"Quel bâtard..."
Amen...

Aussi agréable que cela fut d'entendre Bow se faire insulter par son petit copain, Sinner n'en était qu'à moitié satisfait. C'était difficile d'exulter alors que le fameux bâtard gagnait la partie... La Fripouille espérait que ce connard aurait les oreilles qui sifflent. Il aurait mérité bien pire, mais bien pire n'était malheureusement pas envisageable. On prenait les lots de consolation qu'on pouvait.

"Tout ce cirque pour ces putains de missions à la con..."

Et sans doute aussi parce que Bow en avait marre de voir Sinner chier sur son autorité. S'il n'avait pas espéré obtenir quelque chose de la Fripouille, le chef crochu serait peut-être passé à l'exécution des sanctions sans passer par la case menaces. Ce risque, Sinner l'avait minimisé. Ignoré. Peut-être parce qu'il trouvait insupportable l'idée d'être obligé d'obéir, et que jusqu'à présent, ne pas le faire du tout avait marché.

Cette stratégie était vouée à l'échec avec Bow dans les parages... Mais Sinner se démarquait dans la spécialité de l'imitation de l'autruche fourrant sa tête dans le sable. La fuite en avant lui avait réussi... jusqu'à maintenant.

Les aveux qu'il venait de faire étaient difficiles. Les larmes revenaient à l'assaut, mais Apache parvenait toujours aussi bien à le calmer. Profitant de la chaleur de l'Hérissé, Sinner frissonnait dans ses bras et tentait de retrouver le contrôle de ses émotions. C'était une lutte de tous les instants.

"Ca va... C'est bon. Il peut bien attendre." Sinner hocha la tête nerveusement en signe d'assentiment. Oh ça... Bow allait attendre. Ca valait mieux pour tout le monde. S'il s'était rendu sur place maintenant, le diplomate aurait eu du mal à retenir son envie de fumer son chef, indépendamment des conséquences que ça aurait.

"... Il attendra. Ce salopard."

"... Désolé.
- De quoi ???

... Bonne question. De quoi Sinner s'excusait-il ? Et à qui s'excusait-il ? Apache, ou lui-même ? Ou les deux. Il avait l'impression d'avoir trahi ses principes en déclarant forfait trop vite, parce qu'il avait eu trop peur. C'était pas son genre de courber l'échine aussi aisément. Sinner avait honte de n'avoir trouvé aucune autre façon de réagir. Pourtant, qu'aurait-il pu faire d'autre ? Il risquait trop gros pour continuer à jouer au con.

"Hey... Allez viens la."

Sans presque aucune transition, le punk l'écrasa dans l'agréable étau de ses bras. Sinner n'eut le temps que de soupirer d'aise avant que son souffle et ses lèvres ne soient happés par celles du chasseur. La Fripouille, quoique moins dynamique qu'en temps normal, répondit au baiser avec un enthousiasme toujours renouvelé. Apache savait s'y prendre pour le consoler... Il avait à sa disposition un arsenal de moyens dont certains - comme celui ci  - étaient particulièrement efficaces. Même si ce n'était pas les fourneaux infernaux auxquels Sinner avait probablement habitué Apache, une chaleur apaisante se diffusa dans le corps de l'adolescent. Puis l'Hérissé vint approfondir l'échange et le diplomate oublia brièvement ses problèmes, tout occupé qu'il était à rendre avec ferveur ce qu'on lui donnait, les yeux fermés, ses mains glissant lentement dans le cou du chasseur et rejoignant progressivement sa nuque.

Lorsqu'ils s'éloignèrent à nouveau, des traces de maquillage étaient passées d'un visage à l'autre. La vision d'Apache accidentellement barbouillé arracha au diplomate un sourire faible mais réel. Ce baiser lui avait redonné du poil de la bête, même s'il était toujours dans un état lamentable. Rieur comme une éclaircie au travers d'une averse épaisse, il passa la paume sur la joue de son copain pour en retirer les traces sombres.

"Désolé je t'en ai foutu partout..."

"T'y es pour rien, d'accord ?"
Apache ne parlait certainement pas du maquillage...

"Il veut te tordre. C'est normal."
Une grimace de colère teintée de mépris tout tourné en direction de Bow déforma le visage du diplomate, qui répondit entre ses dents :
"Ca devrait pas l'être..."

"C'est son taff. C'est son rôle. Il va tout faire pour te faire plier. Pour que tu rentre dans le rang."
Pas de réponse verbale. Sinner bouillonnait d'indignation. Bow n'était pas le premier à tenter de le faire plier. Il était juste le premier à avoir réussi. Sinner exécrait ça. Que ce mec ait réussi là où les adultes de l'Ordinaire avaient échoué, alors que l'Île était censée être un moindre mal, justement parce que les adultes n'étaient pas là. Ou alors, ils étaient loin, et les gamins de l'Arbre n'avaient aucun compte à leur rendre, au contraire.

"Ils font tous ça, les chefs.
- Ouais bah ils auraient mieux fait d'oublier de se lever." répondit-il pas très intelligemment, mais parce qu'il en pouvait plus de ces conneries.

Selon Sinner qui détestait qu'on lui donne des  ordres, les chefs auraient déjà eu mieux fait de pas cheffer, alors évidemment il supportait mal qu'ils fassent preuve d'autant de zèle. N'auraient-ils pas tout aussi bien pu... Il savait pas. Fermer les yeux ? C'était quoi le délire de respecter sa fonction à ce point ? Formatés comme une disquette, ils croyaient vraiment en ce qu'ils faisaient, ou certains avaient-ils encore la décence d'attendre d'être obligés ? Bon. Pour ce qui était de Bow, la question ne se posait pas. Le gars devait probablement prendre son pied lorsqu'il faisait preuve de sadisme avec ses subordonnés.

Le visage toujours entre les mains d'Apache, Sinner fixait son copain avec un regard restant mouillé.

"On est pas libre, ici... ... Tu le sais. Hein ?
- Ouais je sais mais jusqu'à maintenant... ça fonctionnait..."

Sa voix se brisa comme une vague contre un rocher de fatalisme. Il savait que ça lui pendait au nez, mais il avait préféré faire comme si Bow n'allait jamais réagir à son insubordination. En réalité, c'était presque surprenant que ça ait mis aussi "longtemps", si une telle chose pouvait être conceptualisée dans le Jamais. Ce temps long, c'était l'impression de Sinner. Peut-être que Bow, lui, avait eu celle d'avoir réagi très vite.

"Personne n'y échappe. On peut que s'adapter."
Affligé, il baissa les yeux. Comment allait-il faire pour rester sain d'esprit alors qu'on lui volait ce qui avait le plus de valeur pour lui en le forçant à se montrer coopératif ?

"Te met pas en danger."
Il redressa son regard presque aussi vite, adouci par l'inquiétude qu'il avait entendue dans la voix d'Apache. Il ne voulait pas que l'Hérissé se fasse trop de mouron.

"... Quoiqu'il arrive ça serait bien pire de devoir partir ailleurs. Je sais... Les risques sont trop importants. Mais... Putain." souffla t-il finalement, vaincu, dépité. "Je vais péter un câble si je dois faire tout ce que me demande ce connard."

"Tu peux faire des compromis... Sans pour autant le laisser t'atteindre."

... C'était prématuré d'y penser car Sinner ne voyait pas de quelle marge de manœuvre il allait bien pouvoir disposer et pourtant, il fut saisi par cette déclaration. Les mots s'ancrèrent, s'imprimèrent avec force dans son esprit. Il fixait Apache en oubliant de ciller. Il ne frissonnait même plus sous ses mains.

"... Ouais. Il faut."

"Ils peuvent pas changer qui tu es. Ils peuvent rien contre ça. D'accord ?"

Une seconde phrase qui le marqua profondément, qui resterait durablement en lui, parce que ça résonnait. Ca lui parlait. Ca sonnait juste, et comme un début de solution.

"... T'as raison. Ils peuvent pas."

Il avait cessé de pleurer pour de bon, sa tristesse reléguée au second plan face aux remarques galvanisantes du punk. C'était pas brillant et tout allait devenir différent... Mais il pouvait s'en sortir. Il allait s'en sortir, n'est-ce pas ? C'était un équilibre à trouver. Et il perdait pas tout... La preuve.

Sinner posa à son tour les mains autour de la tête de son copain. Il retourna chercher les lèvres d'Apache pour un second baiser plein de douceur suave et reconnaissante. Sans lui... Il serait resté paumé un bon moment. Il l'était toujours beaucoup, mais subitement, il avait l'impression d'avoir un plan d'action. Ou un début de plan d'action. C'était bien mieux que de désespérer.

Ils pouvaient pas.
Non.
Ils pouvaient rien.
On pouvait tordre un corps, mais on tordait pas une âme.
On pouvait forcer à dire, mais on pouvait pas forcer à penser.


La révolte d'un cœur, ça ne s'érodait pas si facilement.
Cherchez à éteindre un feu de cette nature la, et vous ne ferez que l'attiser, le faire grandir, briller et brûler plus fort !


Et les deux garçons s'embrassaient, se câlinaient, se réchauffaient comme ils pouvaient. Se soutenant l'un l'autre.
C'était important la solidarité.
Se rappeler qu'on était pas seul contre tous.

Pas seul à s'indigner.
A rêver d'autre chose.
Peut être.
Un jour.
Ou une nuit.




Sur l’île de Jamais le Temps n'existait pas.
Alors on ne savait pas si demain était en fait aujourd'hui ou bien hier.
Tout juste de quoi savoir si on en était au petit déjeuner ou au repas du soir ! Le soleil servait de boussole, et ça tombait bien par ce que ce jour la il brillait haut et fort, arrosant le Grand Arbre de ses rayons chaleureux.

Dans les branchages, sous l'épais feuillage protecteur, les garçons perdus s'amusaient, profitant de leurs maigres espaces de liberté entre toute les corvées et autres missions assignées.
Deux en particulier avaient décidé de se faire remarquer, marchant bras dessus bras dessous, sourires aux lèvres, mirettes brillants, paradant presque.

Ils passaient et les regards leurs glissaient dessus sans les marquer, tantôt amusés, souvent surpris, parfois indifférents et d'autres agacés, agrémentés de soupires exaspérés.

Ah il était fier le punk. Ravi l'Apache, indien des villes, tout bien coiffé, ses trois crêtes fraîchement hérissées, du rouge et du noir sur les yeux et les ongles, accroché au bras de son petit copain !

C'était mal vu d'avoir un petit copain.

Pas interdit ! Mais pas conseillé !

Mais pas interdit quand même !
Alors le chasseur souriait, collé à son dulciné du moment comme si le lâcher signifierait tomber ! Il était pourtant pas bourré. Peut être à peine alcoolisé. Même pas de quoi tanguer.

Tout bien habillé, aussi !
Tenu qui faisait rouler des yeux à l'occasion, rougir un peu à d'autres.
Une jupe que certain qualifierait de trop courte, noire et plissée, un peu style écolière, avec des bas noirs qui lui remontaient à mi cuisse.
Il faisait beau. C'était de saison !
Mais il avait quand même gardé son perfecto de punk par dessus un bête T-shirt noir qui lui arrivait juste au dessus du nombril.
Collier en cuir hérissé de piques de ferraille et le tour était joué !

C'était mal vu d'avoir un petit copain, mais qu'en était-il d'une petite copine ?

Mal vu aussi.

Mais toujours pas interdit.

De qui avait-ce été l'idée exactement ? Oh, peu importe. Ca aurait pu venir de l'un comme de l'autre. Tout ce qu'il y avait à retenir, c'est que Sinner était en train de s'amuser comme ça lui arrivait rarement - et pourtant, il passait beaucoup de temps à s'amuser plus ou moins aux dépends des autres. C'était l'un de ses loisirs favoris.

Il était déjà en liesse lorsqu'Apache et lui étaient partis à la pêche aux fringues, piochant sans vergogne dans les affaires d'autrui. Ensuite, il avait fallu se vêtir et s'apprêter. Grave un bon moment, de quoi lui faire oublier ses frustrations de la journée.

Et maintenant ? Le clou du spectacle. Sinner gloussait régulièrement, porté par l'onde d'excitation qui le secouait tout entier. Il s'accrochait au bras de son petit copain aussi fort que l'inverse était vrai, ivre seulement d'euphorie, et il avançait sans quitter son immense sourire inhabituellement coloré. Il observait les perdus qu'ils croisaient, chiant allègrement (en pensée) sur ceux qui les jugeaient. Son regard accrochait les plus hostiles retours et en guise  de réponse, il ne faisait que leur sourire, goguenard. Il les défiait des yeux. Viens me chercher si je t'emmerde. Un fuck lancé dans la direction de ces connards aurait eu le même résultat, mais Sinner avait mieux à faire que de se fatiguer à leur répondre. Peut-être plus tard, histoire de mieux exposer son vernis posé avec soin.

Ca l'éclatait, dans le fond, de produire ces réactions. Ca l'éclatait d'autant plus qu'il se sentait drôlement bien à se promener dans cette tenue. C'était pas la première fois qu'il faisait ce genre de trucs comme il lui arrivait régulièrement de piquer les fringues de sa frangine, mais celles qu'il s'était procurées là étaient, à son goût, bien plus sympa. Affranchi de la contrainte d'imiter Glitter, il avait pu se montrer créatif et oser plus de choses - quoi de mieux ?

Lui aussi avait du rouge aux yeux, du noir aux lèvres. Il avait allongé ses cils avec l'équivalent d'un mascara. Et puis quelques mèches carmines dans son blond, dont le maquillage de ses paupières formait un rappel. Il avait troqué ses ras de cou contre une chaîne plus lâche constituée de pics métalliques noirs. A même la peau, un maillot de résille rouge et par-dessus, un bustier qu'il avait été trop content de trouver, orné de rayures blanches et noires verticales. Il avait rappelé ces rayures sur ses bas, seule pièce de garde-robe issue de sa collection personnelle avec la ceinture ornée de chaines qu'il avait placée au-dessus d'une jupe noire moulante et fendue sur la cuisse.

Personne ne le confondrait sans doute avec Glitter aujourd'hui et pourtant, Sinner faisait largement illusion. Personne ne les confondrait - si ce n'est ceux qui les confondaient déjà lorsqu'il étaient habillés en eux-mêmes - tout simplement parce que sa sœur ne portait pas ce genre de tenues.

Parfois - souvent - c'était Apache que Sinner dévorait du regard comme un mort de faim. La vue du punk lui caressait toujours agréablement les yeux, mais Sinner avait aujourd'hui d'autant plus de raisons de le mater qu'ils avaient tous les deux fait en sorte d'adopter une apparence spéciale, pour une occasion qui l'était tout autant (ils fêtaient rien en particulier mais fort heureusement, y avait pas besoin de ça pour transformer un moment banal en occasion spéciale, sans quoi on se serait fait chier).

Il glissa jusqu'à l'oreille d'Apache, complice comme tendancieux, provoquant volontairement les regards indiscrets alors qu'il ne faisait pourtant rien de plus que murmurer quelques mots certes brûlants :

"Tu sais quoi ? Non pas qu'elles le soient pas déjà d'habitude, mais quand même... Ca te fait des jambes d'enfer."

Son regard accrocha celui d'un nouveau perdu désapprobateur, et Sinner n'hésita pas à lui tirer une langue moqueuse, qui révélait par ailleurs son piercing. Vu l'angle on aurait facilement pu se demander s'il ne venait pas de lécher l'oreille d'Apache au passage...

... Même pas ! Mais il aimait bien l'idée qu'on puisse l'avoir pensé. Pas de preuves, pas d'emmerdes ?
C'était pas nécessairement vrai. Mais qui s'en souciait ?
Pas lui.

Les deux punks allaient tranquillement, bras dessus bras dessous.
Peut être cherchaient-ils les ennuis ? Seraient-ils déçus de ne pas les rencontrer ? Est ce qu'ils cherchaient à prouver quelque chose, aux autres ou à eux même ? Ou simplement s’amuser ?
L'idée de balader fringués pareillement n'avait rien d'innocent. Apache comme Sinner connaissaient, l'un comme l'autre, à peu près la porté que pouvait avoir cette sorte de provocation. Pourtant, il semblait bien que l'idée centrale de cette sortie n'était que fête. Récréation !
Se déguiser, c'était un jeu auquel s'adonnaient plus que régulièrement les enfants, après tout. Non ?

"Tu sais quoi ?" Sinner s'était penché vers Apache, lui soufflant les mots rien que pour lui, au creux de l'oreille. "Non pas qu'elles le soient pas déjà d'habitude, mais quand même... Ca te fait des jambes d'enfer."
Le compliment fit s'agrandir le sourire aux lèvres du chasseur qui se colla un peu plus tout contre son copain, leurs jambes s'entre-mêlant presque sans que ça ne les fasse trébucher.
Sa main qu'il avait de posé sur la taille de la Fripouille glissa jusqu'à ses fesses alors que sa mine se faisait plus joueuse.

"Et toi ça te fait un cul digne de Paradis !" Agrémenté d'une petite claque sans doute bien sentie sur le postérieur du diplomate.
L'Hérissé adorait quand Sinner mettait ce genre de vêtement. Ça lui allait trop bien. Et ça se voyait qu'il s'y sentait bien. Peut être même mieux qu'avec d'autres genres.

C'était lui.
Juste lui.
Et Apache l'adorait comme ça.

Son petit copain.

"Tu m'emporte dans un coin tranquille ?" Qu'il demanda juste avant de lui attraper les lèvres dans un baiser bref qui se termina sur un léger mordillage plein de promesses secrètes. "J'en ai marre de voir leurs sales gueules." Et l'instant d'après, Apache s'était agrippé aux épaules du diplomate, sautant dans ses bras, l'autre le rattrapant par visible habitude.

Habillé comme il était, c'était sur qu'il avait au moins un peu les fesses à l'air, sa jupe au vent, les cuisses au frais ! Mais il s'en foutait ! Il était pas cul nu, ça allait ! Il avait un super boxer jaune qui flashait à mort !

Façon princesse punk dans les bras de sa reine des Enfers.

Apache, sans l'ombre d'une hésitation, venait de faire grimper le jeu d'un niveau, pour le plus grand plaisir d'un Sinner dont le sourire de ravissement incisif dévorait son visage d'un bout à l'autre, à la hauteur de l'intensité de ses émotions.

La Fripouille collectionnait les relations - ou du moins elle essayait - mais y avait bien qu'avec Apache que les choses prenaient régulièrement cette tournure, et qu'elles étaient incidemment aussi plaisantes. En rentrant dans son jeu, en fonçant sans hésiter dans des provocations dont les conséquences potentielles auraient effrayé la plupart des perdus, l'Hérissé répondait à un besoin qu'on aurait pu qualifier de primal chez le diplomate. Sinner se sentait sur un petit nuage.

Dans ce genre de moments, il oubliait facilement que tout n'était pas idéal - que c'était même sacrément la merde lorsqu'on se retirait les œillères grâce auxquelles on pouvait bon gré mal gré réussir à fonctionner au Grand Arbre sans péter une durite ou deux. Meilleur premier petit copain du monde. Il l'avait dit dès le début et il en démordait pas. Ca pour mordre, il était mordu. Plus encore qu'il n'était en mesure de se l'imaginer.

Tout était génial, tout était parfait, et ça ne pouvait aller qu'en s'améliorant. Apache était le plus délicieux des bonbons acidulés et Sinner voulait profiter de tout son piquant. Celui qu'ils balançaient aux autres. Celui qui n'était que pour eux mais dont ils se foutaient pas mal de faire profiter les autres. Celui qu'il fallait absolument réserver à leurs moments privés, aussi.

Être avec lui pour faire ces conneries - plutôt que de les faire tout seul, même si c'était drôle aussi - ça le gonflait d'une joie difficilement descriptible. La Fripouille avait le cœur qui battait la chamade, et c'était pas juste parce que son irrésistible partenaire était en train de le chauffer à mort.

Même si ok, ça jouait aussi un peu.

Il pouvait difficilement faire abstraction de la main que son copain avait posé sur ses fesses - et pourquoi se serait-il privé, hein ? Néanmoins, il était encore plus intéressé par ces jambes qui se mélangeaient aux siennes, avec lesquelles il avait envie de jouer. Sinner mouvait sa cuisse avec une douceur qui rendait ce contact simultanément velouté et presque imperceptible. Rien de tout ça n'avait à voir avec de la timidité, ce dont Apache - qui devait s'en douter - aurait largement l'occasion de se rendre compte lorsque Sinner aurait atteint tous ses objectifs.

"Et toi ça te fait un cul digne de Paradis !"

Avant d'avoir eu le temps de répondre à la remarque, Sinner se prit une claque sur l'arrière-train qui le fit glousser d'un amusement mêlé de diverses promesses silencieuses auxquelles l'Hérissé aurait tôt fait de répondre.

"C'est pas l'endroit où je préfère me rendre mais j'apprécie quand même la comparaison..." souffla t-il, ronronnant, déjà sulfureux comme il savait l'être, son aura débordant d'une luxure digne d'un certain bled bien chaud où on se plaisait à nager dans des lacs de feu plutôt que d'une quelconque sainteté qui faisait tâche avec le personnage.

La Fripouille noua ses bras autour du cou d'Apache - ça n'allait pas pouvoir durer longtemps, considérant les plans que ce dernier avait en tête, mais cela accompagna le baiser mordant qui vint après. Bon, ok : les mains de Sinner était déjà en train de descendre dans le dos de son copain, bien décidées à rejoindre le creux de ses reins, ou peut-être même ses cuisses, il avait pas encore bien décidé. C'était putain de stimulant, et trop drôle d'imaginer la gueule des ploucs qui les regardaient faire, trop coincés du cul pour ne pas froncer du nez. Leur problème. Aussi loin que ça concernait Sinner, il considérait que c'était bien fait pour leur gueule. Mis à part le problème du grandissement qui rendait tout beaucoup plus complexe, et dont il ne considérait actuellement pas la portée - parce qu'il avait pas envie et que de toute façon avec Apache le problème se posait pas - c'était à cause de ce genre de connards qu'il était limité et frustré à longueur de temps. Eux et leurs mentalités étriquées, ils étaient actuellement la cause de leur propre désarroi.

"Tu m'emporte dans un coin tranquille ?"
Une fois de plus, il avait entendu sans pouvoir répondre immédiatement. Apache semblait décidé à lui couper très agréablement la parole à chaque fois qu'il donnait pourtant l'air de lui demander de la prendre. Sinner n'allait pas se plaindre... Quitte à se répéter, tout dans cet échange le ravissait.

Apache sauta dans ses bras. Sinner n'hésita pas une seconde alors qu'il lui chopait les cuisses, les ramenant tout contre lui - peut-être même plus fort que nécessaire. Les pouces qui couraient avec passion contre la peau de son copain n'étaient eux non plus pas nécessaires, mais depuis quand se contentait t-on du minimum syndical en termes de gestes tendres, hein ? Ca aurait vraiment pas été drôle.

Il lui souffla encore à voix basse, dans le cou, provoquant certainement quelques chatouilles facétieuses.

"Le genre de coin tranquille qui va pas le rester, j'espère... Mais c'est vrai que tous ces mateurs de merde commencent à faire chier..."

Déjà. Mais, eh, qui cela allait-il étonner. Ce n'était ni la première ni la dernière des fois où Sinner démarrait au quart de tour. En plus, c'était Apache qui avait demandé ! Il s'empressa d'avancer avant que son dos où que ses jambes ne cèdent. Ok, Apache n'était pas bien lourd, mais Sinner n'était pas non plus connu pour la densité de sa masse musculaire. Il n'était pas capable de le porter super longtemps.

... Juste ce qu'il fallait pour disparaître derrière quelques buissons, s'enfoncer dans les bois avoisinant le Grand Arbre et trouver le premier coin tranquille venu disposant d'un arbre assez large pour qu'il y plaque Apache sans beaucoup de douceur. Ainsi, le poids était réparti d'une manière qui lui permettrait de tenir plus longtemps.

... Et puis c'était pas désagréable de le tenir en étau de cette façon, entre lui et ce tronc épais. Il tira sur ses jambes pour mieux serrer Apache contre lui, profitant de l'absence de barrière constituée par la jupe pour laisser ses mains remonter contre les cuisses de l'Hérissé, et explorer plus haut.

"Ici, c'est à ton goût ou tu préfères aller ailleurs ?" qu'il demanda avec malice, avant de happer les lèvres d'Apache dans un baiser profond qu'il mourait d'envie de lui donner depuis qu'il avait goûté à ses lèvres plus tôt. Au temps pour le maquillage sur leurs lèvres.