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Putain j’ai une sale tronche aujourd’hui.Assis dans ton hamac, penché en avant, tu observes minutieusement ton visage barré de mèches revêches. Sur le côté de ta mâchoire, ce qui reste d’un vieux bleu, hérité d’une de tes joyeuses bastons avec Lace dans l’Arène. Des lèvres roses à la moue perpétuelle, asséchées par le climat de la Forge. Des yeux bouffis par le sommeil et, sûrement aussi, par la multitude de substances diverses que tu continues de t’enfiler. Oui, tu n'as pas très bonne mine. C'est vrai que t'es malade, au fond. Tu l'oublies souvent. Tu l'oublies tout le temps.
En pensant à Lacerate, tu te tournes machinalement vers sa couche et c’est là que tu vois que t’es tout seul.
Même Peter est resté dans sa chambre. Mais pour toi c’est pas vraiment bizarre, tu l’as pas connu moins casanier. Bow est dans son bureau, et heureusement, parce que t’imagines mal un tête à tête avec cette face de rat qui te fait froid dans le dos, même si tu sais pas trop pourquoi.
Tous les Chefs sont dehors, sûrement en train de superviser les petits, mais toi t’as du mal à te lever de ton lit. Après une matinée à travailler tes muscles et tes lames, tu t’es écroulé dans ton hamac et visiblement, ça a duré plus longtemps que prévu. Comme d'hab.
Tu soupires, fais une grimace à ton reflet, lâche le miroir. T’as pas envie de travailler.
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Glit. Tu te lèves et t’étires souplement et, toujours de cette façon féline qui accompagne tes mouvements, tu quittes la Maison Sous Terre, vêtu d’un gros jean et d’un débardeur noirs.
Les rayons du soleil viennent percuter tes résines ardentes, et tu grognes en plaquant ta paume sur tes yeux, t’écartant du tronc. Levant la tête vers les hauteurs, tu cherches la silhouette du regard, avant de grimper à une échelle de corde pour attendre les premiers étages du Grand Arbre.
Beaucoup d’enfants te saluent à ton approche, et tu leur assènes des mots sympas et des clins d’oeil assurés. Tu t’es tellement vite adapté, finalement. Toi, Yell, Sinner et Glitter, vous êtes la 4ème génération de Chefs. Quelque chose vous lie, irrémédiablement. Mais tu es le seul à être là depuis si peu de temps. Probablement le Chef le plus expéditivement élu de toute l’histoire des Perdus. A croire que Sharpy en pouvait vraiment plus.
Au final, c’est la voix de la Sainte qui attire ton attention.
Elle vient de crier quelque chose à un Artisan, pendue à sa corde en position de rappel.
Un sourire malin étirant tes lèvres, tu bondis jusqu’à la plateforme au-dessus d’elle, t’avances, puis te penches à son niveau. Tout à son travail, elle a pas remarqué ta présence. Tu la contemples un moment, observant ses gestes sûrs et ses efforts vigoureux, admirant sa concentration simple, son attirail sommaire, son corps en labeur.
C’est drôle, vous êtes tellement différents, et pourtant ça a directement marché entre vous. Les paillettes et les étincelles, ça va bien ensemble. C’est ptète ça.
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Ola ! tu cries en sa direction, le corps courbé en avant, juste au-dessus de sa tête.
Glit, tu veux pas arrêter ton taf deux minutes, j’ai une mission urgente pour toi.Elle devinera que c’est ni une mission ni une urgence, mais c’est pas grave. Elle viendra quand même.