Alors qu'elle observait, qu'elle regardait de loin, discrète en se fondant dans les plantes. Du moins, tant que l'air frais ne les gêneraient pas, Absinthe s'était simplement adonnée à juger les potentiels poètes et champions de paris à venir. Les habitudes, les manies, les rêves et les peurs. Leurs projets pouvaient tant bien que mal influer sur les issues de son jeu favori avec Opium, ou alors sur cette autre facette plus large concernant les créatifs en tout genre. Si seulement elle pouvait tuer la vanité, elle n'hésiterait pas un instant.

Peu après, ce fut sa marre d'absinthe qui l'appelait. Lieu où elle comptait mêler son odeur si reconnaissable, bien qu'un tout petit peu plus sucrée que celle du spiritueux nature.

Finalement, des pas, du bruit, attira les yeux de la Fée Verte. Un enfant perdu parlait à une plante, celle-ci en était une qu'Absinthe avait toujours appréciée d'ailleurs. Un sourire, et un rire léger que la fée masqua derrière des doigts délicats, se dessina en voyant cette scène. Voilà donc une feuille de papier encore blanche et fascinée par tant de choses.

Doucement, elle vola jusqu'au petit être.

- Il suffit de le mériter pour qu'enfin elles te soient dévoilées.

Quel genre d'enfant était-ce ? Oh, elle l'avait déjà vu, il devait être un des petits raccommodeurs. La Fée Verte était habituée à la Mercerie, elle y a niché l'un de ses poètes. Lui aussi était presque un papier blanc, accidenté, il fallait juste remplir d'absinthe sucrée afin de recréer. Et de rêver.

- Pourquoi cherches-tu des fées ?

La Fée Verte était une fée curieuse en premier temps.

C'était donc un Raccommodeur, du nom de Wobbly, et son âge semblait permettre de définir ce qui n'avait pas encore été fixé. Bien qu'avec l'Oubli... même les adultes pouvaient être modifiés. Il fallait juste répéter plus souvent les murmures. Absinthe arqua un sourcil à la présentation des mains. Qu'est-ce qu'il faisait cet enfant ? Peut-être pour lier les mots vantant ses doigts de savoir mettre en place des boutons ? Peu importait, la Fée Verte était plus intéressée par la suite.

Un récit d'espions.

Là, Absinthe était tout de suite attentive. Elle gloussa, elle pourrait donc définir les jeux d'Opium et d'elle-même comme étants des missions d'espionnage ? Bien que la notion de bien et de mal soit plutôt inexistante. Voilà qui n'était qu'un point de détail.

Ça lui donnait des idées.

La question adressée à sa merveilleuse personne acheva le croquis du jeu qui se traçait dans l'esprit de la demoiselle féérique.

- Je suis Absinthe. Et tu es doué on dirait, je suis en effet accoutumée aux espions.

C'était une occasion pour son égo, et peut-être pour un pari à venir. Ou une pièce dans un jeu plus grand. Qui savait à l'avance ce qui la distrairait convenablement ? Absinthe avait un goût pour la surprise calculée.

- Mais ça, je ne peux te le dire que parce que tu as deviné. Sinon je n'aurais pas dit un mot à ce sujet. Tu sais que nous devons faire attention autour de nous, n'est-ce pas ?

Elle vola jusqu'à une tige assez robuste pour la soutenir, puis s'y installa, croisant les jambes. La Fée Verte laissait son idée brute se distiller un peu tandis qu'elle tiendrait une discussion basique.

- Je ne sais même pas si on est du même camps. Qui est ton chef ?

Mine un peu suspicieuse, mais elle feintait. Elle commençait à peine à jouer.

Pendant les explications, la fée se remit à voler, faisant une lente boucle. Pour s'amuser, elle finit tête à l'envers, les cheveux flottants, se balançant doucement. Le petit semblait si fier, plein de foi envers ce qui l'entourait. C'était mignon, en un sens. Puis, il montrait ses mains pleines de doigts et de traces de piqûres d'aiguilles. La fierté, la fierté.

Absinthe revint à l'endroit, un sourire doux sur le visage. Intriguée par ce que le Passe-partout lui montrait.

- Oooh ! Qu'est-ce que c'est joli.

Elle voleta autour, pour voir si c'était bien ce qu'elle croyait. Mais elle n'en était pas encore sûre.

- Tu as découpé les pièces dis-tu ? C'est du beau travail.

La Fée Verte toucha d'un doigt. Non, vraiment, elle n'était pas sûre. Elle revint vers le visage enjoué du garçon perdu. Propageant son parfum anisé.

- Quelle matière est-ce ? Est-ce que c'est un cuir spécial ? Rare ?

Elle voulait savoir, vraiment, si c'était bien ce dont elle attendait l'avancée. Si son petit jeu s'agrandissait. Absinthe essayait d'imaginer pourquoi cela se retrouvait dans les mains du petit Wobbly, peut-être une farce malsaine, ou bien... l'espion en herbe savait-il ce qu'il en était réellement ? Elle en doutait. Elle ne prendrait pas ce pari-là.

La Fée Verte souriait, en volant un peu autour de la plante, elle finit part prendre place sur une feuille. Elle s'amusait, elle supposait deviner ce qu'était cette étrange matière. Voilà que la création était bien en route. Elle gloussa discrètement, mais prit le temps de répondre d'un "non" de la tête à la question de couture.

- Je ne sais pas coudre. J'apporte l'inspiration de créer.

La lumière qui éclairait l'esprit pour de grandes idées. Comme par exemple... créer d'une matière unique, la même que celle du fourreau. Du moins, en sachant que c'était le Joker qui avait ramener ce cuir, elle supposait qu'il s'agissait du Projet qu'elle soufflait parfois. Cette farce prenait des dimensions un peu plus grandes que prévu, mais c'était t'en mieux.

- Il y a bien des "groupes", j'appartiens à celle des aristocrates. Mais il n'y a pas de raccommodeurs comme ici. Il y a des fées qui s'adonnent à la création sûrement.

Alors qu'elle allait répondre un peu plus, les éternuements la coupèrent. Elle s'était éloignée pour protéger sa belle tenue. Elle fronça un peu les sourcils, vexée. Mains sur les hanches, elle attendait la fin de la crise. Oui, elle devinait que "l'odeur bizarre" c'était elle. Et cet adjectif de "bizarre" ne lui convenait vraiment pas.

Elle faillit devenir verte.

- Ce n'est rien, ce n'est rien.

Toujours un peu agacée, finalement, une idée lui vint.

- Viens avec moi, je pense savoir d'où tu sens ce parfum.

Elle s'envola un peu plus loin, incitant Wobbly à la suivre. Elle brillait un peu plus fort pour qu'il puisse plus facilement la distinguer. Absinthe prenait le temps de voler en flânant un peu, elle faisait des détours entre les arbres. Des boucles, des allers-retours. Comme si le chemin était compliqué.

- Attention, c'est un secret, il y a une ligne à respecter.

Fit-elle en s'amusant, elle surmontait quelques bûches, elle passa sous d'autres. Et à la fin du chemin tortueux qu'elle avait inventé à ce moment précis... elle dévoila la marre d'absinthe.