Elle le voit, qu'il n'a pas l'air de comprendre ce qu'elle veut dire. Cygne a envie de tout lui expliquer et en même temps, elle sait que ce n'est pas le moment. De toute façon, elle a trop mal à la tête et à la cheville pour pouvoir se plonger dans ce genre d'histoire. Le hurlement du loup ne fait qu'ajouter à la liste : elle lui expliquera plus tard. Quand ils seront rentrés.

Ils se mettent en marche et la jeune fille se concentre sur la route à suivre : entre sa tête qui bourdonne un peu et sa cheville qui menace de flancher au prochain pas, c'est un peu compliqué. Mais elle sent le regard de son aîné sur elle et elle ne peut pas s'empêcher de sourire, l'air à la fois fatigué et exalté.

Elle a du mal à croire qu'il soit vraiment là, à côté d'elle. Qu'ils soient en train de marcher ensemble pour retourner dans le Canyon. On ne peut pas faire plus banal comme activité et pourtant Cygne est aussi ravie que si elle se trouvait à partager le repas de la Reine des Fées. Elle a du mal à se souvenir de la dernière fois où elle a été aussi heureuse.

...Mais elle est certaine que ce moment-là contient aussi son frère.

Ralentissant imperceptiblement, la Volontaire se frotte brièvement les yeux de la main droite. Son pull descend le long de son avant-bras levé, révélant sa cicatrice l'espace d'un instant, avant qu'elle ne rebaisse le bras. Elle se tourne vers Lev quand il parle à nouveau, son regard clair le fixant sans ciller.

Elle aimerait dire que ce n'est pas la peine. Des années plus tôt, elle aurait même pu s'agacer en disant qu'elle va bien, qu'elle n'est pas un bébé et qu'elle n'a pas besoin qu'on aille moins vite pour elle. Mais Cygne a grandi. Et toute Entêtée qu'elle est, elle est également devenue beaucoup plus raisonnable, concernant certaines choses. Ne pas admettre que sa cheville menace de la lâcher à tout instant, c'est aussi risquer de mettre beaucoup plus de temps que prévu à rentrer. Et si l'endroit n'est pas corrompu par le Givre, cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a aucun danger.

Avec une petite moue (parce que bon, cela reste un coup dans une fierté qu'elle a toujours possédée), la cadette finit par répondre.

"...Je veux bien. J'ai un peu forcé sur mes chevilles et elles sont plus douloureuses avec le Givre."

Elle pince les lèvres, un peu fâchée contre elle-même de ne pas avoir pris dans sa besace le baume qu'Oural lui prépare régulièrement pour la soulager. En même temps, elle était persuadée que son escapade n'allait pas durer.

Après un instant d'hésitation, Cygne lève à nouveau la tête vers son aîné avant de lui demander d'une petite voix.

"...Je peux m'appuyer contre toi, un petit peu ?"

Pas longtemps, juste le temps de soulager un peu sa cheville droite qui lui lance des éclairs dès qu'elle fait mine de s'appuyer un peu trop dessus. Elle n'ose pas trop ajouter que ça lui ferait du bien autrement, de le sentir à nouveau contre elle.

Ca rendrait ce rêve éveillé plus réel encore.

Autour d’eux, la nuit s’installe. Ses voix sont trop silencieuses, lui laissant tout le loisir d’entendre les bruits de la nature qui s’éveille. Malgré son cœur qui bat comme jamais, malgré la chaleur de l’instant, Tool sait à quel point l’Île peut être dangereuse de nuit.
A chaque pas, il doit se battre contre les questions que se bousculent, le vertige du temps qu’il leur reste à rattraper.
Concentre-toi.
Il acquiesce.

Lilya lui répond, en abordant une expression délicieusement familière :

- ...Je veux bien. J'ai un peu forcé sur mes chevilles et elles sont plus douloureuses avec le Givre.

Tool hoche la tête, se demande si ses chevilles lui faisaient mal aussi, dans le Monde d’Avant. La réponse est douloureuse : il ne s’en souvient plus.

- ...Je peux m'appuyer contre toi, un petit peu ?

Il s’empresse de lui répondre, mais une pensée lui coupe la chique. À croire que l’Île lui avait fait perdre ses réflexes de grand frère.

- On va faire mieux.

Il se rapproche d’elle puis s’accroupit.

- Tu as grandi, mais je suis sûr que je peux encore te porter.

Un sourire presque espiègle, le genre d’expression que les autres Perdus ne le voient jamais aborder. Un sourire réservé à la famille, doux et poussiéreux.

Si Lilya accepte - il espère qu’elle le fera, malgré sa fierté - ils pourront taper un sprint jusqu’au Campement. Sinon, il la soutiendra autrement. Dans tous les cas, Tool ne va pas laisser sa sœur se blesser alors qu’ils ont survécu au Labyrinthe Infesté.

Ils ont trop de choses à se dire.
Une éternité à rattraper.

Cygne penche la tête sur le côté, intriguée. Faire mieux ? Elle n’a pas le temps de lui demander ce qu’il veut dire exactement qu’il s’approche, s’accroupit pour lui permettre de monter plus facilement sur son dos. Sa bouche s’ouvre légèrement, surprise, avant que son aîné ne reprenne la parole.

- Tu as grandi, mais je suis sûr que je peux encore te porter.

Ce ne sont pas ses mots, qui font pétiller son regard de glace. C’est son sourire. Ce sourire qu’elle aime tant et qu’elle a tant espéré retrouver, chaque nuit oubliée derrière cette fenêtre, chaque nuit passée à observer. Le voilà à ses côtés et plus rien d’autre n’a d’importance. Plus rien, plus personne.

Le regard brouillé, la fillette met de côté toute fierté potentielle, hoche brièvement la tête et s’installe. Les mains autour de son cou et de ses épaules, les jambes serrées contre sa taille. Elle pose sa tête contre la sienne, brièvement, sent l’odeur de ses cheveux. La terre, la sueur, le sang aussi un peu, mais avant tout ce parfum qu’elle n’avait plus qu’en tête depuis si longtemps, rassurant et réconfortant. Cygne pose sa tête dans son cou, avant de murmurer à son oreille, comme si elle avait lu dans ses pensées.

«… C’est la danse. J’ai trop forcé. Avant. Mais ici aussi. »

Ce n’est pas le moment de raconter, elle le sait bien. Ils sont encore au milieu de nulle part, entre le Labyrinthe et le Camp, à courir aussi vite que Lev le peut avec un poids mort dans le dos. Pourtant, Cygne fait ce qu’elle peut pour ne pas être trop lourde et se tient bien droite pour ne pas trop en imposer à son aîné.

«… Dis-le, si je suis trop lourde. Je vais pas me vexer, pour une fois. »

Un léger sourire dans la voix. Malgré tout, malgré l’aventure du Labyrinthe, la douleur qui électrise encore sa cheville par moments, surtout quand elle tape sans faire exprès contre la taille ou les jambes de Lev, Cygne est profondément heureuse et son humeur s’en ressent. Sa fatigue aussi. Elle serait capable de s’endormir, si l’adrénaline et l’excitation des retrouvailles ne faisaient pas leur effet.

Elle ne sait pas depuis combien de temps ils courent comme ça -probablement pas tant, le Camp de Réfugiés n’est pas si loin, si ?- quand elle finit par reprendre la parole.

« Grand frère… Les bombes artisanales que tu as dans tes poches, c’est toi qui les fait ? »

Elle pourrait demander pourquoi, ou si ça fait longtemps… Mais non. Au final, ce qui l’intrigue le plus pour le moment, c’est ça. Ce n’est pas comme s’ils étaient assez sortis d’affaire pour les grandes discussions à cœur ouvert. Même si elle aimerait vraiment pouvoir simplement se blottir contre lui dans un tipi et rattraper le temps perdu.

Elle accepte, heureusement. Après s'être installée, Tool étire ses épaules vers l'arrière et soutient ses jambes. Avec précaution puis assurance, il se stabilise et se lève, un poids bienheureux sur le dos. A nouveau, il se dit que Lilya a grandi et une drôle d'émotion vient brouiller sa gorge et fait picoter ses paupières. Sa tête près de la sienne, il peut sentir son odeur, le parfum familier caché au milieu de celui de l'Île, souvenir de ce monde qui n'avait jamais voulu de lui. L'émotion est indescriptible, comme une vague chaude qui chamboule et remet tout à sa place.

- … C’est la danse. J’ai trop forcé. Avant. Mais ici aussi.

Elle danse encore, Tool se sent si fier tout à coup. D'un pas presque un peu aventureux, il se met en marche.

- … Dis-le, si je suis trop lourde. Je vais pas me vexer, pour une fois.

Il lui répond d'un sourire, tourne la tête comme il peut.

- Ne t'inquiète pas. J'ai pris du muscle, depuis la dernière fois.

Si Corneille était là, il lui dirait d'arrêter de faire le mec. Mais le corbeau n'est pas là, alors Tool se pavanerait presque alors qu'il prend de l'assurance, s'habitue à ce nouvel équilibre. Ses pas se font plus longs, à mi-chemin entre la marche et la course. La sensation ne l'a pas quittée, il aurait presque l'impression de voler. Et ça dure jusqu'à ce que l'entrée du camp soit presque en vue.

La voix de sa soeur résonne, une fois encore :

- Grand frère… Les bombes artisanales que tu as dans tes poches, c’est toi qui les fait ?

Il hoche la tête.

- Oui. Je bricole beaucoup, pour ceux qui en ont besoin. Si tu veux, je te montrerai. Il repense au Grand Arbre, puis à la Révolte. Et soudain, la pensée le traverse : ces retrouvailles risquent de changer beaucoup de choses.

Est-ce qu'il leur dira qu'il a retrouvé sa soeur ? Est-ce qu'ils le croiront, même ? Tool a envie de l'annoncer en grande pompe, à coup de mégaphone et d'artifices. Cette euphorie ne lui ressemble pas, il l'accueille avec d'autant plus de ravissement.

Encore quelques mètres, une distance parcourue à grands pas puis l'entrée du Campement. Le Patient s'y arrête un instant, reprend son souffle.

- Je ne connais pas trop le Camp. Où tu veux aller ?

Il faudra qu'il fasse son rapport de mission, mais avant, ils doivent se mettre au chaud, se reposer un peu. Et discuter, beaucoup, surtout.

- Ne t'inquiète pas. J'ai pris du muscle, depuis la dernière fois.

La réponse lui arrache un petit rire. Quelque chose d’enfantin, même si un peu voilé par la fatigue. Ça lui fait du bien, de l’entendre lui parler sur ce ton-là. Et puis, il a sûrement raison : il n’a pas grandi, lui, mais ce n’est pas une raison.

Dominant le monde d’un peu plus haut que d’habitude, Cygne regarde autour d’elle sans vraiment prêter attention au paysage. Par réflexe, elle veut vérifier qu’il n’y a pas de danger dans leur environnement immédiat, mais son esprit est bien plus focalisé sur le fait qu’elle se trouve sur les épaules de son grand frère, qu’elle l’a enfin retrouvé, qu’ils sont tous les deux pour de bon. La Volontaire passe en revue toutes les questions qu’elle a envie de lui poser, tout le temps qu’ils ont à rattraper, mais elle sait que ce n’est pas le bon moment, qu’il faut attendre encore un peu.

Ce n’est que quand elle commence à apercevoir le Camp de Réfugiés au loin qu’elle ose poser une question. Pas la plus importante, certainement, mais une qui la turlupine. La réponse de Lev la fait sourire à son tour. C’est bien, qu’il ait continué de créer des choses, lui aussi. Peu importe comment.

« Oh, oui ! Je sais ! Tu es un... rah, comment ils disent déjà ? ... Un artiste ! C’est ça ? »

Cygne a beau observer l’Arbre depuis bien longtemps, elle l’a toujours fait d’assez loin pour ne pas bien connaître son fonctionnement. Elle a l’habitude des Diplomates, qui sont ceux qu’elle voit le plus souvent (elle ne peut pas s’empêcher de leur en vouloir un peu, d’ailleurs), mais ce n’est que depuis qu’ils sont tous dans le Canyon qu’elle commence à entrevoir la complexité des Garçons Perdus.

- Je ne connais pas trop le Camp. Où tu veux aller ?

La petite, toujours perchée sur les épaules de son aîné, fait la moue. En temps normal, elle se précipiterait vers Héron ou Oural pour leur annoncer la nouvelle, mais quelque chose la retient. Elle n’a pas envie de partager son aîné. Pas encore. Plus tard, certainement, parce qu’elle meure d’envie qu’il rencontre ces gens très importants pour elle. Et Ibis, aussi. Elle a promis. Mais pour le moment, elle a juste envie de profiter de ces retrouvailles. Seule, avec Lev.

Son regard clair parcourt un peu le Camp, s’arrêtant sur plusieurs endroits tout en réfléchissant à voix haute en direction de son frère.

« ...Il est un peu tard, il y aura du monde dans mon tipi... On peut aller vers les Hurons ? Ce sera plus calme. »

La Volontaire tend le bras en direction d’un coin un peu plus reculé du Camp, les Hurons ayant choisi d’être au plus proche possible de la nature environnante. En plus d’être tranquilles, cela a l’avantage d’être moins bruyant et l’un des coins les plus éloignés du Feu Sacré.

« On trouvera sûrement un feu à rallumer... Tu veux que je descende ? »

Sa cheville semble avoir arrêté de faire des siennes, et ce serait plus pratique pour le guider dans la fourmilière qu’est devenue le Canyon. Même les deux pieds sur le sol, il est hors de question qu’elle lâche sa main, de toute façon.

- Oh, oui ! Je sais ! Tu es un... rah, comment ils disent déjà ? ... Un artiste ! C’est ça ?

Il se sent fier, c’est plus fort que lui. Qu’elle puisse lui attribuer le qualificatif d’artiste ainsi, alors que leurs retrouvailles sont à peine entamées.

Lilya prend son temps pour répondre à sa question. En attendant, Tool se remet en marche, dépassant l’entrée du Campement. Aussitôt, les couleurs et les sons l’assaillent, mais cette fois, la sensation n’est pas aussi désagréable que d’habitude. Même les quelques regards qui se portent vers eux, les remarques murmurées qui pointent leur ressemblance ne suffisent pas à détourner son attention de cette présence sur ses épaules.

Entier, enfin.
Entiers.

- ...Il est un peu tard, il y aura du monde dans mon tipi... On peut aller vers les Hurons ? Ce sera plus calme.

Quelque part au-dessus de sa tête, un bras blanc se dresse. Tool acquiesce et suit la direction indiquée par son adelphe alors que ses pensées s’agitent.
Dans mon tipi. Même si la conclusion est logique - difficile de trouver des enfants ailleurs qu'avec les Peaux-Rouges ou les Perdus sur l'Île - l’Artisan parvient à s’étonner de l’imaginer parmi les natifs.

Traversant le campement, Tool se rapproche du quartier des Hurons.

- On trouvera sûrement un feu à rallumer... Tu veux que je descende ?

- Comme tu préfères, Solnychka.

Le surnom est sorti tout seul, sans qu’il n’y réfléchisse. Le Perdu s’arrête, laissant le choix à sa sœur de descendre si elle le souhaite. Puis leur marche reprend, jusqu’à arriver dans les quartiers du Clan du Cerf. L’endroit, sans être totalement tranquille, forme comme un havre de paix imparfait et temporaire. Avisant un feu dont les braises rougeoient encore, Tool le désigne.

- Ici ?

Il a hâte d’être assis auprès d’elle, hâte de pouvoir reconstituer l’histoire de son arrivée. Pourtant, une pointe d’appréhension s’est immiscée dans son esprit, comme un vertige devant ce qui les attend. Le Patient s'arrête soudain. Comment rattraper le temps, reformer le gouffre ?

Résonnant par-dessus ses pensées, une voix résonne.

Tu verras bien.

L’affirmation n'est pas tant réconfortante, pourtant elle suffit à remettre Tool en mouvement.

Les voilà dans le Camp de Réfugiés et, pour une rare fois, Cygne en ressent l’effervescence (amoindrie par le début de la nuit) comme si elle en faisait intégralement partie. Pour une rare fois, elle n’observe pas les autres pour chercher à comprendre ce qui se joue, elle ne fouille pas désespérément pour trouver une silhouette connue dans la foule, ni n’essaie de capter les plus jeunes qui pourraient s’ennuyer un peu pour leur proposer un jeu ou une histoire. Non, pour une rare fois, elle est sortie de son rôle d’observatrice.

Elle vit. Enfin.

Elle sait très bien que c’est la présence de Lev qui la rend aussi énergique. Depuis son perchoir improvisé, elle a envie de crier à tout le monde qu’elle a enfin retrouvé son grand frère et qu’elle est la plus heureuse du monde. Mais elle se retient.

Par respect pour son aîné, d’abord, qui n’a jamais vraiment apprécié l’agitation. Pour les autres, ensuite : il commence à se faire tard, les plus petits dorment sûrement déjà. Mais aussi pour elle-même, car aussi ravie qu’elle soit, elle n’a pas envie de partager Lev ce soir.

Ce sont toutes ces pensées qui l’incitent à proposer l’un des lieux les plus calmes du Camp. Son aîné se range à son avis sans vraiment paraître y réfléchir. Ce n’est pas très étonnant aux yeux de la fillette : s’il avait l’habitude du Camp, elle l’aurait retrouvé bien avant.

Lev suit donc ses directives, jusqu’à ce qu’elle demande s’il veut qu’elle descende. L’Entêtée ne peut s’empêcher de sourire à la réponse, d’un sourire solaire qu’il ne peut pas voir mais qui lui a valu ce surnom en premier lieu. Ce mot, elle le connaît par cœur, parce qu’il est inscrit dans la lettre qu’elle traîne partout avec elle, mais cela faisait très longtemps qu’elle ne l’avait pas entendu ailleurs que dans sa tête. Trop longtemps. Et là, c’est déjà la deuxième fois qu’il l’utilise, et Cygne sait qu’elle ne s’en lassera jamais. Elle serre brièvement son aîné un peu plus fort, comme elle peut, toujours sur ses épaules.

« Je préfère rester comme ça. »

C’est moins pratique, mais elle n’a pas envie de faire dans le pratique, ce soir. Alors tant pis, elle s’accorde ce petit caprice. Elle a juste envie de profiter de la présence de son frère, de son odeur et de son contact le plus longtemps possible.

Et puis, elle se rend bien compte que son aîné n’a pas tant besoin que ça de ses consignes, à présent. Ils arrivent rapidement dans la partie du Canyon où les Hurons ont élu domicile et la petite se satisfait de voir que l’endroit est effectivement plus calme que ceux qu’ils viennent de traverser. Quand le bras du Patient se lève en direction d’un feu rougeoyant, la gamine se fend d’un hochement de tête qu’il ne peut pas voir.

« Oui, ce sera très bien ! »

Pourtant, au lieu de continuer dans cette direction, le pas de Lev s’arrête. Aussitôt, la Volontaire fronce les sourcils et tourne la tête vers son aîné. Elle s’apprête à lui demander si tout va bien, mais c’est le moment qu’il choisit pour se remettre en route. Cygne laisse échapper un petit soupir soulagé avant même de se rendre compte que l’angoisse monte.

Et s’il ne veut pas rester avec elle, finalement ? S’il se contente juste de la laisser là et qu’il part rejoindre ses amis d’ici, ou même qu’il retourne à l’endroit où il vit depuis le début du Givre ? Instinctivement, elle serre à nouveau mais les voilà devant le feu et il faut bien qu’elle descende maintenant, elle n’a pas le choix.

Alors elle le fait, mais sa main trouve tout de suite le chemin de celle de son frère, qu’elle serre un peu trop fort pour être totalement calme. Pourtant, elle essaie de lui adresser un joli sourire.

« Viens, on va prendre un peu de bois juste là. »

Cygne ne boîte plus, même si elle est évidemment fatiguée. Son mal de crâne s’était un peu estompé pendant le trajet mais il fait un retour en force sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi. Mais ce n’est pas grave. Traînant Lev avec elle, ils vont chercher un peu de bois sur le tas qui se trouve non loin, entre deux tipis. Ce n’est que quand elle s’arrête devant les morceaux de bois que la fillette réalise que ce serait quand même beaucoup plus simple qu’elle lui lâche la main pour qu’ils puissent transporter quoi que ce soit. Pourtant, elle ne fait pas le moindre geste. Au contraire, sa prise s’affirme et elle sent son souffle s’accélérer. Son regard clair se tourne vers l’autre, si similaire au sien.

Elle ne veut pas le lâcher. Elle ne veut pas qu’il parte. Elle ne peut pas le lâcher.