"Je m'y sens bien." Et ça, c'était le plus important. "Je ne suis pas en avant, ce qui m'arrange. Ça me permet de bosser dans l'ombre, tranquillement." Un sourire avait étiré les lèvres fines et pales du russe, faisant écho avec celui qui s'était dessiné sur la mine du punk. "C'est grâce aux fonceurs tels que toi, camarade. Tu attires les regards et personne ne me soupçonne de quoi que ce soit.
- Ah, ça fait plaisir que quelqu'un le dise !" C'était lancé à moitié rigolard, mais il y avait du vrai.
Leur équipe, bien que composée au gré du vent et des rencontres, sans calcule, semblait se dessiner colorée d'un certain équilibre.
Il y avait les premières lignes, les bousculeurs, ceux qui foutraient le feu aux poudres et attiraient toute l'attention, donnant l'impression aux repressioneurs de n'être que de bêtes fouteurs de merde.
Dans ce rôle, il y avait lui, il y avait Nasty, il y avait Trouble.
Il n'y avait pas besoin de forcer le trait, ils faisaient ça naturellement.

Et puis, à l'ombre de ces flammes, ça s'organisait. Il y avait les reflexionneurs, ceux qui allaient donner un réel corps au futur bordel à venir, qui allaient permettre à ce que la bombe ne soit pas un foutu pétard mouillé. Que ça tire pour de vrai et pas à blanc. Que ça fasse autant de dégâts que de bruit.
Pretty, Her, Just et Tool.
Apache ramena la cigarette à ses lèvres, tirant une énième latte à la réflexion, soufflant la fumée devant lui comme un soupire de contentement.
Tool, quand  lui, avait jeté un regard circulaire, le ton baissait. Il n'y avait pas grand mode à l'infirmerie, aucune chance d'être entendu à condition d'être prudent.
Apache adorait ces ambiances de confidences interdites, saveur subversive.

"Et toi ? Tu continues à recruter ?" Penché comme l'artisan l'était sur le punk, ses longs cheveux argentés faisaient comme un rideau, rempart contre l’extérieur.
"Pas de nouvelles recrues en vu pour l'instant." Fit l'iroquois.
Oh, il y avait bien Skunk qui lui avait traversé l'esprit, plus d'une fois. Mais il y avait quelque chose qui aux yeux du punk ne collait pas.
Peut être peur qu'il soit trop chipoteur.
Les cerveaux c'était bien, mais il ne fallait pas non plus que ça ralentisse de trop l'action.
Réfléchir, oui, mais pas trop, sous peine de faire du sur place éternellement.
Trop rationnel.
Trop...
...
...Trop Skunk.
Trop de rouages qui tournaient, trop de détours qui pourraient empêcher d'aller directement à l'essentiel.

"Mais ça pourrait se faire !" Il offrit un sourire chaleureux au Patient. "Plus on est de fous, plus on rit !" Et plus grand sera l'incendie. "Et toi ? T'as des plans en ce moment ? Tu bosse sur un truc ?"

Peut être que oui, peut être que non. Il n'y avait aucune obligation.

- Ah, ça fait plaisir que quelqu'un le dise !

Le sourire du Patient s’affine. A cet instant, la constatation le frappe : Apache et lui sont différents, mais sur la même longueur d’onde. Une alchimie bénéfique pour ce qui se prépare.

A sa question précédente, le punk répond :

- Pas de nouvelles recrues en vu pour l'instant. Un silence, un sourire.Mais ça pourrait se faire ! Plus on est de fous, plus on rit !

Tool répond au punk par un sourire tranquille. Ils verront bien. Et, de toute façon-

Mieux vaut qu’il prenne son temps. Un recrutement de travers et c’en sera fini, de votre petite sauterie.

Avec amertume, l'Artisan constate que - comme souvent - Kafka a raison.

- Et toi ? T'as des plans en ce moment ? Tu bosse sur un truc ?

Le sourire du Patient reste, similaire à celui d’un chat qui se laisse porter par un début de sieste. Alors que les idées le traversent, une lueur passe dans son regard et illumine l’hiver logé dans ses prunelles. Un coup d’œil aux alentours avant qu’il réponde :

- Pas qu’un, oui. Il avait toujours détesté le fait de devoir rester inactif, sans rien à créer ou penser. Je continue de travailler sur d’éventuelles bombes. Pour l’instant, ça s’enflamme mais ça n’explose pas aussi bien que je le voudrais. Mais j’ai quelques idées pour changer ça.

Quant à la phase de test, elle se ferait sans doute lors d’une énième bataille contre les Pirates. Tool reprend :

- La carte avance bien, aussi. Lentement mais surement.

Un travail de titan, à mettre à jour tout le temps.

Ce que tu ferais pas pour une paire de beaux yeux noirs...
La ferme.

Tool avait ce regard et ce sourire tranquille. Cette aura de calme qui sonnait sérénité, même si au fond de ces yeux clairs, un éclat tranchant glacé d'intelligence se laissait deviner.
C'était un révolté, après tout.
Mais comme chacun d'entre eux, il était unique.
Celui la, il soufflait par le froid plutôt que par le chaud. Il pesait ses mots et brillait par cette étrange discrétion.
Marquant sans se faire remarquer.
On se souvenait de Tool.
Et sur l’île, c'était pas donné à tout le monde.

"Pas qu’un, oui." La réponse fit s'agrandir un peu plus les yeux et le sourire de l'anarchiste abîmé.
"Je continue de travailler sur d’éventuelles bombes.
- Oooh ouaiis !
- Pour l’instant, ça s’enflamme mais ça n’explose pas aussi bien que je le voudrais. Mais j’ai quelques idées pour changer ça.
- Trop cool ! J'ai bien hâte de voir ça !" Envie de feu. De tout voir partir en fumée. Mettre en place une politique de la terre brûlée. Peut être que tout voir cramer soulagerait sa douleur ?
Celle de son corps et celle dans sa tête.

Il était sur que oui.

Il en avait toujours été persuadé.
Même avant la forêt.

Et voir naître un nouveau monde depuis les cendres de l'ancien.

Le punk ramena la cigarette à ses lèvres, tirant une nouvelle bouffé de gris à réchauffer ses poumons.

Les cendres faisaient un excellent fertilisant disait-on.

"La carte avance bien, aussi. Lentement mais sûrement."
Apache agita doucement la tête à la positive tout en reprenant une seconde dose de tabac dans la foulée.
"Génial. Ça va nous être grave utile. Qu'ils aient pas de planque qu'on connaisse pas ou se terrer quand le Grand Soir arrivera." Les mots étaient sorti en même temps que la fumée de sa cigarette.
Le regard noir.
Embrumé de fatigue et de haine même si le sourire restait.
Une colère tranquille. Habituelle. Perpétuelle.

Ils les sortiraient de leurs trous et leur ferait la peau comme à des lapins.