après tout ça.
Le coup de la disparition, ça les a tous sérieusement secoués.
Il s'en veut, de mentir à Justin. Mais au fond, c'est tout de la faute de Rainbow. Et de son stupide plan.

Quand il ne sera pas dans un aussi sale état, Freckles va le démonter.

C'est fort de cette résolution qu'il est parti chercher Lace et qu'ils sont allés s'ouvrir une bouteille de tequila dans le couloir menant à la salle des machines.
(il l'a déchiffré lettre par lettre sur la bouteille. Te-qui-la)

Posés sur les dernières marches qui mènent au sous-sol, ils se passent la bouteille. Planquées dans les cabines et la réserve, y en a des dizaines d'autres comme ça.
Bon point de leur petit raid fini au kidnapping.

« On craint quand même », lâche Freckles.

De quoi il parle, même lui n'en est pas sûr.

Ayé.

Ils ont décollé.
Ils sont partis.
Ils ont failli disparaître comme de vulgaire traits de crayons sous un coup de gomme.

La faute à Peter.
Ce connard peut chialer et faire des petites moues tristounes, il les a tous pris en otage. Un peu comme eux et Seller Boy. Enfin "eux". Le Panda ne se sent pas franchement concerné par le sort du petit caissier. Il a encore son ombre LUI. On ne le gratifiera pas d'un CTRL+Z dans la gueule pour le photoshoper, tel le surplus de cellulite de Beyoncé sur la couverture du dernier Vogue. Oh oui, l'Ile ne sera plus jamais la même...Nasty n'en est que plus convaincue qu'il faut la torpiller. Le rouge de l'anarchie bouillonne dans ses veines. Il lui faut un peu d'alcool pour diluer.
Le temps de rentrer auprès des révoltés.

La gueule encore entartée de charbon, elle sort dans le couloir de la salle des machines pour mieux tomber sur les deux poivrots à ses pieds. Un sourire étire ses lèvres noircies.

- Gardez la pause les pochetrons, je reviens !

Elle se met soudain à courir, ses godillots résonnant sur le plancher métallique. Elle grimpe les escaliers vers le cockpit quatre à quatre, attrape le téléphone portable sous le nez de Buster  - " Fin de ta location, t'as pas remis d'pièces !" - et dévale à nouveau les marches en direction de l'infirmerie. Elle manque de se vautrer en prenant le virage de la porte.

- Heeeeeeeey Wrath ? Elle agite le téléphone à hauteur de son visage. Sa langue joue du piercing, sous sa lèvre, qui valdingue en guise de provocation. Ses yeux pétillent de malice. Viens l'chercher, Camarade !

Elle prend la poudre d'escampette, détalant dans le couloir en direction des deux planqués qui s'en vident une en scred. Ses éclats de rire se répercutent sur les murs en écho. Elle jette parfois un coup d'oeil derrière elle pour s'assurer que la Flamme le suit. Pourquoi la Flamme d'ailleurs ? Est-ce pour ça qu'on l'a collé aux fours ? L'explication à la con !
Elle ricane une nouvelle fois, quand elle aperçoit les silhouettes voûtées de Freckles et Lace. Elle ralentit le pas, essoufflée, échevelée et l'air ravie de sa cavalcade.

- Sifflez pas tout sans nous, p'tain !

Globalement, Wrath a enfin le temps de se reposer. Ses compétences ont été utiles auprès de quelques uns des membres du second groupe à leur retour. Et à présent, il ne lui reste plus que son patient principal. Celui dont une blessure s'est rouverte à plusieurs reprises, au point que l'adolescent a été forcé de lui faire des points de sutures. Une expérience sans doute plus traumatisante pour lui que pour son patient, qui était légèrement plus focalisé sur la bouteille de vodka dans ses mains que l'opération. Au moins, il a réussi à faire passer ça pour une méthode médicale acceptable devant Dude.

La cicatrice risque d'être moche, ce qu'il n'a pas osé avouer à Justin. Ce n'est pas une des phrases de son manuel touristique de toute manière. Ses mains ne tremblaient même pas tant que ça. Juste un peu. Et le moment où il s'est légèrement raté et où l'aiguille… Autant ne plus y songer. Le caissier va assez bien pour être laissé seul à présent, même si son chevalier ne paraît pas vouloir le laisser. Wrath en profite pour se promener un peu, de temps en temps. Il y a moins de blessures qu'à l'aller, au point que tout est bien trop calme. C'est ennuyeux.

Jusqu'à l'arrivée de Nasty. Son regard capte immédiatement le téléphone, et la manière dont elle s'enfuit avec. Visiblement, il est temps de s'absenter un brin de l'infirmerie improvisée. Ses cheveux, qu'il vient de laver, gouttent contre son haut, mais il ne prend pas le temps de s'en soucier. « Pas si vite, » il marmonne à la place, rattrapant son aînée au détour d'un virage, le souffle court. L'endroit n'est pas propice à ce type d'exercice.

Le Nord Coréen n'est pas certain de comprendre de quoi il retourne au début. Est-ce une rébellion secrète ? Un complot visant à renverser leur chef un brin tyrannique ? Puis, Wrath aperçoit la bouteille, et sa posture se fait moins tendue. Sa main effectue un geste vers le téléphone que Nasty tient toujours, et il lui tire la langue pour lui rendre sa provocation précédente. C'est difficile de ne pas apprécier la possibilité de s'amuser un peu.

« Camarades, » il les salue, se posant derrière eux, le bout de ses godasses frôlant le corps de Lacerate. Avec un effort de concentration qui lui fait froncer les sourcils, le Soigneur répète les paroles de Nasty sans en comprendre le sens. « Pas sans nous, putain ? »

En gros, ça veut dire passez lui la bouteille.

- C'est ce qui fait notre charme.

Il donne un petit coup de boule à la main qui lui ébouriffe les cheveux, par pur principe. Et ricane.
Kidnapper des types par erreur et se bourrer la gueule dans un escalier. Notre charme.

« J'avoue. Nique les rageux. »

La porte des machines explose et en émerge une créature de suie au sourire de démon. Fâcheuse et fréquente rencontre dans un coin pareil. Nasty leur ordonne :

- Gardez la pause les pochetrons, je reviens !

Freckles lève un sourcil : « ok …. » laisse-t-il traîner alors que la silhouette élancée de l'artisane disparaît en haut des escaliers. Il hausse les épaules, se tourne vers Lace et récupère la bouteille. Si Nasty est en pause, c'est que les équipes tournent. Immanquablement ça finira par être son tour.

« Je me demande si les mecs vont voir la différence si je retourne bosser bourré. »

Sur cette bien sage question il s'enfile une rasade.
Des bruits de pas reviennent bien vite, cette fois doublés. Nasty réapparaît, talonné par son nouveau meilleur ami.

- Sifflez pas tout sans nous, p'tain !
- Camarades. Pas sans nous, putain ? répète docilement l'autre idiot.

Freckles se marre.

« La politesse c'est de ramener ses propres bouteilles quand on arrive à une fête, grognasse ! »

Mais il se pousse quand même pour faire une place sur sa marche d'escalier.
Il s'étonne lui-même, sérieux. Nasty est une conne. Wrath est aussi un peu un con. Par extension, vu que le chef est maintenant persuadé qu'ils se roulent des pelles dans les coins quand personne ne regarde.
Il sait bien qu'à l'Arbre il n'aurait jamais traîné avec ces deux là. Mais l'expédition a créé une drôle de petite bulle, une dimension parallèle dans laquelle ça ne le révulse pas.
Reste à savoir si ça va durer.

« Et arrête d'apprendre des jolis mots à Wrath », ajoute-t-il.

En vrai c'est pas comme s'il se privait lui-même de dire putain. Il l'a dit même plein de fois en la présence du coréen, entre Londres et la salle des machines.
Il lève la tête vers ce petit groupe, soudainement inspiré.

« Vous voulez jouer à un jeu ? »

- Camarades. Pas sans nous, putain ?

L'écho poli de ChingChong dans son dos est comique. Nasty se marre. Lacerate se marre. Wrath va se marrer (mais si, il va qu'on vous dit !). Il n'y a que Rouquemoute pour jouer les bégueules.

- La politesse c'est de ramener ses propres bouteilles quand on arrive à une fête, grognasse !
- Wow, p'tit cul d'roussi ! Me la fait pas à l'envers : J'AI choisi et porté ces bouteilles à mano. Techniquement, 'sont à moi.

Wrath profite de sa juste offuscation comme distraction. Il reprend son dû des mains de la Vilaine.

- Et arrête d'apprendre des jolis mots à Wrath.
- Comme si toi, t'en disais pas.
- Vous voulez jouer à un jeu ?
- T'as quoi en tête ?

Nasty  attrape la bouteille qui valse de bouche en bouche et s'en envoie une goulée. Le liquide lui brûle la gorge avec délice. Une goutte sillonne à la commissure de ses lèvres jusqu'à dévaler sa gorge, traçant une ligne blanche sur sa peau crasseuse. Elle se retourne comme un seul homme vers Wrath pour lui tendre la tequila.

- Bite-couille-cul à toi, Wrath! Balance-t-elle sur le ton d'un "A la tienne, mon pote!"

Elle se tourne vers les deux chefaillons avec un air bitchasse.

- Ben quoi ? C'est marrant comme jeu !

Un peu salaud, certes. Mais n'est-elle pas sensée être méchante, un peu ? Elle l'aurait presque oublié le temps de ce voyage. Cette escapade est un peu à part, une sorte de parenthèse. Demain, il ne se parleront peut-être plus. Et puis merde, Demain c'est demain ! Obéissant à une impulsion subite, elle plonge les doigts dans les cheveux humides de Wrath et s'essuie le visage avec.
Voilà. Elle se sent un peu moins dégueulasse et un peu plus apte à ne pas contaminer la gnôle.

Elle ne réalise qu'une poignée de secondes plus tard, que le geste pouvait prêter à confusion.

- Oh ! C’est bon, ça va ! Il a déjà les cheveux noir ! un peu plus ou un peu moins...

Pour la peine, elle se tape le luxe de reboire un coup, puis de changer de sujet.

- Hum....Ton jeu, donc ?

Ils causent tous en même temps, au point que l'adolescent perd le fil assez rapidement. Le plus important, dans le fond, c'est qu'il ait récupéré son portable. Pas que le caissier lui a demandé de le récupérer pour l'instant, ce qui est tant mieux. Il fera semblant de ne pas comprendre, ça marche plutôt bien comme méthode. Wrath cligne les yeux en essayant de piger ce qui se passe, surtout en entendant son nom. Est-ce qu'on vient de l'insulter ? Généralement, il se braquerait d'être à l'ouest, mais pour le coup il s'en fiche. Sans doute l'effet voyage de l'enfer qui lui a retiré la majorité de sa capacité à s'énerver.

« Bite-couille-cul à toi, Wrath! » L'effet voulu se perd lorsque le Coréen porte la bouteille à ses lèvres. C'est bien plus fort que prévu, et ses yeux brillent un peu trop. Pas trop le temps de répondre à Nasty dans ses conditions. Si ça se trouve elle lui dit des conneries en plus. Au lieu d'y penser, il avale plusieurs gorgées les unes après les autres.

«Pareil, » est la réponse qui passe ses lèvres après un moment, la voix enrouée.

Ce n'est malheureusement pas assez pour que le garçon ne remarque pas le petit jeu de Nasty. Sa chevelure mérite mieux que d'être touchée par cette énergumène agressive. En représailles, il secoue la tête, lui envoyant de l'eau plein la figure. Et sans doute un peu à la gueule des deux autres aussi. Le chien mouillé semble satisfait de son coup, malgré son absence de sourire. C'est pas son truc, d'être expressif. La bouteille repasse dans les mains du Panda. Adieu douce boisson.

« Jeu ? » Le mot n'est pas inconnu, et il se penche en avant, curieux de savoir ce que ça va être. Freckles a des idées cool en général. Il en profite aussi pour s'allumer une clope, parce que le zeppelin risque pas trop de prendre feu techniquement, et qu'il en a marre de pas pouvoir le faire dans son infirmerie de fortune. Nasty le fait chier, et il lui prend la bouteille des mains, pour en reprendre un coup.

Il faut qu'il arrête de boire aussi vite, et autant, parce que ça va lui donner mal de crâne après un moment. La tequila est tendue vers Lacerate, histoire de suivre le cercle.

« Quoi jeu ? » Wrath interroge, suivant le mouvement.
Il a bien envie de demander à Freckles si sa couleur de cheveux est naturelle aussi, sauf que c'est genre pas le moment.
Sauf qu'on ne peut pas être né en temps que carotte, si ?

Il a bien fait de donner la bouteille à Lacerate en fait.

Lace ponctue chacune de ses remarques d’un petit c’est pas comme si pertinent, mais il n’y réfléchit pas assez pour être sûr la défensive. Il se concentre sur la tronche mesquine de Nasty qui vient de se poser sur sa marche.

- Wow, p'tit cul d'roussi ! Me la fait pas à l'envers : J'AI choisi et porté ces bouteilles à mano. Techniquement, 'sont à moi.
- Ouais mais c’était mon idée, rétorque-t-il mollement.

Il voudrait même lui tirer la langue. Tequila le fait régresser sérieux. La bouteille échappe de ses mains pour passer entre les rangs et il retient à peine une petite moue boudeuse, que le Bite-couille-cul ! jovial de Nasty transforme en fou-rire. Okay ils font un bon duo comique : la connasse ultra grossière et le mec qui en pige pas un mot. Il doit admettre que c’est vraiment marrant comme jeu.

Freckles se désintéresse une minute de leurs papouilles humides, le temps de réfléchir à où trouver d’autres bouteilles – doubler l’effectif c’est aussi doubler la mise – et puis :

- T'as quoi en tête ?
- Hum....Ton jeu, donc ?
- Quoi jeu ?

Tout le monde l’enchaîne.

« Mais j’sais pas moi. »

Il n’a pas réfléchi si loin que ça. N’importe quoi ferait l’affaire a ses yeux : c’est juste qu’il est pas sûr que l’un d’entre eux aie ramené un jeu de cartes.

« Genre action ou vérité ! »

Son  regard s’éclaire.
Il a mis quelques secondes à retrouver le nom du jeu. Il a tendance à mépriser la partie vérité, d’habitude, mais là peut-être qu’il y a quelque chose à en tirer.
Et puis les gages bourrés c’est vraiment plus marrant.

« Lace tu commences ? » fait-il en se tournant vers elle.

Faut bien commencer par quelqu’un même si c’est pas ses secrets qui l’intéressent.

- Mais j'sais pas moi ! Genre action ou vérité.
- T'es sérieux, mec ? Entre le poker déshabilleur et le 100 mètres-pastis, tu préfères te la jouer safe ?

Nasty a un ricanement moqueur que la petite pluie de ChingChong n'éteint pas. Le jeu lui semble appartenir à une autre vie : insouciante et pleine d'oisiveté. Ses vérités ne sont pas bonnes à dire. Elle n'est pas sure de vouloir les confier à trois mecs qui l'ignoreront peut-être une fois rentrés au bercail. Enfin trois... Wrath comprendra sans doute que dalle et ne retiendra donc rien.

- Lace, tu commences ?
- Ouais.


L'idée que Freckles meurt d'envie de profiter du game pour explorer la bouche de Geule-en -Biais traverse la cervelle du Panda. Elle se dit que c'est peut-être tout l'enjeu de leur petit conciliabule dans lequel elle s'est incrustée avec Wrath.

- Action.
- Vas nous chercher toute la réserve de picole, je sens qu'il va me falloir plus d'alcool dans les veines pour participer...

La Vilaine donne une tape sur l'épaule de Wrath et lui désigne son téléphone.

- Tu traduis  ? Au pire je demanderais à Cyber comment il recharge son ordi, tu pourras faire pareil avec le téléphone... Tu piges ?

Elle essaie tant bien que mal de ralentir la cadence de ses mots, d'opter pour un ton pas trop agressif. Et remarque, une fois de plus, que sa haine ordinaire s'est ramollie.

Adieu Tequila, charmante compagne. Wrath perd le fil en moins de cinq secondes, quand ils se décident tous à causer en même temps. Pour le coup, c'est pas si dramatique, du moment qu'il peut se rattraper plus tard. Surtout que Freckles va certainement trouver un truc cool pour les occuper. Est-ce qu'ils consomment de la drogue dans le coin ? Peut-être pas. L'alcool ça leur suffit sans doute.

« Genre action ou vérité ! »

Son guide touristique est resté à l'infirmerie improvisée. Aucune chance de savoir à quoi ça consiste, leur idée. Wrath appuie son dos contre le mur, pour garder un œil sur toute la bande à la fois. Simple mesure de précaution. Sincèrement, ce qui l'intéresse le plus là, c'est de ne pas paumer la bouteille de vue, histoire d'avoir une seconde tournée plus tard. Il admire quand Lacerate se porte volontaire, enfin c'est ce qu'il pense, sans trop savoir pour quoi en fait.

« Tu traduis ? Au pire je demanderais à Cyber comment il recharge son ordi, tu pourras faire pareil avec le téléphone... Tu piges ? »

Ah oui, y'a un traducteur sur son machin. Quoique le garçon doute qu'il fonctionne encore longtemps. Dès qu'ils seront trop loin du monde réel l'appareil risque de faire n'importe quoi. Là, ça passe encore, et il recopie plus ou moins la phrase précédente maladroitement. Si leur alphabet était pas aussi chiant, il en serait pas là. Une fois la traduction en coréen obtenue, il la repasse manuellement en anglais. Histoire d'être sûr qu'il a pas pigé une connerie, parce que là le sens le dérange.

« Nous sommes allés à une pré-chirurgie, je pense qu'il faudra plus d'alcool à une veine ou dans laquelle il peut participer. » Balance l'appareil de sa voix robotique. C'est un peu la merde, ou alors ils doivent opérer quelqu'un et Wrath n'est pas du tout okay avec un tel programme. Ça se lit sans doute un peu sur son visage qui a atteint le niveau un sur dix en terme d'expression faciale. Au moins, il a le temps de traduire le nom du jeu, qui a du sens, avant de taper un autre truc.

« Cette traduction est un gâchis. En outre, je ne vais pas plus la chirurgie. J'ai donné vodka au caissier recoudre lui. J'ai encore quelques bouteilles. » S'ils ne comprennent pas, ça ne sera vraiment pas de sa faute mais celle du téléphone.

- Action.

Si Lace avait pas dit action il aurait rien compris.
C'est pas qu'il y ait tant de déshonneur dans les vérités, mais quand même, hein. Leur truc c'est pas de raconter leur vie. C'est plus les gages à la con et pour les trouver, faut pas compter sur lui. Il a tout épuisé à sa dernière séance poker.
Nasty en revanche.

- Vas nous chercher toute la réserve de picole, je sens qu'il va me falloir plus d'alcool dans les veines pour participer...

Le déçoit.
Chercher de l'alcool, sérieusement ?
Il rit quand même, parce que dans son état de légèreté mentale, tout est prétexte à se marrer.

« Personne t'oblige à participer j'te signale. »

Il n'a plus le venin habituel de ses prises de gueule avec le panda. Pas l'ambiance. Nasty préférerait sans doute se mettre une race autour d'un strip-poker, c'est son style à elle même si elle part avec un net désavantage en portant moins de vêtements. Freckles a mis un pull lui, en pensant qu'il ferait froid comme dans les couloirs du Nautilus.
Pas avec une demi-bouteille de tequila dans le sang visiblement.
Il est con.

« Cette traduction est un gâchis. En outre, je ne vais pas plus la chirurgie. J'ai donné vodka au caissier recoudre lui. J'ai encore quelques bouteilles. »

Et les traductions de Wrath putain. Il en peut plus. Il va en chialer.

« Une chirurgie ? De quoi ? »

Il se demande, à quoi ça sert d'avoir un téléphone du futur si c'est pour qu'il traduise des trucs qui existent pas. Tout ce qu'il pige, c'est que Wrath indique à Lace comment remplir son petit gage nul. Il se lève, un peu trop vite, agrippe le bras de la cheffe. Il a pas très envie de se retrouver entre les deux autres seuls.

« J'viens avec toi, c'pas la peine d'aller jusqu'à l'infirmerie y en a dans euh … ma cabine. »

Au fond maintenant qu'il y pense, ils ont planqué des bouteilles un peu partout.
Le Zep est un grand foutoir explosif.

« On revient, vous roulez pas de pelles », braille-t-il.

- Personne t'oblige à participer j'te signale.
- Mais si, gros naze, j'sais qu'tu meurs d'envie de m'voir valser sous tes gages.

« Cette traduction est un gâchis. En outre, je ne vais pas plus la chirurgie. J'ai donné vodka au caissier recoudre lui. J'ai encore quelques bouteilles. »
Holy Shit.
Les traductions en roue libre de ChingChong sont de pire en pire. D'ailleurs, est-ce qu'il est bon de causer de chirurgie à une meuf qui visiblement n'en a pas bénéficié -ou alors avec une  truelle et du mortier ?

- J'viens avec toi, c'pas la peine d'aller jusqu'à l'infirmerie y en a dans euh … ma cabine.
- S'tu veux, ginger.
- Dans ta cabine, ben voyons. T'es sur qu'tu veux jouer à c'jeu ? T'as visiblement pas besoin de ça pour te lancer dans l'action !

Ricanement gras.

- On revient, vous roulez pas de pelles.
- Gros dégeu, nous utilises pas pour pimenter tes préliminaires avec Lace'.

Reniflement.
Elle a roulé des pelles deux fois dans sa vie : une par défonce, l'autre par rage. Rouler une pelle s’est carrément défricher une tombe, dans son cas. Elle se tourne vers Wrath avec une pokerface de tous les diables.

- Il y a ceux qui roulent des pelles et il y a ceux qui creusent. Toi, tu creuses.

***

Les tourtereaux reviennent rapido avec la moitié du gage déjà dans leur veine. Nasty espère que ces deux crétins ne se sont pas tout sifflé. Elle dévisse une bouteille de vodka en solo, brisant la ronde, et après une pleine lampée - et un soupir d'une classe rare- elle déclare :

- Làààà voilà ! On peut vraiment commencer.
- Action ou vérité, Nasty ?

Le Panda fait des bruits disgracieux avec sa bouche. Le bout de sa langue explore ses incisives de devant, avec un claquement provocateur. Finalement, ses lèvres noires s'étirent sur un rictus de connasse assumée.

- Les deux.

On en a dans le froc ou on en a pas.