Scar est le Chef qu'on n'aime pas, qui fait peur. Trop sévère, souvent taciturne et qui parfois explose d'une colère brève mais incendiaire. On le déteste pas non plus, c'est pas ça, généralement on admet même qu'il fait bien son boulot. Mais il est de loin pas la mascotte de l'Arbre et même pas celle des Sentinelles avec sa sale gueule et ses airs de molosse. Des tours de gardes organisés avec une précision d'horloger suisse, une demande de rapport à chaque retour, un entraînement physique imposé strict et demandeur ; on est sûrement à l'opposé de la vie tranquille, insouciante et sans règles fantasmée par les Garçons de Peter.

Mais au fond, le Rouge s'en fout qu'on l'apprécie ou non, il essaie pas d'être l'un de ces Chefs charismatiques qu'on voit en grand frère et modèle. C'est pas son genre, il en serait pas capable, il a jamais été du type sociable ou avenant. Il penche plutôt du côté brute et sarcastique ascendant un petit balai dans le cul.

Et puis dans tous les cas, ça change rien comment on le voit. Son militarisme et sa rigueur ne sont pas des instruments destinés à assouvir une soif de pouvoir ou un sadisme personnel mais sont ce à quoi il a pu se raccrocher pour survivre après sa soudaine ascension hiérarchique alors qu'il aurait voulu juste mourir. Ses rôles de Chef et garde de Peter sont tout ce qu'il possède, il a besoin de se sentir en contrôle dans son élément. Pas pour manipuler ou asseoir sa dominance mais parce qu'il n'y a que ça pour le rassurer sur la sécurité de ses gamins, pour l'empêcher de dériver. L'anarchie est un mensonge.

Scar est comme un vétéran, avec ses démons et ses peurs mais endurci par l'expérience. Il sait ne pas être le seul sur l'Île, tellement de ces enfants ont connu et souffert la guerre et l'horreur avant, rafistolés comme possible ou brisés. Lui, son expérience est un peu différente. À son arrivée il était un gosse normal, assez timide et banal à crever, sans envie particulière d'être là mais s'efforçant d'accepter par amour pour sa sœur qui s'émerveillait de cette nouvelle vie et ses promesses mensongères.

Du moins, jusqu'à ce qu'elle lui soit enlevée et détruite, molestée par un grand garçon, un aîné envers qui elle n'aurait rien du avoir d'autre que de la confiance. Elle était déjà morte lorsqu'elle les quitta définitivement, lui et son enfance à elle, éternelle et souillée, prenant sa propre vie et l'abandonnant comme un con sur cette Île dont il ne voulait pas.

La vengeance donne un but à celui qui la convoite, elle maintient la douleur et les souvenirs à vif, fait se sentir vivant dans la fureur. Et de la rage, Scar en avait même débordé à l'époque, se lançant à corps perdu dans une vendetta ratée d'avance. Du haut de ses douze ans, il avait attaqué le meurtrier de sa jumelle, son supérieur direct. Comme un animal il avait eu soif de sang, tenté de mordre et de déchirer avec les ongles, comme un chiot il s'y était cassé la truffe. Il avait même ri, l'enflure, en le choppant par le cuir chevelu pour le forcer à se soumettre, lui montrant en profondeur que dans la loi de la jungle il n'y a que la force brute qui compte et que celui qui la possède est libre de faire comme bon lui semble. Il n'a jamais oublié. C'est pour cette raison qu'il s'était mis à grandir; vite, exprès, pas parce qu'il avait perdu sa naïveté ou autre connerie mais dans un unique but de vengeance, aveugle au reste du monde.

En vrai, pourtant, le Rouge se souvient à peine des traits de sa sœur, c'est juste qu'il a les siens - même défigurés – pour s'inspirer. Il a aussi oublié son nom et celui de leur violeur dont il avait fini par réduire le visage à l'abstrait jusqu'à que l'éclat de son âme sale quitte ses yeux. C'est pour ça qu'on l'appelle le Rouge, d'ailleurs. Le sang dégueulasse sur le sol et partout, autant celui du mort que de ses phalanges qu'il avait écorchées sur ses dents jusqu'à les faire sauter.

Jamais il n'avait senti une telle délivrance et cela l'avait terrorisé. Il était le jumeau paisible, pas celui se laissait aller à l'impulsion ni celui qui trouvait son compte dans l'agitation. Mais cette jouissance éprouvée dans l'acte de tuer, la satisfaction ultime après des milliers d'heures à se construire assez fort, la domination physique absolue sur un autre être. Il avait compris la guerre, l'esprit qui s'en va et la soif de sang primaire, les os qui craquent sous les poings, la puissance de l'adrénaline. Il en avait pleuré.

Et puis en acte final du dernier jour de sa première vie, le Roi des Enfants Perdus l'avait ramassé, puni puis récompensé.  Le Rouge avait commis l'impardonnable, outrepassé la première des règle en grandissant mais il s'était aussi montré volontaire et fidèle, et pour ça Peter décida de se montrer clément. Il lui prit les derniers restes de son amour-propre en le défigurant par le feu et assura ensuite sa loyauté en le nommant Chef des Sentinelles et garde du corps de sa personne. Il se retrouva enchaîné mais pas muselé.

❅ À leur arrivée sur l'Île, les jumeaux se sont faits surnommer Spleen le Jumeau – d'abord par une fée-poète puis par les autres enfants - et Fizzy la Jumelle. Puis à la mort de sa soeur, Scar est devenu Spleen l'Affligé pour finir par se faire définitivement appeler Scar le Rouge une fois sa vengeance accomplie et sa promotion de Chef reçue.

❅ Scar tient ses traits, de l'origine chinoise de ses parents ayant immigrés déjà très jeunes de Honk-Kong aux États-Unis. Il est donc avant tout américain et plus précisément New-yorkais. Aujourd'hui, il aurait certainement beaucoup de mal à tenir une conversation complète en cantonais, les souvenirs de la langue familiale s'effritant avec le reste.

❅ C'est un grand gaillard d'1m80 et d'une carrure assez impressionnante pour un adolescent.

❅ Lorsqu'il est seul, il lui arrive de chantonner quelques chansons phares de ces groupes qui ont fondé le rock et bercé ses quelques années de pré-adolescence avant qu'il n'arrive sur l'Île.

❅ Scar possède une culture générale très limitée. Petit, il était davantage porté sur les comics et les films de Bruce Lee (qui rappelons-le a battu Chuck Norris) que sur ses études. En théorie il sait lire et écrire mais ne pratique plus ni l'un ni l'autre depuis longtemps.

❅ Il a peu d'imagination et même s'il n'est pas entièrement fermé à l'humour, il a parfois de la peine avec le second degré.

❅Il a gardé l'habitude d'entretenir sa force et son physique après qu'il ait grandi, son corps étant sa seule véritable arme et son outils de travail. On dit même que Love lui préparerait des barres protéinées.

❅ Le contact physique le met particulièrement mal à l'aise et il essaie généralement de le réduire au strict minimum. Le seul contexte ou celui-ci ne le dérange pas, c'est lors des entraînements ou combats amicaux. Si vous venez pour des câlins passez au groupe suivant.

❅ Malgré sa dureté, Scar est très protecteur envers ses Sentinelles. Il n'hésite pas à partir lui-même à la recherche des disparus et chaque mort le touche plus qu'il n'en laisse paraître. Parce qu'il les aime ses gamins, il tuerait pour chacun d'eux et même pour les autres.

❅ Pas affectueux mais attentionné, il arrive souvent que le chef ramasse une jolie pierre, un os blanchi ou quelque autre petit trésor qu'il trouve durant ses rondes pour l'offrir à un de ses enfants.

❅ Il aime bien les animaux.

❅ Arrivé sur l'Île à 12 ans ~1970

❅ Chef des Sentinelles depuis 1976

❅ A participé à l'expédition du Volcan durant la Canicule

❅ A combattu à l'embuscade des Pirates

❅ Est allée dans l'Ordinaire pour sauver les Sirènes

❅ Se tient au chevet de Peter depuis le début du Givre

L'Île vit grâce à Peter Pan, un écosystème fondé autour de la seule existence du dieu enfant. Que le petit Roi se montre cruel ou aimant, le Sentinelle n'oublie jamais qu'il doit être protéger à n'importe quel prix.

Son existence sur Never Never Land Scar ne la questionne plus depuis longtemps. Il n'y a plus rien d'autre pour lui nulle part ailleurs. Peter, la routine, ses exigences envers lui-même et ses gamins, c'est ce qui compose désormais l'essentiel de son monde.

Scar ne possède plus vraiment de souvenirs importants de sa vie d'avant, c'est trop loin, parti en poussière, reste seulement quelques éléments de pop-culture sans intérêt. Il y en a juste un, un peu particulier, dont il rêve souvent et qui vient parfois danser dans ses paupières comme un film quand il ferme les yeux. Ce n'est pas une mémoire très précise, difficile à décrire ; il n'y décerne que des visages floutés, un paysage presque uniforme et aucun prénom. Parfois il se demande même si la scène n'est pas toute droite sortie de son imagination, avant de rappeler qu'il n'en possède probablement pas assez pour créer quelque chose de toutes pièces.

'' Les jumeaux (lui et sa sœur) sont dans un espèce de zoo sans frontières (celui du Bronx ?). En sortie de classe sans doute; leurs parents sont trop occupés au restaurant pour les loisirs familiaux et les maigres bénéfices partent soit en camelote inutile ou sont envoyés chez les cousins à Hong Kong. C'est donc la première fois qu'ils viennent et les mannequins sans visage qui sont avec eux ont une démarche qui semble indiquer une certaine bonne humeur (ça devait être la deuxième fois de leur entière scolarité qu'ils faisaient une sortie. Les fonds de l'État servaient rarement à divertir les enfants d'immigrés).

À un moment donné, il tire sa jumelle derrière lui vers un chemin désert et vraiment très long. Ils courent longtemps, le décor devient flou aux entournures comme se soumettant à leur vitesse. Ensuite ça se précise un peu. Ils s'arrêtent devant une vitre sale de marques de doigts d'enfants impatients ou de parents irrespectueux derrière laquelle un vieux loup les fixe d'une œil passif mais présent.
Tout le reste tend vers l'abstrait mais l'animal est d'une netteté parfaite,

C'est un mâle âgé, sa fourrure est gris moche et ses côtes saillent sous le pelage terne. Toutefois, quelque chose de digne et de dangereux se dégage encore du prédateur comme si ses gènes lui interdisaient d'avoir l'air trop pitoyable. Le garçon se sent indigné par tant de calme las et résolu dans les beaux yeux ambrés. Il voudrait crier au loup de reprendre sa putain de place dans la chaîne alimentaire, de se battre pour partir de cette cage trop petite.

À un pas de là, sa sœur pointe un panneau parlant, appuie sur un bouton vert et la pancarte se met à déblatérer d'une voix grésillante de femme que l'animal est le dernier survivant d'une meute qu'on avait déporté de la frontière canadienne. En acte de bonté et de préservation, dit le panneau avec une arrogance de professeur. Le garçon ne voit pas la bonté là-dedans, il est triste à mourir pour le loup et trouve ça dégueulasse mais n'ose pas pleurer de peur que sa jumelle se moque de sa fragilité et lui en mette une.''

À l’époque Scar n'avait pas saisi la placidité du prédateur, elle l'avait même offensé.

Il comprenait maintenant que si celui-ci ne haïssait pas les hommes et sa cage, c'est parce qu'il ne possédait plus rien d'autre pour quoi se battre et acceptait donc son existence. Si on l'avait attaqué, il aurait mordu parce qu'il demeurait une bête sauvage, même en prison. Mais il n'aurait probablement jamais attaqué un soigneur venu piétiner son minuscule territoire ou un enfant qui aurait décidé d'escalader les grillages.

Le Rouge également a accepté son sort mais contrairement au loup de son souvenir il s'est trouvé une nouvelle meute, eux aussi enlevés de leur terre natale. Son escapade dans le monde ordinaire durant la Pluie Salée l'a confirmé dans l'idée qu'il ne reste là plus rien pour lui, qu'il est désormais alien dans son berceau mère et que l'endroit l'effraie peut-être encore davantage que Neverland et ses dangers.

Peter, le Roi, et tous les droits arrogés par ce statut.
Parfois, lorsqu'il pense à lui, ses doigts viennent mécaniquement caresser la cicatrice rugueuse sur son visage. Tellement de stigmates sur son corps qu'il cache avec soin quand le plus gros de tous est étalé sur sa gueule. Pourquoi tant de pudeur dans ce contexte ? Le Chef n'a pas vraiment réponse. Peut-être parce que la brûlure de son visage est le sceau de Peter, qui, en plus de le punir, l'a signé au fer rouge comme pour affirmer sa propriété, marqué comme un veau. Il ne la porte pas avec fierté, définitivement pas, mais plus avec honte comme au début. Il a vécu plus longtemps avec la cicatrice que sans, elle est sa marque d'appartenance à son Roi, pour le meilleur et pour le pire.

Le Rouge n'en veut pas à Peter pour sa justice aléatoire, la balafre est la punition pour avoir outrepassé la règle primale, son ascension au sein de la hiérarchie l'honnête récompense pour avoir été un bon sujet. Les deux combinés en ont fait un garde du corps fidèle, loyal pour toujours.

Il n'aime pas l'Enfant Roi comme on aime un frère, leur rapport n'est pas celui de l'affection mais de la servitude consentante. Il y a un confort à diriger ses actions aveuglement, pour quelqu'un, pour son bien. Mettre de côté son esprit et protéger même au prix de sa vie. Y-a-t-il façon plus honorable de partir que de mourir pour un autre ? Mourir pour son pays, pour son Roi ou pour la personne aimé.

C'est choisir le chemin de la facilité, il en est conscient, mais il comprend désormais, après tant d'années sur l'Île, les soldats qui se sacrifient pour leur pays, les pirates dévoués à Hook, les vrais religieux qui mettent leur destin dans les mains de leur Dieu. Peter n'est pas un bon roi mais c'est le sien, il lui donne un but et une ligne à suivre.

Le Rouge ne veux pas de libre-arbitre, chose effrayante, il n'estime pas suffisamment son courage pour s'y confronter.

Il rampait sur le sol, s'accrochant en vain au sable par poignées, les minuscules grains enflammant la douleur sur ses phalanges pelées, se mêlant au sang en boue immonde. Les derniers soubresauts de l'adrénaline électrifiaient son corps, le paralysait et l'empêchait d'avancer correctement.

Les odeurs de la mort fleuraient jusqu'à ses narines dilatées et lui nouaient la gorge de nausée. Le sang et les fluides d'un visage écrasé sous les poings, la pisse et les selles du condamné.

Il n'y avait vraiment rien de beau à crever, aucune poésie dans le meurtre, seulement la primitivité et l'abject. Et tellement de rouge. Le rouge dégueulasse qui gicle sous les poings, celui qui rugit dans les veines ou encore celui qui vous prend la rétine et vous rend aveugle sous la rage.

Et tellement tellement de puissance, de domination absolue.

Son estomac s'arqua et il vomit tripes et boyaux dans la poussière, ses viscères se rebellant comme s'ils cherchaient à s'échapper par sa gueule, la bile lui brûlant la gorge par son amertume.

Il avait cru que la vengeance lui apporterait la paix, au moins une certaine délivrance, mais il se sentait plus sale que jamais. Ce plaisir qu'il avait ressenti dans le massacre frénétique d'un autre être vivant, c'était inadmissible, une abomination.

Des larmes dévoraient ses joues et il était perdu, sans plus rien à quoi se raccrocher, plus aucune raison de faire appel aux muscles travaillés pour se redresser. Autant rester la gueule enfouie dans la poussière, et peut-être que s'il se montrait suffisamment discret et immobile on le laisserait mourir de soif et se momifier ici.

Actuellement


Comme un chien refusant de quitter la tombe de son maître, Scar ne s'éloigne pas du Feu Sacré. Il y veille, y dort, y dépérit.
Ses côtes se son creusées, les muscles ont fondus. Les yeux d'ambre jadis féroces sont teints de désespoir.
Il repousse la nourriture, n'y consent que forcé,
Son inutilité le terrasse, le plonge dans une torpeur noire. Si seulement il avait pu, comme les sylvains, faire le sacrifice ultime de sa vie pour rendre souffle à son Roi.
Si Peter meurt, l'Île meurt et ses enfants meurent. C'est d'une fatalité atroce. Alors il le surveille, si cela ne tenait qu'à lui il empêcherait quiconque d'approcher le bûcher, mordrait pour imposer sa loi.
L'Enfant-Roi devait vivre pour leur survie à tous, il ne laisserait rien entraver sa renaissance.

Et s'il le fallait, si le tyran trépassait, alors il tiendrait les débris de son Île au creux des paumes, tâchant de la remodeler dans un dernier effort ou s'enterrant avec pour l'éternité.

Le Rouge s'éteint et difficile de lui faire entendre raison. Il peine à donner ses ordres, submergé par le deuil des disparus et la peur de ceux à venir.
Et puis la honte. Celle d'avoir laissé l'un des garçons faire son devoir, de ne pas avoir pu sauver Mirka et un peu par sa propre faute de les avoir tous condamnés.
Il s'étiole mais la punition n'est pas suffisante pour avoir failli à sa tâche. Que Peter Pan vive et il prendrait tout le blâme, se présenterait volontairement en bouc émissaire. Qu'il se fasse lyncher mais que ses gamins survivent...