Le Deal du moment :
Cdiscount : -30€ dès 300€ ...
Voir le deal

Partagez
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Sirène
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Flâneries    Flâneries  EmptyMer 18 Jan 2017 - 16:26


"Ah! la promenade exquise
Qu'ils ont faite, tous les deux,
Mon corps, ce monstre hideux,
Mon âme, cette marquise."

Raoul Ponchon,
extrait de "La Muse au cabaret."


Flâneries  69a896983514511e16d48e520a5b4657

La lune observe sagement les créatures de l'Esprit Nuit, fouler le bedon de Mère l'Île. Le Hibou hulule à battements réguliers, métronome du coeur de la forêt. Herbes et feuilles murmurent et soupirent, en amoureuses nées. A chaque créature qui passe, elles dispensent leurs émois contre leurs mollets. Et déjà, elles se gorgent d'émotion, pour qu'à l'aube, les fées cueillent leur rosée.
Flot gazouille presque à chaque fois que son peton foule la mousse. Que cette sensation de douce chatouille est délectable. Inédite ! Gambadant, sans crainte de l'obscurité, la sirène s'émerveille des petits rien que ce monde lui a caché. Là, une fleur aux corolles chatoyantes; Ici, une chenille qui fume et grignote un champignon. Le Bois Joli, ne se contente pas de simplement l'être. Il hume bon, d'odeurs incongrues, inconnues à ses sens : humus et pluie, bois détrempé et fleurs en bosquet... Son iode est si loin qu'elle l'a presque oubliée.

Toute émoustillée de son exploration, la Baleine, dans son plus simple appareil, ne voit pas les étoiles tourner, ni le vent qui balaie les heures. Pas chassé, pas chassé. La gironde demoiselle batifole dans une clairière pour mieux se laisser tomber -lourdement s'il en est-  sur un parterre de pâquerettes qui n'en réclamaient pas tant. Quelques taupes inquiètent regagnent leur terrils. Qu'elles rouspètent donc, cela ne saurait gâcher le plaisir de la Dodue.
Flot soupire - le palpitant extatique, les yeux pétillants -sous les frondaisons.
Pour un peu, elle chanterait presque.


Son timbre cassé, s'élève en circonvolutions singulières dans l'air nocturne. Il crépite de cette joie toute simple qui lui irradie la poitrine. Même imparfait, son chant reste celui d'une sirène. Une sirène perdue en plein bal arboré et qui, telle une princesse de contes, a oublié qu'au point du jour, elle se transformera en citrouille.

Une énorme citrouille.
Revenir en haut Aller en bas
Créature
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyJeu 19 Jan 2017 - 20:32

Flâneries  Tumblr_o4ysda4lgF1r44nu7o10_r1_500

La nuit était belle et bleue dans les sous-bois. Les ramures des arbres soupiraient de contentement sous la caresse patiente du vent nocturne. Les insectes chahutaient et bourdonnaient d’un ton dansant entre les herbes hautes, parfois accompagnés de fées vagabondes. La clarté du ciel nocturne se glissait entre les feuillages pour revêtir d’argent tout ce qu’elle touchait : ici la souche creuse d’un arbre où rêvait un raton-laveur, là un bouquet de menthe sauvage qui dodelinait sous des restes d’une pluie passagère, là encore le tracé presque indiscernable d’un sentier emprunté par les Enfants chasseurs. Tout était calme, mais vivant, frais, teinté d’un bleu profond qui invitait au sommeil et aux rêves.

Mais Héméros ne dormait pas.

Il se tenait debout, silencieux, ses yeux couleur de crépuscule attachés à l’arbre qui lui faisait face, à quelques enjambées de là. La Lune avait beau passer ses doigts cristallins dans son épaisse chevelure, il semblait plongé dans ses pensées. Distraitement, cependant, il ne manquait pas de caresser du bout des doigts un petit hérisson qu’il tenait au creux de sa large main. L’animal au museau frétillant lui jetait des regards de temps en temps, puis regardait l’arbre qui semblait tant retenir l’attention, sans paraître comprendre pourquoi ils avaient interrompu leur ballade dans le Bois.

« Dis, Grand Faune, fit le hérisson d’une petite voix soucieuse. Qu’est-ce qui te chagrine ? »

Héméros cilla enfin, et baissa la lourde tête armée de cornes vers son minuscule compagnon. Il lui adressa un sourire, mais les animaux du Bois savaient reconnaître quand leur joyeux faune était tracassé par quelque chose. Alors, le hérisson tapota de ses petites pattes roses sur la paume brune, et ajouta :

« C’est parce que l’arbre a mal ?
_ Oui, répondit Héméros de sa voix grave, réduite à un murmure désolé. Quelqu’un a beaucoup souffert ici, et l’arbre n’a rien pu faire pour l’aider.»

Le faune avisa les branches cassées ; le beau tronc de l’hêtre, verdi de lichen, labouré par des coups de sabre, l’herbe piétinée entre son lacis de racines. Il restait encore dans l’air un parfum de peur et de cris. Et de sang. Il n’était pas capable de dire s’il s’agissait de celui d’un Enfant, d’un Peau-Rouge ou d’un Pirate, mais la tristesse demeurait empreinte dans l’air comme une brume invisible qui tardait à se dissiper. Ce n’était pas nouveau, bien entendu, ni vraiment surprenant en soi, et il était surtout évident qu’il n’y avait plus rien à faire. Héméros n’en demeurait pas moins navré : s’il avait été là, est-ce qu’il aurait pu faire quelque chose ? est-ce que lui aurait pu …aider ?  

Héméros s’extirpa de ces pensées, bien conscient qu’elles n’apporteraient rien que de la morosité là où le Bois avait uniquement besoin de sa bonne humeur. Il secoua la tête, agitant ses cheveux d’où s’envolèrent une poignée de lucioles, qui s’y étaient posées timidement pour lui offrir un câlin de réconfort de toute l’envergure de leurs petites pattes. Le Faune leva les yeux vers les petits bouts de ciel qu’il pouvait apercevoir entre les frondaisons des arbres : la voûte richement festonnée d’étoiles, comme à son ordinaire, s’obscurcissait de nuages de pluie dans le plus grand des silences. A l’instant même où il commençait à caresser l’idée d’une sieste à la belle étoile, il entendit…


Une voix. La voix qu’on donnerait aux aurores boréales si elles savaient chanter.


Un chant. Etiré, puissant et cristallin tout à la fois. Et des notes, bleues comme la nuit.


Héméros avait immédiatement tourné la tête pour mieux écouter, ses oreilles de bélier tendues et attentives. Sa stupeur était telle qu’il en gardait la bouche ouverte, mais c’était une douce surprise, mêlée d’un sentiment très spontané d’enchantement. La voix avait un côté un peu fêlé, comme du verre trop fragile, mais au goût d’Héméros cela ajoutait à la beauté de ce chant atypique.

« Grande faune, fit une petite voix fascinée. Qui est-ce qui chante ? Un esprit ?
_ Non, Hérisson. Je crois que c’est une Sirène. »

Un sourire – un vrai sourire – réapparut sur le visage du faune. Il considérait que les Sirènes étaient ses amies, et adorait passer du temps dans la Lagune à leur tresser des couronnes de fleurs et accompagner leurs chants épurés de sa voix de baryton. Mais, s’il était quasiment certain que c’était une sirène qui chantait, ni son timbre, ni ce chant ne lui étaient familiers. Cela le rendait d’autant plus curieux ! Et la chanteuse ne devait pas se trouver bien loin, vu la force de son chant.

« Allons la voir ! »

Le ton de la créature cornue était résolument plus jovial et enthousiaste, car il ne doutait pas que la compagnie d’une Fille de l’Esprit Océan saurait lui faire oublier ses soucis. Héméros porta sa main à son épaule, laissant son ami le hérisson se dandiner hors de sa paume pour s’arrimer aux épaisses boucles de sa chevelure avec toute la précision que confèrent les habitudes bien ancrées. Sans attendre davantage, le grand faune se mit à caracoler dans les sous-bois, vif et agile en dépit de son imposante stature. Guidé par son ouïe, il ne tarda pas à déboucher sur une jolie clairière qu’il connaissait bien pour la beauté de ses fleurs blanches. Il s’arrêta à son orée, toujours aussi ravi d’avoir la tête pleine de ce chant stellaire ; c’est dire : il n’osait même pas lui répondre, ce qu’il faisait pourtant volontiers en toute autre circonstance, pour se contenter du très agréable rôle de spectateur admiratif. La Lune baignait la clairière d’une tiède clarté de perle, et les pâquerettes mouchetaient l’herbe sombre comme autant d’étoiles menues et dansantes.  Lovée dans ce nid se trouvaient la belle Sirène, qu’on aurait pu confondre avec une humaine si elle ne portait pas sur elle une si distincte fragrance d’iode et d’eaux profondes.
Héméros sut en la voyant qu’il ne l’avait jamais rencontrée dans la Lagune : il se serait souvenue d’une sirène si singulièrement grande, toute de rondeurs et de coquillages vêtue.

Intrigué, le grand faune fit quelques pas dans le cercle argenté de la clairière, mais sembla renoncer à avancer davantage, préférant s’accroupir, les mains en coupe sous son menton, et une expression d’éblouissement ravi solidement ancrée sur son visage. Perché dans la boucle de sa corne gauche, Hérisson s’était assis et battait déjà de ses pattes roses avec vigueur, un applaudissement qui ne faisait malheureusement pas grand bruit.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyJeu 19 Jan 2017 - 21:35



Paupières closes et gorge offerte, Flot célèbre le Bois Joli de toutes ses cordes vocales. L'ile de Jamais boit le calice de ce morceau d'éternité avant de poursuivre son voyage vers l'Oubli. La jonque magique, nouée au charnu de son cou, scintille en écho, comme si quelques notes de cette voix singulière y étaient déjà prisonnières. Le dos offert à un matelas de fleurs sauvages pour mieux laisser son imagination se perdre sur la voie lactée, la sirène nage dans un bonheur serein. Ses bras potelés brassent cet air forestier, si chèrement acquis. Ses orteils épousent chaque brin d'herbe. Ce n'est que la tête complètement renversée, que Flot perçoit, enfin, la présence de spectateurs discrets. Les trilles de son timbre s'affalent dans le silence. A l'envers, l'animal semble bien incongru.
La sirène roule sur elle-même, provoquant un nouveau génocide de pâquerettes sous le poids de sa manœuvre. Ses fesses rebondies accrochent la lumière de la lune en toute gourmandise. Avec une brusquerie de fillette prise en faute, elle chasse les boucles rebelles qui lui bouchent la vue.

Ce n’est que pour mieux ouvrir la bouche devant l'incroyable.

- Bonsoir Deux-Jambes, fait-elle les joues rosies par la surprise de cette rencontre inattendue. Elle rectifie, tout en louchant sur les sabots de bouc de son interlocuteur. Je veux dire Deux-pattes !  

Elle fronce les sourcils et s'approche pour mieux laisser ses mains fourrager le pelage du faune. Assise à même le sol, c’est la première fois qu'un Minuscule lui parait grand.

- Qu'es-tu au juste ? Une sirène de terre ?

Ses doigts gambadent, curieux et joufflues, sur ce nouveau territoire mystérieux. Comment résister à l'appel de ces vagues d'un vert pénétrant qui ondulent en cascades ? La Sirène se fait zéphyr et soulève cet océan capillaire pour mieux le faire retomber en pluie joyeuse. Elle laisse échapper un gloussement puérile. Ses pouces s'attardent sur la majesté de ces bois qui s'entortillent, vrillent, ne s'en tenant qu'à leur bon-vouloir.

- Oh ! Un oursin ! s'exclame- t-elle en découvrant le petit Hérisson caché en leur sein.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyDim 5 Fév 2017 - 21:13

Héméros eut un mouvement de surprise quand il vit la sirène tourner la tête vers lui et cesser de chanter, mais il était difficile de ne pas sourire affectueusement en voyant ce visage tout rond à l’envers. Elle roula sur elle-même, la petite-grande fille de l’Océan, et ses longues boucles sombres dévalèrent sur la rondeur de ses épaules et en travers de son visage. Elle dut agiter ses mains potelées pour les dégager de ses yeux avant de mieux le dévisager, et cette gesticulation arracha au faune un petit rire amusé, parce que lui aussi faisait très souvent cela, et que c’était adorable à voir. Qu’elle était jolie sous ses cheveux, cette inconnue ! elle souriait largement, le regard lumineux, comme si elle venait de faire une découverte extraordinaire. Il était cette fois certain qu’il ne l’avait jamais vue dans la Lagune : venait-elle de naître, alors… ?

«  Bonsoir ! » répondit-il avec enthousiasme, non sans s’esclaffer du surnom que lui donna spontanément la jeune créature.

Sa curiosité redoublait, et son ravissement lui était sans limite : la demoiselle se leva sur ses deux jambes empruntées et s’approcha de lui pour retomber à genoux. Son visage avait l’air doux, autant que ses yeux aux couleurs des profondeurs de la Mer, et ses joues s’arrondissaient et rosissaient autour de son grand sourire enchanté. Elle avait des sortes de coquilles rivées à la peau, ou parsemées dans sa chevelure – et, même si Coquillage avait beaucoup instruit Héméros en la matière, il n’était pas sûr de savoir de quoi il s’agissait. Il put aussi remarquer que, pour une Sirène, elle était singulièrement large, et surtout très grande : presque autant que lui ! Il n’en avait jamais vue des comme elles, et il était évident qu’elle voyait un Faune pour la première fois. Elle lui demanda ce qu’il était, avec l’inquisitrice candeur propre aux jeunes âmes. Ce faisant, elle avait levé ses bras replets pour enliser ses mains dans ses cheveux vert lichen, et elle y faisait jouer ses doigts avec curiosité. Héméros, charmé de tant d’attention, se pencha un peu pour mieux la laisser tâtonner à travers ses boucles laineuses.

«  Je suis un Faune, répondit-il de sa voix profonde, et avec toute la tendresse du monde. C’est un peu une sirène de terre, oui ! Mon nom est Héméros, et – »

Les doigts de l’incroyable chanteuse s’étaient faufilés jusqu’à ses cornes recourbées. Elle y trouva Hérisson qui, timoré de nature, s’était fait tout petit dans la courbe de sa corne gauche dès que la Sirène s’était approchée. Cependant, lorsqu’il l’entendit l’appeler « oursin » d’un ton jubilatoire, il s’extirpa de sa timidité, l’œil brillant et la truffe frémissante. Il émit quelques petits bruits aigus qui ressemblaient à un gloussement, et il se dandina expertement le long de la corne du faune pour aller se percher à sa pointe, tel un orateur s’apprêtant à haranguer la foule.

« Si lui est une sirène de terre, je veux bien être son oursin de terre ! Mais, jolie Sirène, je suis Hérisson ! Que ton chant était beau ! je n’ai jamais rien entendu de tel dans les B-WAH ! »

Hérisson faillit tomber de son perchoir : Héméros venait de hocher la tête avec véhémence pour manifester son accord. Il ne put d’ailleurs s’empêcher de renchérir, en saisissant les mains de la sirène entre les siennes :

« C’est vrai ! Je n’ai jamais entendu ta voix auparavant. N’es-tu pas une Sirène de la Lagune ? Quel est ton nom ? »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyJeu 16 Mar 2017 - 12:00



- Je suis un Faune. C’est un peu une sirène de terre, oui !
- Un fôôôône, répète-t-elle la bouche en coeur, en le fixant de ses grands yeux inquisiteurs.
- Mon nom est Héméros, et...
- Si lui est une sirène de terre, je veux bien être son oursin de terre ! Mais, jolie Sirène, je suis Hérisson !
- Raie-risson, reprend-elle en écho.
- Que ton chant était beau ! je n’ai jamais rien entendu de tel dans les B-WAH !

Elle rougit, la Dodue, jusqu’au moindre fanon. Ses indexes potelés taquinent les picots de Raie-risson du bout de leur pulpe. Elle louche presque dessus.

- C’est vrai ! Je n’ai jamais entendu ta voix auparavant. N’es-tu pas une Sirène de la Lagune ? Quel est ton nom ?
- Je suis Flot et je suis bien une Fille de la Lagune. Je ne peux juste pas vivre dedans. Tragique évidence à ses yeux. Déconcentrée par la masse capillaire du faune, elle chantonne : Héméros, Héméros....

Ses doigts pianotent dans le duvet verdoyant, tournicotent, tergiversent. C'est doux, si moelleux, si souple ! Une caresse d'algues touffues. Avec une spontanéité génuine, elle attrape une pleine brassée de ce miracle moutonneux. Ses joues rubicondes fourragent dans la chevelure magique avec une joie enfantine. Elle en glousse.

- J'aime tes cheveux ! Tu es beau !

Elle les fait pleuvoir au dessus de son crâne, rentrant sa tête dans les épaules en essayant de se faire Minuscule. Les voilà contraint de partager l'intimité d'une chevelure pour deux.

- Est-ce que tout les fônes sont moussus comme toi ? Est-ce qu'ils chantent aussi ? Apprends moi ! Raconte-moi ! frétille-t-elle pétillante et avide, comme seuls le sont les ingénus.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptySam 18 Mar 2017 - 0:21

Elle répétait consciencieusement les mots qu’elle apprenait, des mots de terre et de forêt, qui n’avaient peut-être pas lieu de rouler sur les lèvres des filles de la mer, mais qu’elle finirait par emporter avec elle, dans les profondeurs froides du grand large.
Héméros était tout sourire, bien sûr : il l’adorait déjà, cette fascinante cantatrice pleine de candeur et de curiosité. Quand elle se présenta et lui donna son nom, il raffermit doucement sa prise sur les petites mains potelées de la sirène, et les secoua un peu, comme des Garçons Perdus très à cheval sur «lait y quête» lui avaient appris à faire.

« Aaah ! Flot ! Flot, c’est si joli ! »

Un écho aux échos chantonnés par la Dodue. Il laissa échapper un rire léger, qui redoubla quand il vit la jeune sirène continuer à s’amuser avec ses cheveux – il se laissa faire, bien entendu, profitant avec délice de cette attention scrutatrice et innocente. Beaucoup d’enfants aimaient jouer avec sa crinière boucletée, pour y semer des fleurs et des  épis de tresses, et lui-même en tirait immanquablement un certain sentiment de contentement. Il en oubliait presque de s’interroger sur sa réponse par trop vague sur la Lagune ! Mais les mots lui revinrent ensuite en tête - « juste pas y vivre », qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ?

« Mais dis-moi, alors : dans quelles eaux vis-tu ? »

Bien vite, à force de jeu et de manipulations, il se découvrit une colocataire sous l’univers de sa chevelure : Flot s’y était réfugiée comme on s’amuse à se cacher sous les branches d’un saule pleureur. Se voulant un hôte accueillant, le grand faune se pencha un peu pour mieux partager l’espace, pressant un instant son front contre le sien dans un évident signe d’affection. De tout près, il sentait le frais piquant de son parfum iodé, la texture particulière des cheveux gorgés de sel, la moiteur laissée sur ses tempes par l’air de la nuit.

« Coucou ! »

Il gloussa un peu, le géant couleur lichen, et accepta avec délice le compliment que lui faisait la sirène. Et à ses questions, il rit davantage, amusé de tant de curiosité. Il éleva la main pour aider Hérisson à descendre de son perchoir  (ballotté par les jeux de Flot, il s’était retrouvé tête en bas dans un maillage de boucles), pour le déposer sur son genou ployé. Le petit animal se recoiffa les pointes, soucieux sans doute de paraître à son avantage devant la belle fille de l’eau. Il ne put ainsi résister à l’envie de répondre pour Héméros :

« Jolie Sirène des Flots, les faunes sont nombreux, et ils sentent l’écorce et la fougère. Ils aiment chanter et danser, et faire des farces surtout ! Mais Héméros, c’est le plus grand ! »

La Bête à Cornes acquiesça avec le sourire, et s’abstint de le corriger sur un détail. L’Autre était le plus grand, mais il avait quitté le Bois depuis si longtemps que beaucoup d’animaux et même des esprits avaient oublié qu’il était Faune, né de la Mère Forêt. Et puis, mieux valait ne pas penser à lui maintenant : cela l’attristerait à coup sûr, et il ne voulait vraiment pas être aussi morose que le ciel… encore moins en présence d’une nouvelle amie !
Il pencha la tête de côté, pour mieux regarder Flot sans avoir à la priver de son manteau de boucles, et lui demanda avec entrain :

« Flot, est-ce que c’est bien la première fois que tu vois le Bois Joli ? Voudrais-tu le visiter avec nous ? » 
Revenir en haut Aller en bas
Crocodile & Cie
Crocodile & Cie



✘ AVENTURES : 286

Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyDim 19 Mar 2017 - 15:04

Que vois-je ?




Mais à cet instant vous parvient un cri rauque et puissant. C'est un cri de rage et de détresse et ce n'est pas celui d'un humain. C'est celui d'un tigre. A quelques pas de vous, alors que le sol est plus bas, une grande mare salée s'est formée. Le fauve semble ne pas pouvoir sortir de l'eau. Peut-être est-il prisonnier des algues étranges qui naissent du sel de cette pluie larmoyante. Vous pourriez lui venir en aide, mais dans sa fureur affolée, il pourrait bien s'en prendre à vous. D'ailleurs, voir un tigre si loin de la jungle n'est pas bon présage... Et en même temps, comment ne pas être touché par son malheur qui fait écho à celui de tous les habitants ?

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyMar 29 Aoû 2017 - 14:42



- Aaah ! Flot ! Flot, c’est si joli !
- Héméros aussi ! répond-t-elle en écho, se laissant secouer les mains avec un brin d'étonnement. Mais sans offuscation. Flot est davantage clapotis tendres de l'onde que vagues en rouleaux.
- Mais dis-moi, alors : dans quelles eaux vis-tu ?
- Dans les plus profondes, les plus lointaines barbes de Papa Océan.

Une fugitive mélancolie sale ses traits joufflus. Loin. Loin de tout et de tout le monde. Loin des yeux et du coeur. Loin. Comme s'il devinait la source de cette légère variation d’atmosphère, le faune se penche et colle son front dégagé au sien.

- Coucou.

Flot papillonne des cils, emportée par la fragrance boisée de la sirène de terre. Il glousse. Elle fait de même en canon. La bruine est douce, il fait chaud d'un coup. Ses joues rosissent d'un plaisir encore jamais effleuré : un contact humain.

- Tu sens bon, dis ! souffle-t-elle ravie.

Et tout pétille en elle, des yeux à l'orbe de sa bouche.

- Jolie Sirène des Flots, les faunes sont nombreux, et ils sentent l’écorce et la fougère. Ils aiment chanter et danser, et faire des farces surtout ! Mais Héméros, c’est le plus grand ! Déclame le raie-risson.
- Oh ! s'exclame la Dodue avec ravissement. Tu aimes rire alors. De quel couleur est ton rire ? Demande-t-elle avec grand sérieux.
- Flot, est-ce que c’est bien la première fois que tu vois le Bois Joli ? Voudrais-tu le visiter avec nous ?
- Oh oui ! Oh oui ! s’enthousiasme-t-elle en frappant dans ses mains. Elle attrape le raie-risson par le bout des pattes et le fait valser, la frimousse pétrie de joie.

La Nuit hurle, soudain.
C’est un cri terrible et déchirant.

Dans un petit bout de mer, barbote un animal au pelage rayé. Il a l'air effrayé et sa complainte l'émeut. Flot a apprit son nom il y a peu.

- C'est un chat ! fait-elle à Héméros, paniquée. Les chats n'aiment pas l'eau ! C'est le Chanuscule qui l'a dit ! Il va se noyer ! Il faut l'aider !

Son premier mouvement, spontané, et de se porter à son secours. Le coquillage qui ballotte à son cou la retient, pourtant.

- Je.. je ne peux pas. Si je vais dans l'eau....

La sirène redeviendra baleine, assurément.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyMer 20 Sep 2017 - 21:46

Ce qui est beau (et drôle) quand on commence à se faire des amis, c’est qu’on n’arrêterait plus de parler! On échange et on questionne et on s’émerveille de tout, avec une sincérité d’autant plus profonde qu’elle est partagée, et comme avec le désir fébrile de rectifier cette tragique erreur de planning cosmique qui fait que l’on n’avait pas encore rencontré cette personne! En quelques instants seulement on voudrait combler d’histoires confiées l’éternité que l’on a dû passer sans cette amie. Entre le faune et la sirène, la conversation allait donc bon train, quitte à en être un peu éparpillée. Les deux compères, sous leur tenture en cheveux de faune, étaient si occupés à leur joyeux babil qu’ils n’avaient pas remarqué que la pluie s’était remise à tomber. Les feuilles des arbres dodelinaient sous leur poids et les ombres remuaient un peu au pied des arbres. Les Sylvains se taisaient sur les branches et les rochers, attentifs au ciel larmoyant et à ses changements.

Héméros, surtout, était particulièrement absorbé par la conversation : les yeux brillants, le sourire large, il s’interrogeait avec intérêt sur la couleur de son rire. Il ne savait pas! Et il regrettait férocement de ne s’être jamais posé la question auparavant. Aussi, il se fit le serment de ne pas manquer d’interroger Loutre Sauvage là-dessus. Si quelqu’un s’y connaissait en couleurs, ce devait bien être la belle princesse Huronne !

« Tu verras, assura-t-il à sa nouvelle amie avec entrain. Il y a beaucoup de belles choses dans le Bois ! Heureusement, grâce à la pluie - »

Un cri. Animal et rauque et indéniablement plein de détresse. Le faune n’acheva pas sa phrase, toute gobée par un soudain sentiment d’alarme. Les lèvres pincées, il bondit sur ses sabots et ses oreilles caprines s’agitèrent pour repérer dans la nuit la source de ce feulement.  

La forêt soupirait autour, les Sylvains fantomatiques se dandinaient avec empressement pour voir ce qui n’allait pas. Des fumerolles diaphanes s’extirpaient en silence de l’écorce des arbres alentours, comme tirés de leur sommeil par ce raffut désolant.


A quelques pas de là…

Une flaque ?


Non.


Ce qui encore ce matin-là était une flaque avait doublé, triplé de taille et de profondeur, et méritait désormais mieux le nom de mare ! Cette pluie était décidément bien étrange. Elle s’était étendue dans un creux de colline et y avait grignoté les racines d’un grand arbre mauve, dont les branches commençaient déjà à ployer sous la fatigue. Et, au plus profond de la mare, se débattait un beau tigre blanc. Le pauvre s’agitait et gesticulait en feulant, mais ne semblait pas pouvoir avancer. Était-il coincé ? Pire, blessé ? Que faisait un habitant de la Jungle si loin de chez lui ?

« Oh non ! » gémit le faune tandis que le tigre rugissait de nouveau, clairement en peine.

« C'est un chat ! Les chats n'aiment pas l'eau ! »

« En fait, les tigres sont plutôt de bon nag- ! » tenta d’ajouter Hérisson avant de pousser lui-même un petit cri aigu : la sirène et le faune caracolèrent en contre-bas de la butte. Petit Hérisson en fut réduit, un peu étourdi, à s’amarrer aux longues boucles de sa nouvelle amie pour ne pas lui aussi tomber à l’eau. Héméros remarqua que Flot s’était arrêtée net au bord de la mare, et se figea à son tour, confus.

« Je.. je ne peux pas. Si je vais dans l'eau... »

Héméros cilla, sans comprendre ce qui retenait la sirène. Ne serait-il pas simple pour une fille de l’eau d’aller voir sous la surface ce qui retenait le tigre prisonnier ? Ce n’était pas la peur qui l’arrêtait : il était évident qu’elle voulait venir en aide au pauvre animal. Il y avait quelque chose d’autre.
La Bête à Cornes choisit de ne pas la questionner d’emblée, et tourna aussitôt son attention vers le tigre : le malheureux (gros) chat n’était pas bien loin d’eux, immergé jusqu’au garrot dans l’eau verte. Sans attendre ni réfléchir davantage, le grand faune s’avança avec lenteur dans la mare tapissée d’herbes et d’algues.

« Fais attention, Grand Faune ! » fit Hérisson, tapi dans les cheveux noirs de Flot.

De fait, Héméros faisait attention. Il avait l’habitude des animaux, grands comme petits, et en général laissait en paix ceux qui n’avaient pas besoin d’amis. Il se doutait bien que le tigre, tout angoissé et furieux, ne serait pas prêt à le laisser faire.

« Tigre blanc, l’ami ! Tenta cependant le faune d’une voix forte. Nous venons t’aider ! »

Nouveau cri rauque de l’animal. Soudain, un bruit d’éclaboussure vif, suivi d’un hoquet de stupeur du faune : le tigre, terrifié mais encore leste, venait de lui asséner un rude coup de patte au visage. Fort heureusement pour le faune, sa corne recourbée lui avait évité toute griffure, mais il n’en resta pas moins étourdi par le coup, et recula d’un pas prudent.

Il secoua la tête, ses paupières papillonnèrent un peu. Héméros jeta un regard à Flot, qui se tenait toujours au bord de l’eau sans se résoudre à y entrer. La pauvre avait l’air tellement désolée ! Il lui adressa un sourire un peu penaud, et lui demanda :

« Flot, saurais-tu comment faire pour apaiser un... chat ? »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyMar 31 Oct 2017 - 18:35

- Fais attention, Grand Faune ! fait le Raie-risson, inquiet.

Flot ne l'est pas moins. A ses petons souillés de glaise, elle observe le clapotis de l'eau salée, barrière infranchissable qui la condamnerait.

- Oui, prie-t-elle les mains jointes,  emprisonnant un peu de ses mousseuses boucles entres ses doigts goulus. Fais attention, les chats ont des griffes qui ne se digèrent pas...
- Tigre blanc, l’ami ! Nous venons t’aider !

La réaction est immédiate et terrible.

- Méchant chat !
couine Flot au bord des larmes. Méchant, méchant, méchant !
- Flot, saurais-tu comment faire pour apaiser un... chat ?
- Non, gémit-elle éperdue, le Chatnuscule ne m'a pas dévoilé tous les secrets de sa race.

L'énorme chat bicolore, s'énerve davantage, feule et montre les crocs. Il s'ébouriffe comme un démon. Et de fait, il s'enlise. La vase dévore les malheureux qui ont osé fouler son sol trompeur. La flaque de sel aspire Faune, Chat et Vie tout entière.

- Hémeros, tu coules !

Flot s'y refuse. Tout son être s'y refuse. Et tout son être pèse son poids. Elle fait fi de ses craintes et des conséquences de son choix. Elle s'immerge posément, pugnace force primitive, jusqu'à disparaître complètement. L'onde la gobe, ne laissant que des rides puis le rien.

Le sol tremble.

Le petit lac s'ébroue, écume.

Les bulles se transforment en montagne qui soudain poussent du néant vers le ciel gorgé d'étoiles. Gerbes d'eau et de boue. Les troncs d'arbres centenaires ploient, rompent et se déracinent sous la pression de cette subite tectonique. La végétation se couche, ventre à terre, devant l'apparition gigantesque qui , pas sa seule présence, assèche la nappe de gadoue.
Flot, tiens le Chat par la peau du cou et le Faune contre le moelleux de son sein. Elle étale ses dix-sept mètres de queue de cachalot, de chair douce et généreuse, de chevelure bleue, dans l'écrin boisé d'un bosquet alangui. Une Baleine est perdue en plein Bois-joli. La sirène dépose le félidé à terre pour s'enquérir de son ami

- Héméros ? soupire la Dodue, en poussant, du bout de son nez immense, les ribambelles de sa chevelure. Héméros... ?

Ses joues rondes s'affaissent sous l'expression de sa tristesse et du dépit.

- La visite est terminée, je crois. J'en suis désolée...
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyMar 9 Jan 2018 - 12:37

Héméros cilla deux, trois, quatre fois. Le temps de resituer un peu ce qu’il venait de se passer.

L’instant d’avant, pour autant qu’il sache, il était encore à demi-immergé dans l’eau, à s’approcher prudemment du tigre : il avait déterminé qu’aider l’Ami Rayé valait bien le risque d’une grosse griffure ou d’une mâchouille. L’animal n’aimerait probablement pas le goût d’écorce de sa peau, qui plus est ! Bref, il avait décidé de s’avancer malgré tout : mais c’était sans compter sur le sol limoneux de l’étang, traître et gourmand. Il sentit ses sabots s’enliser dans la boue et s’emmêler dans les longues herbes sorcières de ses profondeurs. Héméros avait entendu Flot crier « Tu coules » , et puis…

Et puis, quel beau feu d’artifice! Le faune s’était senti ballotté, remué, avalé par un soudain et gigantesque remou, qui n’était même pas dû à une vague mais à des bulles ! L’eau céladon fusa en tous sens et surtout vers les étoiles, et Héméros s’était senti partir avec elle. L’instant d’après, donc, un peu étourdi et des constellations plein les yeux, Héméros contemplait confusément la perspective d’un ciel nuageux où se découpait le visage titanesque de la sirène.


« Flot… ? »

Elle secoua la tête, ses longues mèches tanguant comme de lourdes branches de banian. Héméros se redressa lentement sur ses coudes, puis jeta un coup d’œil autour de lui. Il était perché sur l’ample poitrine de la colossale sirène. Soit. Plus loin, au bout de la perspective allongée de son bras dodu, le Tigre s’agitait quelque peu, feulant presque avec timidité. L’étang avait tout bonnement disparu et les arbres alentours grinçaient et se lamentaient d’avoir été ainsi bousculés en pleine nuit. Dans les branchages, les petits esprits et les animaux curieux ou réveillés en sursaut jaugeaient les aventuriers avec des yeux ronds et brillants.
Héméros poussa un soupir de soulagement en voyant le tigre blanc déposé au sol, puis leva la tête vers son amie, ravi et enchanté :


« Tu as été formidable, Flot ! »

Le grand Faune, qui paraissait maintenant bien petit, leva les bras au ciel avec enthousiasme.


« Je ne savais pas que tu étais aussi GRANDE ! Que tu es belle ! Haha ! »

Cependant, son rire jovial s’essouffla lorsqu’il aperçut la mine triste de la Fille de l’Eau. Il se leva un peu maladroitement, mais en veillant bien à ne pas trop chatouiller la peau moelleuse de la sirène du bout de ses sabots. Ses cheveux trempés étaient maillés de tiges et de feuilles humides – il lui faudrait beaucoup de patience, ou l’aide de ses amies les fées pour démêler tout cela. Déconcerté par le dépit qui se lisait sur le vaste visage de Flot, il éleva ses deux mains en porte-voix :

« Qu’y a-t-il ?! »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyDim 25 Mar 2018 - 21:32

- Tu as été formidable, Flot ! Je ne savais pas que tu étais aussi GRANDE ! Que tu es belle ! Haha !

Dans la poitrine de la Majuscule, ça chatouille. Plus que les pattes du faune sur sa chair opulente, c'est son coeur qui joue des trilles. Le rouge éclate en feu d'artifice vibrant sur ses vastes joues.
Nul être ne lui a jamais dit qu'elle était "Formidable" ou "Jolie".

- Moi, je suis belle ? résonne-t-elle en écho, ses grands yeux battus par les vents de ses longs cils salés. Vraiment ?
- Qu’y a-t-il ?!

Avec une douceur infinie, comme si elle manipulait de la dentelle, la Baleine soulève Héméros jusqu'à son visage.

- J'aurais aimée être minuscule plus longtemps, visiter tes récifs verdoyants, souffler dans tes cheveux et... ajoute-t-elle toute déçue, prendre ta main dans la mienne en marchant.

Elle se mordille la lèvre inférieure, contrite.

- Personne n'a jamais été de la même taille que moi. Évidence enfantine, pourtant, ce n'est pas ce qu'elle veut signifier. Personne ne lui a jamais donné l'envie de se promener à ses cotés. A la même hauteur. C'est tout mâchouillis-gâchis...

Elle semble prête à pleurer, mais, dignement, refoule cette spontanéité. Elle est grande, au sens littéral.

- Tu es sauvé et le Chat aussi. C'est ça le plus important.

Elle marque un silence, se rendant compte qu'il manque tout de même une donnée majeur à son résonnement.

- Pétoncles et bigorneaux ! Comment vais-je regagner l'écume de mon Papa !?

Brutale épiphanie.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Anonymous

Invité



Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptySam 23 Juin 2018 - 14:17

Héméros se laissa soulever avec un rire mêlant stupéfaction et admiration – la main de la sirène, épaisse comme un tronc de banian, l’éleva sans la moindre difficulté. Lui était à présent comme une coccinelle sur les phalanges de la fille de l’eau ! Le « grand » faune se percha sagement sur l’ongle nacré de sa nouvelle amie, et, sabots dansant dans le vide, il écouta avec attention la plainte de Flot. Il passa ses doigts dans sa barbe détrempée, pensif, et répondit de sa voix de stentor :

« Ne t’en fais pas, grande Flot ! Je t’accompagnerai une autre fois, quand le beau temps sera revenu ! »

Héméros ignorait encore que le « beau temps » n’était pas prêt de revenir de sitôt, mais il était dans sa nature de rester optimiste, et son indicible ancienneté l’aidait à relativiser sur le passage des saisons. Il décocha un grand sourire à la sirène, et battit des mains avec entrain :

« C’est très très vrai ! Tu nous as sauvé ! Tu es vraiment - »

Flot sembla alors s’agiter, inquiète de ne pas savoir comment retourner au grand large... toute large qu’elle était à présent. Héméros manqua de tomber de son perchoir, et s’arrima à la phalange de la sirène à pleines mains. Tel un grand koala verdoyant, tête en bas mais somme toute confiant, il ajouta aussi fort que lui permettait sa voix et sa posture actuelle:

« Pas d’inquiétude ! On va trouver une solution ! Attends - »

La Bête à Cornes gesticula quelque peu et se laissa tomber de la main géante : il rebondit sur le tendre du bras de Flot comme s’il s’agissait d’un trampoline particulièrement moelleux, puis atterrit sur la terre trempée, au milieu des roseaux couchés et des petits esprits phosphorescents attirés par la gigantesque curiosité du soir. Il se redressa, s’ébroua (mille petites lucioles et autres insectes, plus une grenouille, s’échappèrent de son opulente chevelure) et commença à sautiller sur les alentours dont les reliefs avaient été malmenés par la pluie et la métamorphose de Flot. Des buissons sauteurs frémirent et détalèrent à son approche, mais son attention semblait de toute évidence se porter sur les troncs des arbres alentours. Le Tigre  blanc, juché sur un rocher et occupé à se lécher le pelage avec soin, le lorgna du coin de l’oeil avant de retourner à son minutieux entretien : il semblait encore un peu secoué, mais encore peu pressé de détaler vers la Jungle.

Héméros continua à fourrager dans les alentours, brassant les épais bouquets de fougères et de roseaux luisants pour trouver ce qu’il cherchait : des champignons ! Les petits sylvains qui le suivaient semblèrent comprendre son manège, car ils s’activèrent avec entrain à circuler autours de leurs précieux arbres. Tout cela devait leur sembler bien amusant : cela les changerait de cette triste pluie qui bleuissait leurs bois !

Soudain, un petit sylvain sautilla sur place, aussitôt imité par sa myriade de frères fantomatiques : Héméros leva la tête vers eux, et poussa un exclamation joyeuse. Oui ! c’était bien cela qu’il cherchait ! Il s’approcha en plusieurs bonds légers d’un vieil aulne, sur le tronc duquel avait poussé ce qui ressemblait fort à des bolets, mais dont la discrète couleur chair étaient veinée de bleu vif et dont la taille avoisinait celle d’un beau melon.

« Flot, regarde ! » s’écria-t-il avec joie, brandissant un champignon à deux mains. Le champignon, aussitôt coupé, avait viré au bleu vif, et ses veinures pétillaient d’or. Drôle de champignon, certes ! mais Héméros tenait cette information d’une Chenille Bleue très savante : un petit croquinou de ce bolet fantasque pouvait augmenter ou diminuer la taille d’un être, selon le coin que l’on grignotait !

...Restait à savoir lequel offrir à Flot : il ne savait plus lequel était celui qui rapetisserait sa vaste amie !
Revenir en haut Aller en bas
L'Ombre
L'Ombre



✘ AVENTURES : 2537

Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  EmptyLun 4 Juil 2022 - 13:32

The End


Nul ne sait comment cette aventure s'achève,
On l'aura oublié, dès que le jour se lève.


FIN DE L'AVENTURE




Revenir en haut Aller en bas
https://neverneverland.forumactif.org
Contenu sponsorisé




Flâneries  Empty
MessageSujet: Re: Flâneries    Flâneries  Empty

Revenir en haut Aller en bas
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Never Never Land ★ :: La Vallée des Fées :: Le Bois Joli-