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Sujet: Eau limpide, ô miroir Lun 26 Sep 2022 - 21:08

Caroline sait que souvent, le soir, les Mères profitent de la tranquillité du Bassin après avoir mis tous leurs enfants au lit. Elle l'a fait elle aussi à une époque.

Plus depuis la mort de Mirka.

Évidemment, au début le Bassin n'était juste pas accessible, avec le Givre, le déménagement, le chaos. Mais même depuis que tout le monde est rentré (tous les survivants), Caro n'est pas retournée au Bassin le soir. Le matin, pour faire la lessive, bien sûr que oui, bien obligée, c'est son travail, mais au moins elle peut se concentrer sur ledit travail, justement.

Le soir, elle n'a rien pour la protéger du fait que le Bassin lui fait penser à Mirka.

Le fait qu'elle ait tendance à être épuisée et avoir envie de dormir tout le temps ne l'a pas encouragée non plus. Se coucher à l'instant où les enfants sont au lit, c'est particulièrement tentant.

Mais là, elle ne sait pas pourquoi, mais elle n'a pas particulièrement sommeil. Et elle ne sait pas pourquoi non plus, mais ses jambes l'emmènent au Bassin un peu contre son gré, sans lui demander son avis. Elle aimerait pouvoir dire que c'est une réflexion profonde sur le besoin de faire son deuil ou quelque chose de sérieux comme ça, mais en vérité elle se retrouve là comme une idiote à avoir envie de partir en courant (à avoir envie de pleurer).

Elle se force au contraire à avancer vers l'eau. Elle sait qu'elle ne peut pas fuir à jamais. (Ou peut-être qu'elle pourrait ?)

Et c'est là, alors qu'elle est trop proche pour prétendre qu'elle ne se dirige pas droit vers le bassin central, qu'elle réalise qu'elle n'est pas seule.

C'est Aphrodite. Impossible de la confondre, impossible d'avoir le moindre doute. Et Caro aimerait vraiment tourner les talons et l'éviter mais c'est trop tard, Aphrodite l'a remarquée.

(Entre les mains d'Aphrodite, Caro croit entrevoir comme un reflet qui n'est pas de l'eau. Quelque chose de métallique.
...
Sans doute un bijou.)

Résultat, Caro se retrouve figée, tiraillée entre la chose rationnelle à faire (continuer d'avancer, juste dire bonsoir, et s'installer dans un coin, parce qu'après tout elle a beau n'être qu'Apprentie elle a le droit d'être là) et la tentation de fuir pitoyablement en s'excusant (parce qu'Aphrodite donne l'impression que la zone est réservée aux VIP par sa simple présence).

Est-ce qu'elle est en train de rougir ? Elle espère très, très fort qu'elle n'est pas en train de rougir.

Pourquoi est-ce qu'elle n'est pas juste allée se coucher, hein ?

Sujet: Re: Eau limpide, ô miroir Mar 27 Sep 2022 - 18:58

Retour à la normale. Retour au Grand Arbre, retour à la Mercerie. Retour du roi, et absence définitive de la mère en chef parfaitement oubliable.

Pour Aphrodite, la tapisserie tissée reprend en évinçant les défauts fâcheux.

Les fils d'argent se reflètent comme l'acier immaculé de son poignard dans l'eau, caressé par ces vagues inexistantes. La pulpe des doigts glissent le long du coupant, inspectant la perfection. Aussi affûté que les ressources de la Belle.

Le calme du soir est appréciable, il est délectable. L'air qui passe dans la gorge est aussi doux que le chemin qui se crée lentement jusqu'aux rôle tant convoité, peut-être faut-il se hâter ? Hors de question. Aphrodite ne se presse pas. Jamais. Son tissage est précis, il demande une infinité de temps.

Et si la place vient à être prise... ce ne sera que temporaire.

Puisqu'il n'y a que la Mère des Raccommodeurs qui porte la beauté et la perfection de maman. Oui, elle est bien évidemment la seule véritable. Il n'y a qu'elle pour Peter Pan.

Il n'y a...

Les yeux tombent sur une silhouette.

L'harmonie tombe dans l'eau.

Le dos se redresse, aussi droit que le regard planté, aussi droit que la lame sous les doigts.

Une autre mère, une apprentie. Il faut quelques instants avant de reconnaître le visage qui se détache de la soirée. Caroline. Du côté des artisans. Un groupe bien instable de par leurs changements de chef bien régulier. Que fait donc Rose ?

Peu importe. Voilà qui arrange de toute façon la Belle.

- Bonsoir Caroline.

Un sourire fin, aiguisé.

La Fouineuse ne représente pas une grande menace, si ce n'est cette fâcheuse tendance à mettre son nez n'importe où. Le poignard est libéré des eaux et un chiffon brodé de signes de cartes vient délicatement essuyer les gouttes.

- Tes petits sont heureux de retrouver leur nid ?

Les yeux qui s'en sont allés scruter le métal ont retrouvé le chemin du visage de sa "presque" collègue.

Aphrodite est disposée à faire causette. Après tout, elle n'a eu que peu d'occasion de le faire.

- Et toi aussi, je présume ?

Everything Matters

Sujet: Re: Eau limpide, ô miroir Sam 1 Oct 2022 - 17:59

Aphrodite la regarde, et Caro a juste le temps de se demander si Aphrodite attend quelque chose (un "bonsoir" ? une excuse ? que Caro s'en aille ?) avant qu'Aphrodite ne prenne la parole.

– Bonsoir Caroline.

Le sourire qui suit est comme les mots prononcés : simple mais donnant comme une impression d'être millimétré. Caroline, qui a toujours l'impression d'en faire trop ou pas assez, est partagée entre admiration et malaise.

– Bonsoir, répond Caroline, essayant d'imiter la neutralité bienveillante d'Aphrodite mais échouant à sonner autrement que awkward.

Aphrodite baisse les yeux sur ce qu'elle tire de l'eau, le regard de Caro suit, et mince.

Les yeux de Caro s'écarquillent malgré elle.

C'était pas un bijou.

Qu'est-ce qu'Aphrodite fabrique avec un poignard ?! Elle n'est pas Armurière, pas Sentinelle–

– Tes petits sont heureux de retrouver leur nid ?

–les Raccommodeurs ne sont pas un groupe qui doit régulièrement sortir du Grand Arbre, les Mères sont supposées être respectées de tous... Est-ce que quelqu'un a essayé de lui faire du mal ? Qu'est-ce qui a bien pu se passer ?

– Et toi aussi, je présume ?

Tirée brutalement de ses questionnements confus, Caro relève les yeux d'un coup pour découvrir que –bien évidement– Aphrodite la regardait déjà. Embarrassée, Caroline tente désespérément de rattraper le fil de la discussion avant de se ridiculiser encore plus.

– Ah, euh, oui, bafouille-t-elle, et toi ?

Non, décidément, c'est un échec pour éviter le ridicule. Est-ce que ça serait le moment opportun pour tenter de se noyer dans le Bassin pour échapper à la situation ?...

Sujet: Re: Eau limpide, ô miroir Sam 1 Oct 2022 - 23:28

L'attitude de Caroline n'échappe pas à la Belle qui apprécie le délicieux vacillement de ceux qui la rencontrent.

- Oui, ils sont bien mieux dans leurs cabanes et la Mercerie.

Et la voilà retrouve l'observation de la lame sous le tissu brodé, veillant à ce qu'il n'y ait plus de trace d'eau. Hors de question à ce que des résidus de calcaires viennent déranger le beau reflet.

Satisfaite, la Mère des Raccommodeurs soulève légèrement sa jupe pour glisser l'arme dans son étui caché à sa cuisse. Les pans sont remis en place juste après, il est impensable de froisser ce si beau tissu.

En toute délicatesse calculée, prenant l'éternité de patience, elle plie le mouchoir élégant en deux puis en quatre. Les doigts terminent leur devoir en se reposant sur l'oeuvre et les yeux retrouvent le regard de la Fouineuse.

Un nouveau sourire, et la main gauche d'Aphrodite vient tapoter le sol à ses côtés.

- Ne prends donc pas racine, viens t'asseoir.

Elle aime cette aura, cette impression que Caroline semble attendre des autorisations. La Belle est un peu partagée, difficile et exigeante envers les autres mères. Et pourtant, elles sont des femmes. Des filles. Elle déteste qu'elles soient moins fortes que les goujats de garçons çà et là.

La concurrence demeure prioritaire.

Néanmoins, la Fouineuse n'a pas le profil qui fait de l'ombre à la si parfaite Mère des Raccommodeurs.

- Ne t'en fais pas, mon poignard n'était pas pour toi... N'as-tu donc pas d'arme ?

Soit c'est la lame qui crée cette aura, soit c'est Aphrodite. Mais cette dernière veut que ce soit toujours elle, pas besoin de coupant quand sa simple présence suffit à forcer le respect.

Mais voilà, elle a presque l'impression que Caroline est une biche devant les lumières soudaines d'un véhicule.

Everything Matters

Sujet: Re: Eau limpide, ô miroir Ven 7 Oct 2022 - 22:36

Aphrodite ne semble pas relever à quel point Caro trébuche sur ses propres mots. Ou du moins elle ne commente pas et ne change rien de visible à son attitude. Si ça se trouve, elle n'en pense pas moins, mais Caro préfère se dire qu'elle n'a pas remarqué ou qu'elle s'en fiche (après tout, ce n'est pas comme si Caro était importante dans la vie d'Aphrodite).

(Ou de qui que ce soit.)

(Non, il faut qu'elle arrête avec ça. Elle est importante pour ses enfants même s'ils ne s'en rendent pas compte voire lui en veulent. Ce qu'elle fait, c'est utile.)

(Rose s'en tirerait très bien sans elle.)

Lentement, méthodiquement, Aphrodite finit de nettoyer et ranger son poignard, qui disparaît dans l'invisibilité totale une fois sous les plis de sa jupe. Uh. Pas étonnant que Caro n'ait jamais soupçonné qu'Aphrodite pouvait se balader armée.

– Ne prends donc pas racine, viens t'asseoir.

Aphrodite la regarde avec un sourire et Caro obéit, réalisant d'un coup à quel point elle doit avoir l'air nouille à rester debout comme ça à regarder Aphrodite vivre sa vie (et soulever sa jupe, histoire de bien insister sur le côté creepy de Caro, parfait, génial, sa soirée est totalement sous contrôle).

Caro s'assied en tailleur près d'Aphrodite. D'habitude, elle s'en fiche, de ce qu'elle porte, tant que c'est pratique, mais là, avec son vieux jean qui commence sérieusement à fatiguer à force de subir l'Île et son débardeur à la bretelle recousue, elle se sent pathétique à côté de l'élégance d'Aphrodite.

(Comment Aphrodite fait-elle pour gérer toutes ses tâches dans un tel accoutrement, d'abord ? rouspète la petite part de Caro qui essaie encore de lutter contre le sentiment d'infériorité.)

Caro n'ose pas regarder Aphrodite en face, du coup elle plonge ses yeux dans le bassin. Elle n'est pas certaine que le reflet d'Aphrodite soit mieux.

– Ne t'en fais pas, mon poignard n'était pas pour toi... N'as-tu donc pas d'arme ?
– Oh non, je ne pensais pas que... commence Caro avant de laisser sa phrase mourir lorsque plusieurs pensées entrent en collision.

C'est que c'est une très bonne question, en fait.

– Euh, je veux dire, reprend Caro, en fait j'étais surtout surprise, parce que les Mères sont supposées être respectées, et tes enfants ne doivent pas trop souvent aller se perdre n'importe où donc pas besoin d'aller les chercher... Du coup je me demandais pourquoi tu avais une arme...

Caro ose un coup d'œil direct vers Aphrodite avant de baisser les yeux de nouveau.

– Mais en fait je crois que c'est toi qui a raison. Je suis une idiote de ne pas y avoir pensé.

Bon, sa seule vraie expérience est avec un pied de biche, et elle ne peut clairement pas se trimballer ça avec elle, mais il y a sans doute moyen de trouver quelque chose. Ça ne peut pas être pire que rien, de toute manière.

Cette maladresse dans les mots, ou dans l'attitude, mais surtout... le regard un peu fuyant... que d'éléments qui nourrissent Aphrodite. Elle contemple un instant cette scène dégoulinante d'élixir d'égo. Un sourire doux habille ses lèvres, doux mais le piquant demeure dans les coins.

La Belle écoute les réponse de Caroline, l'apprentie de Rose. Les sourcils se haussent discrètement sous les mèches sombres, avant tout en attrapant le petit coup d'oeil offert par sa presque collègue. Presque, car la Fouineuse ne peut encore pas prétendre au véritable rôle de mère. Non ? Aphrodite devrait-elle se montrer de grande bonté ? Enseigner quelque chose de supérieur que ce que la mère des artisans a déjà donné ?

Les mains délicatement jointes sur les cuisses couvertes du tissu rare, brodé de délicat dessins par les mains du chef des raccommodeurs, la pause restait immobile. Un roc face à la pauvre créature.

L'âme se divise, deux pôles se confrontent. Faudrait-il appuyer délicatement du bout des ongles vernis sur la petite plaie découverte en partie ? Ou alors... Y voir une fille dans le besoin de reprendre son statut supérieur ?

La manie de Caroline, celle qui semble la rendre si réservée et en posture d'infériorité, donne autant de satisfaction que d'agacement à Aphrodite.

Après un peu de temps, la Belle prend toujours le rythme qu'il lui faut lorsqu'elle cherche les bons mots, sa voix rompt le silence sans détâcher le regard.

- Idiote, c'est un peu exagéré. Il n'est question que de naïveté.

Haussement d'épaules calculé comme un ballet. Un ballet d'où le sourire en a été exclu.

- Le monde des hommes a simplement bien fait son travail. Tu n'as pas pensé en avoir besoin, nous avons de si vaillantes sentinelles. Pourquoi donc armer les Mères ? Ces chères princesses de contes.

Et l'orchestre termine son concert sur les notes de l'ironie.

Aphrodite patiente ce qu'il faut pour retrouver le regard de la Fouineuse. Elle avait décidé d'être généreuse.

- Les dangers ne viennent pas juste de l'extérieur, où il y a des hommes, il y a des pommes pourries.

Le ton se mélange au sérieux mortel ainsi qu'à une sorte d'enjouement alors que la Mère choisit de se tourner plus franchement vers Caroline.

- Ne dis jamais que tu es idiote, d'accord ?

La chaleur maternelle se dégage de ces mots, une chaleur pour la pauvre brebis victime du monde gouverné par ces cloportes à trois jambes.

Everything Matters

Il y a, bien évidemment, un silence. À ce stade, ce n'est pas vraiment une surprise : Aphrodite a bien montré qu'elle parle et agit à son rythme, et que ce rythme ne saurait être pressé par aucune considération mineure.

Caroline a beau savoir que ce n'est pas contre elle, cela la met tout de même mal à l'aise. Elle résiste à l'envie de tripoter le fil qui dépasse du bas de son jean, se forçant à respirer calmement, le regard plongé dans le Bassin.

Quand Aphrodite reprend la parole, l'attente a bien fait son travail : Caroline est toute ouïe.

– Idiote, c'est un peu exagéré. Il n'est question que de naïveté.

Ça, très franchement, Caro ne sait pas comment le prendre. Est-ce que c'est un compliment ? Une insulte ? Les deux ? Une tentative de la rassurer ? Une marque de mépris ? C'est qu'elle n'est pas vraiment sûre que "naïve" soit fondamentalement mieux qu'"idiote", après tout.

Mais Aphrodite enchaîne avant que Caro puisse se torturer les méninges sur la question, et au vu de la suite il semblerait qu'aux yeux d'Aphrodite ce soit plus... un facteur atténuant, ou quelque chose de cet ordre. Par contre Caro ne se serait pas attendue à une telle... ironie dans la voix d'Aphrodite. Surtout sur un tel sujet. Après tout, s'il y a bien une personne dans l'Arbre qui peut prétendre au titre de princesse de conte, c'est bien elle, non ?

Apparemment non.

Un nouveau silence. Caro tente un bref coup d'œil vers Aphrodite, qui capture aussitôt son regard, le gardant prisonnier pour continuer sa tirade.

Il y a quelque chose de dur et de froid dans la voix d'Aphrodite. (Comme la lame de son poignard.) Mais Caroline sait que ce n'est pas dirigé contre elle, même si ça devrait sans doute. Elle fait bien partie du monde des Hommes, non ?...

C'est alors qu'Aphrodite se tourne un peu plus vers Caroline que le déclic se fait. Oh. Caroline a entendu une majuscule qui n'existait pas. Et ça pose tout un tas de questions.

– Ne dis jamais que tu es idiote, d'accord ?

Et parce que Caroline n'est donc pas totalement une idiote, elle ravale le fait que son impulsion à porter une arme ne vient pas d'un homme mais d'une femme. (Bon, OK, une fille, mais ce n'est pas comme si Aphrodite semble faire la différence dans sa façon d'en parler.) Elle enterre cette pensée bien profondément, et se focalise plutôt sur le fait qu'Aphrodite vient de... lui faire un compliment ? Lui parler gentiment ?

Caro pique un fard.

– Je– je vais essayer, bafouille-t-elle.

Elle se crispe en entendant à quel point elle sonne pathétique. Mais si elle n'est pas une idiote, peut-être qu'elle ne devrait pas être pathétique non plus, après tout. Peut-être que si quelqu'un comme Aphrodite prend la peine de la rassurer, c'est qu'elle n'est pas si irrécupérable que ça.

Peut-être qu'elle peut mieux faire.

– Je vais faire de mon mieux, reprend-elle d'une voix plus ferme.

Plus ferme, mais qui paraît enfantine en comparaison à Aphrodite qui sait se montrer maternelle. Mais peut-être que, face à une Mère, Caro n'a pas besoin de porter son masque de Mère à elle. Il fait le job, sans doute, sans quoi Caro se serait fait remonter les bretelles depuis un moment, mais là, tout de suite, elle peut se permettre de le laisser de côté.

Sans doute.

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