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Who Loves the Sun - The Velvet Underground

Ibis l'a vu entrer un peu plus tôt dans le tipi du chef. Un gamin, comme lui, venu négocier je-ne-sais-quoi au nom des Perdus ou de Peter Pan lui-même. Il a ricané un peu, s'est dit qu'ils manquaient peut-être d'herbe au Grand Arbre. C'est vrai que les variétés de la tribu sont bien meilleures, pas comme la vieille herbe à chat qu'il avait été obligé de se coltiner - quand il en trouvait - à l'époque.

Assis par terre, le dos appuyé contre un poteau en bois au sommet duquel trône un aigle empaillé, le Hanté nourrit distraitement les petits oiseaux - eux bien vivants - qui traînent toujours un peu partout dans le camp. Comme des moineaux mais avec des couleurs plus sympas. De temps en temps ils viennent se percher sur ses doigts pour manger dans sa paume; ils pèsent que dalle.

Milan lui a donné sa journée alors il s'est dit qu'il allait se poser quelque part dehors et avancer un peu ses dessins, fumer. Il fait plutôt chaud ces temps, c'est agréable. Il a toujours aimé la chaleur et le soleil. Comme un vrai californien, pas comme ces putains de montagnes glaciales où... le souvenir émerge, ne se termine pas et s'envole avec les esprits, comme souvent quand il a un flash de l'Ordinaire.

Travaillant le tracé de diverses formes géométriques, il repense au Perdu de tout-à-l'heure. Le gars a quand même attiré son attention, il a l'air plutôt cool pour un diplomate. En tout cas de loin; le look, les piercings, la démarche. Ibis a décidé qu'il irait lui parler à sa sortie du tipi royal.

En attendant, le Hanté prend une longue taf au goût musqué du cône de papier qu'il s'amuse ensuite à faire rouler entre ses phalanges tatouées. A cause du mouvement, une petite braise s'en détache et vient atterrir pile sur le museau du chacal tatoué sur son ventre. Il se dépêche de la chasser du plat de la main avant qu'elle ne le brûle. Quelle connerie.

Peu après les peaux à l'entrée du tipi, à une quinzaine de mètres d'où il se trouve, s'écartent pour laisser sortir le chef, son bras droit et le garçon. Lorsqu'ils passent proche de lui il rend un salut de la tête un peu formel aux hauts-dignitaires de la tribu, puis fait signe au Perdu un peu plus loin de s'approcher.

Il ne sait pas s'il l'a vu, au pire il se lèvera, mais il a un peu la flemme et en plus tout son matos de dessin est encore étalé à ses pieds.

Who Loves the Sun [Flashback pré-Canicule] Tumblr_mgfsn42Bu81rp2keoo1_500

De toutes les tribus de natifs où on l'envoyait négocier, Sinner préférait de loin se pointer chez les Delaware. Déjà, l'atmosphère se posait. C'était coloré, musical, animé. Pas exactement le genre de trucs sur lesquels Sinner aimait s'ambiancer lorsqu'il en avait l'occasion, mais ça le foutait quand même de bonne humeur. Puis bien sûr, le plus important à ses yeux très intéressés : c'était eux qui avaient les meilleures herbes. Sinner faisait souvent en sorte de repartir avec un peu de stock, histoire de pas se retrouver à court. Il prenait quelques libertés sur les ordres de mission histoire de caler sa dose dans les négociations. Personne n'était obligé de le savoir, tant qu'il amenait ça de façon suffisamment subtile pour que ça passe. Ok. C'était pas toujours simple, et il lui arrivait de repartir bredouille et frustré. Mais bon. Au moins le challenge était intéressant.

A une époque lointaine - une époque qu'il regrettait parfois - il piquait systématiquement dans les réserves - et il avait même failli se faire choper plusieurs fois. Il avait compté sur l'Oubli pour effacer ses méfaits passés de la mémoire des Delaware mais visiblement, ça marchait pas aussi bien que sur les perdus cette connerie. Peut-être parce qu'ils avaient toujours leur ombre. De l'eau avait coulé sous les ponts. Désormais, Sinner se montrait plus prudent. Raisonnable. Les excuses qu'on l'avait forcé à donner puis la façon dont il avait été obligé de se calmer sur les larcins avaient progressivement permis au diplomate de remonter dans l'estime de la tribu, mais il y en avait toujours quelques uns pour le regarder de travers. Il n'avait pas leur pleine confiance. C'était fâcheux considérant qu'il pouvait plus trop se permettre de les voler et que c'était eux qui avaient tout le matos dont il avait besoin pour son usage personnel, mais bon. Il faisait avec. Heureusement qu'il était bon orateur et qu'il savait se montrer sympathique quand il le voulait. Ca l'aidait à rattraper le coup et à obtenir de bons résultats même quand il venait chez eux. Même s'il parvenait pas toujours à obtenir le rab qu'il convoitait.

C'était pratique de toujours parler aux mêmes personnes. Ca lui permettait de les travailler un peu, de leur montrer patte blanche, d'essayer de se racheter une image à leurs yeux et de faciliter les négociations. Mais en même temps ça le saoulait un peu. Encore des gens qui se donnaient de l'importance, de l'autorité, qui décidaient pour tout le monde... C'était un peu désespérant de voir que ça fonctionnait comme ça partout. Pas un seul lieu, pas une seule cuture qui échappait à cette règle là ? Pitié, ça le saoulait.

Mais fallait pas qu'il y pense trop. Au moins c'était pas l'Ordinaire, ce bulldozer normatif de merde qui avait manqué de l'écraser. C'était mieux ici ? Des règles en moins certes mais aussi de grosses règles de merde en plus.

Si si. C'était mieux ici. Pas parfait, mais Sinner savait tirer son épingle du jeu... Il faisait juste ce qu'il fallait pour qu'on lui foute la paix (ou en tous les cas qu'on l'emmerde pas trop) - de préférence ce qui l'arrangeait lui, et ce qui restait aligné avec son sens moral. Il merdait glorieusement les gens qui le jugeaient. Il emmerdait un panel de personnes encore plus large. Ca lui calmait les nerfs et c'était souvent bien fait pour leur gueule.

Il fallait bien qu'il fasse son taf, au moins un peu, s'il voulait pas se faire tej des perdus d'une manière plus ou moins expéditive et violente. Il faisait donc le gars sérieux (... autant qu'il savait le faire) lorsqu'il venait négocier - encore plus lorsqu'il s'agissait des Delaware. Il passait ses envies de chaos ailleurs. Sur sa frangine. Sur les gens du Grand Arbre qui le saoulaient. Il était plus cool avec ses amis - ou les gens dont il aurait voulu se faire des amis - mais il était pas toujours capable de s'empêcher de les tester et de leur faire des petites farces à eux aussi.

Sinner avait plein de raisons de ne pas vouloir se faire tej du Grand Arbre. Rien n'y était parfait, mais au moins ils étaient entre gosses et adolescents. Puis bien sûr il y avait Glitter. Sa frangine était importante, même si elle l'agaçait. Puis... plein d'autres choses. Où qu'il aille, il trouverait de toute façon les mêmes schémas, de la déception, et des illusions brisées. Enfin il ne voulait surtout pas grandir. L'âge adulte le débectait. Il l'associait à une obligation de se ranger dans une case qu'il voulait pas.

Il sortait de la hutte habituelle après quelques échanges conventionnels qui avaient permis de renouveler un accord de longue date. Ca n'avait pas été une mission très difficile, parce que tout le monde était toujours d'accord. On se contentait ici de maintenir le lien et de réactualiser le deal. Pas la mission idéale pour tricher et choper du tabac en rab mais, eh... Politesses faisant, la tribu en avait offert une petite boîte contre des denrées qu'il avait présentées comme un cadeau des diplomates, mais qu'il s'était en réalité procurées par ses propres moyens. Aujourd'hui, il était chanceux. Content.

Il sortait donc du tipi et là...

... Une stimulation inédite. Sinner se foutait de rentrer à temps, de louper les repas des mères, de suivre les "heures" établies, et tout ce qui avait trait au déroulement bien huilé de la journée du perdu standard. S'il avait mieux à faire que de revenir sagement au Grand Arbre pour faire son rapport de mission au moment où il était attendu, il faisait.

Y avait un gars qui venait de lui faire signe. Bizarrement, La Fripouille ne se souvenait pas l'avoir déjà vu. Pourtant il attirait l'œil, le bougre. Il avait de l'allure, il avait l'air sympa. Appréciateurs, les yeux de Sinner passèrent sur les tatouages et autres piercings que ce type portait - pour ceux qui étaient dans son champ de vision. Il remarqua le truc entre ses doigts qu'il était en train de fumer - pas très étonnant considérant l'endroit où ils se trouvaient, mais ça le rendait tout de même plus sympathique aux yeux de Sinner, qui aimait ceux qui partageaient ses vices.

Sinner, en observateur aguerri, remarqua aussi tout de suite l'absence d'ombre de l'adolescent. Là où elle aurait dû se trouver, on ne voyait qu'une autre tâche de soleil. Un ancien de chez eux. De plus en plus intéressant.

Sourire de canaille immédiatement accroché, il s'approcha, attiré comme une mouche l'aurait été par une lumière trop forte. Ne l'aurait t-on pas invité qu'il n'aurait pas agi différemment, à condition d'avoir remarqué la présence de ce type qui avait l'air bien chouettos. Sinner avait l'habitude d'aborder les inconnus, ça ne lui faisait pas peur, il adorait ça. Surtout lorsque les inconnus en question lui plaisaient.

"Hey ! Qu'est-ce que tu glandes ?" qu'il demanda, honnêtement curieux de l'activité à laquelle s'adonnait son interlocuteur.

"C'est marrant qu'on se soit pas croisés avant... Tu peux m'appeler Sinner. Quel nom je devrais te donner ?" ajouta t-il rapidement, avec aux lèvres quelques chose d'encore un peu plus gredin. A ce stade, c'était innocent, mais ça se rapprochait déjà presque d'un double-sens et Sinner en était parfaitement conscient. Il s'en amusait tout seul.

Il était debout, face à l'autre ado. Il allait pas rester longtemps dans cette position, il allait se poser à côté de ce gars, sauf s'il se faisait jarter ouvertement, mais il doutait que ça arrive considérant que c'était même pas lui qui avait ouvert les hostilités. Dans les deux cas il allait se rouler une clope, parce que la vision et l'odeur de l'autre qui était en train de fumer (ou qui venait de finir) lui avait donné trop envie de faire pareil.

Qu'est-ce qu'il glande ? Oh pas grand chose, ça doit se voir quand même. Mais comme le gars lui a demandé, Ibis prend l'air un peu important, un sourire taquin au bord des lèvres et désigne les croquis éparpillés.

Mes devoirs.

Finalement le Hanté décide de se lever, c'est mieux pour les présentations. Il s'appuie contre le poteau derrière parce qu'après si longtemps assis à rien foutre ses jambes sont pas très stables, il a les fourmis.

Le Perdu est grand lui aussi, il remarque maintenant qu'ils sont face à face. Tout mignon avec son teint bronzé et ses cheveux très blonds. Le maquillage, les piercings et les petites mèches, ça lui rajoute du cachet.

Par rapport à son nom; il lui répond pas tout de suite, prend d'abord quelques instants pour l'observer de son regard vert. Il aime bien regarder les gens, s'imprégner un peu de ce qu'ils renvoient.

Sinner. une bouffée de fumée âcre C'est cool. Marrant. Qu'est-ce que t'as fais pour le mériter, défroqué un petit séminariste ?

Comme un con il s'esclaffe de sa propre blague mais passe vite à autre chose.

Je rigole. Moi c'est Ibis. Mais tu peux m'appeler comme tu veux, ça m'est égal.

Il lui tend ensuite son joint en signe de salutations et d'amitié, celui-ci est pas tout à fait terminé et il pourra toujours rouler plus tard si l'autre reste un moment.

Tu fumes ?

Sinner pouvait se montrer curieux, lorsqu'une bonne occasion de l'être se présentait. Les croquis que son interlocuteur lui montrait l'attiraient, lui mettaient la puce à l'oreille, lui donnaient l'envie d'en savoir plus... Il les dévora donc du regard aussi longtemps que l'autre adolescent les lui désignait.

Mais ce n'était pas non plus sa priorité. Avant de s'intéresser aux objets, la Fripouille s'intéressait aux personnes. Et celle qu'il avait face à lui là... Ouais. Y avait un truc. Ils avaient à peine échangé plus que deux mots, et pourtant Sinner était déjà capable de sentir que ce mec lui plaisait. Ca venait de l'aura qui se dégageait de lui, de son apparence, de ses expressions, de ses attitudes, et du courant agréablement électrique qui passait sans que les mots soient nécessaires.

Qu'est-ce que tu glandes ?
"Mes devoirs."

Gloussement contenu de la part de Sinner qui se réservait pour plus tard. Mais cette répartie, là... Simple, concise, efficace, accompagnée d'un brin de malice que révélait le sourire de l'ancien perdu... Il kiffait.

"Oh, je compatis. C'est que je viens de finir les miens..."
... Et que t'as décidément pas l'air très investi, comme si t'avais un peu de temps libre sous la main... Ca tombe vachement bien, dis voir.

Un silence s'installa, mais il n'était pas vide, loin de là. Sinner sentait l'inconnu qui l'observait, qui le jaugeait, qui l'analysait. Il adorait ça. Il était aussi adepte de ce genre de trucs, même s'il optait généralement pour une approche plus discrète. Cerner l'autre en l'observant, mais sans couper court à la conversation.

Assumer cette étape aussi ouvertement, ça permettait des trucs qui n'existaient pas autrement... Un peu comme l'échange de regards qui avait désormais lieu entre les deux adolescents. C'était une sorte de jeu mutin auquel ils se livraient. Sinner matait son vis-à-vis sans vergogne à son tour, s'imprégnant de ce que tout ce qu'il voyait - apparence et réactions - lui évoquait.

Il avait ce sourire en coin, espiègle, qui ne le quittait presque jamais quand il était en train d'échanger un moment complice avec quelqu'un qu'il aimait bien. Ses yeux brillaient de malice et d'un début d'exaltation, provoqué par cette rencontre qu'il jugeait déjà passionnante. Puis il y avait autre chose, aussi. Un truc un petit peu plus sombre, un chouilla libidineux. Il avait l'air cool, ce natif sans ombre... et il était aussi vraiment pas désagréable à regarder.

L'avantage de bien s'entendre avec Pit, c'est que Sinner avait rarement du mal à se procurer les fringues dont il avait envie. Tout de suite il portait une chemise sans manches noire qui soulignait sa silhouette fine et dont les pans descendaient assez bas. Ils étaient évidemment pas rangés dans son froc. Ils étaient laissés libres, comme nombre des boutons d'un col largement ouvert, et qui laissait donc tout le loisir de mater ce qui se cachait derrière. Son interlocuteur pouvait peut-être même apercevoir la naissance du tatouage en forme de serpent brun dont la tête lui arrivait sur l'épaule, vers le cou. La queue du serpent était visible aussi, puisqu'elle s'enroulait sur son bras nu. De l'autre côté, sur le bras droit, il y avait la longue cicatrice que Sinner n'aimait pas. Mais il l'avait laissée visible quand même.

Sinner avait passé un ras de cou en cuir assez fin. Le genre avec un anneau. Au-dessous, de la chemise, un t-shirt résille dépassait. Y avait une sorte de collier à pics noir sur l'un des bras de la Fripouille. Il avait été enroulé pour faire comme un bracelet. Sinner kiffait utiliser ses accessoires d'une manière qui n'était pas nécessairement celle pour laquelle ils étaient prévus. Sur l'autre main, un bracelet en gros maillons clairs - trop gros pour que ça fasse classique. On aurait plutôt dit une de ces chaînes dont on se servait pour cadenasser des portes. Et puis sur la même main il y avait aussi deux bagues en métal : un anneau argent, un anneau noir. Les deux sur le doigt du milieu. S'il avait envie de faire un fuck à quelqu'un, on pouvait dire que le dit fuck en question serait orné... Fleuri. Sur les ongles, un verni noir que Sinner mettait souvent parce qu'il adorait les mains que ça lui faisait. Le pantalon était plus coloré : tartan jaune pétant à souhait, engoncé dans des grosses godasses - mais sans talons compensés. Sinner aurait rien eu contre se faire une méga collection de chaussures et de bottes avec ou sans les plus grands talons du monde, mais pas aujourd'hui.

Tout dans le look de la Fripouille était optionnel, changeant, dépendant de ses humeurs, de ses envies, de ce qu'il avait à disposition. Le seul truc invariable, c'était le mood général : pas rangé, pas banal, pas normé. Jamais. Décent selon la définition commune du terme ? Rarement.

Soudain le moment fut brisé par la voix du type-qui-n'avait-toujours-pas-de-nom.

"Sinner. Marrant. Qu'est-ce que t'as fais pour le mériter, défroqué un petit séminariste ?"

La réaction de la Fripouille fut immédiate : mort de rire. Comme le mec en face de lui d'ailleurs, qui avait l'air très fier de sa plaisanterie. Il pouvait ! Ah putain... Ca faisait du bien de rencontrer des gens comme ça, qui hésitaient pas à faire des blagues (de cul) ouvertement subversives. Le gars venait encore de monter dans l'estime de Sinner, qui lui aurait bien répondu, s'il en avait eu le temps.

"Je rigole."
"Naaaaaah, faut pas se rétracter après en avoir sorti une bonne comme ça voyons. pensa Sinner sans le dire car on lui parlait encore. C'est là qu'il découvrit le nom de Delaware de l'autre adolescent : Ibis. Sympa. Ca sonnait bien.

La formulation adoptée par Ibis lui permettait de faire une blague de merde, et Sinner n'allait pas s'en priver. Prenant son habituelle expression narquoise - mais gentiment narquoise, il n'y avait pas de condescendance ici - la Fripouille annonça juste :

"Ca marche. "Comme tu veux", ça sonne bizarre comme nom, mais j'aime bien. Au moins c'est original." Un raclement de gorge immédiat. Bien sûr, il n'était pas sérieux. Ca serait "Ibis" (mais peut-être qu'il ressortirait le gag à l'occasion si l'autre y était réceptif).

"Tu fumes ?
- Plutôt deux fois qu'une." répondit Sinner en récupérant le joint qu'on lui proposait, même s'il en restait pas grand chose. Il en prit une bonne taffe - vraiment, la came des Delaware, ça valait le déplacement.

Puis avant de penser à rendre l'objet à son propriétaire, Sinner eut un nouveau sourire. Non vraiment, il pouvait pas laisser cette occasion passer :

"Défroquer un petit séminariste, hein.. ? Malheureusement, je crois pas avoir ça dans mon palmarès. Arrête... C'est trop tard maintenant, tu vas me faire regretter de pas y avoir pensé avant d'avoir quitté l'Ordinaire."

Ca en aurait été une belle à raconter ! Et bien fait pour ce con de Dieu inexistant, et pour cette institution de merde qu'était l'Église. Ca aurait envoyé un message fort, ça.

Tant pis. Il avait enlevé beaucoup de frocs, et on lui avait aussi beaucoup enlevé le sien. En terme d'accomplissements, c'était déjà pas mal.

Le gars est marrant, bon public. Il le regarde comme si lui, Ibis, était un type stylé. Ca fait plaisir. C’est différent d’avec Rossignol qui, même s’ils sont très proches, l’admire comme un petit ado en admire un plus grand. Quoique que le traiter de petit ado c’est pas très gentil de sa part; le Chanteur doit avoir dans les quinze ans, ce qui est pas beaucoup moins que lui, mais ils ont pas eu la même vie.

Ce qu’il veut dire par là c’est que là, avec Sinner, il a plus un sentiment d’égal à égal. Et puis le Perdu et lui ils viennent du même monde, ils ont les mêmes codes, c’est comme reparler sa langue maternelle quand on a pas eu l’occasion depuis longtemps ; ça fait du bien.

Défroquer un petit séminariste, hein.. ? Malheureusement, je crois pas avoir ça dans mon palmarès. Arrête... C'est trop tard maintenant, tu vas me faire regretter de pas y avoir pensé avant d'avoir quitté l'Ordinaire.

Ca l'amuse qu'il rebondisse sur sa blague. Il hausse les épaules, lui adressant un petit clin d'oeil complice.

'Y doit bien en traîner de temps en temps au Grand-Arbre.

Plus grand chose d'autre à fumer que du papier sur le cône que lui rend le garçon. C'est pas grave, Ibis l'éteint en en pinçant l'extrémité entre ses ongles et glisse le mégot dans la poche de son pantalon. Un fute traditionnel de natif, en daim clair avec des petites franges sur le côté, mais avec des poches quand même. En vrai il a pris le premier truc qui lui est tombé sous la main au réveil.

Ces temps il se sent plutôt bien, Milan est pas mal sur son dos mais ça le dérange pas trop ; il lui doit beaucoup et c'est pour son bien. Le tatoueur est un maître patient bien qu’exigeant, Très humain aussi, il le laisse dormir dans son tipi avec lui et son fils - Rossignol - quand les cauchemars reviennent. Ibis sait qu'il aimerait bien qu'il se laisse grandir un peu et devienne aussi un tatoueur à part entière parce que ça fait un bail qu'il est apprenti maintenant. Mais lui sait pas s'il est vraiment prêt. Pour ce qui concerne tatouer oui, pour ce qui est de l'indépendance et de la maturité c'est moins sûr.

Alors t'es diplomate ? Qu'est-ce que t'es venu diplomater ? J'en ai connu une aussi de-

La fin de sa phrase meurt avant qu'il la prononce. Il parle trop, comme d'habitude, et ça lui fait remonter des souvenirs malvenus. Tout de suite c'est comme un coup de poignard dans son coeur. Il déglutit.

Tu sais quoi ? Tu me raconteras après. il passe un bras par-dessus les épaules du Perdu, en bon camarade, tactile comme à son habitude Je vais te faire visiter d'abord. On va se trouver à boire et un coin à l'ombre.

Son oeil est soudain attiré par une ombre brune sur la peau hâlée de l'adolescent. Du bout d'un doigt bagué, il écarte légèrement le pan de sa chemise, révélant un peu mieux la tête du serpent tatoué.

Cool. Ca vient d'avant ? C'est pas de chez nous en tout cas.

Le clin d'œil lancé par Ibis trouva un amateur, dont les pupilles pétillèrent immédiatement face à cette réaction. La réponse de l'ancien perdu ne se fit pas attendre, et l'amusement de Sinner s'intensifia.

"'Y doit bien en traîner de temps en temps au Grand-Arbre."
Toi, décidément, j't'aime bien.

Il y avait désormais dans le sourire de Sinner quelque chose de plus sombre, fripon, un peu sournois. Rien de tout cela n'était dirigé contre Ibis, qu'il mettait au contraire dans la confidence. La Fripouille pouvait adopter des attitudes très complices avec des gens qu'elle venait à peine de rencontrer, ça ne lui faisait pas froid aux yeux. Tout était question de savoir si le courant passait, et à quel point il le faisait.

"Hey... T'as pas tort. Je devrais me tenir au courant. Mais c'est quand même un peu moins drôle. S'ils sont sur l'Île, ça veut dire qu'ils ont déjà tiré une croix sur tout ou partie de ces conneries."

A tout le moins, ça signifiait qu'ils ne faisaient plus partie de l'institution. Ca les rendait moins funs à corrompre. Mais ouais, ok... Il leur restait peut-être encore des convictions - et des hormones - à ébranler. Jouer au serpent tentateur auprès de ce genre de public lorsqu'une brèche se présentait, c'était un loisir qui ne se refusait pas... Toute mesure gardée. Faire grandir quelqu'un parce qu'il avait trop joué avec était une hantise que Sinner traînait depuis qu'il avait compris que sur l'Île de Jamais, ce genre de choses pouvait facilement arriver.

"... Tu veux savoir ce qui aurait été parfait ? Dans l'Ordinaire. Parvenir à le faire carrément dans l'Église. Imagine ? Dans un confessionnal, le pied. Et là t'as le prêtre qui se pointe, il entend un bruit, il sait pas c'est quoi. Deux idiots dans un vieux placard sacré qui se plaquent mutuellement la main sur la bouche en essayant de pas mourir de rire."

Il avait essayé d'y mettre le ton, de jouer des gestes et du regard pour donner vie à sa petite fiction. Sinner n'avait en tous les cas eu aucun mal à faire tourner le film dans sa tête, et les images qui s'étaient formées dans son cerveau le ravissaient au plus haut point, comme en témoignait l'euphorie frémissante que ses expressions couvaient.

"Alors t'es diplomate ? Qu'est-ce que t'es venu diplomater ? J'en ai connu une aussi de-"

... Aoutch.
Là, ça devenait beaucoup moins drôle. Sinner était très réceptif, et il n'aurait pas eu besoin de l'être autant pour comprendre les raisons de ce mutisme soudain. La mine immédiatement rembrunie, il fit preuve d'une inhabituelle pudeur en évitant de fixer Ibis tandis que celui-ci encaissait une blessure invisible, dont la Fripouille était en mesure de deviner la nature.

Ceux qu'on a perdu.

Flash. Du sang. Pas de souvenir associé.

Ceux qui ont choisi de partir.

... Ta faute. Toujours ta faute.

Pensées volatiles, aussi vite dissolues. Le début de nausée que Sinner avait sur le bord des lèvres disparut à son tour. Ce fut comme si rien n'était arrivé. Ne restait que la certitude qu'il ne fallait surtout pas insister.

"Tu sais quoi ? Tu me raconteras après."
"Oh ouais ! Pas de problème." parvint-il à annoncer sans donner l'impression qu'à l'instant précédent, il était au bord du malaise.

Le smile lui revint immédiatement alors qu'Ibis passait son bras sur son épaule. Oh bah dis voir.... Sinner aimait les gens tactiles. Il aimait les gens qui étaient directement ouverts, accueillants, prêts à nouer toute sorte de liens. On n'en était pas encore au stade de flirter, mais Sinner gardait cette idée dans un coin du crâne, pour de futures interactions. Cette simple proximité lui permettait de confirmer que... Ouais. Ibis lui plaisait bien, et c'était pas juste parce qu'il avait une bonne conversation.

"Je vais te faire visiter d'abord. On va se trouver à boire et un coin à l'ombre."

Haussement de sourcils notable, qu'accompagna un rictus chenapan, déjà un peu aguicheur.

"... Toi décidément, tu sais comment me parler."

Ah ben si. Ptetre qu'on en était déjà au stade de commencer à flirter, finalement. La main du diplomate se posa quelque part dans le dos de son hôte. Quoi ? Il répondait à un geste sympathique par un autre. C'était encore complètement innocent (sur le principe).

Difficile de ne pas sourire plus fort alors que le natif sans ombre tirait sur le col de sa chemise pour mieux observer la tête de l'animal qui lui ornait l'épaule. Les pensées peu catholiques se bousculaient dans la tête de la Fripouille, qui répondit pourtant comme s'il avait pas du tout imaginé ce que ça aurait fait si Ibis avait continué son geste, et s'il lui avait retiré ses fringues pour de bon.

"Hm.. Merci. Tu voulais savoir pourquoi je m'appelle comme ça ? Bah... Disons que c'est une des raisons. Et ouais. Ca vient d'avant. Mes parents ont crisé quand ils l'ont vu, d'ailleurs. J'veux dire encore plus que d'habitude, quoi. Ils voyaient pas souvent ma trogne, ça gueulait dès que je les croisais, donc..."

Sinner haussa les épaules, nonchalant, voire indifférent. Ses parents, ils lui avaient jamais manqué. Il commençait à oublier leurs visages, et il s'en foutait royalement. Sinner et eux ne s'étaient jamais bien entendus. Puis ils avaient fini par le détester, et ils l'avaient lâché...

... Au pire moment.

J'sais pas. J'ai oublié, et je veux pas savoir de toute façon.

Sujet: Re: Who Loves the Sun [Flashback pré-Canicule] Jeu 8 Sep 2022 - 9:21

Ibis avait pas commenté plus loin le truc sur l'Église parce que le gars l'avait un peu perdu en entrant dans les termes techniques; il sait même pas ce que c'est un confessionnal. De ce qu'il se souvient sa famille de l'Ordinaire avait jamais été dans la religion, il aurait plus manqué que ça.

Peu importe, ça n'existe plus et puis ça lui file mal au crâne d'essayer de retenir les souvenirs hâtifs qui on tendance à refaire surface de temps à autres.

A la place il observe encore un peu le détail du tatouage, se concentre sur la présence tiède et bien tangible du garçon à ses côtés.

Hm.. Merci. Tu voulais savoir pourquoi je m'appelle comme ça ? Bah... Disons que c'est une des raisons. Et ouais. Ca vient d'avant. Mes parents ont crisé quand ils l'ont vu, d'ailleurs. J'veux dire encore plus que d'habitude, quoi. Ils voyaient pas souvent ma trogne, ça gueulait dès que je les croisais, donc...

S'écartant pour aller ramasser ses affaires éparpillées, le Hanté lui ébouriffe les cheveux au passage dans un geste affectueux.

T'as bien fait. Et il est stylé. Mes premiers ont été faits dans l'ordinaire aussi. Chez un pote plus âgé par un de ses potes à lui. Je crois. De toute façon les yakuzas de mon bled auraient pas tatoué un gamin comme moi.

Il a un petit noeud dans le ventre à force de trop parler d'avant. Pour l'instant il gère, l'herbe aide bien, mais c'est quand même jouer avec le feu. Il va mieux qu'un temps mais le manque dans son coeur et ses veines n'est jamais loin.

Pendant qu'il se penche pour récupérer ses dessins et son matériel, fourrant le tout dans un petit sac en toile, il joue avec le piercing sur sa langue qu'il utilise souvent comme antistress. Le pressant contre son palais ou le glissant entre ses dents; ça fonctionne bien.

Ici je suis l'apprenti du tatoueur. Depuis un bail maintenant.

L'image de Milan, parler de la tribu, ça l'aide aussi à focus. Se redressant, il adresse un sourire espiègle à Sinner.

Je partage un tipi avec deux autres jeunes. Ils sont pas souvent là, on va aller leur taxer un bouteille de rhum.

Sujet: Re: Who Loves the Sun [Flashback pré-Canicule] Jeu 8 Sep 2022 - 21:03

Sinner avait eu le temps de se dire que sa petite histoire fantasmée à base de confessionnal avait pas eu l'air de trop fonctionner. Ibis réagissait pas beaucoup. Oh ? Tant pis. La Fripouille avait trouvé ça drôle, et elle mentait pas quand elle disait regretter de n'avoir pas eu cette occasion. Ca aurait été sacrément fun à expérimenter. Sinner était un peu déçu que ça prenne pas - il aimait bien partager ses idées irrévérencieuses à la con et il avait cru être tombé sur un complice de plans tordus - mais ma foi... tant pis.

Le diplomate n'avait pas l'intention d'insister plus longtemps. De toute façon il n'en aurait pas eu l'occasion : son interlocuteur venait de dire un truc badant, et le malaise s'était installé chez les deux adolescents, chacun assailli par ses propres démons.

Heureusement, ça ne dura pas. Ibis interrogeait Sinner à propos de son tatouage, particulièrement tactile, et l'incorrigible fripouille était déjà en train de se demander si y avait pas moyen de moyenner, non sans se faire des films dont la salacité caractéristique n'était plus à décrire.

Ses pensées s'éparpillèrent alors que l'ancien perdu lui ébouriffait les cheveux d'une façon qui le fit éclater d'un rire joyeux. C'est qu'il aimait vraiment bien le contact, Sinner, et qu'on vienne le décoiffer comme ça, c'était pas courant. Fun. Pas gênant, au contraire : il se passait lui-même régulièrement la main dans les cheveux pour y mettre le bordel parce que selon lui ça rendait mieux.

Amusé - et ouvertement hypé par l'ensemble de cette situation - Sinner se tourna dans la direction d'Ibis pour l'observer ramasser ses dessins, sur lesquels du coup il avait pas pris le temps de l'interroger. Pendant que ça arrivait, le Hanté lui racontait comment il s'était démerdé pour avoir ses premiers tatouages. Des trucs échappaient un peu au gamin. Les yakuzas ? Peut-être que ça lui disait un truc, mais c'était même pas sûr. C'était pas de son coin, il avait pas dû s'y frotter, et s'il avait su un jour ce que c'était, il avait vraisemblablement Oublié.

Comme quoi même s'il trouvait que l'Ordinaire se cassait pas suffisamment vite de son cerveau, y avait quand même des trucs qui se faisaient la malle, l'air de rien.

Ca le laissait pensif, cette histoire. A quelques événements près il se souvenait encore particulièrement bien de l'année de ses 15 à ses 16 ans - la seule qu'il aurait voulu garder en mémoire s'il avait eu le choix - mais ça commençait quand même à être flou dans sa tête. Y avait eu trop de lieux, trop de gens. Il avait été à 300 à l'heure, et tout commençait à se mélanger. Qui, quand, quoi, pendant combien de temps ? Ce qui était certain c'est qu'il avait pas eu beaucoup de thunes. Il avait piqué du cash plusieurs fois à ses parents avant de partir. Avec ses potes, il grattait un peu de tout avec leur autorisation et parfois il se faisait entretenir. Il se faisait entraîner dans des combines qui auraient pu mal terminer. D'autres fois il avait un peu improvisé. Le tabac c'était pas donné, et ses autres consos occasionnelles non plus quand c'était pas gracieusement partagé. Alors un tatouage de cette taille et de cette qualité, il aurait pu se brosser pour l'avoir s'il avait pas eu beaucoup de chance. "Ca te collerait à la peau. Je veux trop voir ça... je suis sûr que je peux me démerder." Quelqu'un avait dit ça. Mais qui ? Pourquoi il arrivait pas à se souvenir de son nom, ni de sa gueule. Ca commençait par un D.

D.. Di...
Stop.

Ses entrailles se gelaient. Une image voulait se former derrière les paupières qu'il venait de fermer, mais Sinner était persuadé qu'il ne voulait pas la voir. Ses contours incertains lui inspiraient déjà une répulsion telle qu'il voulait fuir à toutes jambes.

Il rouvrit les yeux pour se rendre compte qu'il avait la tête un peu légère.

"... Ouais. C'est marrant, je me souviens... Plus très bien comment c'est arrivé, moi. Y avait aussi un pote mais je... C'est... compliqué."

Pourquoi il parlait de ça ? Il parlait jamais de ça. Ca. Il savait même pas ce que c'était, à part qu'il fallait absolument tout faire pour ne plus l'évoquer.

"Ici je suis l'apprenti du tatoueur. Depuis un bail maintenant."

Un commentaire qui le réveilla, même s'il faillit en manquer la signification, perdu qu'il était dans ses pensées morcelées. Son enthousiasme était un peu écorné... Mais ça reviendrait vite ! Ca revenait toujours très vite.

"Sérieux ? Trop classe ! C'est tes projets du coup tout ça ?"

Malgré la conclusion qu'il avait réussi à tirer à l'arrache, on entendait qu'il était encore pas complètement bien. Pas complètement là. Il aurait voulu se foutre des baffes pour revenir plus vite à la réalité.

Le regard d'Ibis lui permit de s'ancrer. Le sourire espiègle qu'on lui jeta aussi. Qu'est-ce qu'il aimait ce genre de dynamique... Il parvint à retrouver un peu de son propre éclat vaurien, même si c'était pas encore aussi fort que ça l'était normalement.

Un tatoueur, hein ? C'était toujours bon à avoir dans ses connaissances, ça, même si Sinner était un peu coincé par sa volonté d'être aisément confondu avec sa sœur : il pouvait pas en mettre à des endroits trop voyants, sans quoi il pouvait dire adieu à son petit jeu d'usurpation d'identité.

"Je partage un tipi avec deux autres jeunes. Ils sont pas souvent là, on va aller leur taxer un bouteille de rhum."

Véritable gloussement amusé. Aaaaah... C'était le Delaware adopté qui l'avait dit, c'était pas lui. Sinner pouvait plus se permettre de "taxer" grand chose lui-même ici, sans quoi il allait au devant de gros soucis. Mais s'il était accompagné par un habitant du village, et si c'était celui-là même qui piquait l'alcool - avec ou sans le consentement de ses colocs de tipi... Personne pouvait rien reprocher au diplomate, n'est-ce pas ?

"Du miel pour mes oreilles... Bah écoute, je te suis." conclut-il avec un sourire déjà plus brillant. Il s'avança vers Ibis, suffisamment proche pour initier un nouveau contact qu'il ne faisait cependant plus qu'inciter - mais qu'il incitait fortement, comme en témoignait son regard particulièrement facétieux, même s'il restait dedans un petit quelque chose de flou.

Sujet: Re: Who Loves the Sun [Flashback pré-Canicule] Dim 15 Jan 2023 - 17:51

Du miel pour mes oreilles... Bah écoute, je te suis.

Ca allume des petites paillettes d'amusement dans les yeux verts du Hanté quand le Perdu avance vers lui, assez près pour qu'il perçoive son souffle, et qu'il lui lance un de ces regards.

Il se demande ce que le gars attend par là, à le draguer un peu comme ça; direct. Peut-être que l'ancien Ibis l'aurait embrassé à pleine bouche, là tout de suite, juste pour voir s'il se faisait des idées ou non et si le gars assumait; et tout ça parce que dans les deux cas c'était marrant. Ca l'a jamais trop dérangé de se faire remballer ou légèrement rudoyer.

Mais le nouveau Ibis est plus autant un chercheur de merde et dans l'immédiat il a plutôt envie de boire un verre et d'aller se rafraîchir dans le ruisseau. Il sent par les picotements sur sa nuque et ses épaules qu'il a un peu abusé du soleil direct; c'est qu'il a jamais été doué pour bronzer, ses couleurs il les prend que par l'encre.

Cool. C'est pas loin et après on ira se poser à un spot sympa !

Comme pour initier le mouvement, guilleret de s'être trouvé un compagnon pour l'après-midi, le tatoueur saisit l'avant-bras du Perdu et l'emmène avec lui. Ses bagues font tinter la chaîne que Sinner porte au poignet et le Hanté se fait la réflexion saugrenue qu'on dirait presque les clochettes des fées qui se baladent dans le campement: mais avec un quelque chose de plus industriel. C'est drôle.

***

Quelques instants plus tard Ibis est à quatre pattes entre les coussins et couvertures colorés en désordre qui jonchent son coin de tipi, fouillant à la recherche du pot qui contient sa meilleure herbe et d'un calumet. Il a toujours été un mec ultra bordélique.

Sans se retourner, il tend une main vague vers l'autre bout de l'habitacle où s'alignent quelques coffres de bois et filets suspendus qui servent de rangement global

Il y a un coffre de pirate avec un crâne peint dessus. Dedans il y a des bouteilles, prends-en une au bol de toute façon elles sont toutes dégueulasses mais mes colocs m'en doivent une.

Sujet: Re: Who Loves the Sun [Flashback pré-Canicule] Sam 28 Jan 2023 - 18:13

Il y eut un instant de latence durant lequel les prunelles de l'interlocuteur de Sinner brillèrent. L'adolescent se demanda ce qui allait se passer. Ce jeu dont les règles n'avaient pas été énoncées lui plaisait bien. L'incertitude plutôt que de causer de la frustration avait un goût sucré, légèrement acide sur le bout de la langue. Agréable.

Ibis avait décidé de ne pas sauter sur l'occasion que le comportement rentre dedans du perdu lui offrait. C'est sans quitter son expression de malice que Sinner se fit traîner par le bras dans la direction du tipi. Son sourire s'élargit même encore un peu. Le hameçon et l'appât étaient dans l'eau, il s'amuserait sans doute à les agiter sous le nez du poisson lorsque l'occasion lui semblerait propice, mais là, il avait tout intérêt à aller dans le sens du courant.

"C'est que t'as déjà un plan précis en tête dis... Hâte de voir ce que tu nous réserves."

Le cap était mis en direction d'un autre type de consommations, et c'était pas Sinner qui allait s'en plaindre. Quoiqu'il arrive, il passerait un bon moment. Il avait hâte !

--

Il s'était baissé pour passer dans l'ouverture de cette maison de tissus et désormais, il en contemplait l'intérieur avec un regard curieux. C'est qu'il n'avait pas si souvent l'occasion de rentrer dans un tipi lambda, qui n'avait d'autres fins que celle d'être habité. Les négociations qu'il menait avaient lieu dans des tentes moins modestes et avec des gens qui par statut l'étaient moins aussi. Quant aux autres natifs - pour ceux qui avaient envie de lui parler - Sinner leur causait généralement dehors.

Il faisait bon, là-dessous. La zone ombragée baignait dans une atmosphère tiède et douce - ou qui le paraissait, comparée à l'extérieur. Puis il y avait des coussins partout, c'était trop bien. Ca donnait envie de sauter dedans et de s'étaler de toute sa longueur, comme un grand chat. Ca donnait envie de s'installer. A priori, c'était pas le plan. On lui proposait d'aller de l'autre côté du tipi. Même pas il avait une excuse pour se jeter dans les tissus le temps qu'Ibis ait trouvé ce qu'il cherchait. Dommage !

"Il y a un coffre de pirate avec un crâne peint dessus. Dedans il y a des bouteilles, prends-en une au bol de toute façon elles sont toutes dégueulasses mais mes colocs m'en doivent une."

Vif éclat de rire de la part de la Fripouille, qui se prêta au jeu, comme ça restait dans son intérêt de coopérer. Puis il était de bonne humeur, ce qui le rendait plus conciliant qu'il ne pouvait l'être parfois quand on se montrait trop directif à son égard.

"Eh ben ça donne le ton ! Mais eh, si on buvait ça pour le goût ça se saurait..."

Mieux valait être déchiré sans avoir contenté son palais que l'inverse. Il arrivait que Sinner fasse d'une pierre deux coups selon les bouteilles sur lesquelles il tombait (ou qui lui tombaient dessus quand c'était pas lui qui ramenait l'alcool). Mais du rhum pur ? Même s'il avait été bon, c'était trop fort pour ne pas ressembler à du désinfectant. Lorsqu'on mettait ça dans sa bouche, c'est surtout qu'on n'avait pas l'intention de finir la journée sobre.

La Fripouille fouilla quelques secondes le coffre pirate, le temps de prendre connaissance de son contenu. Sinner attrapa l'une des bouteilles qu'on trouvait à l'intérieur à moitié au hasard, à moitié parce qu'il en préférait la forme et la couleur.

Il avait été rapide. Ibis était encore à quatre pattes, ce qui laissait à Sinner le loisir de faire ce qu'il avait envie de faire depuis l'instant où il était entré là-dessous : il se jeta/coucha dans les tissus, ce qui lui permettait par ailleurs de mieux voir le visage de son interlocuteur autrement trop planqué. Là, il pouvait tenter d'accrocher son regard.

"J'ai ! Pwah... Si avec ça on se rince pas le gosier !" Il avait débouché la bouteille pour sentir l'alcool à l'intérieur. L'odeur entêtante de l'alcool lui avait tiré un frisson ainsi qu'un sourire trahissant une insidieuse, dangereuse euphorie. Sinner hésitait entre en avaler une lampée tout de suite ou tout refermer et attendre d'être arrivé à bon port pour commencer à se biturer. C'était pas la politesse qui l'étouffait lorsqu'il ne voyait pas l'intérêt d'en faire preuve, mais la conscience d'avoir entre ses mains une petite boîte de Pandore. Une fois qu'ils auraient commencé Ils allaient clairement pas s'arrêter avant que la bouteille soit vide, ce qui était le bon moyen d'oublier ce qu'on avait prévu de faire.

"Tu trouves ce que tu cherches ? Alors, tu m'emmènes où ? Ca te dérange pas si je commence hm ?"

Sinner avait finalement voté pour le "choix risqué". Lui s'en foutait de savoir s'ils restaient dans ce tipi ou s'ils bougeaient ailleurs. Les deux lui convenaient. Par ailleurs même s'il avait demandé, Sinner n'avait pas attendu l'autorisation du Delaware adopté pour prendre une grosse lampée d'alcool, sans le quitter des yeux. La Fripouille s'intéressait aux réactions de son interlocuteur. Voir s'il était aussi fun et sans complexes qu'il en donnait l'air.

"Santé ?"

Et de lui tendre le goulot pour l'inviter à consommer à son tour s'il voulait s'y mettre avant d'avoir atteint le "spot sympa" dont Sinner avait demandé la description.

J'ai ! Pwah... Si avec ça on se rince pas le gosier !

Le Hanté ricane alors qu'il fourre un calumet assez simple dans sa poche.

Okay, monsieur l'onelogue. il est pas sûr du mot. Il pousse légèrement l'épaule du Perdu affalé dans ses couvertures d'un geste joueur. C'est vrai qu'à l'Arbre c'est que du grand cru.

Ca le dérange pas qu'il fasse comme chez lui, Ibis a jamais été du genre propriétaire. Il a toujours pris ce qu'il avait besoin ou envie sur le moment et tant pis si c'était pour se le faire faucher le jour d'après. Tenir trop aux choses ça sert juste à avoir mal quand elles disparaissent de toute façon. Et puis juste il s'en fout.

Tu trouves ce que tu cherches ? Alors, tu m'emmènes où ? Ca te dérange pas si je commence hm ?

Vas-y il marmonne avant de laisser échapper une exclamation victorieuse quand il met enfin la main sur le pot qu'il cherchait.

Santé ?

La tatoueur se redresse. Sur les genoux, il cogne ses bagues contre la bouteille avec l'air jovial comme on ferait trinquer deux verres. Santé !

A son tour il prend une gorgée qui brûle un peu la gorge mais pas trop non plus. Les nerfs de son œsophage probablement cramés à force. De toute façon ça l'a jamais dérangé, la douleur ça fait ressentir des trucs et il aime ressentir.

Je voulais aller au ruisseau; c'est à l'ombre et on peut se baigner.

Il rend la bouteille à Sinner, entasse en vrac encore quelques fruits dans un petit sac de toile, et se relève fin prêt. Jetant d'abord un coup d'oeil par l'ouverture du tipi, il fait ensuite signe au garçon de le suivre avant de filer au petit trot. Si Milan le voit il risque de lui donner un truc à faire et le Hanté a pas envie de se faire couper son moment avec le Perdu.

"C'est vrai qu'à l'Arbre c'est que du grand cru."

La remarque comme le coup d'épaule qui l'avait précédée amusèrent Sinner, lequel ricana de bon coeur, avec une sincérité dépourvue de malice qui ne se manifestait pas si souvent chez lui.

"On est des petit chanceux nous aussi... HEUREUSEMENT, que les occasions ne manquent pas de se rincer le gosier !"

Les alcools bien forts bien mauvais, c'était sans doute un goût acquis, mais il n'en était pas moins réel. De même qu'on pouvait trouver un vrai plaisir à boire des bières que la plupart du gens auraient trouvées objectivement dégueulasses. Plus c'était mauvais, meilleur c'était !

"Santé !"

Ibis venait de trinquer avec ses bagues - la classe !
Et maintenant il avalait une grosse lampée de tord-boyaux, très visiblement indifférent au fait que Sinner se soit servi et installé sans attendre de savoir s'il pouvait ou pas. Y avait une bonne vibe là... Une excellente vibe même. Est-ce qu'il venait de trouver un nouveau vrai pote, de ceux qui partageaient assez avec lui pour qu'il puisse les considérer comme tels ?

Y avait grave moyen, et la Fripouille était ravie ! Le diplomate avait vraiment hâte de voir où cette rencontre allait les mener. Un sourire fendant son visage d'une oreille à l'autre, il ne put s'empêcher de répéter, cette fois-ci à voix haute de sorte à ce que ses pensées puissent être entendues :

"Toi vraiment... Je crois que je t'aime bien."

"Je voulais aller au ruisseau; c'est à l'ombre et on peut se baigner."
Se baigner tu m'en diras tant... Très très hâte de me baigner en ta compagnie, beau gosse.

Les pensées peu catholiques revenaient au pas de course, même si la suite des événements restait encore totalement à écrire. Il allait peut-être rien se passer du tout, mais c'était pas désagréable de se dire qu'une possibilité existait que ça parte en live. En tous les cas retirer quelques couches de vêtements histoire d'aller barboter dans l'eau serait bien agréable, pour les sens comme pour les yeux.

"¡ Qué guay ! Excellent plan, c'est parti !"

Sinner n'avait pas manqué de remarquer l'attitude méfiante d'Ibis, qui avait jeté un coup d'œil à l'extérieur du tipi comme pour vérifier que personne n'allait le trouver. Comme s'il était en train de faire une connerie...

Ca devenait de plus en plus intéressant !

Trottinant derrière le Hanté pour ne pas se laisser distancer, Sinner décida de demander quelques précisions :

"Qu'est-ce qu'il y a, t'es en train de faire l'école buissonnière en fait ?"

Et de glousser sans pouvoir s'en empêcher. Sinner aurait ADORÉ.

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