Sa seconde maison ; il fait taire l’élan de culpabilité qui lui rappelle que c’était l’unique, à une époque.
A la question, Kaze répond par un hochement sec de la tête, accélérant le pas. Bientôt les tipis se dessinent dans le paysage, l’un après l’autre. C’est un beau spectacle, le clan toujours aussi beau à chaque visite. Depuis que le Givre n’est plus, les couleurs sont revenues, et c’est réconfortant.

Quelques papooses, assis en cercle pour un jeu quelconque, redressent la tête en entendant les nouveaux venus. Kaze ne leur décroche ni sourire et encore moins d’embrassade. Pourtant, leurs petits visages s’illuminent tandis que les enfants lui font signe, montrant les bracelets à leurs poignets, mélanges de perles colorées qu’il leur a offert la dernière fois.

« Ibijau, tu passeras jouer avec nous ! » Ce n’est même pas une question, et ça l’amuse juste assez pour qu’il leur ébouriffe les cheveux en passant à leurs côtés, l’un après l’autre. « C’est qui ça ? » Une petite demande finalement, dévisageant Caroline avec une curiosité dénuée d’animosité.

« Caro. Elle s’est ‘erdue. » L’explication s’arrête là, et il ne s’arrête pas dans sa marche. Il y a de meilleurs endroits pour se poser, voir pour trouver un casse-croûte pour leur invitée.

(« Oh, parce que c’est une Perdue, qu’elle est perdue ! »
« C’est quoi ce jeu de mots, on dirait Corneille Ardente ! » s’exclame la petite troupe sur leur passage.
Kaze se contente de retenir l’envie de pouffer.)

A qui pourrait-il demander si des perdus sont passés par là aujourd’hui ? Bonne question.

Jusqu’à quand la trêve entre enfants et natifs tiendra ? Probablement pas loin, parce que les petits conflits qui rythment la vie des groupes sont une contrainte dont l’île a besoin. C’est dommage, pour Kaze. Lui se passerait bien des gosses qui veulent lui faire la peau uniquement parce qu’il est pirate—il s’apprête à continuer sa route pour déposer son paquet humain quand Caelum décide d’être embêtant.

« Hm ? » Parachute-furet lancé.

C’est pour ça que Kaze évite d’amener Cae avec lui, d’habitude. Trop d’agitation et de bêtises ; Caelum est bien assez malin pour le savoir, au grand désarroi de l’humain qui l’accompagne. Kaze-Ibijau s’avance, tendant sa main vers le furet. Plutôt que de l’attraper lui, le pirate choppe l’objet, un casse-tête en bois, et il tire dessus d’un geste sec et particulièrement efficace.

« ‘Est rien. »

Malgré l’air abasourdi de Cae qui fixe ses patounes comme s’il ne comprenait pas ce qui venait de se passer, Kaze considère le problème réglé. Une fois qu’on leur a rendu leur jouet, les enfants s’esclaffent, ravi.e.s de cette scène, la tension qui les quitte d’un coup. Pour elleux, ce n’est qu’un compagnon de jeu à fourrure, un pas commun en plus, et l’enfant qui s’amuse à agiter doucement la bestiole a presque l’air attristé quand Kaze reprend le furet.  

« Hmpf, » il soulève Caelum vers son visage, lui lançant ce qu’il espère être un regard ferme, et l’effet est légèrement comique pour la marmaille qui s’en amuse de plus belle. Pas spécialement dépité, l’animal se contente de reprendre sa place dans la capuche de Kaze, tripotant les mèches de son mulet avec désintérêt. 

« ‘As grave, » qu’il marmonne pour la pauvre Caro qui a dû croire qu’elle assistait à un accident diplomatique. « T’veux d’la sou’e ? » Une marmite cuit un peu plus loin et le doux fumet parvient lentement jusqu’à elleux. Quant aux enfants, déjà iels sont reparti.e.s jouer plus loin.