Il est tard. La pénombre annonciatrice de la nuit s'est étendue sur l'Île de Jamais. Bientôt, l'on pourra voir les étoiles briller dans le ciel; voire même les voir bouger, avec un peu de chance et beaucoup d'observation.
À l'extrémité du Camp, assez loin des Cabanes pour ne déranger personne mais pas assez pour sortir du champ protecteur de leur foyer, des Perdus se sont rassemblés autour de plusieurs petits feux de camp et de gâteries. Sodas et biscuits apéritif côtoyaient chocolat chaud et sucreries. Des peaux de bêtes et des couvertures - ou de grands morceaux de tissu faisant office de couverture - étaient mis à disposition en des piles étalées un peu partout.

Tout ce petit monde avait clairement choisi de dépasser l'heure du couvre-feu.

Vêtus de leur pyjama ou de leurs habits de tous les jours, emballés dans une couverture ou bras nus pour profiter de la fraîcheur de la soirée, les enfants grouillent, se déplacent de groupuscule en groupuscule, discutent, chantonnent, jouent d'un instrument avec plus ou moins de maîtrise. Les rires résonnent tout autant que les sanglots, les éclats de voix symbolisent à la fois la joie comme la colère.
C'est un véritable bazar, mais au moins, ils sont ensemble.

Ils sont un petit groupe à avoir eu l'idée d'une telle réunion au détour d'une conversation. Convaincus par leur idée, ils se sont arrangés pour la propager de bouche à oreille dans tous les groupes.
Les Mères les plus permissives n'y ont rien trouvé à redire. D'autres se sont montrées indulgentes et ont exceptionnellement laissé leurs enfants participer à cette petite fête. Quant aux plus dures, elles ne sont peut-être pas (encore) rendu compte que certains de leurs protégés manquaient à l'appel.
Certaines sont même présentes dans l'assemblée, par devoir de surveiller leur marmaille ou pas simple envie de se changer les idées. Peut-être même que des Chefs ont entendu parler de cette petite sauterie et qu'ils se sont fondus dans la masse.

Dans tous les cas, Kitty semble ravie de voir qu'une partie de la communauté avait adhéré à son idée et accepté de veiller tard ce soir.
Dans de tels moments de mou, où il semblait que le moral des troupes n'était pas au beau fixe tant à cause des pertes engendrées par le Givre que par la morosité de cette trop longue période, elle avait décidé de multiplier les occasions de faire la fête pour rehausser le moral de leur communauté.
Il lui semblait que l'Île entière était enfermée dans une sorte de flottement étrange depuis le retour du Printemps, comme si quelque chose manquait sans qu'elle ne sache dire quoi. Un peu comme s'ils continuaient tous à mourir à petit feu. Et même si elle essayait de ne pas y penser, dans le fond, ça lui faisait peur.

— J'ai pas revu autant de monde depuis la Boum. Ça me rappelle même un peu la soirée pyjama qu'on avait organisée une fois, t'étais là, toi ?

Demande-t-elle à son voisin de droite, coinçant sa veste chat sous ses fesses pour ne pas sentir la fraîcheur du sol.
Son voisin... ou sa voisine. Elle ne sait pas trop, elle s'est installée près de cette personne sans vraiment prendre le temps de savoir de qui il s'agissait.