Bien qu'il soit permis aux autres Perdus de pénétrer dans la Maison sous Terre sur invitation, Scar ne sait pas à quel point il a le droit d'y ramener quelqu'un sans prévenir ni Peter ni personne d'autre. En fait il croit bien que c'est la première fois qu'il est confronté à la chose, ou alors il a oublié.

De toute façon la plupart sont à la fête et franchement il voit pas qui serait pénible au point de venir l'emmerder avec ça ce soir. Enfin si, il voit bien une personne mais ce serait vraiment pas de bol de tomber sur le bouffon juste maintenant alors que celui-ci passe le plus clair de son temps hors de leur chambre.

Ils sont presque arrivés. Le Rouge enjambe les petites racines menant aux plus grandes qui s'ouvrent pour former une porte. Il s'apprête à entrer lorsqu'il se prend un gros coup dans le dos. Ca le déséquilibre sans le faire chuter mais il lâche tout de même un juron.

Bordel ! Regarde un peu où tu marches il lance un regard courroucé à la Soigneuse derrière lui. Au moins sa présence lui aura éviter de se manger les racines, elle pourra le remercier. Mais il commence à se demander si elle sera vraiment capable de lui être d'une quelconque utilité dans son état. D'un autre côté il a pas trop d'autre choix et il est quand même reconnaissant qu'elle se soit proposée. Il veut lâcher un soupir à travers ses narines ensanglantées mais n'y parvient même pas.

Avant d'entrer dans le terrier, il se retourne brièvement pour ajouter, un peu sarcastique Si jamais ça descend.

Ca tape fort sous son crâne et pour une fois le Rouge, qui dort peu d'ordinaire, n'a qu'une envie c'est de s'écraser sur son matelas et comater. Avec un peu de chance il se réveillera et se rendra compte que tout ce bordel n'a jamais existé, qu'il n'a pas vraiment vrillé devant tout le monde et mis sa raclée longuement méritée à Apache.

Bon, ton pif là, il à pas un sens... naturel...

Il le sent, le cartilage de travers, c'est difficile à décrire mais définitivement dérangeant et bizarre. Ca fait un mal de chien aussi.

Dommage pour ma belle gueule, hein.

Nez de traviole ou pas, Scar est pas sûr d'avoir grand chose à perdre au niveau charisme. Sa cicatrice il l'oublie un peu; s'en occuper et hydrater la peau fait partie de sa routine, il le fait sans vraiment y penser. Il s'en rappelle quand il se fait dévisager comme à la foire lorsque Peter ramène des nouveaux.

Je te propose de te calmer un peu avec ça, puis je le remet en place, j'ai vu Owl le faire assez souvent.

Yell approche avec son cône et il a presque un mouvement de recul. Incapable de sentir actuellement, il en devine pourtant l'odeur musquée. Parce qu'il a beau ne jamais avoir testé, il vit depuis assez longtemps au milieu d'adolescents pour y être habitué.

Ca sera pas aussi délicat, sois en sur, mais t'es solide.

Elle le lui fout presque dans la bouche alors il le prend, le tenant entre le pouce et l'index et sans prévoir d'en faire quoi que ce soit pour l'instant.

On fume pas à l'intérieur.

Inutile de préciser que c'est sa règle à l'origine, de toute façon elle a été approuvée par la majorité. Après le Chef sait bien que la circonstance est spéciale et que personne lui en tiendrait rigueur mais ça fait toujours une bonne excuse.

Tu sais, je pas sûr que c'est une bonne idée pour moi.

Il a peur de la perte de contrôle. Pas forcément de devenir violent mais de tout le reste. D'un autre côté si ça peut calmer un peu la douleur... avec l'alcool qui est bien redescendu ça devient pire à chaque minute.

Se laissant glisser, fatigué et vaincu, dans un fauteuil un peu déglingué (il y a plusieurs sièges divers qui traînent dans la pièce), le Sentinelle fait rouler le joint entre ses doigts un instant. Puis il relève les yeux vers la Soigneuse aux tresses blondes.

Et merde. Je sais même pas comment on fait...

Elle va se foutre de lui, c'est sûr. En théorie il voit bien le geste, mais dans la pratique il se souvient même pas d'avoir fumer un jour une cigarette ou alors il a oublié. Mais l'idée de faire entrer volontairement de la fumée dans ses poumons lui paraît particulièrement absurde.

C'est pas compliqué, on l'allume, tu tire un petit coup dessus pour essayer, si ça te détend un peu, tu continues, si c'est trop, on le partage..

Ca ne répond pas vraiment à sa question. Tirer dessus comme elle dit ce n'est pas tellement le problème, ce que le Rouge ignore c'est quoi faire de la fumée une fois dans sa bouche. Est-ce qu'il est censé l'avaler ? Et la garder combien de temps avant d'expirer ? Enfin...probablement qu'il se prend la tête pour rien.

Je comprendrai que tu ne veuilles pas, mais saches que c'est une solution pour douiller un peu moins.

L'argument est convainquant ou peut-être est-ce encore le whiskey qui désinhibe sa prise de décision. Il va tenter mais il veut le faire lui-même.

Je vais essayer. Passe le briquet.

C'est sa mauvaise habitude de Chef, de ne pas dire s'il-te-plaît et d'exiger simplement. Mais là tout de suite elle ne lui en tiendra probablement pas rigueur.

Un instant plus tard, le briquet en main, Scar sent l'appréhension monter. C'est con de stresser pour ça pourtant, il devrait plutôt craindre le moment où elle lui redressera le cartilage. Mais c'est quand même un évènement pour lui, il n'a jamais testé de drogue, rien d'autre que les antidouleurs et calmants que lui filait parfois Soul. Et maintenant il se retrouve ici, avec ça entre les doigts...

Affalé dans le fauteuil qui est si mou qu'il ne permet pas de se tenir droit, le Sentinelle n'a pas envie de penser plus longtemps au Chef disparu alors il porte le cône de papier à ses lèvres, l'air concentré. ll le tient un peu bizarrement, entre le pouce et l'index comme une paille plutôt qu'une cigarette.

Le son des silex qui frottent à l'intérieur du briquet créant l'étincelle puis la flamme qui allume la feuille et son contenu d'herbe et de tabac. Le Rouge doit s'y reprendre à deux ou trois fois pour enflammer suffisamment le joint et en tirer quelque chose; ça l'agace déjà, lui donne envie de balancer le tout.

Et puis enfin, il aspire fort et la fumée épaisse envahit sa bouche et sa gorge. C'est âcre, ça irrite sa trachée et il est tout de suite secoué d'une quinte de toux qu'il essaie de maîtriser le plus possible. Parce qu'il a toujours le nez pété et ça fait un mal de l'enfer.

Putain. il se racle la gorge je sais pas comment t'arrives à faire ça toute la journée. C'est vraiment dégueulasse.

Déjà l'odeur, quand il pouvait encore sentir quelque chose, ne lui plaisait pas mais le goût est encore pire. Il espère au moins que l'effet sera là. Histoire d'en être sûr, il réitère la chose pour quelques bouffées supplémentaires, cette fois il parvient à ne pas tousser mais continue à grimacer.

Ok je crois que ça suffira. Merci, je suppose.

En se penchant en avant pour rendre son bien à Yell, il remarque que la tête lui tourne un peu, se demande si l'effet est déjà là ou si c'est un reste de son hémorragie.

Bon. Quand tu veux. d'un bref signe de tête il désigne une petite malle dans un coin de la pièce, il y a une croix rougeâtre à demi effacée sur le dessus C'est notre trousse de secours. Il y a des pansements et de quoi faire un cataplasme.

D'ordinaire il se serait levé de lui-même pour aller la chercher. Mais il a de moins en moins envie de bouger.

- T’as tout raté, lui annonce la voix de Mud alors qu’il se glisse silencieusement sur le chemin du retour de la fête.

Il lève les yeux vers la livreuse qui le regarde du haut de la passerelle supérieure, accoudée à une balustrade. Elle porte son meilleur jean et son sourire le plus narquois.

- C’est censé vouloir dire quoi ça ?
- Que t’as tout raté, elle répète. J’imagine que t’étais très occupé avec autre chose.
- Si t’as pas l’intention de me dire de quoi tu parles c’est même pas la peine.

Elle éclate de rire et disparaît de sa vue. Freckles hausse les épaules et se remet en chemin. Il est bien placée pour savoir que la joie de Mud n’est jamais une bonne chose. Jusqu’ici, il en passait, une bonne soirée. Bizarre, mais bien. Maintenant, à cause d’elle, il est un peu nerveux, mais pas assez pour faire demi tour et courir jusqu’à la Cabane à Manger pour évaluer les dégâts s’il y en a  (peut-être qu’elle se paye juste sa tête pour changer). A la place, c’est dans la Maison Souterraine qu’il se rend, trouvant son chemin dans le noir sans trop de difficultés, faut bien croire que ça s’oublie pas. Comme le vélo, il pense avec un petit sourire. Dans l’entrée du tunnel, il est accueilli par une odeur de terre mouillée et de nostalgie, et déjà il marche au milieu d’un foutoir pas possible de meubles et d’objets brillants, de jeux et de fringues, jusqu’à arriver au fond de la pièce, sa chambre quoi.
Enfin leur chambre à tous, les chefs.

Il ne fait pas spécialement attention à annoncer son arrivée, ou à ne pas faire de bruit, parce qu’à vrai dire, il ne s’attend pas à trouver quelqu’un alors que la fête bat toujours son plein dehors. Et encore moins Scar. Et encore moins Scar, assis sur une chaise, avec la fille qui lui collait au derche tout à l’heure plaquée contre lui. Planté là comme dans les phares d’une voiture, Freckles bafouille :

- Merde, mais- vous pourriez mettre un truc à l’entrée pour prévenir, un mot, un bout de tissu, je sais pas moi ….

Et puis la gêne se transforme en perplexité quand il se rend compte de deux trucs : Scar tient à la main ce qui ne peut pas être autre chose qu’un joint (malgré la dissonance cognitive que crée cette image), et surtout, il a tout le bas du visage tartiné de sang.

- Putain Scar, ça va ?

Ce qu’il aimerait demander, c’est qu’est ce que c’est que ce bordel?
Mud avait raison. Il a vraiment tout raté en fait.

Plus vivement que Freckles aurait pensé en voyant son état, Scar effectue une jolie petite manœuvre circulaire qui inverse leurs rôles et il se retrouve debout, la fille blonde assise sur le siège à sa place. Il vacille un peu sur ses pieds, l'air pas loin de tomber dans les pommes, une attitude que Freckles aurait eu du mal à imaginer un jour pour lui.
Ce soir il se passe beaucoup de trucs que Freckles aurait jamais imaginé.

« Ce.. Ça va. Je me suis battu avec Apache, il m'en a mis une. »

Freckles ouvre la bouche et la referme. Et la réouvre.

« Ah. » Et puis. « Quoi ? »

Tout raté, lui rappelle la petite voix de Mud qui vit sous son crane sans payer de loyer. Et faut croire que c'était pas juste pour l'emmerder (même si sans doute que c'était en grande partie pour l'emmerder). Un milliard de questions tempêtent sous son crane.
Déjà, pourquoi ?
Où est-ce que lui était quand ça s'est passé ?
Et si Scar a le nez pété, dans quel état est Apache ?
Avec une sagacité peu caractéristique, Freckles se dit qu'aucune de ces questions ne mérite d’être posée à haute voix.

« Ouais et... Et je m'occupe bien de lui. »

Il se tourne vers la fille assise au fond de son siège, l'examinant vraiment pour la première fois. Elle a les yeux verts et des espèces de petites tresses, du sang de Scar sur les mains. Freckles a l'impression de l'avoir déjà croisée, peut-être à l'infirmerie. Et surtout elle a l'air complètement défoncée.

« T'inquiètes pas pour lui, il est entre de bonnes mains avec moi. »

Le regard curieux de Freckles devient carrément dubitatif. Il passe de la fille à Scar, de Scar à la fille, du nez pété aux yeux rouges, se rappelle la scène qu'il vient d'interrompre, se dit que décidément rien ne colle, que chaque nouvel élément rajoute une question à sa putain de pile de questions, et qu'il sait  même pas comment les poser.

« Scar, il faudra qu'on parle. »

Il lève les yeux vers le chef des sentinelles comme un espèce d'appel à l'aide. Il épelle silencieusement : c'est qui ?
Parce que c'est ça la putain de vraie question.
On invite pas n'importe qui dans la Maison Souterraine. C'est même super rare, qu'ils invitent des gens, et Scar encore plus. Non pas que ce soit grave, ou interdit, ni rien, c'est juste bizarre, et Scar avec un joint à la main, alors qu'il refuse catégoriquement de voir ne serait-ce que l'ombre d'une cigarette dans leur chambre commune, ça met Freckles mal à l'aise. Il s'avance encore un peu dans la pièce, ramasse la trousse de secours qui gît maintenant aux pieds du fauteuil, se rend compte qu'il sait pas très bien se servir de ce qu'il y a dedans alors la tient juste dans ses mains en faisant face tour à tour aux deux autres personnes présentes.

« Vous avez mis de la glace ? Y en a dans la ... »

La Cabane à Manger.
Sujet sensible.
Il termine pas sa phrase.

Ouais et... Et je m'occupe bien de lui.

Une légère nausée au fond du ventre, Scar a l'impression de suivre la scène sans vraiment y être. Son esprit évolue dans le coton, ne semble pas pouvoir se fixer longtemps sur quoique ce soit. Bon, l'avantage c'est qu'il n'a plus trop mal mais il commence à se dire qu'il préférerait encore la douleur à ça.

T'inquiètes pas pour lui, il est entre de bonnes mains avec moi.

Son visage ensanglanté se tourne vers Yell, désormais redressée dans le fauteuil. Pas sûr qu'elle contribue beaucoup à améliorer la confusion visible dans les traits du Livreur. Sa réaction à lui n'a pas aidé non plus; à sauter de son fauteuil comme s'il avait été pris en faute. Maintenant qu'il est libre de ses mouvements il se sent vraiment con, heureusement le sang sur ses joues cache en partie son embarras.

Scar, il faudra qu'on parle.

Même à travers sa conscience embrumée, la phrase fait tiquer le Rouge. Qu'est-ce qu'elle croit ? Franchement ça doit faire deux heures qu'ils se connaissent, il n'a aucun compte à lui rendre par rapport au fait d'être mal à l'aise qu'elle lui grimpe à moitié dessus.

Il lui répond d'un ton un peu sec.

Pourquoi ? Enfin on verra, c'est pas le moment là.

En gros qu'elle lui foute la paix avec ça. Surtout qu'il a été plutôt mesuré étant donné les circonstances malgré le ridicule de son geste.

De son côté Freckles ne semble pas avoir reconnu la Soigneuse ce qui aurait quand même un peu arrangé le Sentinelle; ça aurait évité trop de quiproquos.

Vous avez mis de la glace ? Y en a dans la ...

Ca va, peut-être plus tard. il désigne l'adolescente affalée Yell m'a soigné ici, c'est moi qui lui ai demandé de ne pas aller à l'Infirmerie...

Il ne pense pas à avoir à justifier ça auprès de son collègue. Ca fait assez longtemps qu'ils se côtoient, il doit bien deviner que, bagarre ou non, sans Soul c'est encore un peu compliqué d'y retourner. Il s'y fera, juste pas ce soir.

Je vais me changer.

Ce n'est pas une mauvaise idée et Scar a besoin d'une excuse pour s'éloigner deux minutes et respirer un peu. Il espère que l'effet de l'herbe qu'il a fumé se dissipera rapidement, ça ne lui plaît vraiment pas, trop angoissant.

Se dirigeant vers où il a ses affaires, il prend un grand bol en fer et va le remplir à leur bassine commune d'eau claire. Il se dit qu'il ne va jamais y arriver vu comment sa tête tourne mais en fait ça va et il le ramène sans encombre à son hamac. Là il entreprend déjà de nettoyer du mieux qu'il peut le sang sur son visage et son cou en prenant garde à ne pas trop toucher son nez. Quand il sera changé il y fixera un pansement et la petite attelle. Pour l'instant il n'a plus tellement mal mais il sent les hématomes qui commencent à se développer sous ses yeux.

Au moment de déboutonner sa chemise, il hésite. C'est stupide, d'autant qu'il leur tourne le dos et qu'il s'agit de Freckles et d'une Soigneuse, mais il se sent un peu vulnérable actuellement.

Tant pis, en plus il aurait l'air encore plus débile à aller se cacher derrière le petit rideau de fortune qui sépare sa couchette du reste de la pièce. Alors il fait ça vite, jetant la chemise poisseuse sur le côté et enfilant un t-shirt noir sur son dos de vieil adolescent qui porte les traces - blanches, brunes ou roses pour les plus récentes - de plusieurs décennies de blessures diverses.

« Ca va, peut-être plus tard. Yell m'a soigné ici, c'est moi qui lui ai demandé de ne pas aller à l'Infirmerie... »

Yell, répète Freckles pour lui-même. Il a la réponse à sa question, ou au moins une moitié. Y en a déjà d’autres qui lui viennent, mais Scar a pas l’air d’humeur à y répondre.

« Je vais me changer. »
« Okay ... »

Freckles et Yell suivent Scar des yeux alors qu’il leur tourne le dos pour aller fouiller dans son coin. Quand il enlève sa chemise, les deux se détournent d’un même mouvement pour plutôt se faire face l’un l’autre, pas tant par gêne que par pudeur – Freckles en tout cas commence à connaître assez bien le chef des sentinelles pour savoir qu’il a pas besoin qu’on le surveille de trop près dans cette situation.

« Alors, c'est Ici que vous vous retrouvez ? J'imagine que j'avais pas forcément le droit d'être là. »

Yell s’est levée de son siège pour s’approcher de lui, apparemment décidée à faire la conversation, ce qui est pas plus mal.

« Yell, Soigneuse, tu as sans doute déjà entendu parler de moi.. » Une pause. « Ou tu m'as sans doute déjà entendu parler, faut dire que je porte bien mon nom. »

Après une petite hésitation, Freckles prend la main qu’elle lui tend et la serre. C’est un peu formel, surtout en contraste avec le personnage, mais c’est marrant.

« Euh, ouais, sans doute », il répond avec un demi-sourire.

C’est un gros mensonge. Pour autant qu’il sache, c’est la première fois qu’il entend la soigneuse parler. Mais il faut dire un truc, c’est qu’avant que le Givre éclate leur petit monde à tous les coins de l’Île, Soul l’avait gentimment banni de son infirmerie.
Le sourire déserte le visage de Freckles.
Putain, il se dit. Putain, c’est vrai, Soul est mort.
C’est pas la première fois que la réalisation le frappe, mais à chaque fois, c’est un espèce de vrai coup à la poitrine, et ça diminue pas en intensité. Putain de putain de merde, il se dit encore. Il voudrait croiser le regard de Scar juste pour savoir si ce genre de rappels lui vient aussi, si c’est pour ça qu’il a préféré venir ici, et pas à l’infirmerie, mais voit que le dos du sentinelle qui vient d’enfiler un tee-shirt propre.
Il se tourne de nouveau vers Yell, essayant de pas montrer son trouble soudain.

« T’as le droit d’être là, si Scar t’a invité. T’inquiète. »

Enfin, du moins, il s’imagine que c’est pas si grave. Il ose juste pas encore demander à l’autre chef si elle est juste là pour le soigner, ou pour toute la soirée. Pas comme s’ils avaient prévu un énorme truc, de toutes façons, avec la boum qui est même pas terminée, et si elle veut rester tard, Freckles suppose qu’ils ont plein de place en rab.
Bref.

« Il s’est passé quoi exactement ? » il se risque à demander, passant de Scar à Yell. « Avec Apache », précise-t-il comme si il y avait ambiguité sur la question.

Plutôt avoir une version fiable de l’histoire dès maintenant, plutôt que d’attendre que Mud lui raconte la sienne.

Des mots s'échangent derrière lui. Scar les entend mais son cerveau n'enregistre pas; il a de la peine à focaliser. Pourtant d'ordinaire l'attention est une de ses grandes qualités. Un Sentinelle se doit de garder ses sens alertes en tout temps et apprendre à ne pas rêvasser. C'est essentiel pour être sûr de repérer les dangers lors des rondes-

Il divague. C'est cette foutue herbe que la Soigneuse lui a faite fumer; ses pensées rebondissent d'un sujet à l'autre, font des liens là ou il n'y en a pas. Vraiment, il ne sais pas comment elle fait pour ressentir ça à longueur de journée. Mais peut-être que c'est différent selon les gens.

Se relevant finalement, le Rouge retourne vers les deux autres. Sur son nez, un petit pansement et par-dessus l'attelle couleur chair qui lui pince le cartilage en place. Dans son petit miroir de poche il a aussi vu l'ecchymose qui commence à violacer sous son oeil droit. Peut-être que s'il s'étend assez, autant que sa cicatrice, alors peut-être qu'il aura l'air un peu symétrique pour une fois dans sa vie

Il s’est passé quoi exactement ? Avec Apache

L'avantage de son état c'est que la question ne cause pas la montée de culpabilité et de honte qu'il aurait sûrement ressenti en étant sobre. Juste un écho. Mais pour l'instant il ne regrette pas encore trop.

Avant de répondre, le Chef lance un coup d'oeil à Yell, toujours parmi eux.

Moi d'abord.

Ce n'est pas dit comme un ordre. Plutôt une demande mais une demande qui ne prend pas en compte l'avis des autres.

Apache. Et ses potes, sa petite clique. il ne précise pas qui Ils ont joué quelques morceaux. Et tu le connais. il laisse la fin de la phrase en suspend, que Freckles l’interprète comme il voudra.Il fallait qu'il provoque. Et bien sûr c'est plus marrant quand c'est moi la cible, je suppose. il soupire, sent au fond du ventre un bref remous de colère. Il l'aura sans doute encore mauvaise un moment. Je l'ai un peu mal pris mais en vrai ça va. J'ai rien dit, je suis sorti. J'ai bu un peu de liqueur pour penser à autre chose. Raisonnablement. il désigne la Soigneuse Elle m'a accompagné. On a discuté un moment, la saleté de fée du Punk - Volt - est venu nous emmerder. Ensuite Yell s'est sentie mal alors je l'ai ramenée à l'intérieur. il lui en doit toujours alors il épargne les détails  Et là Apache m'a sauté dessus et insulté pour aucune raison. Sauf celle de faire chier le monde probablement. Franchement ça a été la goutte d'eau. C'est pas que ce soir mais toutes les autres petites provocations accumulées. J'ai essayé de lui en mettre une, c'est parti tout seul. Il a esquivé et on aurait pu s'arrêter là s'il avait pas riposté. il n'évoque pas la guitare qui lui paraît être un élément anodin  J'ai bloqué son coup, Lace s'en est mêlée, je lui mis une baffe, il m'a pété le nez, je l'ai jeté sur- il bute sur la fin de sa phrase, essaie de changer son rire en toux mais n'y parvient pas entièrement. Inspire un bon coup. Pardon. C'est pas drôle. Donc je l'ai jeté vers deux Perdus qui prenaient des photos, ou filmaient, je sais pas on s'en fout. Et je suis parti. il profite pour sa rasseoir dans l'un des fauteuils.J'ai dépassé les limites, je sais. Lui aussi mais lui tout le monde lui pardonnera. cette fois il n'est plus du tout amusé. Honnêtement je sais pas si je regrette le geste, mais je regrette le public... sa réputation n'allait jamais s'en remettre. Je sais pas s'il s'est encore passé quelque chose après. Quand je suis parti Lace était avec lui.

Son monologue enfin terminé, Scar fait signe à la Soigneuse, se disant qu'il ferait bien une sieste là maintenant Si t'as quelque chose à ajouter.