Il inspire, il expire.

Les voix tourbillonnent, se font plus fortes et agressives avant de régresser, pareilles à des vagues. Les yeux fermés, Tool tente de les laisser aller, contempler sans y toucher le chaos de ses pensées. C'est difficile : ça fait longtemps qu'il n'a plus médité. Mais il essaie, le Patient, il se bat.
Il attend.
Il respire.
Il est là.

Il fait nuit noire, à l'Ossuaire. Il fait nuit noire et Tool se tient non loin du campement, assis, dos droit, les cheveux trop longs qu'ils se répandent au sol. Il n'a pas réussi à dormir - trop d'inquiétude, trop de pensée - donc il est sorti, il tente de calmer. Et pendant quelques secondes miraculeuses, il n'y a plus que sa respiration. Plus que le vent froid qui atteint parfois l'intérieur du l'Ossuaire.
Plus que des bruits de pas, infiniment légers.

Tool rouvre les yeux, alerté. Le silence se brise, les voix reviennent, font des hypothèses. Et le Patient scrute la pénombre, finit par y détecter une forme humanoïde.

- Apache, j'espère que c'est toi.

Sa voix parait peut-être calme, mais à l'intérieur, ça tourbillonne. Et si un Orbleu s'était infiltré au camp ? Il préfère ne pas y penser, mais c'est plus fort que lui.
Oh, il aurait préféré être armé.

Je marche dans le froid, le noir et la solitude, cernée par l'idée de tomber dans une situation des plus délicates au moindre faux pas.

Le vent léger de la nuit réussit tout de même à me gifler le visage malgré son extrême douceur nocturne, c'est dû au froid du Givre.

Après mon altercation avec Reaper, je ne savais trop quoi penser, ça s'est passé il y deux ou trois lunes, je n'avais pas fais attention...j'étais trop absorbée par la surveillance du corps de Peter, et pourtant Reaper a sûrement raison, peut être que Peter a tué Mirka, je l'admirais tellement Mirka, je voulais être celle qui lui succéderais, son apprentie, mais... tout l'équilibre de L'ïle est troublé maintenant et les règles de Peter ne font plus raison ici bas.

Je suis perdue....

Littéralement, physiquement et mentalement...je suis perdue, je n'ai qu'une lampe à huile pour éclairer mon chemin et que mon jugement pour éclairer mon esprit, sauf que les deux sont apparemment en panne...

Je suis partie depuis quelques temps déjà du Campement, parce que faute de chasseurs perdus, je me suis proposée -connaissant mes capacités à combattre, et ayant reçu un cours pratique express par un natif- pour chasser afin de nous nourrir avec d'autres braves natifs de l'Île, nous avions pris la décision de nous séparer afin de couvrir plus de terrain, cependant pour l'instant je restais bredouille...

Je suis donc perdue, légèrement dépitée, mais je sais que je dois continuer pour le bien du Campement et des plus fragiles.

Je range ma lampe, étant inutile, et dégaine mes deux rapières, reflétant la lueur de la Lune sur le lames et atterrissant sur le sol.

Cette lueur, j'en avais déjà fait l'expérience, effrayait plus facilement les prédateurs que la lueur des flammes.

Je remarque alors une lueur assez lointaine, justement, la même lueur que celle du soleil, seulement plus vivante, agressive, c'était un feu, signifiant un campement, mais était ce ami ou ennemi?

Je me positionne en posture d'attaque, prête à trancher, je me souvins alors du petit Wobbly, ces séances où je lui apprenais à correctement se positionner, je devais survivre et revenir au Camp pour lui avec plein de gibier, il serait fier de moi.

Je secoue la tête, déterminée, fébrile, fatiguée, et j'entendis alors une voix d'un autre temps, lointaine, d'avant Le Givre:

- Apache, j'espère que c'est toi.

-Tool?

Je plissais les yeux pour mieux y voir dans le noir, et c'était bien lui, qu'est ce qu'il fait ici? Je lui demande, après m'être signalée:

-Tool! C'est moi, Crow! Qu'est ce que tu fais ici?

Une voix lui répond, suivi d'un très faible éclat. Ce n'est pas celle d'Apache, mais cela ne l'empêche pas de la reconnaître.

-Tool?

Il plisse les yeux, tente d'y voir dans l'obscurité, et finit par déceler les contours d'un visage familier.

-Tool! C'est moi, Crow! Qu'est ce que tu fais ici?

Comment ça, qu'est-ce qu'il fait ici ? La question le rend perplexe, assez pour qu'il reste silencieux quelques secondes. Avant de répondre, sans trop savoir si c'est ce à quoi Crow s'attendait :

- ... je vis là ?

Il ne pensait pas avoir à justifier sa présence à l'Ossuaire, quand même.

Mais t'es con comme un balai ou quoi ? Elle voit rien, c'est normal qu'elle sache pas où vous êtes.
Ah, merde !
Me remercie pas, surtout.

Soudain plus fébrile, le Patient se redresse.

- Heu, je ne sais pas ce que tu es venue faire par là mais on est à l'Ossuaire, si jamais.

Gênant, comme échange, tout de même.
Tool ne va pas se laisser démonter, tout de fois : il a connu bien pire.

- Heu, je ne sais pas ce que tu es venue faire par là mais on est à l'Ossuaire, si jamais.

Je m'approche, perplexe et aussi vigilante, prête a empaler n'importe quelle créature ou ennemi caché aux alentours...

J'étais à quelques pas de Tool, c'est un Garçon que j'apprécie plutôt, déjà parce qu'on a la même particularité à préférer le silence et la solitude, mais surtout parce qu'il a un vrai talent avec les petits, cependant on ne se connaît pas tant que cela, de loin je dirais...

Je répond alors à son interrogation:

-Et bien, je suis ici afin de ramener du gibier au Campement, mais....

Je regarde mes pieds, honteuse de n'avoir toujours rien eu...puis repris en soutenant son regard:

-Enfin, je dois remplacer les Chasseurs qui manquent avec d'autres braves.

Je range mes lames et frottais mes mains, non contente de finalement me retrouver près d'une forme de vie, non hostile par ailleurs:

-Mais vous vivez ici, avec qui? Je pensais que tout ceux qui avaient refusé de suivre Peter étaient au Grand Arbre, j'ai vu Reaper pour lui donner des vivres récemment, elle ne m'a pas parlé d'un autre groupe de...

Je m’arrête sur ces mots afin de ne pas vexer Tool, je ne peux pas les insulter de traîtres, je ne sais même plus où se trouve la notions de bien et de mal, ce serais hypocrite de ma part...

C’est drôle : avec l’Hiver, certains se retrouvent à changer de rôle, occupant les places en fonction de qui manque. Tool avait eu de la chance de ce point de vue-là : à l’Ossuaire, il restait utile en tant qu’Artisan.

Tu sais rien foutre d’autre, de toute façon.

-Mais vous vivez ici, avec qui? Je pensais que tout ceux qui avaient refusé de suivre Peter étaient au Grand Arbre, j'ai vu Reaper pour lui donner des vivres récemment, elle ne m'a pas parlé d'un autre groupe de...

Crow ne termine pas sa phrase. Dans la pénombre relative du Campement, Tool l’observe et finit par abandonner l’espoir d’entendre une suite. D’une voix nonchalante, il répond :

- On est quelques uns. Yarn, Nasty, Apache...

Oh, c’est bon, tu vas pas lister toute la population de l’Ossuaire non plus hein.

Le Patient grimace mais ne commente pas : Morgue a en partie raison.
Dans l’espoir de couvrir le chaos sous son crâne, il reprend :

- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de chasser seule et dans le noir.

Sourire un peu tordu, un peu maladroit :

- Mais c’est chouette que tu chasses pour les autres.

Un temps, peut-être un peu trop long. Perdus dans ses réflexions chaotiques, Tool lance :

- Il doit y avoir beaucoup de bruit, au Campement.

C’est tout ce que t’as trouvé comme sujet de discussion ? Bravo. On va aller loin avec ça, champion.

Je regarde Tool, puis détourne le regard, flattée par son compliment...

-Il est vrai que si personne ne le fait, tout le monde risque de mourir de faim...

Cette phrase me donne l'étrange impression qu'il faut la finir vite, je m'empresse de rajouter:

-...et ce serait dommage bien évidemment!

Un silence aussi maladroit que mes pauvres choix de mot se fit sentir...j'aurais pu dire, horrible, terrible, affreux, catastrophique...mais mon cerveau fatigué à préféré sortir un euphémistique "dommage"

Tool, dans sa grande mansuétude brisa ma gêne et le silence en parlant du boucan du Camp.

Je lui répondit, non sans nostalgie:

-C'est vrai, enfin la majeure partie du bruit viens de la bouche des petits, ils me manquent, je ne compte plus le temps depuis lequel je suis partie...enfin...tu vois ce que je veux dire...

Je ris nerveusement, manipulant du bout de mes doigts l'Amulette que Capricorne, m'a offert il y a de cela des Lunes.

Je ne veux pas laisser un silence encore rompre la conversation, de plus discuter me permet de ne pas penser au froid et me rassure face à la nuit.

-Et tu es de garde je suppose? Tout se passe bien? Vous n'avez besoin de rien? Je pourrais prendre des vivres au Camp pour vous aider, je l'ai déjà fait pour ceux du Grand Arbre...

-Il est vrai que si personne ne le fait, tout le monde risque de mourir de faim... et ce serait dommage bien évidemment!

”Dommage” ? DOMMAGE ? Hé ben ! Elle a l’air aussi socialement inapte que toi. Ça va être chouette...
Oh, t’as fini de te foutre d’elle ? On la connaît même pas et tu la juges déjà !
Morgue a pas tort, ceci dit...

Crow reprend, cassant ainsi le rythme de ses voix :

-C'est vrai, enfin la majeure partie du bruit viens de la bouche des petits, ils me manquent, je ne compte plus le temps depuis lequel je suis partie...enfin...tu vois ce que je veux dire...

Tool n’est pas sûr de voir. Parle-t-elle de leur départ de l’Arbre, ou de sa séance de chasse ? Un brin embarrassé - Tu dois être trop con pour comprendre, c’est tout. - il passe sa main dans ses cheveux. En face de lui, Crow n’a pas l’air plus à l’aise.

-Et tu es de garde je suppose? Tout se passe bien? Vous n'avez besoin de rien? Je pourrais prendre des vivres au Camp pour vous aider, je l'ai déjà fait pour ceux du Grand Arbre...

- Hmm.

Il ne répond pas tout de suite - la faute aux parasites qui le distraient, associés à une forme de fatigue. Puis, d’un ton qui se veut aimable mais sans parvenir à l’être entièrement, réplique :

- Je n’étais pas de garde, mais c’est difficile de dormir... des fois.Tout le temps.

Son regard remonte vers Crow, avant qu’il ne lui fasse - maladroitement - signe de venir s’asseoir près du feu. Peut-être que la conversation sera plus naturelle, comme ça. Qu’ils seront tous deux plus à l’aise.

- Tu sais, tu n’es pas forcée de penser toujours au bien-être de tout le monde, hein.

T’es pas le mieux placé pour donner des conseils de vie, mon gars.
Chut.

Avec lassitude, il passe l’une de ses mains sur son visage. Et développe :

- Il y a des Chasseurs, au campement. Des Peaux-Rouges. Des Éclaireurs. Tu n’es pas forcée de prendre sur tes épaules la responsabilité de chasser dans la nuit, et pendant longtemps. Ni de ravitailler le Grand Arbre. Sourire maladroit, alors qu’il reprend : Ne t’oublie pas non plus.

C’est si ironique qu’il lui dise ça, alors que lui-même porte un nom d’outil. Mais tant pis, c’est dit.

J'accepte son invitation et me frotte les bras afin de me réchauffer.

Il continue de me parler, il se fait plus expressif au fil du feu qu'il ravive, et m'avertis de faire attention à moi avant les autres, je le regarde longuement et ne sais quoi répondre...

Il tourne la tête vers moi, et je fixe le feu, il est malpoli et inconvenant de fixer les gens...

-Désolée je ne devrais pas te fixer, je suis désolée....Mais pour ce qui est de s'oublier...je ne peux pas...je ne peux pas me le permettre...

Je regardais pensivement le ciel étoilé, contenant mes larmes avant de finir:

-Je ne peux pas me le permettre, parce que tant de gens comptent sur moi, je suis une des dernières personne encore en forme...Et Peter....

Je laisse s'échapper un sanglot:

-Pardon je sais que c'est bête...

Je tais mes mots par peur de grandir....j'ai peur de grandir...mais si je le dit est ce que je vais grandir?

Crow vient s’asseoir et Tool est partagé : d’un côté, il est rassuré qu’elle cesse de chasser dans le noir. De l’autre... elle le fixe et ne dit rien. C’est un peu gênant.

Un peu beaucoup, oui.

- Désolée je ne devrais pas te fixer, je suis désolée.... Mais pour ce qui est de s'oublier... je ne peux pas... je ne peux pas me le permettre...

À son ton, elle est sur le point de pleurer. Tool se gratte la tête, embarrassé : il ne sait pas comment réconforter les gens, encore moins quand il ne les connaît. Mais qui sait, peut-être que la Lady va se ressaisir.
Ou peut-être pas.

- Je ne peux pas me le permettre, parce que tant de gens comptent sur moi, je suis une des dernières personne encore en forme... Et Peter....

La voilà qui pleure pour de bon.

- Pardon je sais que c'est bête...

C’est plus fort que lui ; malgré sa gêne et la panique sociale qui menacent de s’emparer de lui, Tool a de la peine. S’il était de ces gens qui prennent les autres dans leurs bras, il le ferait. À la place, il parle très doucement, tente de rester calme pour deux.

- Moi, je trouve pas ça bête.

Il cherche ses mots, le Patient. Il essaie de faire bien.

- L’hiver est difficile pour tout le monde. C’est dur d’avoir dû quitter l’Arbre, c’est dur d’avoir été séparés. D’être malade, d’avoir froid tout le temps... et de se rendre compte que Peter-

Il ne termine pas sa phrase.

Dans les tréfonds de son crâne, la voix de Morgue résonne.

T’as bien fait de te la fermer, mais t’en as peut-être trop dit. On la connaît pas, on sait pas quel lien elle a à Peter.
En attendant, on fait confiance à personne avec ça.

Tool hoche la tête, répondant à ce qui parle en dedans. Il ne calcule même pas, l’Artisan, c’est ça le pire : c’est juste qu’il sait ce que c’est, que de voir Peter dans toute sa faiblesse.
Un enfant, rien de plus.
Avec trop de pouvoir(s).

Son regard dérive alors qu’il s’est légèrement rapproché - mais à une certaine distance, toujours. Et ses yeux sont compassion et analyse, et ses pensées tournent beaucoup trop vite.
Avec le froid, c’est si facile de perdre la foi.
Mais peut-être ce n’est pas une si mauvaise chose.

En l'écoutant j'essuie mes larmes, je me trouvait ridicule et faible.

Je devais être forte, pour les autres pour tout le monde, je ne devais pas flancher, je ne devais pas tomber car ils doivent avoir quelqu'un sur qui s'appuyer, sur qui compter.

Je regardais intensément le feu dans l'espoir qui vienne jusqu'à moi pour m'enlacer et que les flammes sèchent les larmes jusque dans mes yeux.

Tout en continuant à regarder le feu, je reprenais peu après que Tool ait fini sa phrase, mais il ne la fini jamais:

-Tu crois que...ce qu'a fais Peter; à Mirka je veux dire...il l'a fait...

Je fis une courte pause, repensant à ce qu'avait dit Reaper:

-Il l'a fais exprès? Il est devenu fou? Ou aurait été manipulé?

Je repensais automatiquement à Pit sur ces derniers mots, ce garçon ne m'inspirera décidément jamais rien de bon.

-Ce n'est pas que je ne crois plus en Peter, j'ai espoir pour le meilleur et il est un garçon qui nous a tous sauvés donc, pourquoi il aurait décidé de tuer quelqu'un qui n'aurait rien fait de mal?

Je frictionnais mes mains entre elles, suivant des yeux la fumée s'échapper du feu pour rejoindre le ciel étoilé.

-Pardon je parle trop....

Si Crow essuie ses larmes, elle ne semble pas réconfortée pour autant.

C’est pas étonnant, au vu de tes compétences sociales.

- Tu crois que...ce qu'a fais Peter; à Mirka je veux dire...il l'a fait...il l'a fais exprès? Il est devenu fou? Ou aurait été manipulé?

Question difficile.

- Ce n'est pas que je ne crois plus en Peter, j'ai espoir pour le meilleur et il est un garçon qui nous a tous sauvés donc, pourquoi il aurait décidé de tuer quelqu'un qui n'aurait rien fait de mal? Pardon je parle trop....

Tool secoue la tête.

- T’inquiète. Le bruit ne me dérange pas.

Un coup d’œil vers le ciel, mu par la réflexion.

- Je ne sais pas. J’ignore ce qui a dans sa tête, mais je ne crois pas qu’il ait été manipulé. Personne ne voulait se débarrasser de Mirka, non ?

A nouveau, le Patient parle sans savoir grand chose. Il ne connaissait pas vraiment Mirka, ni l’entourage de Peter.
Un soupir, léger mais teinté d’amertume.

- Je suis comme toi, j’ai envie de croire. Une pause. C’est difficile de penser, avec tout ce froid et les parasites qui dialoguent. Un nouveau soupir, alors qu’il se rapproche du feu.

- Peter m’a sauvé. Sans... il s’interrompt.

Tu vas pas lui raconter ta vie, non plus.

- ... je pense qu’il est malade. Et que c’est cette maladie qui l’a fait agir comme ça.

Il soupire, en a oublier d’analyser les réactions de Crow. Pendant l’hiver, il a fait de son mieux pour ne pas penser au Roi.
C’est si dur, de continuer d’aimer quelqu’un qui peut vous tuer.

Je suis rassurée quand il me dit que le bruit ne le dérange pas, je peux lui parler à Tool, il ne me jugera pas.

- Je ne sais pas. J’ignore ce qui a dans sa tête, mais je ne crois pas qu’il ait été manipulé. Personne ne voulait se débarrasser de Mirka, non ?

Je repensais immédiatement à Pit...est ce que Mirka lui posait problème? Est ce qu'il aurait trouvé que La Mère en Chef soit trop proche de Peter à son goût? Possible...

Je murmurais doucement fixant les flammes, pensive:

-Pit...

Tool repris:

- Je suis comme toi, j’ai envie de croire.

Je lui souris, j'étais heureuse de savoir que quelqu'un pense comme moi, je le laissais continuer:

- Peter m’a sauvé. Sans...

Il ne finit pas sa phrase, il est peut être mal à l'aise? Peut-être qu'il ne me fait pas confiance ou peut-être que l'émotion lui entrave la gorge...

- ... je pense qu’il est malade. Et que c’est cette maladie qui l’a fait agir comme ça.

La maladie...Peut-être...c'était possible mais je ne savais pourquoi je me refusais à y croire, il y avait, il fallait un coupable.

Je repris ensuite:

-Tu peux m'en parler si tu veux; de comment il t'as sauvé je veux dire...je peux comprendre ne t'inquiètes pas.

Je n'avais jamais été..."maternelle" avec un autre Garçon perdu de mon âge, avec les plus petits tout le temps, mais Tool était plus grand.

C’est risqué, de parler de Peter. C’est sans doute pour cette raison que Crow préfère ne pas réagir aux réflexions du Patient et rebondir sur quelque chose d’autrement plus personnel.

-Tu peux m'en parler si tu veux; de comment il t'as sauvé je veux dire...je peux comprendre ne t'inquiètes pas.

Tool rit, d’un rire sans méchanceté mais emplie de gêne. Comment lui dire qu’il n’a pas envie d’aborder ce sujet-là, que ses souvenirs se font de plus en plus flous de toute façon. Seules quelques images subsistent de cette nuit-là, quelques sensations éparses.
Des mots tremblants qui parsèment lettre d’adieu.
Le bruit d’un choc contre une moustiquaire.
Le sang qui coule entre ses deux mains, il ne pensait pas qu’il y en aurait autant. Quand il avait atterri sur l'Île, il en avait encore sous les ongl-

ARRÊTE !

Le cri transperce son crâne et stoppe le flot de ses pensées, le libérant de l’emprise de ses propres souvenirs. Un peu perdu, il se redresse et adresse à Crow un regard éberlué, qui se calme peu à peu.

- Heu...

Il se passe la main dans les cheveux, détournant le regard.

- ... j’ai pas trop envie d’en parler. C’est pas une belle histoire, de toute façon.

Il n’a pas envie qu’elle creuse. Même s’ils se connaissaient bien, ce serait pareil.

Vite, détourne la conversation.

- Tu es là depuis longtemps, non ?

C'est nase, comme sujet, mais bon, ça a le mérite de faire illusion. Après tout, Crow était là à l'arrivée de Tool, il en est presque certain.

Un son d’hébétement, puis un passage de main dans ses cheveux, et une gêne si palpable qu'on pourrait la couper au couteau à beurre, une excuse et on passe du coq à l'âne.

-P-pardon...je voulais pas te déranger, enfin...te gêner ou autre...je suis terriblement désolée...

Je passe mes cheveux derrière mes oreilles et soupir; gênée, embarrassée, je bascule un petit peu, doucement de gauche à droite, les joues rougies par le froid et la honte, et la culpabilité.

Il me parle de mon arrivée, je lui réponds:

-Ben....euhm...oui, il me semble, je suis arrivée avec les premiers, nous étions déjà très nombreux mais Peter m'vais dit que j'étais parmi les plus anciens, et puis...

Je réfléchit, longuement, pas sûre de tout ce qu'il s'est passé à mon arrivée:

-Pour tout te dire...je ne me souviens de rien d'avant...avant L'Île je veux dire...on m'a dit que j'ai oublié tout comme euhm....comment ils disent déjà?... un reboot c'est ça. C'est à dire que contrairement à beaucoup du Grand Arbre; je ne me souviens de rien du tout et je n'ai connu que L'Île, je sais que j'ai eu autre chose avant...mais...je n'ai gardé aucun souvenir ou réminiscence, tandis que certains se souviennent de petits détails, comme euh.....comment Wobbly appelle ça déjà? ....Le....le Nicéna? Le Ciména?

Je soupirait abandonnant, j'ai parlé beaucoup de moi à l'instant, perdue, mais peut être qu'en lâchant mon "sac", j'aurais des réponses et de l'aide, et je saurait quelle est la vérité?

Avec un semblant d’effroi, Tool voit Crow s’excuser comme si elle venait de commettre un meurtre sous ses yeux.

- P-pardon...je voulais pas te déranger, enfin...te gêner ou autre...je suis terriblement désolée...

Hé ben. Si la discussion continue comme ça, ça va être gratiné.
En même temps, t’avais qu’à être un peu plus diplomate. T’es vraiment cruel, gamin.
... tu crois ?
Mais non ! Ne les écoute pas, Tool. Écoute-moi et écoute-la. Tu fais de ton mieux, elle s’en remettra.

Comme à son habitude, la voix de Liv amène avec elle une douceur bienvenue. Suivant ses conseils, le Patient parvient à concentrer à nouveau son attention sur la Lady.

-... je suis arrivée avec  les premiers, nous étions déjà très nombreux mais Peter m'vais dit que j'étais parmi les plus anciens, et puis...

Un silence. Curieux, Tool s’interroge : à quoi pouvait donc bien ressembler l’Île, lors de l’arrivée des premiers Enfants Perdus ? À quoi ressemblait Peter ? Il devait être pareil qu’avant le Givre, la Pluie et la Canicule, sans doute. Ou peut-être pas, il l’ignore en réalité mais l’idée l’intrigue.
Semblant sortir d’une longue réflexion, Crow reprend :

- Pour tout te dire...je ne me souviens de rien d'avant...avant L'Île je veux dire...on m'a dit que j'ai oublié tout comme euhm....comment ils disent déjà?... un reboot c'est ça. C'est à dire que contrairement à beaucoup du Grand Arbre; je ne me souviens de rien du tout et je n'ai connu que L'Île, je sais que j'ai eu autre chose avant...mais...je n'ai gardé aucun souvenir ou réminiscence, tandis que certains se souviennent de petits détails, comme euh.....comment Wobbly appelle ça déjà? ....Le....le Nicéna? Le Ciména?

- Le cinéma.

Il a complété automatiquement, s’autorisant un sourire au passage. Parfois, l’Artisan oublie qu’ils viennent tous d’époques et d’endroits différents.
Doucement, il répond :

- Je ne sais plus le nom de ma ville, mais je crois qu’il y avait un cinéma, là-bas aussi. J’ai dû y aller, une ou deux fois. Je n’en suis pas sûr.

Cela n’avait pas toujours été facile, de voir ses souvenirs du Monde Ordinaire s’effacer. Mais l’Oubli avait apporté avec lui une forme d’apaisement. Le regard de Tool se perd dans l’obscurité qui les entoure.

- Je pense que tu n’es pas la seule ici, à ne plus te souvenir. Un temps. Certains ont accueilli l’Oubli très vite, et je les comprends. Ça ne sert à rien de se rappeler d’un monde auquel on n’appartient plus.

Il a parlé doucement, d’une voix songeuse. Et, quelque part, se trouve bien hypocrite de feindre une telle sagesse alors que tous les soirs, il se répète les noms de ses adelphes. Mais c’est, en réalité, la seule chose à laquelle il tient réellement. Le voilà fataliste durant l’Hiver...

Mu par une inspiration soudaine, l’Artisan plonge l’une de ses mains abîmées dans la poche de son manteau, avant d’en ressortir un peu de tabac et des feuilles à rouler. Un regard vers Crow alors qu’il lui pose la question :

- Tu fumes ?

Il se doute bien de la réponse, mais tient à une forme de politesse.