C’était un de ses jours où la pluie s’était calmée. Un peu, seulement... une fine bruine recouvrait le Pays de Jamais dans ses moindres recoins. Écorce avait profité de cette accalmie pour sortir de l’Archeforêt et se rendre à la lisière du Bois Joli, afin de voir l’état de son abri à oiseaux. Pour l’instant, celui-ci tenait debout, mais avait besoin d’entretien.

Tandis qu’Écorce noue de fines branches d’arbres autour de son abri en bois perché à la cime d’un arbre, son moineau Plumbo émet un chant qui interpelle son attention.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

L’oiseau, perché à l’opposée de l'Archéologue, fait un mouvement de bec en direction du sol. La fée suit son regard, jusqu’à apercevoir... quelque chose, adossé contre un arbre. Écorce hausse les sourcils à l'attention de Plumbo. Et alors ? C’est sans doute un effet de la végétation, si ce n’est une créature. Pourquoi le moineau prendrait-il la peine de le lui signaler ?

A cette pensée, Écorce arrête tout et dirige son regard vers le sol. Créature ou pas, il faut quand même dire que cette drôle de végétation l’intrigue... l’Île a beau être fantasque, il est peu commun de voir ça dans le Bois Joli. La fée prend son envol et descend se poser sur un arbuste, à proximité de l’objet de toutes ses attentions.

C’est vivant ! Ça semble respirer, du moins. Mais ça dort. Écorce s’envole et tourne doucement autour de l’inconnue. C’est une créature ? Une création de la Nature ? A cette pensée, Elle trépigne. Qu’il est beau, se dit-elle en s’approchant un peu. Pas trop, cependant : Écorce est polie, et ne dérangera jamais un être vivant sans sa permission.

Tandis qu’elle s’éloigne un peu pour garder une distance respectable, l’inconnu ouvre un œil : Écorce ne s’y attendait pas, et sursaute en partant se réfugier à tire-d’aile dans son buisson. A peine y pose-t-elle le pied qu’elle trébuche et se coince dans les broussailles. La Fée se débat et tend les bras pour écarter les innombrables branches du buisson, afin de s’y extirper. Elle se pose un peu plus loin, et croise le regard de Moss.

Zut.

Écorce se cache derrière une pierre moussue : l’inconnue a vu sa maladresse, mais en plus, il se doute sûrement qu’il était observé. Il n’en faut pas plus pour la rendre timide au possible, malgré sa curiosité grandissante.

- ... Bonjour.

Elle ne trouve rien de mieux à dire. Plumbo, quant à lui, se pose à proximité de Moss et la dévisage. Le moineau a un regard très doux, un peu affectueux. Ça surprend autant Écorce que ça ne l’intrigue : la première impression des animaux est toujours la bonne.

Écorce reste cachée un court instant derrière sa pierre moussue : elle lui a parlé. C’est une forme humaine, recouverte de verdure. Ou alors c’est une plante à forme humaine. La fée est tout aussi circonspecte que fascinée : cela lui rappelle un peu la cheffe de la tribu Huron, Phasme Suprême, qui a elle aussi l’apparence d’une dryade. Mais elle lui a parlé... ce serait impoli de ne pas continuer la conversation. L’Archéologue rassemble tout son courage afin de chasser sa timidité, se concentrant uniquement sur la curiosité polie qu’elle ressent pour Moss.

En finissant enfin par se poser sur la pierre, Écorce glisse sur la surface et tombe en avant, s’aplatissant tête la première dans l’herbe dense de la clairière. Elle se redresse en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, rouge comme une pivoine, et croise le regard blasé de son moineau. Tais-toi ! Grogne-t-elle mentalement à l’attention de Plumbo, qui s’est gentiment rapproché de Moss.

Elle reprend son envol et se rapproche de Moss, sans se départir du rouge honteux et timide qui teint sa lueur féérique. Son regard pétillant est empli de questions qu’elle peine à contenir, mais qui lui permettent au moins de ne pas se concentrer sur la scène gênante à laquelle a assisté le Tilleul.

- Je. Elle hésite, puis lâche un fier : Je n’ai jamais peur.

Non mais c’est vrai, quoi ! Elle n’a pas peur, jamais. Ou presque. Et puis pourquoi s’excusait-il ? Il n’y avait vraiment pas de quoi.
Voyant l’anxiété naissante d’Écorce, Plumbo finit par délaisser Moss pour venir se poser à ses côtés. La fée adresse à son moineau un regard empreint d’un profond remerciement, et passe sa main sur le plumage de son ami. Ce geste l’apaise presque instantanément, et Écorce pousse un soupir de soulagement. Sa lueur perd son rouge écarlate et revient à sa couleur habituelle.

- Comment tu t’appelles ? Finit par demander la fée, sur un ton poli. ... Est-ce que tu es une créature ? Je ne t’ai jamais vu dans le Bois Joli. J’espère que je ne t’ai pas dérangé dans ton sommeil ! Je ne voulais pas te réveiller...

L’assurance issue de sa curiosité naturelle et de la confiance affichée de Plumbo prennent le dessus de sa timidité, et Écorce ose enfin se rapprocher de Moss. Qu’il est beau ! Et si calme, si douce. La fée observe avec une certaine curiosité les champignons qui ont poussé sur sa peau et qui se mêlent aux branches, plantes et autres... plantes qui parcourent le corps du Tilleul.

Par Mab.

Il y a un court instant où Écorce se décompose sur place. Est-ce qu’elle ne vient pas d’être très malpolie ? Si, totalement. La honte ! Il faut dire qu’elle ne s’y attendait pas du tout, et par réflexe, l’Archéologue porte ses deux mains à son visage, comme si elle espérait disparaitre dans la terre du Bois Joli.

- Désolée ! J’ai cru... Pardon. Tu es tellement belle, je n’aurais jamais pensé que tu étais un Garçon Perdu...

Pour Écorce, ça sonne comme un compliment. Mais à peine sa phrase finit qu’elle baisse à nouveau les yeux. Soit elle ne parle pas assez, soit elle parle plus qu’il ne faut. Est-ce qu’elle n’en fait pas trop ? Est-ce qu’il va bien le prendre ? Dans le pire des cas, il lui reste l’option de la fuite à tire-d’aile... Mais ce serait trop bête. Vraiment, elle a plein de questions en tête, mais elle les garde pour plus tard. Ce n’est pas le moment d’être impolie une nouvelle fois.

Moss ? C’est joli. Récolteureuse ? Écorce met quand même un temps à faire le parallèle avec le groupe des Récolteurs des Garçons Perdus ; mais c’est probablement l’appellation la plus originale et adorable qu’elle ait pu entendre. Mais ça, elle ne le dira pas. Fort heureusement pour elle, Moss continue de parler, distrayant un temps le rouge qui gagne le teint de l’Archéologue.

- Enchantée. Je... Je m’appelle Écorce, lâche-t-elle après une longue hésitation, avant de se ressaisir. Son assurance revient facilement lorsqu’on lui pose une question claire. Ça l'arrange, surtout dans les moments où elle tente de faire des efforts pour être plus avenante. Oui, il s’appelle Plumbo. C’est mon ami et mon compagnon de travail.

Le concerné gazouille, avant de sautiller une nouvelle fois jusqu’aux pieds de Moss.

- Je crois qu’il t’aime bien.

En tout cas, c’est ce que trahissait clairement le regard affectueux et curieux du moineau, qui observait le Tilleul sous toutes ses coutures.

- Il doit attendre que tu lui donnes l’autorisation de se percher sur toi, rajoute-t-elle sur un ton amusé.

A peine Moss a-t-il le temps d’acquiescer que Plumbo vole jusqu’à sur son bras et remonte jusqu’à son épaule. Écorce quant à elle, stabilise tranquillement son vol en observant la Récolteureuse, avant de froncer les sourcils sous l’appel de sa curiosité. Cheni. C’est quoi ? Une invention ? Une originalité ? Une expression ? Elle n’a jamais lu ce mot, et n’a de toute façon pas le temps d’y réfléchir davantage, puisque le Tilleul lui accorde de nouveau son attention.

- Je ne savais pas que les Fées travaillaient. Est-ce que vous avez des horaires ? Des bureaux ? Vivement le week-end, hein ?

Si ça venait d’un Garçon Perdu quelconque, bruyant et malvenu, Écorce aurait probablement été outrée et lui aurait rétorqué au nez. Là, non : au contraire, l’Archéologue se échapper un rire cristallin et affiche un sourire amusé en remarquant l’éclat d’espièglerie qui passe dans le regard de Moss.

- Ça nous arrive, et on travaille parfois mieux que les Garçons Perdus. Blague à part, Écorce se reprend, sans pour autant se départir de son sourire : Ça dépend. Mon travail est important et si je ne le fais pas, je risque d’apporter des soucis à mes congénères. Je travaille quand il faut, plus ou moins selon les périodes. La pluie me donne beaucoup de travail en ce moment...

Écorce jette un coup d’œil presque accusateur au ciel. Il faut dire que c’est à cause de cette météo si ses abris à oiseaux s’abiment aussi vite !

- Et toi, tu te reposais ?

Le ton est taquin. Après tout, Écorce a bien trouvé Moss en pleine sieste... Mais au fond, c’est une question sincère.
Plumbo, quant à lui, n’a pas l’air spécialement intéressé par leur discussion. Juché sur l’épaule de Moss, il s’ébroue et finit même par gonfler ses plumes en signe d’apaisement. Il ne manquerait plus qu’il pique une sieste à son tour.

C'est bizarre. Écorce se sent apaisée, presque en confiance, alors que ça n'arrive jamais avec des Garçons Perdus. Et elle continue d'admirer Moss, ellui et sa beauté littéralement naturelle. Et quand elle voit des fleurs roses s'épanouir sur son corps, les yeux émeraude de la fée s'agrandissent. C'est si joli ! A tel point qu'elle oublierait presque de répondre.

- Oh.

Eh bien, si iel a envie de dormir, pourquoi pas tant qu'iel ne fait pas de mal autres. Après tout, le fonctionnement des Garçons Perdus ne regarde pas Écorce.

- ... C'est vrai que c'est un bel après-midi.

Elle aime bien sa phrase : la forêt chuchote. Écorce tend ses longues oreilles et en effet, on entend la forêt vivre : les gouttes de pluie qui tapent doucement les feuilles, le bruissement des cimes lorsque le vent se lève, les oiseaux qui s'abritent sous les quelques maisonnées fabriquées par les fées des forêts. Sur l'épaule de Moss, Plumbo s'est roulé en une petite boule de plumes qu'on voit seulement respirer, désormais.

- J'aime bien toutes les météos. Sauf lorsqu'elles sont trop extrêmes. Et en hiver, je suis moins utile... mais bon. Toutes les saisons sont importantes.

Elle tourne à nouveau son regard vers le Tilleul. Sa curiosité reprend le dessus et elle lance, sur une voix un peu timide :

- Mais dis moi, tu n'as pas froid avec la pluie ? Je me demande... comment un Enfant Perdu peut devenir comme toi. C'est une farce d'une fée, ou la magie de l'île ?

Face aux inconnu.e.s, Écorce a parfois du mal à savoir si iels usent ou non du second degré, surtout lorsque ça les concerne directement. La fée est tellement gênée qu'elle se pose sur une imposante racine d'arbre, à proximité de lae Perdu.e.

- Je...

Ah, c'est malin. Elle ne sait plus quoi dire, ni comment s'expliquer. Ses oreilles se baissent et elle triture ses doigts, signe de sa nervosité.

- Je veux dire... enfin, je ne veux pas paraître insultante, au contraire. C'est juste que... j'étais curieuse. Mais ça te va bien ! Vraiment !

L'Archéologue a l'impression de s'enfoncer plus qu'il ne faut. Par réflexe, elle serre ses petits poings, comme si ça pouvait l'empêcher de se taire. Le rouge lui monte aux joues et, sensible à son état, Plumbo rouvre l'un de ses petits yeux et porte son attention vers elle.