En se relevant, face au silence, Rachel vit les armes regagner les ceintures et fourreaux. La guerre avait été évité. Jambes flageolantes, la Mère ne rêvait plus que de se lover dans son lit, de se détendre, relâcher la pression qui nouait son dos. Elle vit Sparkle la rejoindre, offrir un sourire dément à l'assemblée. Moony explosa. Ses mots frappèrent avec la dureté d'une lame d'acier.

La scène rappela à Rachel ce jour où, dans les marais, elle avait frappé Sparkle, excédée par son comportement. Aujourd'hui les mots lui paraissaient plus violents que les coups qu'elle avait porté à l'Artisan. Néanmoins, elle comprenait la réaction de Moony. L'Artisan avait placé tant d'espoirs dans ce projet...

Un vieil homme se détacha de l'assemblée de Peaux-Rouges. La peau aussi ridée qu'une pomme séchée, il se tenait sur un bâton agrémenté de multiples colifichets. Probablement des objets détenant, chacun, une signification sacrée. Rachel répondit au salut du vieil homme qui se mit à parler d'une voix lente.

« Moi, Corneille Ardente, chaman de la tribu, écouterait votre demande, enfants. La parole, ici, est sacrée. »

Rachel se plia pratiquement en deux face au chaman.

« Nous vous remercions de prêter oreille attentive à nos demandes. »

Se remettant droite, Rachel se glissa auprès de Moony. Elle posa sa main dans le dos de l'Artisan, le poussa doucement pour l'enjoindre à s'approcher de Corneille Ardente.

« Va. L'échec n'est peut-être pas définitif. »

Laissant l'Artisan mener les négociations, réclamer cette substance qu'il avait tant souhaité, Rachel se rendit auprès de Joy et de Sparkle.

« Est-ce que vous avez encore une des lanternes ? Vous saurez retrouver votre chemin ? »

Sparkle avait beau être Sparkle, il demeurait un enfant. Aucune Mère ne laisse son enfant combattre les ombres de la nuit sans même l'aide d'une veilleuse. La Mère se força à sourire, essayant d'apaiser les cœurs tourmentés, parlant tout bas sur le ton de la confidence.

« Ne lui en voulez pas trop. Il veut si bien faire... Peut-être aura-t-il tout oublié d'ici quelques jours. »

Mentir, parfois, pouvait être salutaire.

HRP:

hrp:

Elle avait décelé, la Stone, le secret dissimulé sous le sourire factice de Rachel. Elle avait glissé l'insinuation, comme si de rien n'était. Les deux Mères s'étaient jaugées, silencieusement, chacune comprenant très bien où l'autre voulait en venir. Sparkle brisa l'échange, grognant avec la rage sourde d'un animal blessé. La tête rentré dans les épaules, l'Artisan quitta les lieux, entraînant Joy à sa suite.

Le silence tomba, soudainement, comme une chape de plomb, sur le village.

Mais point de repos pour les Mères. Il lui restait un Enfant Perdu dont elle devait s'en occuper, un Enfant qui lui avait jeté un regard éperdu, quémandant une bouée pour ne pas se noyer.

Rachel rejoignit Moony, posa sa main sur celle de l'Artisan. Je suis là. Tout ira bien. Néanmoins cette fois-ci ce n'était nullement un mensonge. Mais une promesse. Un engagement que Rachel se devait de tenir. Rachel posa sa main contre les omoplates de Moony l'invitant à s'incliner comme elle. Abuser des saluts protocolaires n'était jamais excessif. Mieux valait se parer de trop de politesses que se conduire tel un rustre.

« Mon ami ne connaît guère vos coutumes, chef des Delawares. Nos semblables craignent la Nuit Éternelle. Puisse-t-elle prendre fin. Mais, en attendant son déclin, il nous faut pouvoir voir. Et mon ami songeait à construire des lanternes bien particulières. Mais, pour cela, il faudrait un produit que seule votre tribu possède... »

D'un signe de tête, Rachel encouragea l'Artisan à préciser. Il prouverait ainsi que leurs dires étaient fondés, et que leur projet n'avait d'autre but que la paix. Et non un énième conflit entre un clan des Peaux-Rouges et les Enfants Perdus.

Les précisions apportées par l'Artisan firent hocher la tête au chef. L'homme échangea quelques mots avec son chaman, Corneille Ardente, dans un dialecte qui avait toujours paru bien trop complexe à Rachel. Une langue chantante, jouant avec les graves, presque rocailleuse. Le suspens demeura palpable, jusqu'à ce que le chaman ne fasse signe aux deux enfants de les suivre, souriant de toutes ses dents ébréchées, branlantes et manquantes. Un sourire édenté de vieillard.

Rachel veilla à demeurer aux côtés de Moony, le soutenant de sa présence. Le chaman babilla le temps de mener leurs petits bonhommes de chemin.

« Je possède de cette substance que vous désirez. Vous pourrez en emporter. Est-ce qu'un de vous sait écrire ? »
« Je le sais. » clama Rachel. Un savoir qui ne l'avait pas quitté, même lorsque son ombre fut arrachée.
« Tu prendras note alors de la recette. » Le chaman dévoila l'entrée de son tipi, laissa les enfants entrer à sa suite. « Mais jamais cette recette ne devra tomber aux mains des pirates. »

La chaleur régnant au sein du tipi fit rougir les joues de Rachel. Néanmoins la Diplomate ignora ce changement de température, toute concentrée qu'elle était sur les paroles du chaman.

« Cette substance est dangereuse ? »
« Comme toute chose, en ce monde, elle peut l'être si mal utilisée. » Le chaman farfouillait dans ses pots, finit par en dénicher un qu'il tendit à Moony. « Écris ce que je vais te dicter, jeune fille. »

Chance pour l'Artisan et la Diplomate, cette dernière avait enfoui un carnet et un crayon en papier dans ses poches. Tirant la langue, consciencieuse, la Diplomate rédigea ce que Corneille Ardente lui dictait. Non sans froncer les sourcils sur certains termes. Mais la Mère finit par hausser les épaules, tout en remettant carnet et crayon en place. Ces termes parleraient peut-être plus à Moony qu'à elle.

Après avoir remercié le chaman, les deux Enfants purent quitter le village. Le long du chemin, éclairé par une des torches confectionnées par Moony, Rachel veilla sur l'Enfant Perdu. Tenta de le rassurer, de lui faire miroiter la victoire de la mission. Néanmoins la Mère savait combien cette victoire avait une saveur douce-amère. Ils étaient arrivés à quatre, et repartaient chacun deux par deux.

Même si l'Enfant-Roi présidait les Enfants Perdus, la communauté demeurait dangereusement fragmentée. Disloquée. Fragilisée. Et si la Nuit Éternelle ne prenait pas fin bientôt, la communauté exploserait.

Citation :

Merci à vous tous pour cette mission mouvementée !

Je me suis laissée emporter par l'inspiration, du coup mon post fait très conclusion. Si jamais je me suis trop avancée Moony, tu me dis et je modifie !