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Loner
Loner

♣ Raccommodeur ♣


✘ AVENTURES : 31
✘ SURNOM : Le Planqué
✘ AGE DU PERSO : 17 ans

✘ DISPO POUR RP ? : Oui !
✘ LIENS :
Your best and wisest refuge from all troubles is in your science.

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MessageSujet: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptyMer 9 Fév 2022 - 14:32

Loner


Les Trucs


Surnom : Le Planqué
Groupe : Garçons perdus
Age : 17 ans
Rôle : Raccommodeur



Les Révérences

Loner est assez grand pour son âge, sans plus. Dans l'Ordinaire, ça suffisait pourtant parfois à le faire sortir du lot, ce qui ne lui plaisait pas beaucoup. Son visage allongé est perpétuellement caché sous sa tignasse épaisse, mi-longue. Ses cheveux noirs sont assez raides et n'ont pas besoin de beaucoup d'entretien, malgré leur santé aléatoire. Ca tombe bien car Loner ne fait de manière globale pas grand cas de son apparence, qui paraît relativement négligée. Il porte les marques d'une fatigue perpétuelle : teint blafard et cernes noires qui ne s'estompent jamais. Ses yeux sombres fuient tout ce qui cherche à les accrocher. Loner est un adolescent silencieux, effacé, qui fait de son mieux pour ne pas être vu, qui tente de prendre le moins d'espace possible au sens propre comme au figuré. Il est né au Japon. Sa mère était suédoise - sans ascendance asiatique - mais les origines partiellement européennes de Loner sont assez discrètes. Dans l'Ordinaire, on l'interrogeait rarement à ce sujet, ce qui l'arrangeait considérablement, car (au moins) il n'a pas eu ce genre de problèmes d'intégration.

Loner porte principalement des vêtements qui ont des capuches. Il rabat lesdites capuches dès qu'il peut, ce qui lui permet de se couper plus efficacement du monde. Il ne voit rien, on ne le voit pas, et les gens ont tendance à moins le déranger ainsi. Il porte occasionnellement des accessoires (un bracelet de force discret à tout le mieux, rien de plus extravagant) mais préfère généralement des habits simples, amples, et surtout très sombres. Idéalement, s'ils peuvent être entièrement noirs, c'est encore ce que Loner préfère.

Dans l'Ordinaire, Loner était un gros gamer, avec un goût particulièrement développé pour les rpg et (surtout) les mmorpg. Malgré le manque de popularité du jeu dans son pays d'origine, il appréciait tout particulièrement WoW. Il y jouait en anglais, WoW n'ayant jamais été traduit dans sa langue maternelle. Il jouait exclusivement côté horde, l'Alliance était à son goût beaucoup trop proprette. De la même manière, il avait commencé à jouer à Aion côté asmodiens (peu avant d'être forcé à quitter l'Ordinaire).

Dans l'Ordinaire, Loner lisait occasionnellement mais se lassait vite - sauf exceptions. Il pouvait aléatoirement lui arriver de se passionner pour une histoire et de dévorer un pavé sans s'arrêter avant de l'avoir fini. Il préférait aux romans les comics et les mangas. Il avait quelques "tendances otaku" mais les jeux vidéos restaient le principal moyen par lequel il assouvissait ses besoins de fiction.

Loner était un codeur autodidacte qui se destinait à rentrer à l'université l'année suivante pour étudier l'informatique de façon modérément convaincue. Il s'intéressait plus volontiers aux théories qu'aux technologies, même s'il lui fallait parfois faire l'effort de les découvrir pour parvenir à faire ce qu'il voulait. Loner préférait globalement coder ses propres solutions. Le "from scratch" était sa bulle de confort personnelle. Il lui arrivait cependant de participer à des projets communautaires en ligne, même s'il ne supportait pas toujours très bien les aléas du travail d'équipe (si l'un de ses partenaires indentait mal, commentait mal, ou utilisait des solutions sales et mal optimisées parfois tirées d'un quelconque forum douteux, il avait du mal à ne pas s'énerver). Il a un goût particulièrement prononcé pour l'algorithmique et pouvait passer des heures à travailler sur ses projets personnels sans fatiguer ni se lasser une fois qu'il était lancé.

Loner a toujours été très passif. Le harcèlement scolaire qu'il a subi dès l'enfance a renforcé ses tendances naturelles. Il préfère encaisser, laisser passer sans réagir. Il ne voit pas l'intérêt de résister. Ne parlons même pas de se venger ou d'obtenir réparation. Selon lui, gesticuler inutilement ne lui apportera que de la fatigue et encore plus de problèmes. Les autres peuvent bien dire et faire ce qu'ils veulent, ils finiront par se désintéresser, ce qui arrivera généralement plus vite si Loner fait le mort jusqu'à ce qu'on l'abandonne à son sort. Les moqueries dont il peut faire l'objet ne l'atteignent plus depuis longtemps - c'est du moins ce dont il se persuade. Depuis son arrivée au Grand Arbre, il a tendance à partir du principe que de toute façon, rien ne pourrait être pire. L'hostilité qu'il peut recevoir à l'occasion n'est qu'un détail qui ne change pas grand chose à la toile d'ensemble. C'est un cadre de vie qu'il ne supporterait pas même si les autres perdus se montraient plus sympa. Enfin... si le Grand Arbre était plus silencieux, si on n'y beuglait pas en permanence, l'existence de Loner deviendrait certainement un plus douce... Mais on ne peut en attendre autant de gosses qui pour certains ont encore l'âge d'être au collège, en primaire, ou même en maternelle.

Quoique disposant d'une grande force de travail, Loner a paradoxalement un immense poil dans la main. Il ne fait aucun effort pour ce qui n'éveille pas sa motivation. Il a par ailleurs une sainte horreur de marcher. L'activité physique est sa bête noire. Il exècre devoir s'éloigner du Grand Arbre, même s'il arrive parfois qu'il soit content de l'avoir fait (moins de monde, moins de bruit...). Il faudra se lever tôt pour le convaincre de sortir de ses routines et/ou de sa zone de confort afin d'aller explorer les environs. Ca reste possible, cependant, en usant des bons arguments. Loner s'ennuie à longueur de journée. Réussir à s'occuper l'esprit devient donc régulièrement une urgence pour lui.

Loner est complètement paumé sans son ordinateur et son accès à internet. Il a été coupé du seul univers au sein duquel il parvenait à s'épanouir pour être plongé dans un enfer irl dépourvu d'électricité, ce qui le dépite profondément. Désemparé, il ne sait plus trop quoi faire de lui-même. Il se raccroche aux projets de couture sur lesquels il est amené à travailler au sein du groupe des raccommodeurs. Il lit beaucoup plus qu'avant. Afin d'en oublier le moins possible, il a couché sur le papier ses souvenirs vidéoludiques (lore, scénarios, mécaniques...). A défaut d'être en capacité de jouer, il invente régulièrement des univers et des gameplay originaux pour des jeux qui n'existeront jamais. Il n'a généralement pas la foi de développer ses lores en profondeur. En revanche, ses mécaniques de jeu sont beaucoup plus travaillées. Trouvant cela ludique, il lui arrive d'écrire sur papier des algorithmes beaucoup plus généraux pour s'occuper. Un jour, peut-être qu'il finira par avoir l'idée d'exploiter ses idées pour créer des jeux de plateau, mais ce n'est sans doute pas demain la veille. Les jeux de plateau impliquent la participation de multiples joueurs, ce qui ne lui plaît pas beaucoup.

Comme on l'aura compris, Loner n'a quitté l'Ordinaire qu'à contrecœur. Il a dû y consentir pour sauver sa peau, mais tout ce qu'il aime était là-bas. Il vit extrêmement mal le fait d'être condamné à rester sur l'île de Jamais jusqu'à la fin de ses jours.

Dans l'Ordinaire, Loner ne sortait presque jamais de sa chambre. Il y était parfois obligé pour faire des courses, ou pour aller en cours, mais il détestait ça. Il préfère être seul. Il trouve presque systématiquement stressant d'avoir quelqu'un dans son périmètre. Il n'aime pas qu'on le remarque. De façon générale, il n'aime pas les gens, donc autant les éviter. Pire encore que les gens : les ENFANTS. Vraiment, tuez les ces petits merdeux qui passent leur vie à dégouliner et à hurler en gigotant dans tous les sens.

Loner était beaucoup plus à l'aise, bavard et sûr de lui sur internet, via les forums et la messagerie instantanée. Il avait en revanche des tendances grammarnaziesques et très peu de tolérance pour les internautes ne maîtrisant pas les codes du web ("Laisse cette touche capslock tranquille, sombre crétin"). Les anglophones natifs qui écrivaient moins bien anglais que Loner lui tapaient particulièrement sur les nerfs. On n'a jamais été très tolérant avec lui concernant sa propre inadaptation aux codes sociaux en vigueur en dehors du monde virtuel, alors c'est de bonne guerre (ou pas).

Loner est relativement satisfait d'être tombé chez les raccommodeurs. Au moins, il peut bosser au calme et sans qu'on l'emmerde trop. Les projets de couture lui rappellent son expérience des projets de développement en terme de concentration, de temps, de méticulosité requis. C'est une activité qui fait passer le temps - autant que faire se peut sur l'Île de Jamais - et qui permet aussi à Loner de fuir les idées noires qui l'assaillent facilement dès qu'il ne se tient pas assez occupé. Pas spécialement adroit, il se pique souvent, et c'est désagréable car ses mains sont tout le temps douloureuses. Il refuse pourtant systématiquement l'usage du dé à coudre, qui l'empêche de sentir la matière et d'être assez précis dans ses gestes. Il ne fait des exceptions que sur les matières trop épaisses, lorsque l'aiguille refuse radicalement de passer sans une pression telle qu'elle traverserait plus facilement son pouce s'il insistait.



L'Unique au monde

Loner est très sensible au bruit ambiant. Il le supporte particulièrement mal dans le cadre de foules, de grands rassemblements impliquant un brouhaha qui lui apparaît comme une soupe de sons trop nombreux et trop contradictoires. Trop de choses se passant autour de lui causent à Loner de la confusion et un sentiment d'oppression. Les bruits de la rue lui étaient aussi très désagréables dans l'Ordinaire, surtout lorsque ça faisait longtemps qu'il n'était pas sorti de chez lui. Il réagit très mal aux sons forts et soudains (objet lourd tombant par terre, pétard, hurlement...). Même lorsqu'il le voit venir, la violence du bruit le fait immanquablement sauter en l'air et lui cause une certaine détresse émotionnelle. Il a pris l'habitude de mettre des boules Quies pour se faciliter la vie. Il en avait deux paires en arrivant sur l'Île. La première est fichue, il a dû la jeter à regret. L'autre est sur le point de rendre l'âme, et ça le contrarie très fort.

Ses yeux sont très secs et sensibles à la lumière. C'est une raison de plus pour laquelle il déteste être dehors. Il a l'impression de se faire défoncer les rétines par le ciel dès qu'il fait... genre, jour. Même s'il fait moche et que des nuages sombres bloquent le soleil.

[Passage vu avec Cyber] Quoique très solitaire et très mal intégré, Loner a tout de même fini par développer une amitié avec un autre perdu : Cyber. Il faut dire qu'ils partagent de nombreux goûts, et qu'ils ont des problématiques communes. Cyber et Loner ont notamment ensemble ce qu'ils appellent le "jeu du débuggeur". Chacun écrit un bout de code sur un papier en y introduisant volontairement un certain nombre d'erreurs, puis on s'échange les feuilles, et c'est à celui qui sera le plus vif à trouver la totalité des bugs et à les corriger. Occasionnellement, le perdant récolte un gage. C'est donc amusant, mais parfois un peu risqué.

Paradoxalement, malgré son aversion pour le bruit, Loner aime des musiques très bruitées, mettant l'accent sur la masse et la puissance sonore (métal, hardcore, grunge...). C'est juste qu'on le verra difficilement à un concert. Quand il avait le matériel pour, il lui arrivait même de monter le son pour profiter pleinement des basses de ses morceaux préférés, mais ça ne durait jamais très longtemps. De toute façon, écouter de la musique a tendance à fatiguer son mental très vite, et puis ça l'empêche de faire quoique ce soit d'autre en même temps, alors il finit par s'ennuyer (en plus d'avoir mal à la tête). Ses sessions d'écoute sont systématiquement courtes.

L"idée de coudre des cosplays lui est déjà passée par le crâne, mais il l'a trouvée très saugrenue. Ce n'est pas lui qui va les porter, et il n'est pas sûr de se souvenir assez précisément des vêtements des personnages fictifs de l'Ordinaire qu'il connaissait pour parvenir à un résultat satisfaisant. Néanmoins, une part de lui trouve que c'est une idée de projet plutôt amusante... à condition que le produit final soit destiné à quelqu'un d'autre.

Loner a tout le temps froid aux mains. Il porte donc tout le temps des mitaines. Certains diront que ça ne doit pas beaucoup aider, comme le froid atteint tout de même ses doigts nus, et ils n'auront pas entièrement tort, mais Loner considère le compromis acceptable. S'il avait des gants complets, il serait obligé de les enlever tout le temps pour être capable de faire quelque chose de ses mains (coudre, écrire...). Au moins, comme ça, la question ne se pose pas. De plus, c'est un accessoire qu'il trouve agréable à regarder et à porter. Loner n'y voit donc que des bénéfices.

Loner déteste quand il fait beau. En revanche, il adore les temps pluvieux. L'odeur de la pluie le met de bonne humeur. Le son de ses gouttes s'écrasant contre diverses surfaces l'apaise.



L'île

Comment vis-tu ta vie à Never Never Land ?  
Je dois dire que je suis assez mitigé... Soyons honnêtes : cet endroit est un enfer. Les conditions de vie sont moyenâgeuses. Je ne sais pas encore comment je vais faire pour tenir sur le long terme. Même à ce jour, j'ai l'impression d'être en colonie de vacances et d'attendre impatiemment la date du retour - sauf qu'il n'y aura pas de retour. On se fait chier, on est perpétuellement en danger, et en plus, pas moyen de s'isoler vraiment. Être en permanence au milieu de tout le monde, c'est insupportable. Et c'est encore pire quand ce "tout le monde" est constitué en grande partie de gosses surexcités. Mais venir sur cette île est ce qui a sauvé ma vie donc... Quelque part je suppose que c'est toujours mieux que rien.


Qu'éprouves-tu pour l'Ordinaire ?
Je l'ai quitté pour une bonne raison, même si je peine à m'en souvenir. On me traquait, c'était partir ou mourir. N'empêche que j'aimerais vraiment pouvoir rentrer. Je voudrais des murs solides, du silence, et surtout un ordinateur. Un accès à internet. C'est flou, mais ça veut encore dire quelque chose. C'est un monde qui se déploie sans qu'on ait besoin de bouger ni de s'exposer, un monde où la communication écrite devient la norme. C'est le seul endroit où je voudrais être.


Que représente Peter Pan pour toi ? Et le capitaine Hook ?
Peter ? Il m'a sauvé. Je suppose que je devrais lui en être reconnaissant. Ca ne signifie pas que j'approuve sa vision des choses ni que je suis d'accord avec la manière dont il dirige la communauté des enfants perdus, loin de là. Mais vous savez quoi ? Ce n'est pas mon problème. De toute façon, je garde mes distances avec lui comme avec tout le monde. On ne peut vraiment faire confiance à personne.

Hook et ses pirates... Ca me paraît loin, comme problème. Je ne quitte jamais le périmètre de l'Arbre, je ne peux donc pas les rencontrer. Je sais qu'ils existent mais je ressens leur présence comme une légende plutôt que comme une réalité. Je ne vois pas trop l'intérêt de la guerre que se mènent les mômes et les adultes sur cette île, mais bon... Je suppose qu'il faut s'occuper. A force d'être coincé ici, c'est pas très étonnant que tout le monde pète un câble.


Développe ta chronologie en dates ou en intrigue :
Loner est né en 1994. Il a quitté l'Ordinaire en 2011.

Les intrigues l'ont relativement peu touché car il a toujours fait de son mieux pour ne pas s'impliquer dans quoique ce soit. Néanmoins, l'Invasion de Cauchemars a été pour lui un moment particulièrement compliqué. Sa présence sur l'île était encore récente, il lui restait des souvenirs assez vifs de l'Ordinaire. Il rêvait beaucoup des yakuzas qui l'ont harcelé, frappé, et qui ont menacé sa vie. Il avait peur de s'endormir. Lorsque l'insomnie ne l'y aidait pas, il tentait de faire des nuits blanches pour éviter de rêver. Cela l'a épuisé au point d'atteindre une rupture physique et mentale. Il y a eu une période durant laquelle il est devenu incapable de bosser le matin avec les raccommodeurs. Certains perdus bien intentionnés l'ont conduit de force à l'infirmerie où il a fait un séjour prolongé.

Durant la Malédiction de l'Esprit Loup, Loner s'est contenté de sortir du Grand Arbre encore moins souvent que d'habitude. Il n'était pas très bien luné parce qu'il pouvait moins s'isoler, et parce qu'il se passait des choses graves qui ruinaient son moral autant que celui de tout le monde, mais il s'en est plutôt bien tiré.

La Nuit des Horreurs le touche légèrement moins. Il continue de se passer des choses graves, mais c'est à croire qu'à force, on se désensibilise. Il n'est plus atteint par la réalité des événements. Il a l'impression de vivre en parallèle, comme détaché de ce qui l'entoure. Il s'isole dans ses pensées et ses projets plus efficacement qu'au préalable.

La Canicule lui pose plus directement problème. La déshydratation en elle-même ne le perturbe pas tant que ça. Il a l'habitude de ne pas manger à sa faim et de ne pas boire à sa soif, même s'il ne se souvient pas pourquoi. Le combo de l'enfer (soif + chaleur) lui cause néanmoins des maux de tête handicapants. Il est contrarié parce qu'il ne peut plus rien faire quand il souffre trop (en plus d'avoir mal, il s'ennuie).

Il vit beaucoup mieux la Pluie Salée qu'il ne le devrait. S'il n'y avait pas autant de morts, à vrai dire, il prendrait son pied. La luminosité est parfaite à son goût. Il adore l'atmosphère pluvieuse et ne craint les orages que s'ils sont trop forts et trop bruyants. Il s'inquiète néanmoins pour ses nombreux carnets. Il coud un sac aussi épais - et donc aussi imperméable - que possible pour y glisser tous ses écrits. Il le garde en permanence sur son dos pour s'assurer que le sac ne soit pas noyé.

Le Givre lui plaît beaucoup moins. Déjà, on le déloge et il se retrouve au Canyon, ce qui le perturbe énormément. Ensuite, il supporte mal le froid. Ses doigts sont souvent trop gelés pour qu'il parvienne à écrire. Il tombe malade et traîne l'équivalent d'une grippe jusqu'à la résolution du problème. C'est une période durant laquelle il est très peu productif, il bouge à peine. Certains se moquent et disent qu'il hiberne, ce que Loner ne prend pas mal car il trouve que le terme est plutôt bien trouvé. Il en est à un stade où il est trop épuisé pour s'ennuyer.

Lorsque le printemps revient, Loner a l'impression de ressusciter avec lui. Il est presque content d'être de retour au Grand Arbre - ce qui ne dure guère, d'autant que l'euphorie générale des perdus rend l'endroit vraiment trop animé à son goût. Ses symptômes disparus, Loner retrouve l'énergie de vivre sa vie normalement - selon sa propre définition de la chose.



Prélude

"Ne lui répond pas. Tu ne lui dois rien, elle se sert de toi. Tu sais qu'elle se sert de toi. Elle n'a pas changé, elle en est incapable. Ca se terminera comme à chaque fois qu'elle demande ton aide."

Tanja était assise dans la cuisine. Elle faisait face à la table, sur laquelle se trouvait le repas à peine entamé du bambin qu'elle portait. Elle tentait de ne pas trop lever la voix, soucieuse de préserver la tranquillité de l'enfant qu'elle faisait actuellement sauter sur son genou. Par chance, Yuu n'était pas trop ronchon. C'était de manière générale un bébé assez sage, mais les tensions trop courantes qui existaient entre ses parents ne lui étaient certainement pas bénéfiques. Tout ça à cause de cette horrible femme.

Tanja prit une cuillère de purée et tenta de la faire manger à Yuu. Il ouvrit la bouche sans protester. Elle en profita pour râcler les restes de la précédente fournée, qui s'était malencontreusement à moitié écrasée contre le visage du bébé. Il avait tourné la tête au mauvais moment.

"Je ne suis pas assez naïf pour penser qu'elle va rembourser ses dettes un jour. Elle a de gros problèmes. Elle avait l'air mal au téléphone, je ne sais pas dans quoi elle s'est encore fourrée... Ca reste ma sœur. Je ne peux pas la laisser tomber."

Hayato ne semblait pas aussi convaincu qu'il essayait de s'en donner l'air. Appuyé contre un plan de travail, il croisait les bras pour paraître sévère, mais son regard était fuyant et le ton de sa voix masquait mal son hésitation. Tanja sentit la moutarde lui monter au nez. Cette situation lui devenait progressivement insupportable.

"Si. C'est exactement ce que tu peux faire. La laisser tomber."

Au tour d'Hayato de perdre son sang-froid. Il se tourna vers sa femme et lui lança une pique sournoise qu'il regretta immédiatement.

"Ah oui. La laisser tomber comme tu as laissé tomber tes parents, c'est ça ? Est-ce qu'on doit aussi déménager sans laisser d'adresse ?
- EXACTEMENT. On pourrait faire ça, par exemple. Je ne regrette pas une seconde ce que j'ai fait, ne fais pas comme si j'étais en tort. Tu connais l'histoire, tu vaux mieux que ça."


Tanja était blessée, mais elle préféra s'en tenir là. Hayato n'était pas fier de lui, il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer. Envenimer la situation plus avant ne serait utile à personne. Le jeune homme soupira, passa une main sur son visage et reprit beaucoup plus doucement.

"Tanja... Nos parents sont morts, elle n'a plus que moi. Elle risque de finir à la rue.
- Si la situation était inversée, est-ce qu'elle se poserait autant de questions à ton sujet ? Chaque fois qu'on la sort des ennuis, elle trouve le moyen d'y retourner la tête la première.
- Elle reste ma seule famille...
- Non. C'est complètement faux. Elle te draine comme une poule aux œufs d'or, et Dieu sait que nous ne roulons pas sur l'or. Ta famille est ici, Hayato. Est-ce que je dois te rappeler qu'on vient d'avoir un enfant ? Pense à l'avenir de Yuu. Quelle vie va t-il mener si nous n'avons plus les ressources de nous occuper correctement de lui parce que tu as tout donné au parasite qui te sert de sœur pour qu'elle claque tout dans des paris... Ou dans... Je ne sais même pas ce qu'elle fiche de sa vie ! Et toi non plus. Si ça se trouve, nous ne sommes même pas les seuls pigeons qu'elle déplume."


Un long silence s'installa. Hayato avait le regard perdu dans le vide au travers de la fenêtre. C'était une décision difficile à prendre.

"Très bien. Je ne vais pas lui répondre. Mais elle risque de venir nous rendre une visite surprise...
- Alors partons. S'il te plaît. Qu'elle soit définitivement hors de nos vies, et qu'elle n'entre pas dans celle de Yuu..."


--

Trois ans plus tard

Yuu s'occupait dans la véranda qui donnait sur la cour, à l'arrière de la maison. L'enfant était assis parmi les jouets que ses parents avaient laissé pour lui chez la dame qui le gardait lorsqu'ils allaient travailler. Ce week-end, ils ne travaillaient pas, mais ils avaient décidé de prendre des vacances à deux, alors on avait confié Yuu à Keiko quand même.

Le soir tombait lentement. La luminosité extérieure se gorgeait peu à peu des couleurs ardentes du crépuscule. Certaines vitres étaient ouvertes. Un courant d'air chaud gorgé d'odeurs florales agréables passait. La température ne baisserait pas avant de nombreuses heures. Depuis que ses parents et lui avaient déménagé tout au sud de l'île de Kyushu, ils bénéficiaient de températures nettement supérieures à celles auxquelles ils étaient habitués précédemment. L'été, ça pouvait parfois devenir trop.

Mais toutes ces préoccupations n'étaient pas celles de Yuu, qui appuyait innocemment sur les boutons d'un jouet électronique particulièrement bavard. Keiko commençait à en avoir marre d'entendre la voix nasillarde du robot raconter ses diverses histoires. Elle, en revanche, n'avait pas l'esprit tranquille.

Elle commençait à s'inquiéter. Les parents de Yuu étaient en retard. Cela faisait bien deux heures qu'ils auraient dû venir récupérer leur enfant, et elle n'avait toujours aucune nouvelle.

La téléphone se mit à sonner. Keiko s'élança pour décrocher le combiné. Enfin ! C'était certainement les parents du petit qui appelaient pour s'excuser et pour prévenir la jeune femme du temps qu'il leur faudrait encore pour arriver.

"Allo ?
... Euh. Oui, c'est moi ?"
. Bref silence. Keiko regarda Yuu au travers de la porte fenêtre.
"Oui, il est avec moi." Nouveau silence, plus long. Keiko ouvrit grand les yeux et changea son téléphone d'oreille sans réfléchir.
"Pardon ? Est-ce que vous pouvez répéter s'il vous plaît ?" Elle prenait progressivement la mesure de ce qu'on était en train de lui expliquer. Elle porta une main devant sa bouche.

La nourrice s'éloigna aussi loin que le fil du téléphone le lui permettait. Sa voix était devenue à peine plus forte qu'un murmure. Mieux valait que Yuu n'entende pas cette discussion.

Lorsqu'elle raccrocha, de longues minutes plus tard, Keiko était blanche comme un linge. Elle retourna voir l'enfant immédiatement et s'agenouilla à côté de lui. Yuu continua de jouer sans lui prêter attention jusqu'à ce qu'elle pose la main sur son épaule et qu'il tourne les yeux sur elle. La gorge de la jeune femme se noua. Elle aurait voulu pouvoir préserver l'insouciance de ce petit visage éternellement, mais désormais, ce n'était plus qu'une question de temps avant que celle-ci s'évapore.

"Yuu... Tu ne vas pas rentrer chez toi ce soir, finalement. Tu vas rester un petit peu plus longtemps en vacances ici. D'accord ?"

--

Quelques jours plus tard

Daisuke avait fêté ses quarante ans, ce week-end. On était lundi matin et il était de retour à son poste miteux, assis dans un bureau miteux et sur une chaise miteuse, les yeux rivés sur l'écran cathodique trop lumineux à cause duquel il avait les yeux injectés de sang et passait son temps à ciller. Il soupira très fort. Il n'avait aucune envie d'être ici. Son récent passage de décennie le démoralisait un peu, et puis il avait encore mal aux cheveux faute à la soirée de la veille. Daisuke se sentait nauséeux. Il aurait préféré rentrer chez lui et hiberner jusqu'au lendemain plutôt que de s'occuper du dossier qu'il avait sous les yeux.

Mais s'il avait eu ce choix, il n'aurait pas été ici. Il se serait envolé pour Okinawa... Non, mieux. Hawaï. Et tant qu'à faire il aurait loué à vie une suite luxueuse dans un hôtel cinq étoiles. Il aurait passé les années qui lui restaient à se la couler douce sur la plage et à a boire des cocktails.

... Eurg. Ouh. Non. Pas les cocktails. Pas aujourd'hui. Leur seule évocation lui remettait une odeur d'éthanol dans le nez qui accentuait son envie de vomir et son mal de crâne. Reste que Daisuke aurait bien aimé posséder les moyens financiers de lâcher cet emploi pourri une bonne fois pour toute. Ca faisait quinze ans qu'il bossait dans cette pièce sombre, poussiéreuse, sinistre. Quinze ans de perdus. Et les quinze à venir semblaient être partis pour ressembler aux premiers.

L'employé mal rasé se frotta les yeux en grognant. De sa main encore libre, il saisit le téléphone du bureau puis le coinça entre son épaule et son oreille. Très lentement, il tendit la main vers les touches et composa à contrecœur un numéro.

"Hm... Allo ? J'ai les informations que tu m'as demandées sur l'un des nouveaux gosses, là. Itô Yuu.

- Alors ?

- Pas de grand-parents paternels. Les deux sont morts lorsque le père du gamin était encore très jeune.

- La malchance poursuit leur famille on dirait...

- Hm hm..."


Daisuke n'en avait glorieusement rien à faire.

"Comme tu le sais, sa mère est suédoise. Visiblement elle est partie de chez elle sans laisser à ses parents le moyen de la contacter. Impossible d'en savoir plus, il faudrait voir avec  l'ambassade, j'imagine, mais bon. Selon ses voisins, Tanja racontait que des mesures d'éloignement avaient été imposées à son père suite à un procès avant même qu'elle quitte le pays, donc...

- Ca ressemble à un mauvais choix. De toute façon, envoyer ce gosse dans un autre pays paraît un peu extrême sachant qu'il ne connaît pas ces gens. Si c'est pour le confier à des étrangers, autant le mettre à l'adoption.

- Et imagine que les grand-parents crèvent dans cinq ans... Bref. Beaucoup de travail pour un résultat médiocre. Mais j'y viens. La tante a accepté de l'adopter.

- Quoi. La sœur du père ? Celle avec qui il avait coupé les ponts ? C'est une meilleure option ?

- Écoute, elle a l'air volontaire, ce n'est pas comme si je lui avais forcé la main... Et puis elle est loin d'être à la rue comme les amis du couple avaient l'air de le croire. Elle gère une petite salle de pachinko à Tokyo, et elle est propriétaire de l'appartement qui est juste au-dessus. C'est assez spacieux pour que le gosse ait sa propre chambre. Pour moi, c'est tout vu... Surtout considérant que c'est la seule famille qu'on lui trouvera au Japon.

- D'accord. Parfait, c'est plus simple que prévu. J'ai vraiment cru qu'on allait devoir jouer aux détectives à l'international.

- Haha ! Moi aussi, pendant un moment... Ca te dit d'aller fêter la résolution inespérée du problème ? Enfin. Pas ce soir. La semaine prochaine, de préférence.

- Vendu."


--

Eh bien voilà. Yukina revenait de la gare, son chargement sagement installé dans la voiture. Elle jeta un coup d'œil distrait au gamin au travers du rétroviseur intérieur. Constatant qu'il ne remuait pas de façon inconvenante et qu'il n'était pas non plus en train de tâcher les sièges arrière avec ses mains poisseuses, elle s'en désintéressa aussitôt et se concentra pour s'engager dans le tunnel en colimaçon du garage souterrain de son immeuble.

"Il fait tout noir ici oba-san...
- Oui, oui... C'est normal gamin. Ca veut dire qu'on est bientôt arrivé."

Yukina expédia sa réponse avec un geste de la main ennuyé. Le gosse avait été sage, jusqu'à présent. On lui avait dit qu'il était d'un tempérament calme - ce qui était l'une des raisons pour lesquelles elle avait peu hésité à accepter cette histoire adoption. Il n'allait quand même pas se mettre à chialer parce qu'il avait peur du malheureux second sous-sol de son parking ? D'accord, c'était un peu glauque et mal éclairé, mais il allait falloir qu'il s'y habitue très vite, sans quoi elle et lui n'allaient pas s'entendre.

"Allez, sors de là. On monte chez moi."

Yuu avait détaché sa ceinture à contrecœur. Il observait craintivement l'éclairage verdâtre au plafond. Yukina soupira d'impatience et ouvrit la portière pour inciter le morveux à descendre.

"Allez, Yuu-chan. Oba-san n'a pas toute la soirée, elle doit aller travailler. Descend de là et suis moi.
- On est où ici ? C'est quand que je rentre chez moi ?"

Brève description un peu gore (accident de la route)
Jamais eut-elle envie de lui aboyer à la figure. Yukina se retint de justesse. Elle ne voulait vraiment pas devoir gérer une satanée crise de nerfs. Qu'est-ce qu'ils fichaient, les services sociaux ? Ils ne lui avaient toujours pas expliqué que ses parents étaient morts, skouik, transformés en viande hachée dans l'étau mortel de leur bagnole plus pliée qu'un accordéon ? Ou bien était-ce ce gosse qui était trop stupide pour comprendre ? Ils auraient dû l'emmener à l'enterrement, peut-être qu'il aurait percuté plus vite... Yukina n'avait aucune envie de devoir s'occuper de cette prise de conscience et du deuil qui allait suivre. Elle n'avait clairement pas que ça à faire.


"On est à Tokyo. Tu vas bien mieux t'y plaire que dans le trou paumé qui te servait de maison, tu devrais être content. Tu ne vas pas rentrer tout de suite. Ne te pose pas autant de questions. Tu seras très bien chez moi, tu vas voir. Allez, on y va."

A contrecœur, elle lui prit la main. Si elle ne le faisait pas, il n'allait jamais bouger. Elle dut tirer un peu pour qu'il marche à sa vitesse, mais elle parvint tout de même à l'emmener dans l'ascenseur sans qu'il montre les griffes. Le plus dur était fait !

Il n'était pas nécessaire de passer par la salle de Pachinko quand on entrait par le garage. Yukina fit en sorte de monter directement au deuxième étage. Elle déverrouilla la porte et poussa Yuu à l'intérieur d'un appartement chargé de babioles ainsi que d'une odeur de cigarette froide et de renfermé. L'enfant porta les yeux sur une table basse chargée des restes d'une soirée récente. C'était vraiment très sale ici... Yuu n'avait jamais vu autant de vêtements posés par terre. Il identifiait une jolie robe, des collants plein de trous, et quelques chemises très colorées. Il crut apercevoir ce qui ressemblait à un révolver, caché sous une pile de papiers et derrière une bouteille vide.

"Par ici. Le salon n'est pas pour les enfants, je ne veux pas t'y voir. C'est compris ?
- Euh d'accord...
- Ta chambre est ici. Il y a des jouets donc occupe toi. Je dois retourner en bas, on m'attend pour tenir la boutique."

La chambre qu'on lui avait octroyé était assez spacieuse et relativement plus entretenue que le reste de l'appartement. Yukina avait fait l'effort de vider la pièce, de la ranger, d'y installer le mobilier nécessaire et même de la garnir d'un nombre indécent de jeux et de jouets. C'était un investissement qui garantirait, selon elle, sa tranquillité d'esprit à long terme. Si le gosse avait de quoi s'occuper, ce ne serait probablement pas bien compliqué de l'avoir dans les pattes.

"Oba-san, j'ai faim...
- Quoi ? Déjà ? On ne mange pas tout de suite. On le fera quand je rentrerai. Va jouer en attendant. Prend une bouteille d'eau dans le frigo... Et puis il doit y avoir des chips dans le placard si tu y tiens. Oublie ça, ne touche pas au frigo ni aux placard. Je t'amène ça mais après tu joues tout seul jusqu'à mon retour. Et tu ne sors pas de ta chambre.
- Bon d'accord..."

Agacée, Yukina s'empressa d'aller chercher le goûter improvisé du gamin. Mieux ne valait pas qu'il touche à ses affaires. Dans la cuisine comme dans le salon, tout ce qui se consommait n'était pas nécessairement à destination d'un gamin. Elle revint vers son neveu et lui lança ses chips et son soda - elle avait découvert qu'il n'y avait plus d'eau au frais.

"Prend ça. Maintenant j'y vais. Sois sage. Ne sors pas de ta chambre.
- Tu reviens vite oba-san ?
- Oui, oui... Très vite."

Avant minuit, sans doute. Bref.
Elle avait fait de sacrées dépenses pour qu'il puisse faire joujou tout seul dans son coin sans embêter personne. Ca ne pouvait que bien se passer... Et puis bientôt, il irait à l'école, elle l'aurait donc moins souvent dans les pattes. Quand il grandirait, il travaillerait et il ramènerait de l'argent à la maison pour entretenir sa vieille tante qui avait eu la gentillesse de le prendre sous son aile lorsque personne ne voulait de lui. Vivement qu'on en soit là, parce que pour le moment, il n'allait lui servir à rien, ce mioche. Au moins n'était-il pas contrariant.

"Couche toi quand tu as sommeil. Je reviens tout à l'heure."

Elle ferma la porte avant que Yuu ait eu le temps de répondre quoique ce soit.



Quotidien

Quatorze ans plus tard

Yuu fit sauter son sac de cours sur son épaule. Trop lourd. Il fallait vraiment qu'il songe à faire des choix quant aux manuels qu'il décidait d'emporter. Dans certaines matières, on ne les utilisait presque pas. L'adolescent avait l'impression de se foutre en l'air le dos pour pas grand chose.

Il poussa la porte de la petite salle de pachinko, laquelle était aussi sordide qu'à l'accoutumée. Yukina ne faisait vraiment aucun effort pour donner à son établissement plus de cachet. Immédiatement assailli par le bruit des machines qui piaillaient plus fort qu'une nuée d'oiseaux affamés, Yuu grimaça. Il détestait utiliser cette entrée pour retourner à la maison, mais aujourd'hui, il n'avait pas le choix. L'ascenseur était en panne, et une bande de loustics squattait les premières marches de l'escalier extérieur. Yuu n'avait aucune envie de les croiser. Il préférait encore...

"AAAAH ! Yuu-chan, ça fait longteeeemps ! Comment tu-vas ? Toujours le nez dans tes trucs informatiques, là ? Eh d'ailleurs, tu sais que mon imprimante est toujours en panne ? La patronne m'a dit que tu pourrais peut-être..."

... Il préférait, donc, risquer de se faire alpaguer par l'un des quelques habitués bruyants et envahissants qui avaient squatté cette salle toute son enfance, et qui se permettaient des familiarités pas possibles sous prétexte de l'avoir connu lorsqu'il ne mesurait pas un mètre.

Les épaules crispées, Yuu prit sur lui pour rester poli et ne pas déguerpir immédiatement en courant. Pourquoi fallait-il que ce type HURLE pour s'adresser à lui alors qu'il était juste à côté ?

"Euh, je verrai. J'ai du travail là... A plus tard."

Le regard fuyant il esquissa un geste d'adieu informe, puis il fila en direction du comptoir. C'était l'assistant de sa tante qui tenait la boutique, ce qui signifiait qu'elle était probablement en haut en train de... Faire les choses qu'elle faisait lorsqu'elle n'était pas au travail. Yuu n'avait aucune envie d'en apprendre plus sur les activités douteuses de Yukina.

L'adolescent soupira très fort avant d'abattre sa main contre la rampe d'escalier puis de monter les marches à contrecœur. Il aurait préféré que l'appartement soit vide. Il détestait lorsque sa tante était à la maison.

Il ouvrit la porte pour découvrir le salon occupé. Yukina était confortablement installée face à deux types à l'allure inquiétante, du même style que ceux qui bloquaient le passage dans le bas de l'immeuble. Leurs fringues ne mentaient pas. Yuu savait que sa tante avait régulièrement à faire aux yakuzas. Considérant le business qu'elle tenait, ça n'avait rien de très étonnant.

Yukina tourna un regard dur sur son neveu. Elle le toisa des pieds à la tête, puis commenta avec acidité :

"Pourquoi tu restes planté là ? Tu ne vois pas que je suis occupée ? Je commence à en avoir ras le bol que tu rentres à ce genre d'heures... Tu n'es toujours pas fichu de t'être inscrit à un club au lycée ? Non mais quel glandeur... Regardez le, muet et avachi comme une larve à longueur de journée. Mon frère doit se retourner dans sa tombe en voyant ça. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de ce looser, hein ? Ah ! Oui c'est ça, va te cacher. Ta tête de bon à rien apathique m'agace, de toute façon."

Yuu entendit les rires graisseux des invités de sa tante, qui répondirent quelque chose que l'adolescent ne comprit pas. Il n'avait pas attendu qu'on lui en donne l'autorisation pour s'enfuir dans sa chambre sans broncher. Discuter avec Yukina ne servait à rien, surtout quand elle avait décidé de s'acharner sur lui. Il ferma la porte, jeta son sac sur le lit et fonça directement sur l'ordinateur. Malheureusement, la voix de sa tante portait trop pour qu'il ne l'entende pas continuer.

"Vous l'imaginez travailler dans quelques années, vous ? Moi non plus. Même s'il décroche un diplôme dans son machin informatique là, ses collègues vont le trouver complètement inapte, il ne tiendra pas deux mois.  S'il pense pouvoir vivre à mon crochet éternellement comme un sale petit parasite, il se met le doigt dans l'œil... Ce gamin est incorrigible. Enfin. Revenons à plus important."

Yuu enfonça le casque sur ses oreilles et alluma immédiatement le jeu sur lequel il passait le plus clair de son temps en ce moment. Après quelques instances, il aurait probablement oublié ce non-événement.

Choix du personnage. Rhun'gaz, troll et chevalier de la mort. Rhun'gaz ne lui faisait jamais défaut, lui comme l'ensemble de ses autres avatars. Il se connecta et reçut quelques messages de bienvenue en anglais des membres de sa guilde. Il répondit machinalement, mais ses yeux fixaient le vide plutôt que l'écran. Yuu se mit sans s'en rendre compte à se ronger les ongles. Il avait faim. Il n'y avait pas grand chose à manger à la maison. Yukina était toujours de sortie pour dîner avec des types inconnus qui lui payaient sans doute ses repas. Elle disait qu'il n'y avait pas assez d'argent pour faire plus de courses.

Sa tante ne se privait pourtant pas d'acheter quantité de produits de luxe pour son confort personnel. Elle disait que c'était important pour tenir la boutique, parce qu'on attendait d'elle qu'elle garde un certain standing. Yuu se demandait pourquoi elle  ne dépensait pas plutôt cet argent à refaire la peinture et les sols défraichis du bouge grâce auquel elle assurait ses revenus, dans ce cas.

Il secoua la tête de gauche à droite pour tenter de se sortir ces histoires de la tête. Il se forçait à regarder la fenêtre de jeu. Ses yeux étaient trop ouverts et il avait mal, comme s'il retenait quelque chose sans vraiment savoir quoi. Une sensation de flou fantomatique brouillait son regard. La réalité se dilatait et se compressait simultanément. Ca piquait, il cillait beaucoup. Ce n'était pas important. Il fallait qu'il stuffe son perso. Il demanda dans le canal de guilde si quelqu'un voulait le suivre. Il y avait plusieurs intéressés.

C'est tout ce qu'il avait besoin de savoir.



Dernière édition par Loner le Dim 20 Fév 2022 - 11:13, édité 24 fois
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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptyMer 16 Fév 2022 - 20:19


Dérapage

Quelques mois plus tard

La région était en alerte depuis plusieurs jours faute à l'approche d'un typhon. La tempête allait bientôt s'abattre sur Tokyo. La ville en subissait, à vrai dire, les premiers assauts. Yuu avait délaissé son siège de bureau, laissant l'ordinateur travailler dans son coin. Il avait lancé quelques gros téléchargements. Quelques films, un jeu craqué, une image disque pour installer un linux sur une machine virtuelle, histoire de se familiariser avec ce système d'exploitation que beaucoup portaient aux nues.

Aion tournait dans le vide. Son clerc était posé afk au beau milieu de la ville de Pandaemonium. Yuu jouerait plus tard. Pour le moment, il était fasciné par le spectacle qui se donnait à lui par la fenêtre. Des trombes d'eau frappaient avec violence le sol, les vitres, les murs. Le vent soufflait si fort qu'on l'entendait siffler même au travers du double vitrage. Des objets passaient occasionnellement, emportés par une bourrasque. Un sac plastique par ici, un tract détrempé par là. Yuu avait même vu voler un parapluie dont les baleines avaient lâché.

Yuu avait toujours aimé la pluie, mais de là à appuyer son épaule contre le bord de la fenêtre pour contempler la rue en proie aux éléments pendant plus d'une heure, comme il venait de le faire ?

Non.
Quelque chose le perturbait. Yuu n'était pas tranquille. La situation était anormale.

Yukina était partie depuis plus d'une semaine. Il lui arrivait de s'absenter pendant plusieurs jours. Yuu ne s'était pas inquiété, au début. Comme à chaque fois que sa tante le laissait seul, il avait même été plutôt content. L'appartement était nettement plus agréable à vivre pour l'adolescent quand sa propriétaire ne s'y trouvait pas.

Mais une semaine, ça commençait à faire long.
Désormais, le téléphone sonnait toutes les deux heures. Il y avait un problème.

Yuu ne répondait jamais. Il détestait le téléphone, et de toute façon il ne se sentait pas vraiment chez lui, ici. Prendre les appels pour Yukina, ce n'était pas son rôle.

Une voiture blanche et noire passa dans la rue. Sur son toit, Yuu reconnut un gyrophare de police, même si ce dernier n'était pas allumé. Il vit le véhicule ralentir en face de l'immeuble et fut assailli par un très mauvais pressentiment. Yuu s'éloigna de la fenêtre.

Ce n'était pas son problème. Le quartier n'était pas très bien fréquenté. Il y avait de multiples raisons pouvant expliquer pourquoi les flics étaient dans le coin sans que cela concerne Yuu moindrement. Il retourna devant l'ordinateur.

Il laissa son casque posé sur le bureau, juste au cas où.

Quelques minutes plus tard, on sonnait à la porte d'entrée. Yuu sursauta brutalement puis se figea, hésitant. Que se passerait-il s'il n'allait pas ouvrir ?

On ne rigolait pas avec la police. Il fallait sans doute qu'il obtempère s'il ne voulait pas avoir de problèmes. Qui sait ce qu'ils pouvaient bien lui vouloir ? A contrecœur, l'adolescent se traîna dans le couloir puis déverrouilla le loquet. Il ne fit qu'entrouvrir la porte pour glisser son nez à l'extérieur. Sur le pallier, un agent en uniforme.

C'était vraiment eux. C'était vraiment pour lui. Les battements de son cœur s'accélérèrent. Dans quoi Yukina s'était-elle encore fourrée ? Est-ce qu'ils allaient vouloir fouiller l'appartement ? Et qu'allaient-ils y trouver ? Risquaient-ils de penser que Yuu était le complice de sa tante, peu importe les affaires dans lesquelles elle pouvait tremper ?

"Itô Yuu, c'est bien vous ? Vous vivez ici n'est-ce pas ?
- Euh, oui... C'est moi... Pourquoi ?
- On essaie de vous joindre depuis trois jours, vous n'avez pas entendu le téléphone ?
- Si mais... C'est le téléphone de ma tante. Je ne réponds pas à sa place.
- Vous auriez dû, on avait aucun moyen de vous contacter.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Itô Yukina... C'est votre tante, c'est ça ?
- Euh, oui... Qu'est-ce qu'elle a fait ?"

Arg. Il n'aurait jamais dû dire ça. Cela prouvait qu'il savait que Yukina était impliquée dans des choses illégales. Ca donnait à Yuu l'air suspect. Le flic eut un ricanement nerveux. Yuu rentra la tête dans les épaules et se retint de lui fermer la porte au nez - ce qui aurait été pire que tout.

"A vous de me le dire. Mais tout de suite, il est plutôt question de ce qu'on lui a fait. Yuu-san... Je peux vous appeler comme ça ?
- Je euh.. Si vous voulez." Yuu commençait à paniquer, la politesse lui passait largement au-dessus de la tête.
"On a retrouvé votre tante à quelques pâtés de maison d'ici. On lui a tiré dessus. Elle n'a probablement pas souffert, la mort a dû être assez immédiate. Une balle dans la tête."

Yuu eut l'impression de sentir ses jambes se dérober. Il tenait pourtant encore debout, sans doute parce qu'il s'était accroché au cadre de la porte pour s'en assurer. Livide, il constata avec horreur qu'au-delà du choc premier que venait de lui causer l'information, il n'y avait aucune tristesse. Juste du soulagement.

Il respirait mieux. Yukina était partie pour toujours. Comment pouvait-il être heureux qu'elle soit morte ? C'était affreux. Il ne voulait pas ressentir une chose pareille.

Très vite, la peur vint souffler tout autre sentiment. Un froid terrible le gela de l'intérieur. Ce fut comme si le sol venait de disparaître au profit d'un précipice implacable. Yuu n'avait rien à quoi il aurait pu se raccrocher. Il tombait dans le vide, lui,  tout ce qu'il connaissait, et tout ce qui lui appartenait.

Qu'allait-il lui arriver, maintenant ? Qu'allait-on (encore) faire de lui ?

--

Après quelques semaines

Yuu était privé d'internet depuis deux jours, ce qui le mettait dans une humeur massacrante. Ca n'était pas peu dire considérant l'état dans lequel l'adolescent se trouvait depuis que sa tante avait passé l'arme à gauche.

La famille d'accueil dans laquelle il avait eu le malheur de tomber avait eu l'idée du siècle. On trouvait qu'il passait trop de temps sur l'ordinateur, alors on le forçait à décrocher pendant une semaine en espérant...

Quoi exactement ? Ces imbéciles croyaient que ça allait miraculeusement lui donner envie de sortir s'aérer ? Ils pensaient que c'était le moment de prendre de telles initiatives ? Sa vie n'avait-elle donc pas été suffisamment chamboulée ce dernier mois, il fallait qu'on bouscule encore son quotidien sous prétexte qu'il n'était pas assez "normal" au goût de ces inconnus qui, parce qu'ils étaient plus âgés que lui, pensaient avoir le droit de lui imposer leur autorité ?

Heureusement, le couple Takeda - ses tuteurs trop bien intentionnés - n'avait pas été jusqu'à soustraire de sa chambre tous les équipements via lesquels Yuu pouvait encore échapper à un monde organique auquel il n'avait aucune envie de penser. La façon dont Yukina s'était occupée de lui de son vivant était largement discutable, néanmoins il y avait un domaine au sujet duquel Yuu n'avait jamais eu à se plaindre : son matériel électronique. Sa tante s'était probablement dit qu'elle faisait une affaire en lui achetant un pc et quelques consoles. Plongé dans ses jeux, Yuu s'occupait tout seul. Yukina n'avait donc pas besoin de se charger de lui, ce qui résumait à peu de choses près toutes les aspirations de sa tante en terme d'éducation.

Les yeux rivés sur un écran cathodique beaucoup trop petit pour la résolution du jeu sur lequel il était en train de se passer les nerfs, Yuu martelait vivement les touches de sa manette. Il n'avait pas droit à l'erreur. Il avait croisé son dernier point de sauvegarde il y avait plus d'une heure et venait de tomber sur un boss inattendu. Le combat était particulièrement délicat car l'ennemi portait des coups massifs et était aussi plutôt rapide. Il suffisait d'une esquive ratée au moment d'une attaque spéciale pour que Yuu se fasse littéralement oneshot et doive tout recommencer.

Évidemment, le monstre était aussi un foutu sac à pv. Yuu le combattait depuis plus de dix minutes et ne lui avait toujours pas retiré la moitié de sa vie. Il commençait à éprouver des soucis d'endurance. Rester vif, réactif, concentré pour éviter toute forme de maladresse sur une période aussi prolongée devenait épuisant, surtout que ces derniers temps, Yuu avait du mal à canaliser ses pensées, peu importe ce avec quoi il essayait de s'occuper.

Un hurlement strident fendit l'air en provenance de la chambre d'à côté. Ce n'était rien de grave. Les deux filles des Takeda, Chieko et Isami, étaient en train de jouer ensemble. C'était cependant suffisant pour faire friser les nerfs de Yuu, dont le visage se crispa tandis qu'il avait l'impression de sentir ses tympans se rétracter comme un escargot serait rentré dans sa coquille après qu'on ait méchamment touché à l'une de ses cornes. Il murmura pour lui-même :

"Taisez-vous, par pitié..."

Une esquive de plus. Un coup porté, qui n'entaillait qu'à peine le blindage de l'ennemi. Ce n'était pas grave. Sa capacité ultime serait bientôt disponible. Ses coups perceraient l'armure du boss et avec le bonus de dégâts dont il allait disposer pendant vingt secondes, il ferait probablement tomber sa barre de vie au-dessous des 30%.

Quand est-ce que les flics allaient revenir ? Ils n'en avaient pas fini avec lui, c'était certain. Ils le lui avaient bien expliqué.

... Qu'est-ce que Yuu était en train de foutre ? Ses doigts avaient cessé de bouger pendant une bien trop longue seconde. Son esprit était ailleurs. Il n'avait pas vu l'ennemi bouger. Son avatar était au milieu d'une zone d'effet rouge foncée. Yuu tenta d'en sortir avec une roulade de dernière minute, mais c'était trop tard. Le coup brutal porté au sol fit voler son personnage sur deux mètres. Ses PV se vidèrent instantanément. L'image fondit au profit d'un écran de gamer over. Hors de lui, Yuu jeta le contrôleur à l'autre bout du lit.

"Eh MERDE."

Une émotion soudaine lui écrasa la gorge. Il savait que ce n'était pas à cause du jeu. Incapable de rien faire d'autre, Yuu recula dans le fond de sa couche et posa son dos contre le mur. Il ferma les yeux, plongea son nez dans le creux de ses mains, et tenta de contrôler sa respiration.

Il ne se sentait pas bien. Il ne voulait pas être ici. Il voulait que rien de tout ça ne soit jamais arrivé. Il aurait préféré que Yukina soit encore en vie, même si cela signifiait qu'il lui fallait supporter ses critiques incessantes. Yuu cilla plusieurs fois avant d'ouvrir les yeux et de contempler son environnement. Tout autour, il y avait ses affaires, mais tout comme Yuu lui-même, elles n'avaient rien à faire là. Son ancienne chambre était carrée. Celle-ci était rectangulaire. Les murs n'étaient pas peints en gris mais recouverts d'un papier peint jaune affreux. L'odeur n'était pas la bonne non plus, et puis ce n'était pas son lit, ni ses draps. Il détestait l'oreiller qu'on lui avait donné, qui ne soutenait même pas vraiment ses cervicales pendant la nuit.

Les flics lui avaient fait comprendre qu'il était l'un des suspects du meurtre de Yukina. Yuu n'était pas celui qu'on soupçonnait principalement, mais il était dans le radar de la police quand même. Tout le monde savait qu'il y avait de la rancune entre sa tante et lui. Aux yeux des enquêteurs, l'adolescent n'était donc pas dépourvu de motifs. Parce qu'il n'était pas sorti de la maison de la semaine, et parce que personne ne pouvait le prouver, Yuu n'avait aucun alibi. S'il avait daigné répondre au téléphone dès les premiers appels, on se serait probablement moins méfié de lui, mais la façon dont il avait systématiquement évité la police jusqu'au moment où elle était venue frapper à sa porte avait accentué la méfiance des agents à son égard. On allait encore l'interroger. Il risquait encore de se donner l'air coupable juste parce qu'il était maladroit à l'oral et parce qu'ils avait peur d'aller au commissariat, peur de faire face aux enquêteurs, et de devoir leur parler.

Yuu voulait juste qu'on le laisse tranquille, qu'on ne lui demande rien, qu'on oublie jusqu'à sa simple existence. Il voulait que le monde se limite à sa chambre. Il n'avait ni l'envie ni les épaules de supporter ce qui se trouvait dehors.

Chieko hurla encore et Isami l'imita. Yuu ne savait plus si elles étaient en train de jouer, de se disputer, ou de jouer à se disputer. Mme Takeda leva le ton pour demander à ses filles de baisser le leur, mais l'excitation était à son comble dans la chambre des enfants. Les gamines essayaient désormais d'entraîner leur mère dans leurs histoires. Yuu voulait que tout le monde disparaisse. Il ne voulait pas être dans une maison pleine d'autres gens, à peine séparé d'eux par des parois trop minces qui coupaient mal le son. Chez Yukina, sa chambre était tout au bout d'un couloir, à l'écart de tout. Le pavillon des Takeda, en revanche, était construit autour d'un salon central. Les pièces étaient toutes proches les unes des autres. Fermer la porte ne servait presque à rien. Yuu avait la sensation que tout le monde se montait dessus en permanence.

Il ne pouvait plus le supporter. Yuu plaqua nerveusement ses mains contre ses oreilles. ca ne servait à rien. Il entendait quand même. Il voulait être seul. Il voulait du silence. Il se coucha et plaqua l'oreiller contre son visage, ce qui n'aidait pas beaucoup mieux. Il sentit ses nerfs craquer d'un coup. Des larmes vinrent mouiller les couches de coton et de rembourrage tandis qu'il tentait d'étrangler ses sanglots dans son poing. Il ne voulait surtout pas qu'on vienne lui demander ce qu'il avait.

--

CW/TW : Harcèlement, racket, violences physiques

18h15, après les cours. Le soleil déclinant commençait à projeter sur le paysage des teintes rousses vibrantes. Le milieu du printemps était une période de grâce durant laquelle, même en ville, l'air se gorgeait d'odeurs végétales agréables. La température était idéale. Il y avait dehors une atmosphère stimulante. On aurait dit que la nature elle-même s'était transformée en un réservoir d'énergie et de bonne humeur dans lequel on pouvait puiser comme on aurait pu boire à l'eau d'une source pure.

Yuu n'était positivement sensible à aucun de ces détails. Il détestait être dehors. Il voulait juste rentrer, si possible en évitant les rues les plus animées, lesquelles avaient tendance à le devenir encore plus à cette période de l'année. Plutôt que de tourner sur le grand boulevard qui lui aurait permis d'arriver chez les Takeda plus rapidement, Yuu s'engagea dans un passage étroit, un labyrinthe de ruelles qu'il connaissait désormais comme sa poche, un chemin de traverse fait de béton, de plâtre, et d' une forêt de câbles épaisse qui dessinait dans le ciel des rayures aux multiples directions. Dans ce maquis serré, il n'y avait presque que des habitations.  On ne trouvait qu'une seule izakaya, et Yuu avait appris à éviter sa devanture ainsi que les clients alcoolisés qui restaient parfois en face.

L'adolescent n'avait pas remarqué les silhouettes nonchalantes qui, adossées au mur, s'étaient redressés à l'instant où il s'était engagé sur son chemin de routine. Yuu avançait en regardant le sol. Il avait tout le temps le nez sur le trottoir quand il marchait. Alors qu'il arrivait au bout de la rue, quelque chose le poussa à s'arrêter et à relever la tête.

Il y avait une bande de malfrats qui occupait l'entrée du carrefour. Yuu baissa immédiatement les yeux. Il était inutile qu'il se fasse remarquer. Il ne voulait pas avoir d'ennuis. S'il l'avait pu, il aurait tourné dans une rue perpendiculaire, mais il n'y en avait aucune autre que celle devant laquelle se trouvaient les gangsters. Faire marche arrière revenait à les provoquer. Yuu n'avait d'autre choix que de passer entre eux sans broncher, sans même donner l'impression de les avoir vus. Ce n'était qu'une rencontre fortuite. Ces types n'avaient aucune raison de s'intéresser à lui à moins qu'il leur en donne une. Se faisant aussi petit qu'il en était capable, l'adolescent tenta donc de passer.

Il crut sentir son cœur s'arrêter de battre à l'instant où une main puissante s'abattit sur son épaule pour l'empêcher d'avancer.

"Hey... Où est-ce que tu crois aller, gamin ?"

Yuu subissait des situations similaires à l'école depuis aussi longtemps qu'il était capable de s'en rappeler. Il adopta naturellement le comportement qu'il avait chaque fois que des fauteurs de trouble venaient le harceler. Fixer le sol. Ne pas faire de vagues.

"Excusez-moi si je vous ai dérangés, j'essayais juste de rentrer chez moi..."

Mais Yuu était mort de peur, car il ne s'agissait pas d'écoliers stupides qui trouvaient du plaisir à faire du mal aux autres. Yuu était tombé dans un nid de yakuzas. Les ennuis qu'il risquait d'avoir étaient d'une toute autre nature que ceux auxquels il était habitué.

"Nous déranger ? Naaah... Tu nous déranges pas, petit. On est justement venu te tenir compagnie. Tu ne voudrais pas nous faire faux bond aussi rapidement, n'est-ce pas ? C'est qu'on serait vraiment très contrarié."

Une bouffée de terreur glaciale. Le souvenir de Yukina qui remontait dans sa mémoire. Yuu se doutait que sa mort avait quelque chose à voir avec les types qui venaient régulièrement chez elle pour parler affaires. Cette fois, il soutint le regard de celui qui semblait être le chef, et il découvrit avec horreur que son visage ne lui était pas étranger. Il s'étaient probablement déjà croisé plusieurs fois dans l'appartement de sa tante.

"Je ne comprends pas ce que vous voulez...
- Oh... Tu comptes jouer à l'innocent ? Ce n'est vraiment pas dans ton intérêt, gamin. Tu ferais mieux de tout cracher maintenant. Si tu le fais, je pourrais même me montrer clément à ton égard...
- Je ne comprends pas de quoi vous parlez. Je vous jure que je ne sais pas de quoi il est question."

La panique perçait dans la voix de l'adolescent. Il ne faisait que dire la vérité, mais ces types étaient vraisemblablement persuadés qu'il mentait. Yuu lança un regard nerveux derrière lui et découvrit qu'il était désormais encerclé. Un coup brutal s'abattit dans son diaphragme. Le souffle coupé, l'adolescent tomba à genoux. On lui tira les cheveux en arrière. Il ne broncha pas. Il était déjà arrivé plus d'une fois qu'il se fasse frapper, c'était actuellement le dernier de ses problèmes.

Le chef s'agenouilla lentement, de sorte à se mettre à sa hauteur.

"Tu joues au caïd ? Ou bien alors tu joues juste au con ? Le second rôle te colle bien mieux à la peau que le premier. La thune que Yukina a volé. Elle a menti au boss, on a fouillé la planque dont elle nous a filé l'adresse, mais c'était vide. Il n'y avait rien, nada. C'est devenu un peu difficile de la contacter, depuis quelques temps, comme tu sais... Donc on s'est dit qu'on allait plutôt te poser la question à toi. Alors. Où est-ce qu'elle a foutu la thune ?"

Un éclat de rire désabusé échappa à Yuu, qui regretta immédiatement de n'avoir pas su le retenir. De l'argent. Évidemment, qu'il s'agissait d'argent. Avec Yukina, c'était toujours une question de pognon. Elle était morte parce qu'elle était trop cupide, et maintenant, elle allait l'entraîner dans son sillage alors qu'il n'avait rien demandé.

"Je n'en sais rien ! Je ne savais même pas qu'elle vous avait volés. Yukina ne me disait rien du tout, je n'ai rien à voir avec ses affaires, je ne peux pas vous aider... Si je pouvais je le ferais ! Quel intérêt j'aurais à vous mentir ?
- Rigole pas, gamin. Il est question de beaucoup d'argent et le boss est vraiment contrarié. Yukina pensait être plus intelligente que lui. Et toi, hm ? Tu penses être plus intelligent que lui ?
- Je viens de vous dire que je..."

Yuu n'eut pas le temps de finir sa phrase. Un poing venait de s'abattre violemment contre son visage. Il voyait des étoiles. Un goût métallique avait envahi sa bouche, et un filet de sang coulait de sa lèvre fendue.

"T'as pas ce qu'il faut pour jouer dans notre cour, trou du cul, n'essaie même pas. Laisse moi te le redemander encore une fois. J'espère que ta réponse va changer. Où est l'argent ?
- Je ne sais p... AAAH !"

On le frappait encore. Et cela continua un moment. On l'interrogeait, il répondait toujours la même chose, et on le brutalisait. Les mafieux finirent par se lasser.

"Aniki, il dira rien. Est-ce qu'on peut le forcer à rembourser autrement ?
- Peut-être... Mais on n'en est pas encore là. On va s'arrêter pour aujourd'hui, gamin. Bravo pour ta persévérance, mais elle ne te mènera nulle part. T'en as pas fini avec nous. Et pense bien à ça... Ca serait con que le flingue avec lequel ta tante a été dessoudée apparaisse mystérieusement dans tes affaires, hm ? Je sais que les flics ont l'œil sur toi... Ce ne sont pas tes alliés, alors n'essaie surtout pas de cafter. La prochaine fois, j'espère très fort pour toi que la mémoire te sera revenue."

Le yakuza se redressa.

"On se casse. Toi, prend l'argent qu'il a sur lui."

Le sbire commissionné se baissa et fouilla les poches d'un Yuu qui n'était plus en état de se défendre, et qui ne l'aurait de toute façon pas fait.

"... Il est complètement fauché, y a presque rien là-dedans.
- Rien à foutre, prend le quand même. Considère ça comme le paiement des intérêts du prêt que ta tante s'est octroyé sans autorisation, cafard. La prochaine fois qu'on se croise, j'espère que tes poches seront un peu mieux garnies, sinon ça risque de me foutre de mauvaise humeur... Allez, on décolle."

Les gangsters n'étaient plus là. Chaque parcelle du corps de Yuu était douloureuse, mais l'adolescent restait miraculeusement conscient. Il récupéra son sac et se traîna jusqu'au mur le plus proche, contre lequel il resterait appuyé jusqu'à se sentir capable de marcher à nouveau. Comment allait-il se sortir de cette nouvelle impasse ?

En cet instant précis, l'avenir lui paraissait très sombre. Il n'entrevoyait aucune solution.

--

La sonnerie chantait depuis plusieurs secondes. Le professeur venait d'annoncer la fin du cours. Un tonnerre de chaises raclant le sol s'était instantanément levé tandis que les étudiants rangeaient leurs manuels et se préparaient à quitter la salle pour aller déjeuner. Yuu avait pris de l'avance sur les autres. Les cours d'anglais ne l'intéressaient pas vraiment, de toute façon. Il en apprenait bien plus sur internet qu'il ne le faisait en classe. Les heures passées ici n'étaient à ses yeux qu'une immense perte de temps. Plutôt que de noter les explications de dernière minute données par Sakamoto-sensei, Yuu avait préféré glisser à la va vite son bloc note au milieu des feuilles volantes qui peuplaient son sac de cours. Il jeta sa trousse sur l'ensemble et envoya le très léger bagage sur son épaule. La fin de l'année approchait. Yuu n'emportait plus en classe que le strict nécessaire, et sa définition de ce strict nécessaire était souvent différente de celle des professeurs. Il ne faisait d'efforts qu'avec les enseignants qui étaient prompts aux sermons et aux remontrances - Yuu ne voulait pas de problèmes. Il souhaitait tout sauf se faire remarquer.

C'était une des raisons pour lesquelles le jeune homme essayait de n'être ni parmi les premiers à sortir de la salle, ni parmi les derniers. Surtout pas parmi les derniers. Il l'avait expérimenté à de nombreuses reprises durant sa scolarité, cela revenait à offrir aux enseignants la meilleure opportunité qui soit pour engager des conversations en tête à tête auxquelles Yuu n'avait aucune envie de participer.

A peine moins discret qu'une ombre, l'adolescent avança vers la sortie par laquelle il tenta de s'éclipser promptement.

"Itô-kun ? Pardonne moi de te déranger, est-ce que tu pourrais attendre deux minutes ?"

Le corps de l'adolescent se crispa. Il posa une main sur le bord de la porte qu'il s'apprêtait à passer. Pour ce qui était de passer inaperçu, c'était raté... Yuu ne s'était pas attendu à ce que Sakamoto-sensei passe à l'offensive ainsi sans prévenir. Pour qu'il l'alpague de cette manière, il devait vraiment tenir à lui parler. Ce n'était pas une bonne nouvelle. Ce n'était pas une bonne nouvelle du tout.

L'adolescent ne répondit initialement rien. Il ne se tourna qu'à moitié dans la direction du professeur et ne lui jeta qu'un très bref regard. Presque aussitôt, les yeux de Yuu étaient retournés à leur habituelle contemplation du sol. Tout dans son attitude traduisait l'envie qu'il avait de quitter la pièce sans demander son reste. Yuu n'aurait cependant jamais osé tenir tête à l'un de ses enseignants, d'autant qu'il savait que cela n'aurait fait que retarder ses problèmes - en plus de les aggraver.

"Hm... Oui sensei, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
- On fera court, alors."

Un silence embarrassé s'installa. Yuu restait immobile, de même que Sakamoto-sensei. Les autres lycéens quittaient peu à peu la pièce. Certains leur jetaient des regards intrigués. Il se passa un temps qui n'avait rien de court avant qu'ils ne soient plus que tous les deux. Selon Yuu, cela faisait déjà mentir Sakamoto-sensei, dont la réponse avait probablement été machinale, destinée- volontairement ou non - à couper à Yuu toutes ses chances de retraite. On fera court, alors. Mais bien sûr... Yuu, quant à lui, était la reine d'Angleterre.

Sakamoto-sensei venait de fermer la porte. Il ne tenait visiblement pas à ce qu'on les entende discuter.

"Itô-kun... Je sais que tes camarades de classe t'ont régulièrement ennuyé par le passé. Est-ce que ça recommence en ce moment ?
- Ce n'est vraiment rien d'important, sensei. Je n'ai pas de problème avec ça."

Sakamoto-sensei n'avait pas l'air convaincu. Il fixa Yuu jusqu'à ce que le jeune homme se sente obligé de lui rendre son regard, ce qui ne dura pas très longtemps. Yuu commençait à avoir des sueurs froides. Il se sentait mal et il voulait sortir.

"J'aimerais que tu t'assoies un peu avec moi et qu'on en parle. Pas longtemps, promis. Juste le temps de mettre deux trois choses au clair. Tu veux bien ?"

Non, surtout pas.

"Hm.. D'accord mais je ne pense vraiment pas que ça soit utile.
- Si ça ne l'est pas, tant mieux, mais dans tous les cas ça ne pourra pas faire de mal."

Quelques instants plus tard, Yuu était installé sur une chaise qui ne lui appartenait pas. Il fixait une table sur laquelle un autre élève avait dessiné des sorte de spirales irrégulières au crayon de papier, probablement pour tromper l'ennui. C'était perturbant, désagréable, de ne pas être à sa propre place. Il éprouvait un mélange de confusion spatiale et de répulsion. Il n'aimait pas qu'on dessine sur les tables. Il trouvait ça très sale. Cependant, le dessin - même s'il était aussi basique qu'affreux - lui donnait quelque chose sur quoi concentrer son regard. Il suivait les lignes courbes les unes après les autres jusqu'à sortir du tracé... Puis il recommençait avec une autre.

Sakamoto-sensei s'était installé à la table voisine. Il était entièrement tourné vers Yuu, même si Yuu quant à lui préférait faire face au tableau.

"Itô-kun... Excuse moi de dire ça comme ça, mais je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer... Je veux dire. Nous sommes plusieurs dans l'équipe enseignante à avoir remarqué les marques que tu tentes de dissimuler depuis des mois. Tes camarades te frappent n'est-ce pas ?
- C'est... Ce n'est pas ça. Enfin..."

C'était déjà arrivé, sauf qu'en l'occurrence, aucun des élèves de sa classe - aucune des personnes qui fréquentaient ce lycée - n'était responsable des sévices qu'il subissait régulièrement. Yuu avait pourtant essayé de couvrir toutes ses ecchymoses, mais celles qui décoraient parfois son visage n'étaient pas faciles à cacher. Il poussa un long soupir. Il ne pouvait expliquer de quoi il était question à Sakamoto-sensei, et de toute façon, il n'en avait pas envie.

"Ce n'est pas ce que vous croyez.
- Est-ce qu'on te menace ? Est-ce qu'on te vole ?"

Oui, mais...

"Laissez tomber, s'il vous plaît, sensei. Vous ne pouvez rien faire, et vraiment, ce n'est pas grave.
- ... Est-ce que tu as des problèmes avec les gens qui t'ont accueilli après le décès de ta tante ?
- Non. Ils n'ont rien à voir avec ça non plus."

Yuu voulut se mordre la langue. Il en disait déjà trop. Le professeur ne lâchait pas l'affaire. Au contraire : il paraissait de plus en plus inquiet.

"Itô-kun. Quoiqu'il se passe réellement, garder tout ça pour toi n'est pas une solution. Il faut que tu en parles à des adultes. Ce n'est pas grave si ce n'est pas moi. Si tu es à l'aise avec ta famille d'accueil, tu pourrais commencer par là. Et si c'est ce que je pense... Il faut que tu ailles voir la police. C'est un cercle vicieux dont tu ne pourras pas sortir sans aide. Tu as besoin d'être protégé."

La gorge nouée, Yuu cessa de répondre. Sakamoto-sensei était perspicace, mais ça n'avait rien d'étonnant. Yuu lui avait pratiquement avoué que ceux qui le frappaient n'étaient ni des lycéens, ni ses tuteurs provisoires. Cela faisait plusieurs années qu'il fréquentait cet établissement. Tout le monde ici connaissait la réputation de Yukina et savait comment elle était morte. Le reste coulait de source - sauf pour les flics, visiblement, puisqu'ils continuaient de soupçonner Yuu du meurtre de l'ancienne patronne du petit pachinko d'Azuma-dori.

Yuu plongea son front dans ses mains. Il voulait pleurer, mais il retenait tout.

"Je n'ai pas envie d'en parler. Est-ce que je peux partir, sensei ? S'il vous plaît."

Les yakuzas l'avaient mis en garde. S'il allait voir la police, Yuu était cuit. Cela dit, il s'était déjà demandé s'il n'aurait pas dû cafter quand même. Jouer le jeu de ces malfrats ne le menait nulle part. C'était ce qu'ils voulaient. Ca n'arrangeait qu'eux. S'il expliquait tout aux flics, ceux-ci seraient peut-être capables de le tirer des emmerdes. C'était leur boulot, nan ?

Brève description gore
Sauf que s'ils se foiraient, Yuu était mort. Il ne savait rien de cette famille qui l'avait pris en grippe. Et si ces types étaient trop puissants pour être inquiétés par les autorités locales ? S'ils étaient capables de le retrouver, peu importe où Yuu se cachait ? S'ils menaient une vendetta contre lui, maintenant, ou plus tard, dans un an, dans dix ans, pour se venger qu'il ait osé leur tenir tête ? Il finirait comme Yukina : couché dans le caniveau, gisant dans une flaque de sang et au milieu des bouts de sa propre cervelle.


Que devait-il faire, alors ? Désormais, ces brutes en avaient après son héritage, mais Yuu savait qu'il ne toucherait rien. Il ne récolterait que des dettes, qu'il serait incapable de payer, et qui le mettraient dans la merde jusqu'à la fin de ses jours - avec ou sans yakuzas sur son dos.

Que devait-il faire, vraiment ? Tout bien intentionné qu'il était, Sakamoto-sensei ne pouvait rien pour lui, car personne ne pouvait l'aider.

--

"Itô-san, vous avez fait ce qu'il fallait en venant nous parler. Ces informations seront très utiles à l'enquête, et maintenant que nous sommes au courant, nous allons pouvoir vous protéger."

Livide, Yuu avait les mains sur les genoux. De nervosité, il arrachait les peaux qu'il avait autour des ongles. Il observait d'un œil l'agent de police dans le bureau duquel il se trouvait. Il tentait de se convaincre que cet homme disait la vérité.

Ca ne fonctionnait  pas.
Yuu avait l'impression d'avoir fait une énorme connerie. Avait-il eu le choix, cependant ? Les yakuzas se lassaient de lui, et pas de la meilleure des façons. Ils avaient bien compris que Yuu ne serait jamais en capacité de les rembourser. Peut-être même avaient-ils compris qu'il ne savait réellement pas ce que Yukina avait fait de l'argent qu'ils cherchaient. Plutôt que de se désintéresser de lui, les gangsters l'avaient menacé d'en finir sous peu s'il ne se démerdait pas pour trouver une solution.

L'attention de Yuu dévia. Il observa les objets qui traînaient sur le bureau de l'inspecteur Matsuda. Une pile de dossiers mal rangés dans un coin, une bouteille de soda vide jouxtant une tasse de thé froide dans l'autre, et au milieu, un journal qui paraissait difficilement à sa place dans cet environnement de travail, considérant la page de jeux sur laquelle il était ouvert.

C'était la troisième fois que Yuu rencontrait Matsuda dans le cadre de cette affaire. Lors de leurs deux premières entrevues, l'agent s'était montré particulièrement suspicieux à son égard. Il faisait partie de ceux qui envisageaient sérieusement la culpabilité de l'adolescent.

Yuu n'aurait jamais dû venir ici. Plus le temps passait, plus il s'en persuadait.

"Qu'est-ce que je dois faire alors ?
- Rien du tout. Rentrez chez vous, faites comme si de rien n'était, vivez votre vie. On s'occupe de tout.
- Mais.. ? Ils savent où me trouver, qu'est-ce qui va les empêcher de continuer ?
- Ne vous inquiétez pas de ça. On s'en charge. Le plus dur, c'était que vous trouviez le courage de témoigner. Le reste est entre nos mains. Vous pouvez enfin souffler, je vous l'assure."

Matsuda accompagna sa tirade d'un sourire qui se voulait bonhomme et rassurant, mais Yuu n'en tira qu'une vague sensation d'effroi. Il n'avait pas confiance. Il avait un très mauvais pressentiment.

Quelque chose n'allait profondément pas dans la démarche de l'inspecteur. Yuu était persuadé que Matsuda ne prenait pas la situation avec assez de sérieux, sans quoi il ne lui aurait pas demandé de maintenir ses habitudes comme si de rien n'était.

--

Yuu avait été attiré par les lumières d'un gyrophare qui avaient brièvement coloré la pénombre. Le battement chromatique s'était vite éteint mais avait suffi à ce que le jeune homme vienne coller son nez entre le mur et la fenêtre pour essayer de voir ce qu'il y avait dehors. Cela faisait plusieurs jours que l'adolescent était devenu extrêmement vigilant à tout ce qui l'entourait. La moindre activité qu'il jugeait suspecte dans son environnement pouvait le faire sursauter.

Depuis peu, il ne se sentait plus en sécurité lorsqu'il était à la maison. Il évitait de passer devant les vitres, de peur d'être la cible d'un tir traversant la fenêtre. Il exagérait sans doute un peu. S'ils voulaient lui faire du mal, les yakuzas savaient dans quelles rues ils pouvaient facilement l'intercepter. Ils n'avaient pas besoin de recourir à des procédés tordus pour le tuer dans sa chambre.

L'adolescent savait que ses inquiétudes n'étaient pas rationnelles, mais il n'avait aucun contrôle dessus. Il se sentait exposé, en danger, dès qu'il n'était pas caché derrière un mur épais.

Yuu était très mal installé, mais il vit tout de même la voiture de police qui était en train de se garer en face du pavillon des Takeda. L'agent arrêta le moteur, puis ne bougea plus. Le policier surveillait les environs sans quitter son véhicule. C'était le second soir de suite qu'une telle chose arrivait, ça ne pouvait pas être un hasard.

... C'était, ça, la protection qu'on lui avait promise ?

Les yeux écarquillés, Yuu sentit un sentiment d'urgence le submerger. La panique l'obligea à reculer jusqu'à son lit, dans l'angle duquel il se prostra.

Ces cons allaient le faire tuer.
Que croyaient-ils accomplir en se postant devant la maison de cette manière ? Autant aller rencontrer les yakuzas en personne pour leur annoncer que Yuu les avait trahis. L'effet aurait été le même. Si les gangsters remarquaient le manège des policiers, ils allaient immédiatement comprendre que Yuu était allé leur parler.

Pourquoi n'étaient-ils pas - au minimum - venus dans une voiture civile ? Se pensaient-ils donc assez impressionnants pour dissuader des yakuzas de Kabukichô d'agir à leur guise ? Et cela en se contentant de faire acte de présence, en sortant les uniformes et les véhicules de fonction ?

Le jeune homme récupéra l'ordinateur portable qu'il avait brièvement posé sur les draps et l'installa sur ses genoux. La fenêtre sombre de son IDE indiquait trois erreurs de compilation. Il essaya d'en lire le détail, mais il n'arrivait pas à se concentrer.

Les lignes de codes qu'il venait pourtant d'écrire ne lui apparaissaient plus que comme une grosse soupe de lettres indigeste. Les lignes se mélangeaient, les mots n'étaient plus que des combinaisons de symboles dénués de sens, reliés par des connecteurs illogiques trop bleus.

Il aurait fallu qu'on change Yuu de famille, voire qu'on lui fasse quitter la ville. Comment les policiers pouvaient-ils à ce point sous-estimer la mafia ? Avait-on seulement cru Yuu lorsqu'il avait expliqué la situation dans laquelle il était, et les menaces dont il avait été l'objet ?

Ses mains tremblaient trop. Il n'était pas en mesure d'écrire ni de réfléchir, rien ne servait de s'acharner. L'ordinateur éteint - Yuu ne savait plus s'il avait sauvegardé - retourna à son précédent emplacement.

Terrorisé, l'adolescent perdit son visage dans un oreiller qu'il serrait désormais entre ses bras et ses jambes comme un gros bouclier de coton. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne subisse les conséquences de cette piètre opération. Que pouvait-il encore faire pour sauver sa peau ? Ce n'était plus abstrait, c'était réel, c'était bientôt. Il allait se faire buter pour de bon.

--

Yuu ouvrit son sac et en sortit le marteau qu'il avait volé dans le garage des Takeda. Un bref regard en arrière lui indiqua que la rue était déserte, et que personne ne l'avait suivi. Il avait fallu qu'il passe à proximité du pachinko, toujours ouvert. Yukina possédait l'appartement à l'étage, mais elle n'avait jamais été que la gérante de l'établissement qu'on trouvait au-dessous. Les véritables patrons avaient aussitôt fait remplacer sa tante décédée par quelqu'un d'autre. L'accès à l'appartement avait été barricadé par la police, mais ça n'empêchait pas la salle de jeux de tourner. Une fermeture même provisoire aurait signifié une perte d'argent considérable pour ceux qui tenaient les rennes.

L'adolescent ne savait pas ce que Yukina avait fichu pour énerver les yakuzas, mais il était persuadé que le pachinko leur avait toujours appartenu. Il n'était pas impossible que durant toutes ces années, Yukina ait fait en sorte de détourner une partie des revenus qu'elle générait grâce à son activité. Les yakuzas avaient fini par l'apprendre, et sa tante avait payé le prix fort pour avoir été trop gourmande.

Ce n'était peut-être pas du tout ce qui était arrivé. Yuu n'avait aucun moyen d'en être certain. Cela dit, c'est ce qui lui semblait être le plus probable. C'était le moyen le plus facile par lequel sa tante aurait pu commettre le méfait faute auquel Yuu était désormais dans les ennuis jusqu'au cou.

Si les yakuzas le trouvaient à fouiner dans le coin, Yuu ne donnait pas cher de sa peau. Il était totalement exclu qu'il rentre dans l'appartement en se faufilant dans le pachinko et en passant par l'arrière boutique. De toute façon, cette issue était censée être bloquée. Les entrées des résidents n'étaient pas une solution non plus. Yuu n'avait plus ses clés, la police les lui ayant confisquées. Il ne pouvait pas se pointer dans le couloir de l'immeuble et casser la porte avec son outil. Cela aurait résonné comme pas permis, et il aurait immédiatement averti les voisins de sa présence.

Sa dernière solution consistait à emprunter l'escalier de service, dans la ruelle sur laquelle la fenêtre de  son ancienne chambre donnait. C'était un plan complètement fou. Yuu avait l'impression d'être devenu le héros d'un film d'espionnage, à cela près qu'il n'était qu'un gamin complètement inexpérimenté, trouillard, mauvais en sport et pas franchement dégourdi. Heureusement qu'il n'y avait qu'un étage... S'il tombait, il avait un peu moins de chances de se tuer.

La structure métallique avait systématiquement grincé à chaque fois que Yuu avait gravi une marche. Dire que l'adolescent n'était pas rassuré aurait été un euphémisme. Il avait le coeur qui battait à tout rompre. Ses mains étaient moites, tremblantes. Dans ses bras, une sensation d'engourdissement fantôme. Yuu n'était pas certain de savoir contrôler ses gestes. Mesurer les distances et la force qu'il déployait lui paraissait subitement être complètement hors de sa portée. Il n'était même pas sûr que le marteau allait rester dans sa main au moment où il allait tenter de fracasser la vitre. Il n'avait plus de force dans les doigts.

De surcroît, Yuu n'était pas spécialement bien positionné. L'escalier était à côté de la fenêtre, pas en face. Ce ne serait pratique ni pour créer une brèche, ni pour ouvrir la vitre en glissant son bras à l'intérieur, ni pour se faufiler dans l'appartement sans rejoindre accidentellement le sol trois mètres plus bas.

Tout cela, il le savait déjà bien avant de monter là-haut. Il anticipait ce moment depuis l'instant où il avait décidé de tenter cette entrée. Terrorisé ou pas, il fallait qu'il agisse. S'il avait eu un autre choix, il n'aurait certainement pas été ici, en train de jouer au cambrioleur amateur.

Au moment où il allait abattre son arme contre la vitre à proximité de la poignée, Yuu se rendit compte de quelque chose d'étrange. La fenêtre semblait bailler. Pris d'un doute, il se pencha prudemment en avant et tenta de pousser la plaque de verre vers l'intérieur.

La fenêtre coulissa sur ses gonds. Sous l'effet d'un pic d'adrénaline, Yuu prit une grande inspiration. Quelqu'un avait-il oublié de fermer, suite à la fouille de l'appartement ? Ou bien était-ce que Yuu n'était pas le premier à entrer par effraction ?

L'inverse serait étonnant, vu la détermination avec laquelle ils cherchent à récupérer leur argent....

Yuu ne voulait pas y réfléchir. Les implications lui faisaient peur. Le moment était mal choisi pour succomber à la panique, ou pour se laisser emporter par le désespoir. Mu par le besoin qu'il avait de fuir ses pensées invasives, il décida de mettre la suite de son plan à exécution. Il s'élança pour atteindre le rebord. Ne surtout pas regarder en bas.

"AAH ! Oh bon sang.. Oh ! Ah.. Non, non..."

Il fallait s'y attendre. Le geste, loin d'être maîtrisé, amena le jeune homme à n'enjamber que très insuffisamment le mur. Il faillit perdre l'équilibre et tomber en arrière. Il s'accrocha de toutes ses forces, tracta laborieusement son poids de l'autre côté du mur. Ce n'est que de justesse qu'il parvint à rouler à l'intérieur.

Yuu colla son dos contre la paroi solide et prit le temps dont il avait besoin pour calmer ses trop amples respirations. Il avait les larmes aux yeux, il se retenait d'éclater en sanglots. Il s'était fait une très grosse frayeur. Comment allait-il retourner dehors ?

Tout conséquent que ce problème était, sa résolution devait être reportée à plus tard. Yuu ouvrit les yeux et constata la vide de la pièce dans laquelle il se trouvait. C'était étrange, de voir sa chambre ainsi. C'était l'endroit dans lequel il dormait depuis qu'il était tout petit, mais désormais, ce n'était plus que quatre murs et un plancher dénués de toute personnalité. Ses affaires étaient ailleurs. L'âme de la pièce était morte.

S'il ne voulait pas finir de la même manière, il fallait qu'il se dépêche. Yuu se mit debout dès qu'il en fut capable. Il ne marchait pas tout à fait droit, mais ça ne l'empêcha pas de quitter cette zone sans hésiter. L'adolescent ne pensait pas que sa tante aurait pris le risque de planquer de l'argent dans sa chambre à lui. Ca aurait été malin de sa part, mais elle aurait probablement eu trop peur qu'il tombe dessus accidentellement et qu'il se l'approprie. S'il ne trouvait rien ailleurs, Yuu reviendrait ici. Comme la pièce était vide, la fouiller serait vite vu.

Yuu se figea. Il était dans le salon et le découvrait complètement ravagé. Les fauteuils avaient été retournés, éventrés. Les tiroirs ouverts et retournés. Ce n'était pas le travail de la police. Quelqu'un était effectivement déjà passé ici. Si c'était les yakuzas, ils n'avaient vraisemblablement rien trouvé. Si c'était un autre type de voleur, qu'il soit ou non reparti les mains vides, cela revenait au même pour Yuu :

"... Non, non... Rah c'est pas vrai..."

On avait déjà passé l'endroit au peigne fin. A ce stade, Yuu pouvait-il vraiment espérer trouver quelque chose que ses prédécesseurs auraient manqué ?

Il lui fallait cet argent. Le rendre aux yakuzas était la seule chance qu'il avait de leur prouver sa bonne volonté. S'ils obtenaient ce qu'ils voulaient, ils passeraient peut-être l'éponge sur ses erreurs. Ils se montreraient peut-être plus clément à son égard, même s'ils découvraient que Yuu avait impliqué la police.

Si ça se trouve, cette thune n'avait aucune existence physique. Si ça se trouve, elle était planquée sur un compte bancaire dont personne ne soupçonnait l'existence car Yukina l'avait ouvert à l'étranger, ou sous une fausse identité. Si ça se trouve, elle n'avait aucune existence virtuelle non plus. Yukina pouvait tout aussi bien avoir tout dépensé.

Yuu courut dans la chambre de sa tante. Matelas éventré lui aussi. Des montagnes de vêtements qu'on avait sortis des armoires cachaient le sol. L'adolescent tomba à genou et souleva sans sommation les tissus, pour lesquels il n'avait aucun intérêt. Il fallait qu'il tente ce qui n'avait pas encore été fait. Il tenta de frapper le sol, lattes par lattes, à la recherche d'un son plus creux. S'il le fallait, il vérifierait aussi les murs et les fonds de placard à la recherche d'un éventuel compartiment caché.

Plus le temps passait, moins Yuu se sentait en contrôle. Il avait mal aux yeux. Il cillait peu. Lorsqu'il le faisait, il était obligé d'essuyer les larmes douloureuses qui coulaient contre son visage. Il avait radiographié toute la chambre, il n'y avait rien qu'il aurait pu manquer. Il fallait qu'il recommence ailleurs.

Il s'apprêtait à foncer dans le salon quand le bruit d'une porte qu'on ouvrait le dissuada très brutalement de se lever. Yuu se planqua à toute vitesse derrière le lit de Yukina. Les nouveaux arrivants discutaient, et il connaissait leur voix.

"Ah, ouf. Je le vois. Si j'avais perdu ce briquet je l'aurais eu mauvaise, c'est un cadeau de Yuriko.
- Sans compter qu'elle t'en aurait probablement fait voir de toute les couleurs...
- Ouais. Bon, on se casse.
- Le patron a vraiment tiré une croix sur le pognon, alors ?
- Je sais pas. En tous les cas il a décidé qu'on le trouverait pas ici, et que le gosse était complètement inutile.
- C'est limite une perte de temps de le tuer, si tu veux mon avis.
- Tu parles... On aurait surtout dû le faire avant qu'il parle. De toutes façons, il s'est foutu de notre gueule. Le boss peut pas laisser passer ça."

Le reste de la discussion ne concernait plus Yuu. Il avait cessé d'écouter. L'adolescent couvrait sa bouche de ses deux mains pour être certain qu'il n'allait pas crier au moment le plus inadapté. Il ne pouvait émettre aucun son tant que les deux gangsters étaient dans les environs.

Il n'était plus question de savoir comment Yuu allait sortir d'ici sans se casser le cou. Il avait désormais une cible sur la tête. Il ne pouvait plus sortir du tout.

--

Il y avait tout de même un avantage à rester dans cet endroit. L'appartement était très silencieux. Bien sûr, on entendait des bruits d'ambiance étouffés en provenance de la salle de pachinko à l'étage du dessous. Parfois, les voisins du dessus faisaient tomber des objets sur le sol, ou déplaçaient une chaise sans penser à la soulever, mais Yuu était habitué à ces parasites sonores. Leur familiarité avait quelque chose de rassurant. C'était l'endroit où il avait grandi, et s'il n'y avait pas toujours passé les meilleurs moments qui soient, Yuu avait l'impression d'être là où il avait encore le mieux sa place.

Les yakuzas ayant décidé de cesser leurs fouilles, plus personne ne viendrait le déranger. Dehors, on était certainement en train de le chercher. Personne n'irait s'imaginer qu'il était revenu ici pour se planquer. Il était volontairement entré dans la gueule du loup et s'était lové dans une de ses caries. Pendant ce temps, l'animal le traquait dans la forêt, probablement perturbé par son inexplicable disparition.

Il aurait préféré être dans sa chambre plutôt que dans celle de Yukina, mais à quoi bon se déplacer si c'était pour se coucher au milieu d'une pièce vide ? Il se sentait plus en sécurité ici, dans l'angle du mur, caché par le cadre du lit de sa tante. Il n'avait pas bougé depuis la veille. Il avait passé la nuit ici, puis une journée entière s'était écoulée. Il s'était endormi d'épuisement. A son réveil, il était affamé, assoiffé. Tout son corps était endolori à force qu'il reste assis par terre.

Cette cachette n'était pas une solution à long terme. Yuu le savait mais brouillait volontairement cette pensée, ce qui n'était pas bien compliqué considérant son état d'hébétude. S'il sortait, il mourait. S'il restait, il mourait aussi. Que valait-il mieux ? Qu'on lui fasse sauter la cervelle une bonne fois pour toute, ou qu'il se laisse dépérir à petit feu ? La violence de la première option lui glaçait le sang. La seconde possibilité lui paraissait actuellement plus paisible, mais il savait que ce serait lent et probablement plus douloureux.

Si on lui avait demandé son avis, il aurait préféré ne pas mourir du tout.

Il avait les lèvres sèches. Il aurait voulu rejoindre la cuisine pour vérifier si on avait coupé l'eau courante, mais Yuu n'osait pas se lever. Il n'osait plus bouger le moindre membre. Durant un instant d'égarement où il eut l'impression que sa pensée se divisait en deux - une masse informe et paralysée contre un petit filet nasillard, volubile, autocritique voire narquois - Yuu eut l'impression d'être devenu le protagoniste d'un des premiers jeux d'horreur auxquels il s'était essayé. Il se rappelait avoir été trop effrayé pour jouer vraiment. Il passait 90% de son temps dans les cachettes où il ne risquait pas d'être trouvé. Les 10% restants correspondaient au moment où il fuyait en courant, trop paniqué pour avancer furtivement ou pour suivre correctement le parcours sécurisé qu'il avait pourtant tenté de mémoriser. Plus d'une fois il s'était fait tuer sans comprendre d'où la créature sortait. "J'étais pourtant persuadé qu'elle était de l'autre côté".

Le 90% s'était changé en 100%. Il fallait dire qu'en cas de game over, Yuu n'aurait cette fois aucune sauvegarde à relancer. Ca aurait été drôlement bien d'avoir des checkpoints dans la vie réelle. Il y avait pas mal de choses que Yuu aurait voulu être en mesure de recommencer - et de faire autrement.

Si quelqu'un en bas entendait le robinet couler, Yuu se disait qu'il risquait d'attirer l'ennemi. Les yakuzas ne comptaient plus monter ici, mais il suffisait de leur donner une bonne raison de le faire pour qu'ils changent d'avis.

Il avait aussi vraiment la dalle. Il pouvait peut-être quand même aller fouiller les placards et voir s'il restait des biscuits secs ? Avec un peu de chance il y aurait même des sodas sur l'étagère.

Et si le parquet craquait sous son poids ? Bam, entre les deux yeux. Même s'il restait des vivres dans la cuisine, ça ne ferait que retarder le moment fatidique où Yuu n'aurait plus rien à manger ni à boire.

Oui, mais il ne voulait pas crever.
Considérant cet objectif, quelle était la stratégie qui comportait le moins de risques ?

Pourquoi essayait-il encore ? Il était évident qu'il n'avait plus aucune chance de s'en sortir.

Une ombre passa devant la fenêtre. Yuu sursauta et leva le nez pour vérifier que tout allait bien. Ce n'était probablement qu'un gros oiseau qui venait de se percher sur la rambarde. Quoi d'autre ?

Il faillit hurler lorsqu'il entendit des coups frapper contre la vitre. Il ne fallut pourtant pas longtemps avant qu'il ne se rende compte que son visiteur n'avait rien d'un zombie prêt à lui bouffer la jugulaire, ni même d'un sale mafieux qui voulait lui faire sauter le crâne.

Pardon ? C'était quoi ce délire ? Pourquoi un cosplayeur gaijin flottait-il devant sa fenêtre en lui faisant de grands signes amicaux ? Ce type lévitait-il réellement ? La pression que Yuu subissait commençait-elle à lui faire perdre l'esprit ? Ou bien s'était-il encore endormi sans s'en rendre compte ?

Intrigué par l'improbabilité de l'événement, Yuu parviendrait finalement à vaincre la méfiance et la peur qui l'empêchaient d'agir. Si rien dans la réalité ne pouvait le sauver, il pouvait certainement sauter à pieds joints dans l'irrationnel qui venait à sa rencontre.

Yuu finirait par ouvrir à cet enfant souriant qui insistait pour le rejoindre et lui parler. L'enfant lui ferait une proposition rebutante qu'il ne pourrait malheureusement pas refuser. Yuu n'oserait demander aucun détail supplémentaire, inquiet de ce qu'il risquait de découvrir concernant les conditions de vie sur l'Île de Jamais. Rien ne servait de chipoter. Ces informations ne pesaient rien dans la balance, car Yuu était depuis longtemps à court d'options.

--

Un carnet noir de son écriture brouillonne posé sur les genoux, Loner plissait les yeux pour tenter de se relire et - surtout - pour essayer de comprendre comment il pouvait améliorer l'algorithme qu'il venait de concevoir. Il mordillait la gomme de son crayon de papier - il commençait à avoir un goût désagréable dans la bouche. Il tourna la page pour observer ce qu'il avait marqué un peu avant puis, songeur, il revint à la fin de la fonction qu'il venait d'écrire.

Il essayait de créer un générateur de mots plausibles, en alphabet latin, qui fonctionnerait pour les prénoms, pour les noms de famille, et qui se déclinerait si possible pour diverses espèces : orcs, elfes, nains, humains même si c'était moins drôle... Loner en était assez rapidement arrivé à la conclusion qu'il lui fallait partir d'exemples existants qui constitueraient une norme, un modèle à imiter pour son programme, lequel apprendrait à former des suites de lettres semblables à celles qu'on lui avait fourni en amont.

Il était donc question de partir d'un dictionnaire - autant de dictionnaires que de types de noms qu'on souhaitait pouvoir inventer, pour être plus exact. Loner avait déjà codé la fonction qui parsait le fichier et en déduisait les probabilités de trouver une lettre après une autre. Il stockait ce chiffre dans un tableau à deux dimensions : les lignes correspondaient à la lettre sur laquelle on se trouvait et les colonnes à celle qui était juste après. Chaque case correspondait donc à la transition de l'une à l'autre.

Ces probabilités générées, il fallait les utiliser pour concevoir de nouveaux mots. C'était sur ce problème que le jeune homme travaillait actuellement. Il venait de créer une fonction qui testait systématiquement toutes les combinaisons possibles, puis qui les triait en fonction de la plausibilité globale du mot. Il se demandait s'il n'aurait pas dû améliorer cet indice avec d'autres informations tirées du dictionnaire. Toutes les syllabes n'avaient pas la même probabilité d'apparaître en fonction de leur place (en début, en milieu ou en fin de mot). Par ailleurs l'approche syllabique - la transition entre les syllabes - était peut-être plus pertinente que celle caractères par caractères qu'il avait adoptée. Il aurait peut-être dû commencer par compter le nombre de ces syllabes en les définissant comme une consonne (ou plusieurs consonnes accolées) suivies d'un certain nombre de voyelles. La consonne suivante indiquait le début d'une nouvelle syllabe. Ensuite, il aurait pu compter les transitions entre ces syllabes et obtenir des résultats plus cohérents, mais aussi plus prévisibles. Et s'il coupait la poire en deux en prenant en compte plusieurs de ces facteurs et en définissant leur importance avec un coefficient ?

A tester plus tard. Pour le moment, ce qui le dérangeait, c'était la lourdeur de l'algorithme qui combinait tous les mots de trois à dix lettres possibles, puis ne gardait que ceux qui étaient au-dessus d'un seuil de pertinence défini. Il n'aimait pas le nombre d'opérations que cela impliquait. Ce n'était pas du tout optimisé. Il fallait qu'il trouve autre chose, qu'il cible mieux, qu'il n'essaie pas toutes les possibilités et qu'il dirige plutôt sa recherche en fonction de la qualité des résultats obtenus au fur et à mesure. Comment allait-il s'y prendre exactement ?

Si seulement il avait pu tester son programme... Il était extrêmement frustrant de ne pas être en mesure de constater le comportement de sa machine lors de ces calculs, ni de pouvoir en lire le résultat à moins de les refaire à la main - ce qui lui aurait pris trente plombes. Enfin... De toute façon, il était voué à rester dans le domaine du théorique. Il n'avait pas réellement de dictionnaire de noms à sa disposition. Il avait presque tout oublié, à part quelques personnages sur lesquels il avait écrit des bouts de trucs avant de perdre la mémoire. Sylvanas Windrunner, Thrall, Arthas Menethil...

Loner sursauta sans prévenir. La voix stridente d'une perdue avait cruellement rompu le silence - et sa concentration. Il constata avec déplaisir le nuage de rires qu'elle traînait dans son sillage. Il pensait avoir trouvé un coin tranquille pour travailler, mais dans les environs du Grand Arbre rien de tel n'existait, ou alors jamais longtemps. Loner vérifia nerveusement que ses bouchons ne lui étaient accidentellement pas sortis des oreilles. Ce n'était pas le cas, ils étaient bien enfoncés. Malheureusement il commençait à y avoir un peu de jeu. La mousse ne reprenait plus vraiment sa forme originelle. L'efficacité du dispositif était incidemment réduite, ce qui expliquait en partie le déplaisir dont il venait d'être victime.

Le groupe qui l'avait dérangé venait dans sa direction - autre moitié de l'explication. Loner se redressa prestement, le carnet coincé entre ses bras tendus. Il baissa la tête pour mieux se cacher sous sa capuche et s'éloigna avant qu'on risque de le remarquer. Ils l'auraient peut-être juste ignoré, ou simplement regardé de travers sans plus, mais il étaient trop bruyants à son goût. Si pour une quelconque raison (parce que ça les amusait de l'ennuyer, par exemple) ils s'intéressaient à l'arbre contre lequel Loner s'était installé, ils allaient probablement lui demander de se casser. Rien ne garantissait qu'ils le feraient de manière sympa. Rien ne garantissait qu'ils seraient sympas tout court. Le risque ne valait pas le coup d'être pris.



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Tu la trouves comment ? Joker parce que toi même tu sais Loner - AFK sans limite de temps 1f60e
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Dernière édition par Loner le Dim 20 Fév 2022 - 12:35, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptySam 19 Fév 2022 - 18:17

Eeeet ça y est c'est fini /o/ \o\ /o/
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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptySam 19 Fév 2022 - 20:51

Un copaiiiiiiiiiiiin ! Wiiiiiiiiii ! Loner - AFK sans limite de temps 4098581609

...Bon. Certes, Wobbly n'est pas de ceux que Loner risque d'apprécier... Il rentre plutôt dans la catégorie "Bruyants pour rien". MAIS, si on lui donne du travail, il le fait avec plaisir ! ...En marmonnant, peut-être. On fait ce qu'on peut.

"Dis, c'est quoi un cause plaît ? Un costume ? Tu peux m'en faire un de super espion, comme James Bond ?"

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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptyDim 20 Fév 2022 - 15:09

Huhu t'y es parvenuuuu avec tes 14 scènes XD

Gg 8D

Faudra tester cet algo' sur le pc de Cyber

Je l'aime bien Loner, héhéhé
C'est vraiment chouette de jouer avec son "inaptité" à vivre sur l'Île !
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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptyDim 20 Fév 2022 - 15:50

Ouiiii le décompte a été rude mais ON Y EST ARRIVÉ xD

Merci ! :3
** Loner a des étoiles dans les yeux rien qu'à imaginer son algo tourner sur le pc de Cyber

Par contre il est un peu inquiet d'avoir un aussi jeune enfant que Wobbly dans son entourage, mais s'il est coopératif et sait travailler en marmonnant gentiment qui sait ça pourrait le faire ! 8D (Futur cobaye pour un cosplay en plus ? Noice.)
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MessageSujet: Re: Loner - AFK sans limite de temps   Loner - AFK sans limite de temps EmptyMar 22 Fév 2022 - 21:28

Félicitations mon enfant


Tu es condamné.





Cyber est déjà passé par là, alors on change quand même de visage 8D

Loner est intéressant, tu sais déjà que je le trouve très cool ! Coincé comme ça dans un univers qui ne lui offre pas d'accès aux mondes virtuels, ni une maison plus ou moins calme où s'enfermer. Les écrans manquants laissent un froid glacial dans les coeurs de ceux qui y trouvaient une place au soleil, hein?

Son surnom lui va très bien avec sa capuche, et petite mention pour l'entête de ta fiche huhu Loner - AFK sans limite de temps 4198890058

Ce doit être si frustrant d'être coupé du reste du monde qui poursuit ses avancées technologiques, mais en même temps... l'Île permet peut-être de s'éloigner de la foule bruyante ? Enfin, ça reste pleins d'enfants. Pauvre gars...

Allez Loner, va errer en évitant les cris stridents d'enfants. Va coder, debugger, imaginer en programmant tout en raccommodant soigneusement. Crée de quoi déguiser d'autres, et m'efface pas de ton esprit la langue des machines.

Pas de Yakuza ici, pas trop près du moins. Loner - AFK sans limite de temps 4198890058


_______________________________


Je te serre chaleureusement la main. Cours vite créer ton Dé à Coudre et demander un Compagnon de Jeu afin de vivre une aventure !  Par ailleurs, n'oublie pas de prendre connaissance de L'intrigue du moment. Tu peux aussi participer au RP d'introduction spécialement conçu pour les nouveaux arrivants et qui permet d'immerger facilement ton personnage dans l'univers : Le Bannissement. A moins que tu ne choisisses de te lancer dans Mission Périlleuse ?  Si tu préfères passer du bon temps en papotant, rejoins sans tarder la Nursery. Quoiqu'il en soit, que ton séjour à Never Never Land soit fabuleux et éternel.


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