Right est mort avait hurlé partout la fée. C’était Justice qui le lui avait rapporté. Sur le moment Scar y avait cru et ça lui avait retourné l’estomac comme à chaque fois, peu importe le nombre des pertes qu’il avait du encaisser de toute sa carrière de Chef. Il avait confiance en Right, c’était pour ça qu’il ne s’était pas inquiété plus tôt. Mais les jours passant et face à l’absence prolongée du Sentinelle, le Rouge avait effectivement commencé à craindre que quelque chose lui soit arrivé.

Sauf qu’il ne pouvait pas se permettre de quitter le Grand Arbre sans piste, de tout lâcher pour se lancer dans une quête à l’aveugle. Il s’était fait la réflexion que le garçon avait peut-être simplement ressenti le besoin de s’éloigner quelques temps. Après tout il avait passé un long moment en rémission après le Givre et Scar aurait compris son acte.
Mais il lui aurait bien dit quelque chose, le Rigoureux n’était pas du genre à manquer à ses tâches et s’il le fallait il n’aurait sûrement pas laissé son Chef sans nouvelle à croire qu’il aurait pu déserter.

Ça lui avait trotté dans la tête au quotidien et voilà qu’un autre de ses Sentinelles de confiance était venu lui annoncer la pire des nouvelles et avec elle l'habituelle culpabilité un peu fataliste de n'avoir pas su réagir à temps ou pu l'empêcher.

Et puis ça avait enfin tilté sous son crâne. L’identité de celui à l’origine de l’information; la fée moustique, celui à tête d’ampoule qui prenait plaisir à venir le provoquer et le moquer. Certainement pas un gars de confiance mais, au cas où il y avait un fond de vérité, il s’était senti obligé d’aller le questionner.

Cette fois-là il n’avait accepté aucun jeu. Le Rouge voulait une direction, un lieu si possible, pas le temps de se laisser emmerder. Pour une fois la fée n'avait pas fait d'histoire.

Scar s'était rapidement mis en route. La panique visible de la fée avait renforcé son soupçon qu'il était réellement arrivé quelque chose à son Sentinelle et qu'il ne s'agissait pas d'une mauvaise blague. Il avait choisi d'emmener Justice en renfort parce qu’il était là, bon combattant et puis ils avaient rarement eu l'occasion de partir en mission ensemble.

***

Ayant attendu qu’ils soient sortis du périmètre direct des cabanes, Scar siffle brièvement puis se tourne vers Justice.

Un troisième sentinelle pour notre équipe, tu l’as jamais rencontrée. Il reste vague pour le moment, la Main verra assez vite de quoi il en retourne.

Une ombre passe entre les arbres, discrète et légère malgré son gabarit. La chienne les rejoint, elle est grande, élancée mais musclée, l'ossature solide. La voir lui fait plaisir, le Rouge l’avait crue disparue avec le Givre mais la femelle, toujours innommée, était apparue un jour à ses côtés lors de l’une de ses rondes. Elle avait été blessée à un oeil mais la plaie est vieille et guérie. La rétine,malheureusement, est morte; ce qui ne semble pas trop la déranger. Son pas est toujours leste, ses oreilles attentives et son flair intact.

Sous ses doigts qui grattouillent et flattent le poil gris et dru de lévrier a gardé ce quelque chose de magique qu’il avait perçu lors de leur première rencontre, semblant changer légèrement de teinte selon le milieu dans lequel elle évolue. Peut-être un héritage du chaton au pelage d’étoiles avec qui elle avait été trouvée.

Elle va nous aider à localiser Right plus facilement. T'as pu trouver un de ses vêtements ?

Il le lui a demandé peu avant qu'ils partent, sans beaucoup plus d'explications. Ca leur fera gagner du temps précieux, accompagnés du flair canin ils n'auront pas à fouiller tout le morceau de jungle indiqué par la fée. Et puis si Right est encore vivant il s'est peut-être déplacé.

On a tendance à oublier qu’ici ou ailleurs, les choix ont des conséquences.
C’est un peu tard pour ça, mais il réalise tout le poids de cette vérité dans les regards insistants et silences gênés qui accompagnent ses entrées.

La première et dernière représentation de K.O. a laissé une sacrée impression. Aucun des autres groupes malgré tout leur talent et leur bonne volonté n’a autant marqué les esprits.
Certains ont adoré leur style, leur rythme. D’autres ont moins apprécié leur vulgarité et les paroles provocatrices scandées par le chanteur, Apache l’Hérissé. Leur première chanson avait eu l’effet d’un véritable glaviot sur les pompes des chefs. Ces derniers avaient fait preuve d’un calme exemplaire mais la situation aurait pu dégénérer s’ils avaient fait un rappel.

Et lui, comme un con, il s’était impliqué là-dedans.

Jusqu’à ce malheureux incident, il était Just. Le sentinelle. La Main. Un gars sympa, plutôt sérieux. Pas d’opinions, pas de d’attention particulière portée sur lui. Il avait de mauvaises fréquentations mais il était resté clean.
Maintenant les regards portés sur lui sont plutôt mitigés. Certains n’ont rien compris, s’étonnent seulement qu’il sache jouer de la guitare, ou qu’il se soit laissé maquiller. D’autres ont pris sa participation comme une trahison personnelle.

S’il veut redorer son image, il ne va pas se contenter de faire profil bas quelques temps. La situation exige un geste fort et des mesures drastiques. Il va devoir limiter son temps passé avec Apache et passer plus de temps avec ses collègues. Se tenir à distance des plans foireux et mettre plus d’énergie dans son travail.

Finalement, c’est celui pour qui il doit faire ses preuves, qui lui donne la meilleure occasion de se racheter : Righteousness, l’antithèse du punk, a disparu. Plus il y réfléchit et plus Just se dit que se rapprocher de Right serait le moyen le plus rapide de rassurer Scar. S’il est capable d’être ami avec le Rigoureux et l’Hérissé c’est que ses fréquentations ne veulent pas dire grand-chose. Et puis ça prouverait surtout qu’il sait où est sa place.
Enfin, ça, c’est si Right n’est pas crevé dans un coin.

Lorsqu’il rejoint son chef, ce dernier lui annonce qu’une troisième sentinelle les accompagne. Au vu de la composition de leur équipe, Just s’étonne de ne pas voir un éclaireur débarquer. Tous les deux, ce sont des cogneurs. Pas vraiment des experts en disparitions.
Mais la troisième recrue est bel et bien un pisteur.

« Elle va nous aider à localiser Right plus facilement, explique Scar en caressant le chien borgne qui vient de les rejoindre. T'as pu trouver un de ses vêtements ?
— Ouais. »

Just ouvre son sac à dos pour en tirer un t-shirt de sport qu’il est allé piocher dans les affaires de Right. Maintenant qu’il rencontre leur troisième recrue, la requête bizarre de Scar fait sens.

« Il sent fort. Ça devrait faire l’affaire. »

Ils n’ont plus qu’à se rendre là où Right aurait été aperçu pour la dernière fois. D’après Volt, il… Oui. Volt. Compter sur la parole de la fée n’est pas une perspective réjouissante mais Just sait par expérience qu’il ne dit pas que des conneries. D’après Volt, donc, Right se serait fait chopper en pleine jungle. Il n’y a plus qu’à espérer que le clébard arrive à distinguer son odeur parmi les parfums de la nature.

« Je suis aussi passé à l’Infirmerie récupérer une trousse de secours. »

On sait jamais. Volt n’est peut-être pas si loin de la vérité.

Devant eux la chienne ouvre la marche. Ils avancent en silence, ont échangé quelques banalités et parlé un peu du déroulement de l’expédition mais Scar n’est pas un grand causeur.

A la place il réfléchit, tout en restant attentif car ils arrivent bientôt à la jungle. Il songe que Justice, déjà là à sa propre arrivée, a toujours été un Sentinelle appliqué et sérieux. Comme aujourd’hui, où en plus de rapporter le vêtement qu’il lui avait demandé, avait complété leurs préparatifs de son propre chef. Efficace et un adversaire hors-pair dans l’Arène, l’un des rares Perdus à tenir tête au Rouge en combat à mains nues et à l’avoir mis au tapis plus d’une fois.

C’est pourquoi, peut-être encore plus que celle de Tool, il peine à comprendre sa présence sur scène l’autre jour et sa participation active à la moquerie pitoyable. Qu’est-ce qui l’attire tant chez le petit punk pour qu’il s’abaisse à ce genre de démonstrations ?

Sa colère est moins vive maintenant, il a eu le temps de relativiser un minimum, mais il reste une rancœur que le Chef a de la peine à laisser filer. Une part de lui a envie d’aborder le sujet et de confronter son Sentinelle, l’autre hésite parce que se serait avouer s’être laissé toucher par leur raillerie stupide. Peut-être qu’il serait mieux pour sa réputation de prétendre n’en avoir rien à foutre.

Un contact bref et humide au bout de ses doigts, la chienne qui lui offre son soutient avant de repartir à la recherche d’une piste. Scar aussi cherche, malgré le tourbillon de ses pensées, il laisse son regard ambré glisser sur les troncs humides des arbres exotiques de la jungle qui peu à peu les entoure, sur les racines et rochers qui pourraient receler quelque indice.

Puis il se décide, un peu comme on lance une réflexion en l’air, sans tourner la tête vers son acolyte de mission.

Justice, est-ce que tu me trouves ridicule ? Est-ce que j’ai perdu ton respect d’une façon ou d’une autre ?

Dans la suite, en quelque sorte, de la conversation qu’il a eu avec le russe au sujet de son rôle lorsqu’il était sorti de sa veille catatonique du brasier.

Ca fait longtemps, quand même, qu’on se connaît. Si tu as des choses à me dire tu peux le faire.

Dans sa voix, le Rouge sonne plutôt égal, magnanime. Intérieurement ça lui a quand même demandé un gros effort, il sent son coeur qui pulse et qui redoute la réponse.

Sur la route, ils échangent tout juste quelques mots. Quelques informations glanées ci et là, quelques prises de décisions sur le déroulement des opérations. Rien qui ne soit superflu. Ils parlent peu mais ils parlent bien. C’est comme ça qu’ils ont toujours fonctionné sur leur lieu de travail. Tout est comme d’habitude et ce constat lui prodigue un étrange réconfort.

« Justice, est-ce que tu me trouves ridicule ? Est-ce que j’ai perdu ton respect d’une façon ou d’une autre ? »

Scar rompt le silence qui s’est installé entre eux et Just, un peu étonné, lève la tête de ses pieds. Il dévisage un chef qui ne le regarde pas.

« Ça fait longtemps, quand même, qu’on se connaît, insiste le Rouge. Si tu as des choses à me dire tu peux le faire. »

Just détourne le regard, le fixe sur le chemin droit devant lui. Ni l’un ni l’autre ne sont très à l’aise dans ces échanges à cœur ouvert mais celui-là est nécessaire.
Comme le sont toutes leurs conversations.

Il connait Scar depuis longtemps, plus longtemps même qu’Apache. Il a connu son prédécesseur, un grand connard qu’il ne valait mieux pas provoquer. Il a connu Scar avant qu’il ne soit Scar. Ses souvenirs de ce temps-là sont flous et bourrés de trous mais ses certitudes y sont profondément enracinées.
A force temps passé et de missions, Just a appris à respecter voire apprécier le Rouge. Une sympathie bien tangible, pas de celle en surface qu’il accorde aux inconnus. A défaut de confiance et de franchise, Just n’éprouve pour Scar qu’un respect sincère.

Même s’il bosse dans son dos, travaille à défaire tout ce en quoi Scar croit et qu’il s’échine à défendre. Just a de l’estime pour ce type. C’est un bosseur qui connait ses priorités et ne ménage pas ses efforts pour maintenir son petit monde en état de marche.
Alors sa réponse est malgré les non-dits, on ne peut plus honnête :

« Rien n’a changé. Je te respecte toujours autant. »

Puis, comme si la réponse n’allait pas de soi – puisqu’ils sont partis pour aller au fond des choses – il demande :

« C’est par rapport à l’autre soir ? »

Rien n’a changé. Je te respecte toujours autant.

Au moins Justice a l’air sincère. Au fond Scar ne sait même pas ce qu’il espère comme réponse.

C’est par rapport à l’autre soir ?

Autant être franc.

Disons que ça a remis un peu les choses en question. il hausse les épaules, un peu amer Je pensais pas que tu participerais à ce genre de provocation.

Un aboiement bref, coupe court à la conversation pour l'instant et ramène les pensées du Rouge à leur mission actuelle.

La chienne ne parle pas comme certains animaux de l’Île mais à sa façon lui fait comprendre qu’elle a capté la trace du garçon disparu, et ce malgré la pluie qui efface les odeurs. Celle-ci n’est pas battante, de plus les arbres les protègent un peu mais elle suffit à leur rendre la tâche plus difficile.

Gémissant légèrement, les invitant ainsi à la prudence, leur troisième équipière les guide à pas discrets sur le sol humide avant de s’arrêter devant un grand tronc.

Scar s’approche. Les nuages accentuent la pénombre naturelle de la jungle, ternissant les couleurs, mais il parvient tout de même à repérer quelques traces sombres pas encore lavées par la pluie. Il en frotte une du pouce, c’est bien du sang et ça semble relativement frais.

Moins d’une heure je pense. il tourne la tête vers Justice Il doit avoir laissé d’autres traces, on va suivre le chien. S’il est très blessé il n’a pas pu aller bien loin.

Le Rouge abaisse la capuche qui a protégé jusque là sous visage de l’averse, il ne veut rien qui puisse entraver sa vision. Il ne sait pas ce qui a attaqué son Sentinelle et si c’est encore dans le coin. Il décide d’avancer l’un de ses couteaux à la main, prêt face à une éventuelle attaque ou embuscade.

Passe devant, je ferme la marche. On va être prudent.

Il commence à craindre qu'ils n'arrivent trop tard.

Pas de cris, pas de larmes – ils sont trop grands pour ces jeux-là – mais la voix du Rouge trahit son amertume. Just l’a déçu et il le sait. Ça va lui prendre du temps pour redorer son image. C’est parfois d’un lassant, à quel point c’est facile de ruiner des années de rigueur et de bonne conduite. Mais bon, il a merdé. Mieux vaut assumer.

Il ouvre la bouche pour bredouiller quelques banalités quand le chien aboie. Une seule fois, comme pour les appeler. Il a dû trouver quelque chose.

Les deux sentinelles baissées observent des traces fraiches, épargnées par la pluie. Ce n’est pas la première fois qu’ils sont lancés sur ce genre de piste, et c’est rarement des animaux qu’on les envoie traquer. Au vue de sa quantité, le sang noircit un tableau déjà peu optimiste. Right va peut-être bien claquer finalement. Qui l’aurait cru ?

« Moins d’une heure je pense, estime Scar. Il doit avoir laissé d’autres traces, on va suivre le chien. S’il est très blessé il n’a pas pu aller bien loin.
— Ce qui l’a blessé non plus. » Just fait remarquer.

Scar en a tiré les mêmes conclusions, visiblement. Il sort son arme, prêt aux mauvaises surprises. Just, lui, remue lourdement les épaules, pour remonter le holster caché sous sa veste.

« Passe devant, je ferme la marche. On va être prudent. »

En temps normal, il aurait insisté pour passer en dernier. Il n’aime pas avoir quelqu’un dans son dos, même Scar. Surtout après ce qui s’est passé. Mais le Rouge a beau lui en vouloir, il ne dégage pas de véritable hostilité. Pas au point de le poignarder par derrière, du moins.
Alors la Main opine, sans un mot.

La marche reprend, silencieuse, prudente.

Leur allure se mue en pas de courses et la gêne laisse place à la concentration. Il y a un certain soulagement à se plonger dans le travail pour se soustraire aux conversations gênantes. C’est de toute façon dans ces moments-là qu’ils ont toujours le mieux fonctionner : sans parler, à faire leur taff sans besoin de se concerter.

C’est dans une flaque d’obscurité qu’ils trouvent Right. La Main s’immobilise à quelques pas, laissant son chef le dépasser. Il reste à couvert, promène un regard inquisiteur dans les fourrées et les milliers de recoins qui feraient une bonne cachette en situation d’embuscade. Après quelques brèves secondes de doutes, il estime qu’il a suffisamment été prudent et que l’ennemi leur serait déjà tombé dessus.

Quand il les rejoint, Just réprime un sifflement. C’est impressionnant. Les gaillards comme Right sont si grands qu’on a du mal à les imaginer à terre. Et quand c’est fait, on prend pleine conscience de la superficie. On aurait pu le prendre pour un tronc couché si on omettait le sang et la tignasse bonde. C’est pas commun comme scène.
Il faut croire que Right a enfin trouvé ses limites.

« Right. Merde ! Dis-moi où t’es touché ? Lame, morsure, balle ? »

Just ouvre son sac pour en tirer la trousse de secours. Il se doute que Scar ne demande ça que pour vérifier si Right est conscient et qu’un bref examen leur apporterait des réponses plus fiables.

« Just ! Prépare de quoi faire une compresse. La chienne va veiller à ce qu’on nous attaque pas. J’ai besoin de toi pour les premiers secours. »

Il n’a pas attendu l’ordre pour s’exécuter : sur son sac vide, il étale tout son barda. Compresse, bandage, une bouteille d’alcool (entamée), une paire de ciseaux et un truc qui ressemble à une pince.

La chemise ouverte et la plaie révélée, ce qui était resté de l’ordre de l’intuition devient une certitude : c’est pas beau.

Just glisse un regard vers Right. Son collègue est éveillé mais son œil terne et fuyant lui laisse à penser qu’il est à côté de ses pompes. Au moins, ils n’auront peut-être pas à le maitriser si l’intervention s’avère un peu musclée.

« Ça va aller, Right. Serre les dents. » fait Just, essayant d’émuler une forme d’empathie.  

A deux, ils parviennent à redresser Right pour lui nouer un bandage serré sur sa plaie. Just n’est pas certain qu’ils aient réellement stoppé le saignement mais au moins, ils l’ont ralenti.

La Main se redresse péniblement. Il a du mal à croire qu’ils aient trouvé Right. C’étaient quoi les chances ? Mais maintenant, il reste le plus dur. Le rapatrier avant qu’il claque. Le problème c’est que Right est plus grand et plus lourd qu’eux. Même à deux, le chemin sera long et difficilement praticable en trimballant un poids mort.
Il balaye l’espace du regard à la recherche de branchages avant de proposer :

« On pourrait bricoler un genre de brancard ? J’ai une couverture, il nous faudrait juste deux bâtons. »

Ils pansent la plaie comme ils peuvent étant donné les circonstances, c’est surtout pour freiner l’hémorragie. De retour au Grand Arbre les Soigneurs s’occuperont de retirer la balle, désinfecter puis recoudre la chair. Parce que bien sûr qu’ils vont le ramener à temps, il ne peut pas en être autrement, le Chef ne l’acceptera pas.

On pourrait bricoler un genre de brancard ? J’ai une couverture, il nous faudrait juste deux bâtons.

La proposition de Justice masque le tintement à l’oreille du Rouge ; il ne remarque pas la petite présence sur son épaule, ces quelques grammes dérisoires face à tout son corps tendu et plus stressé qu’il laisse paraître.

Oui, bonne idée. Je vais laisser la chienne avec-

Il s’interrompt soudainement. Près de lui un filet de voix s’échappe des lèvres du blessé ; à peine audible au point que Scar doit se pencher pour être sûr de comprendre.

Pilate ? Le Chef fronce les sourcils un instant, pas très perspicace sur le moment.  Non, il doit vouloir dire pirate.

Pirate ? Oui, oui on s’en est douté.

Le tir n’a pas traversé entièrement l’épaule, ils ont pu voir le reflet métallique au fond de la plaie, entre les tissus déchirés. Mais ça Right n’a pas besoin de le savoir pour l’instant. Avec un peu de chance les tendons ne sont pas touchés et dans quelques temps ne restera plus qu’un mauvais souvenir - qui s’en ira - et une cicatrice comme ils en ont tous, ceux qui combattent les hommes de Hook.

Ou on pourrait se tirer vite fait, l'autre cinglé a un fusil.

Ça bourdonne à son oreille et le prend tellement par surprise que ses nerfs réagissent avant sa tête.

Le Rouge fait un bon en arrière, chassant de la main l’imprudent sur son épaule comme il l’aurait fait d’une grosse guêpe ; il ne réalise son erreur qu’une fois qu’il le sent contre sa paume, et puis plus.

Comme une minuscule boule de foudre, Scar voit la fée voler un peu plus loin. Merde, il espère ne pas l’avoir blessé, ou pas trop. Depuis sa propre transformation pendant le Givre il a une autre vision du peuple féerique et il a beau ne pas apprécier spécialement Volt, il ne souhaite pas lui faire du mal pour autant. Et il n’a pas envie de subir la justice de leur Reine non plus.

Ah ! Désolé…ça va ?

Un geste automatique, il n’est pas sûr de la force qu’il y a mis.