Les matins ne sont jamais calmes au Grand Arbre. Poussée par le chant de Peter - si ce début de phrase vous fait bizarre, pensez donc à l'effet qu'il fait à Violet - l'Esquisse a réveillé les Armuriers avant de leur refiler un petit-déjeuner au goût aléatoire. Tout va très vite dans un milieu peuplé d'enfants, pourtant le temps lui paraît long avant qu'elle se retrouve seule.
Elle y arrive pourtant, déjà crevée mais victorieuse alors que l'équipe au complet part pour la Forge.
Violet aurait adoré profiter de ces instants pour ne rien faire, mais pas moyen. Les habits des Armuriers sont trop crasseux, si elle ignore la lessive un jour de plus, ils vont finir par prendre vie.
Fait chier.Elle le pense sans réelle virulence, trop occupée à songer à comment elle va faire pour faire descendre tout ça.
***
Dans le Monde Ordinaire, Violet craignait le travail et le manque d'horizon. Alors qu'elle laisse tomber son sac plein de vêtements sales devant le Bassin désert, la Mère se dit que ce matin en particulier a comme un goût d'avant. D'un coup Salvo lui manque alors qu'ils se sont vus il y a une heure. Lui comprendrait sans doute ce qu'elle ressent, comme toujours.
Une hésitation. L'Esquisse serait tentée de se morfondre sans rien faire, mais elle se connaît, ça ne lui fera que du mal. En plus, elle est déjà descendue et elle ignore le temps qu'il lui reste avant "midi".
Un nouveau soupir. La Mère allume sa troisième clope de la journée, s'allonge près du Bassin et y déverse un produit qui fait mousser l'eau et la pare de reflets irisés. De quoi aider à faire partir la crasse, elle suppose. D'un geste agressif, Violet soulève le sac et en vide le contenu dans le Bassin, laissant les habits tomber dans l'eau -
splaf- avant de s'imbiber. Ça l'éclabousse et Violet se rend compte que ça l'énerve.
C'est fou, ce que j'ai pas envie.L'idée de passer la prochaine demi-heure à frotter l'ennuie d'avance, mais bon. C'est peut-être juste un matin sans.
Alors qu'elle plonge ses mains dans l'eau et commence à presser les tissus, Violet fait de son mieux pour ignorer son spleen et - par la même occasion - le monde étourdissant qui l'entoure.