« Ce n’est même pas ma pire aventure », lance Rain, et pour une raison qui lui échappe, Bambi se fend d’un petit rire trop aigu. Sans doute la nervosité, le stress, mais à cet instant, la remarque lui paraît être le truc le plus drôle du monde. Rire l’empêche en tout cas de fondre en larmes, ce qu’elle aurait fait à une autre époque en voyant l’état de sa lampe torche.
Elle peut se féliciter pour ça.

« Je pense pas qu’elle soit fichue, uniquement hors service pour le moment. Je pourrais probablement la réparer, comme c'est à cause de moi qu'elle est cassée. »

Occupée à plisser les yeux pour regarder autour d’eux, toujours à la recherche de la source d’angoisse qui plane au dessus de sa tête, Bambi se tourne vers Rain avec de grands yeux surpris.

« Vraiment ? » Et puis, se reprenant :« Tu saurais faire ça ? »

Elle pensait devoir attendre de rentrer, confier sa lampe aux artisans éparpillés dans le camp, sans doute sans résultats au vu de leur manque de matériel ; tout est resté au Grand Arbre. Elle tend l’objet à Rain, décidant de lui faire confiance. Et avant même que la lampe change de mains, elle sent quelque chose, derrière elle.

« Vous avez vu ? »

De nouveau, elle se retourne trop vite, manquant de fouetter ses deux compagnes avec ses cheveux.

« Où ? »

D’abord, elle ne voit rien. Et puis la lumière réapparait. Un point, dans le fond de la cale. Localisé, brillant faiblement, et surtout, n’éclairant rien autour de lui. Bambi en est pétrifiée. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais n’ose plus parler. Elle approche sa deuxième main maintenant libre pour attraper le hachoir à deux mains, sent ses paumes transpirer.

Je crois qu’il y a quelqu’un, veut-elle dire. Aucun mot ne traverse ses lèvres. C’est peut-être pour le mieux. Mais ce n’est pas volontaire. Paralysie totale causée par la terreur. Elle en est sûre maintenant, il y a quelqu’un. Une silhouette à taille humaine, là, sous la lumière. Elle est sûre. Elle est sûre.

« Maha...Qu’est-ce que tu ... »

Sa voix n’est qu’un souffle, alors qu’elle se rend compte que la jeune fille à tresses, silencieuse depuis un moment, s’est mise à marcher en direction de la lumière.

A l’instant où Bambi lui répond, visiblement surprise que Rain sache faire autre chose que de causer des problèmes, la pirate réalise qu’elle a peut-être parlé trop vite. Elle doit pouvoir réparer la lampe torche, juste pas ici ni maintenant. Il faudra qu’elle la ramène au Ranch pour la démonter. Il se peut néanmoins que Bambi soit partie sur le même raisonnement, et que l’offrande tendue entre elles tienne lieu de promesse futur de rendre l’objet.

Dans le doute, Rain attrape la lampe d’une poigne qu’elle espère ferme.

« J’en avais une aussi, avant, » qu’elle ajoute, sur le point de se lancer dans une longue explication sur comment démonter le tout pour examiner chaque pièce, et le verre de rechange qu’elle devrait pouvoir trouver au Ranch, si elle demande à la bonne personne. Ce qui lui échappe à la place, une main tenant la lampe torche, l’autre toujours pointée vers la source de lumière incongrue dans le fond, c’est une sorte de son étranglé.

Elle sent les poils sur son bras droit se dresser d’un coup, et bientôt sa première main rejoint l’autre autour de la lampe torche qui fera, à défaut d’être réparée, une arme mieux que rien.

Le point lumineux a quelque chose d’attirant, malgré la peur qui s’est répandue dans son estomac. Dive et ses ‘tu vas vite jeter un œil, aucun danger !’ il va l’entendre, ce fourbe personnage. Elle a du mal à détourner le regard, même lorsqu’elle entend la voix de Bambi à ses côtés.

Peut-être que Mahalia a raison, que c’est la lumière—qu’elle est belle, pense Rain pendant que son cerveau joue un remix d’une alarme antisismique dans un coin, totalement ignoré—qu’elles devraient aller vers elle. Son corps effectue un pas en avant, puis un second, et il a une telle dichotomie entre la lampe torche qu’elle tient fermement, prête à une attaque, et sa façon de continuer à avancer quand même.

« C’est si beau—on pourrait être en sécurité, là-bas. »

Mahalia est déjà en train de s’avancer, et elle ne distingue plus que son dos, se disant qu’il faudrait la retenir. C’est juste qu’elle n’y arrive pas, que rien de mal ne peut leur arriver d’un coup, que la lumière est leur ode à la liberté dans ce lieu étouffant.

Il y a quelqu’un.
Elle en est sûre.
Une silhouette d’homme, debout, sous la lumière. Presque immobile. Non, agité d’un mouvement, léger, de balancier, comme s’il ne tenait pas sur ses pieds. Comme une marionnette accrochée à des fils invisibles.
Et il y a la lumière.
Et derrière ça, il y a quelque chose. Quelque chose de grand. Quelque chose d’invisible.

Bambi veut faire un geste, pour rattraper Mahalia, et sa main rencontre du vide lorsqu’elle la tend en avant, ferme son poing inutilement. La pirate est hors de portée, et elle, clouée au sol par une force invisible. C’est la peur, se rend-elle compte, qui la sauve en cet instant.

Mahalia, elle essaie de souffler de nouveau. Sa bouche s’ouvre et aucun son ne sort. Il lui semble que l’air autour d’elles est encore plus lourd, comme une chape d’eau glacée au fond d’un lac.

« C’est si beau—on pourrait être en sécurité, là-bas. »

Elle n’arrive pas à se tourner vers la voix qui lui parle. Mais elle sent un mouvement à sa périphérie. Il faut qu’elle rattrape Mahalia, se dit-elle, mais maintenant une panique nouvelle se pointe : est-ce qu’elle doit rattraper Rain aussi ?
Si à son tour, elle s’approche de la lumière, qui la rattrapera ?

« Rain », murmure-t-elle. « Rain, non. »

Rain avance de nouveau. Si elle continue, elle aussi sera hors de portée. Et elle sera toute seule.

« Rain, non ! »

Elle arrive enfin à se décoller du sol, faire un pas vers elle, et l’aggriper de toutes ses forces. Et avec toute l’energie dont elle est capable avec ses longs bras maigres, la tire en arrière. Au moment où elle hurle, l’autre fille est arrivée au niveau de la silhouette. Et comme ces plantes qui se rétractent au contact, celle-ci se plie en deux, disparaît, comme une illusion d’optique.
Et quelque chose. Quelque chose avec des dents. Quelque chose d’immense, là bas, caché dans l’obscurité, happe Mahalia, qui disparaît dans l’obscurité.

Tout se floute en quelques secondes ; la lumière providentielle qui disparaît d’un coup, et les bras qui s’agrippent à son corps. Rain a l’impression d’être entrée en collision avec un objet lourd qui l’aurait frappé en pleine poitrine. Elle prend une inspiration qui ressort hachée, coupée en deux à l’instant même où Mahalia n’est plus avec elles, où Rain se rend compte qu’elle a manqué d’être la suivante.

Elle ravale sa rage, pieds fermement ancrés dans le sol qui ne demande qu’à lui foutre l’autre genou en l’air.

« Merci, » c’est un murmure, et elle ne se sent pas capable de mieux. Un éclat d’une dentition gigantesque a fait son apparition, quelques secondes avant que Mahalia—il faut toujours que quelqu’un meurt, hein ? Dès qu’elle se porte volontaire pour n’importe quelle putain de mission, il y a une victime quelconque.

Rain pense aux poissons, ceux qui attirent leur proie à l’aide d’une lampe—sans trop se souvenir où elle a bien pu lire ça. Elle se tourne vers Bambi, tentant de masquer la peur qui l’a traversée, de se concentrer pour dire quoi que ce soit d’utile.

« On doit sortir, » il y a un craquement, dans le fond, un son absolument horrible, comme si des dizaines d’os s’étaient brisés d’un seul coup, qu’on était en train de réarranger un organisme tout entier, et Rain sait parfaitement qu’il n’y a rien à faire. Dans la cabane des Soigneurs, c’était monnaie courante, les cas désespérés qu’on ramenait juste pour se donner bonne conscience. Une main trouve son chemin sur l’épaule de Bambi, en une pression sèche. Elle a envie d'exploser en une pluie de sanglots, se faisant violence pour se contenir.

« Je ne sais pas ce que tu venais chercher, mais ça n’a plus la moindre importance. On ne peut pas rester—» Elle jette un œil par-dessus son épaule, terrifiée que la créature ne veuille rajouter un dessert. Si c’est entre elle et Bambi, mieux vaut que Bambi soit celle qui s’en sorte.

La pensée lui fout un coup de plus ; c’est bien la première fois que Rain souhaite sauver quelqu’un sans arrière pensée. « Tu passes devant et je referme la marche. » L’Impardonnable est l’adulte, c’est son rôle de prendre la responsabilité de ce désastre. D'où ça vient, cette manie de vouloir bien faire ? Comme si ça pouvait ramener les cadavres à la vie.

Dire qu'avant, la mort, ça la faisait rire.

Elle fixe l’espace où Mahalia se trouvait une seconde plus tôt. Cinq secondes plus tôt.  Autour est juste un trou noir, un océan d’obscurité. Elle le fixe aussi longtemps qu’elle peut. Jusqu’à ce qu’elle aie l’impression de tomber en avant. Elle entend un remerciement à son oreille, qui semble lui parvenir à travers des litres d’eau. Elle se rend compte qu’elle pleure.

« On doit sortir. »

Elle veut répondre mais tout ce qui sort est un espèce de gémissement pathétique. Un couinement aigu qui se change en un sanglot de terreur pas assez fort pour couvrir les bruits qui s’échappent de la mer d’encre noire dans laquelle a disparu Mahalia. Des craquements horribles, accompagnés d’aucun cri, d’aucune supplication. Rain continue de la presser, de lui dire qu’il faut y aller, abandonner ce qu’elles sont venues chercher – Bambi ne sait même plus ce que c’est.

« Tu passes devant et je referme la marche. »

La mère se sent hocher la tête à l’affirmative, même si elle ne voit plus rien. Les larmes lui obscurcissent la vue. La peur lui vide la tête. Est-ce qu’elle sera seulement capable de marcher vers la sortie ? Est-ce que la sortie existe encore ? Le craquement n’a pas arrêté et elle a l’impression de n’entendre que ça. Deux-cent six os dans le corps humain. Elle n’arrive pas à lâcher Rain. Main sur son épaule, et elle, lui aggripant le poignet. Si elles se lâchent, elles sont seules.

Bambi ne se rend pas compte qu’elles reculent, jusqu’à ce qu’elles passent de nouveau par l’ouverture qu’elle a fait plus tôt dans la calle, que la lumière les inonde de nouveau par derrière. Peut-être que Rain l’a poussée tout du long, ou que ses jambes ont marché sans se soucier de sa tête. Devant, il n’y a rien que du vide. Et du silence. C’est pire que le craquement.
Elles ne s’arrêtent de fuir que quand l’épave est loin. Bambi a le bas du visage recouvert de larmes et de morve. Elle a lâché le hachoir. Elle ne se rappelle pas quand. Elle n’arrive pas à se tourner vers Rain pour lui dire quelque chose, un merci, ou quelque chose d’autre.

De là où elle est, elle sent que là bas, à l’intérieur la petite lumière s’est rallumée en attendant le visiteur suivant.

S’extraire de l’épave prend une éternité, chaque pas plus lourd que le précédent. Une fois dehors, elle a l’impression de respirer enfin, d’avoir évité le pire. Quoique qu’elles ne sont plus que deux, au lieu du trio de départ, et le son des os leur a tenue compagnie un bon moment. Crunch crunch. Il n’en reste rien, le point lumineux depuis longtemps disparu dans le recoin qui lui sert de repère. Elles avancent encore, aucune des deux ne faisant mine de flancher, et c’est un soulagement. Rain ne sait pas quoi dire ni ressentir ; l’impression d’avoir tout fait merder pour la dixième fois, ce vide grandissant aussi.

Peut-être que la main de Bambi a laissé une marque autour de son poignet, elle n’a pas la force de vérifier. La lampe torche est toujours dans sa main et elle se penche pour la poser au sol, tout en entraînant doucement Bambi dans le mouvement. Une fois l’adolescente posée sur une pierre imposante, Rain s’assied en tailleur devant elle—la détresse sur le visage de la cadette est évidente et rien ne lui vient.

Il n’y a pas de réconfort quand quelqu’un meurt.

En fouillant dans ses poches, elle trouve un mouchoir en tissu en un carré parfait, un qui doit appartenir à Jack ou Zyrrha. Rain a du mal à le déplier, à le poser sur les genoux de Bambi en une tentative vaine de soulager sa peine. Il doit y avoir un truc à dire, une quelconque parole rassurante. Peut-être un remerciement de plus.

Tout ce qui s’échappe de ses lèvres, lorsqu’elle parvient enfin à ouvrir la bouche, c’est un sanglot étouffé. Bordel. Elle retire ses gants, pressant ses paumes contre ses paupières comme pour s’empêcher d’imploser aussi.

Il n’y aura ni corps, ni funérailles, rien d’autre qu’un souvenir qu’elles finiront bien par oublier—L’Impardonnable s’affaisse en avant, coudes contre ses genoux, sentant les larmes glisser sur ses joues. Même jouer à l’adulte, elle n’y arrive pas plus de quelques minutes.

Elle a le regard tellement trouble que Rain doit l’aider à s’assoir sur une pierre. Quand Bambi pleure, on dirait que ça ne va jamais s’arrêter. Les larmes qui se sont mises à couler au fond de l’épave continuent de se déverser même maintenant qu’elles sont loin. Ça étonne, ça impressionne même, comme si elle avait plus d’eau dans le corps que n’importe qui d’autre, et c’est de là que vient son surnom si poétique ; elle l’aurait presque oublié, jusqu’à aujourd’hui, son corps secoué par des sanglots presque complètement silencieux.
Elle sent un bout de tissu toucher sa main, veut balbutier un merci, mais naturellement, rien de cohérent n’accepte de sortir de ses lèvres. Rain pleure aussi. Ça la touche. Elle se sent moins seule.

Elles pleurent toutes les deux pendant un moment. Elle serait incapable de dire combien de temps. Quand elle s'arrête, elle n'a pas moins peur et n'est pas moins triste, elle est simplement trop épuisée pour continuer.

« Je suis désolée. »

Elle s’entend à peine. Pépiement d’oiseau brisé par les pleurs. Elle sait même pas pourquoi elle s’excuse.
Elle se dit que Rain devait connaître Mahalia. Peut-être pas très bien. Mais la connaître quand même. Qu’elle allait devoir expliquer à des gens, ce qui vient de se passer. Mon dieu se dit Bambi. A qui elle va bien pouvoir expliquer ça, elle ? Comment est-ce qu’elle pourrait ? Qui l’écoutera ? C’est ça, plus que la mort de Mahalia, qui enclenche un redémarage de ses larmes. Bambi a toujours été un peu égoiste.

Elle s’est laissée tomber à côté de Rain sur le sol, non sans une certaine grace. Après une hésitation, lui touche l’épaule, doucement.

« Merci de … d’avoir ... »

Elle s’interrompt. Elle espère que Rain comprendra sans qu’elle aie besoin de finir sa phrase, parce qu’elle en est incapable. Merci de l’avoir aidé à sortir de là. D’avoir voulu la protéger. Peut-être que Rain pensait seulement lui rendre la pareille, après qu’elle l’aie empêché d’aller se perdre dans les dents du poisson lanterne. Ça ne change rien.

« Est-ce que quelqu’un t’attend ? »

La question aussi est bizarre, l’esprit de Bambi rendu confus par sa crise.
Est-ce que quelqu’un sait que tu es ici ?
Est-ce que quelqu’un va venir te chercher ?
Comme des gamines abandonnées à la sortie de l’école.

Le Givre pourrait se terminer à la prochaine lune, et Mahalia serait toujours prisonnière d’un piège qui existait peut-être avant son arrivée. Rain ne devrait pas pleurer, ça va ruiner sa peau, tracer des sillons horribles contre ses joues. Que peut-elle faire d’autre, noyée sous une vague si négative qu’elle a broyé toutes ses pensées d’un coup, tels les os de la malheureuse.

Au contact, à la main contre son épaule, elle a une sorte de soubresaut involontaire. Qu’importe, cela passera pour un sanglot, probablement. Il lui faut un moment pour répondre, pour laisser ses mains glisser loin se son visage et essuyer sa peau du revers de ses gants. Elle note le sang sur l’un d’entre eux, souvenir qui s’est déposé lorsqu’elle s’occupait de son genou ; il n’y a pas de douleur physique insupportable pour l’instant, uniquement ce vide bien trop familier.

« Tu es en vie et moi aussi, » Rain a l’impression de réciter une leçon avec laquelle elle n’est pas à l’aise, « merci encore. »

Est-ce qu’il y a une quelconque raison pour justifier que l’enfant se soit trouvée épargnée par l’attirante lumière ? Détail inutile, ça ne va ramener personne. Un monstre qui épargne les enfants et qui dévore les pirates, ça reste un monstre.

Pourquoi demander si quelqu’un l’attend ? Rain répond presque de suite, un ‘oui’ évident au bord des lèvres. Et pourtant, non. Earl était occupé lorsqu’elle est partie, elle ne lui a rien dit, comme une imbécile, et Dive doit se terrer dans sa maison au Port. La solitude s’écrase sur son visage, un sanglot ravalé avec force jusqu’à la faire tousser. Elle secoue la tête.

« Non. Et toi ? » Si Bambi est avec le reste dans le Canyon, elle est plus prêt de sa destination que l’Impardonnable. Rain hésite, et ça se lit sur son visage.

Qu’est-ce qu’une meilleure personne ferait ? Il y a toujours un risque, dans le fait de rallonger sa route, après tout. Surtout avec son genou. Un problème de plus dans une liste qui n’a pas de fin. « Tu pourras rentrer seule ? »

Moi non, elle n’ajoute pas. Rain a trop entraîné d’autres dans ses chutes, à quémander qu’ils sacrifient tout alors qu’elle rien.

« Non. Et toi ? »

Elle hoche la tête pour dire non. Elle a dit à personne où elle allait. Elle aurait pu le dire à Lacerate. C’est à peu près tout. Elle l’a pas fait. Tant pis.

« Tu pourras rentrer seule ? »

Toujours non, de la tête. Et pourtant elle ouvre la bouche pour dire :

« Il faudra bien. »

Et un rire nerveux s’échappe de ses lèvres, qui ressemble à un sanglot, encore un autre, mais plus sec. Elle ne se relève pas, pas encore, toujours assise à côté de Rain, à se demander ce que sa question voulait dire. Elles se connaissent à peine, sont dans des camps ennemis, même si elles pourraient l’oublier, aujourd’hui.

« Enfin, sauf si tu …. sauf si tu veux m’accompagner, ou bien …. on peut faire ensemble la moitié du chemin ... »

Elle imagine Rain la raccompagner au Canyon. Par politesse alors, Bambi proposerait de la raccompagner au Ranch. Et une fois là bas, Rain ne pourrait juste pas la laisser repartir seule, elle la réaccompagnerait au Canyon. Ainsi de suite. Malgré la situation, le désespoir qui s’accroche à chacune d’entre comme d’épaisses nappes d’eau glacée, Bambi se retrouve avec une curieuse envie de rire.

Earl a Jim, au pire. Si elle ne revient pas, son second apprenti pourra prendre le relais. C’est bien là tout le concept d’en avoir plusieurs, au cas où. Rain glisse ses mains jusqu’à sa blessure, retirant le bandage pour inspecter le tout. Un peu moche, sans pour autant être une fracture ou quoi que ce soit de dangereux. En fouillant dans ses poches, elle trouve une petite bouteille d’alcool dont elle se sert pour désinfecter les plaies—ça pique quand elle en verse sur son genou, liquide qui imbibe ce qui reste de son collant autour du point d'imact.

Bambi émet une hypothèse que Rain juge un brin ridicule ; elles ne vont pas du tout dans la même direction, si ses souvenirs de l’île sont à jour. Elle comprend la perche quand même, la peur d’être seule après avoir vu quelque chose d’aussi horrible. Maladroitement, Rain essaie de déplacer ses propres sentiments pour les superposer à l’image de Bambi à ses côtés. Une tentative de ce qu’elle pense être de l’empathie—pas vraiment son domaine de prédilection.

Refaire le bandage autour de son genou n’est pas bien compliqué, elle le serre juste assez pour ne pas qu’il tombe après quelques pas, sans pour autant l’empêcher de se déplacer. Au pire, elle prendra appui sur l’autre jambe.

« Le Canyon n’est pas gelé, » déduction logique, « les alentours du Ranch si. » Entraîner la gamine dans sa suite serait un meurtre-suicide dénué de sens. L’inverse—et c’est plus simple de se dire que c’est une décision bourrée d’égoïsme, que Rain craint d’être seule avec ses pensées pour l’instant.

Ah, comme si ce n’était pas un problème permanent.

« Je vais marcher avec toi, pas jusqu’au bout. »

Elle se redresse, faisant un test de son poids sur le genou blessé. Hm, du moment qu’elle pose sa semelle par terre sans trop s’appuyer, ça devrait passer. Elle voudrait dire quelque chose sur Mahalia, sauf que rien ne lui vient, uniquement une sensation étouffante au fond de sa gorge, une terreur grandissante à l’idée de remettre les pieds dans l’épave.

Ses doigts ont repris la lampe torche, qu’elle glisse contre sa taille pour la maintenir en place. « Je ne pourrais pas te la rendre tout de suite. » Elle balaye ce qui reste de larmes du revers d'une main, pour se donner un faux air de courage.

Rain met le point sur l’évidence, immédiatement.

« Le Canyon n’est pas gelé, les alentours du Ranch si. »

Elle le sait, elle le sait bien sûr. Elle sait qu’elle dit une connerie. Mais elle n’allait pas suggérer à Rain de la ramener et de crever seule sur son chemin après. Ça semblerait injuste, après tout ça.

« Je vais marcher avec toi, pas jusqu’au bout. »

Bambi hoche la tête doucement, murmure un merci qu’elle-même a du mal à entendre. Rain fait un geste en direction de sa lampe torche, qu’elle accroche d’autorité à sa ceinture, suivant sa promesse de la réparer.

« Je ne pourrais pas te la rendre tout de suite. »

Bambi se redresse, et finalement, se relève. Elle epoussette la neige fraiche qui recouvre son pantalon, et puis elle tend une main à Rain, pour l’aider à se relever à son tour. Ses longues jambes lui semblent remplies de coton, même maintenant, et tout son corps semble allourdi par une immense fatigue.

« C’est pas grave. Pas important du tout. » Et pourtant, c’est un objet précieux, rare. Elle n’a juste pas l’énergie de penser à ces choses là. « Peut-être qu’un jour tu pourras me la rendre. Et si on ne se revoit pas, elle est à toi. »

Elle hésite.

« Et … si tu veux rester au Canyon. Cette nuit, je veux dire. Je suis sûre que c’est possible, avec le bazar ambiant… Personne ne fera la différence. »

Est-ce que c’est vrai ? Elle n’en est pas sûre. Mais c’est sa dernière main tendue, envers cette personne qui s’est révélée plus altruiste que ce que Bambi aurait pensé en premier lieu, quand elle lui avait laissé faire tout le boulot.

« Mais c’est un risque, alors… T’es pas obligée. », ajoute-t-elle à mi-voix, les yeux rivés sur le sol.

La main qui l’aide à se relever est bien différente de celle qui maniait un hachoir il y a peu. Rain ne s’attarde pas que l’arme visiblement égarée dans leur fuite—bien que ça soit un problème supplémentaire, d’effectuer le chemin jusqu’au Canyon sans arme. L’Impardonnable survit plutôt bien sans être armée, même si c’est parce qu’il plus aisé de se cacher quelque part si on est seul.e.

« Peut-être qu’un jour tu pourras me la rendre. Et si on ne se revoit pas, elle est à toi. »

Rain se rappelle de nuits entières passées à lire à la lueur de sa vieille torche, même si les détails se sont floutés—et c’est certainement à cause de ça qu’elle porte des lunettes. Elle n’a pas le temps de répondre plus qu'un simple okay, prête à se mettre en route, que Bambi sort quelques phrases en bonus.

« Et … si tu veux rester au Canyon. Cette nuit, je veux dire. Je suis sûre que c’est possible, avec le bazar ambiant… Personne ne fera la différence. Mais c’est un risque, alors… T’es pas obligée. »

En toute franchise, Rain n’a pas envie de croiser Oural en traînant trop au camp. Leur dernière conversation n’a pas spécialement été agréable—d’un autre côté, elle s’imagine mal effectuer toute la route inverse en étant épuisée. Ce n’est pas un compromis si terrible. Elle presse ses mains gantées l’une contre l’autre, les tordant légèrement.

« On verra, » qu’elle acquiesce finalement, tout en sachant pertinemment qu’elle vient de dire oui, « Au Ranch aussi, on respecte une sorte de trêve avec tout le monde. » L’Impardonnable se garde bien de mentionner la présence de perdus dans leurs rangs, ça risquerait de porter préjudice à tout le monde. Surtout à elle, si elle se retrouvait à se faire secouer comme un prunier par Shark et Samuel.
« Je suis juste médecin de toute manière, enfin apprentie—»

Pourquoi sortir ce détail ? Si elle avait été plus habile à son job, ou ne serait-ce que débrouillarde, Mahalia ne serait pas devenu un puzzle humain de plus de mille pièces.

« Est-ce qu’on peut parler pendant la route ? Je ne me sens pas d’affronter le silence, je t’avoue. Qu’importe le sujet, ça m’ira. »

« On verra», lui répond Rain, aussi vague que diplomatique. « Au Ranch aussi, on respecte une sorte de trêve avec tout le monde. »

Bambi hoche la tête et se demande ce que ça peut bien vouloir dire. Elle imagine mal des perdus crécher la nuit au milieu des pirates, aussi doux qu’ils soient. Peut-être qu’elle a tort.

« Je suis juste médecin de toute manière, enfin apprentie—» Une pause. « Est-ce qu’on peut parler pendant la route ? Je ne me sens pas d’affronter le silence, je t’avoue. Qu’importe le sujet, ça m’ira. »
« D’accord », répond Bambi, parce qu’elle est d’accord.

Elle se serait accomodée d’un trajet en silence. Marcher en silence leur permettrait d’être aux agguets, pour éviter un danger face auquel elles ne pourraient pas se défendre sans armes. Mais elle sait que l’une comme l’autre auraient trop réfléchi. A ce qui vient de se passer, et ce qui les attend aussi.
Bambi laisse trainer une pause, un moment, alors qu’elles prennent la route. Et puis elle se rend compte qu’elle n’a pas répondu, quand Rain a présenté son rôle. Alors elle déclare :

« Je suis apprentie aussi, au Grand Arbre. Mère apprentie. Des chasseurs. »

Rain n’a pas d’ombre. Bambi l’a remarqué. Et de toutes façons, elle n’a pas l’allure d’un de ces pirates d’un ancien temps, ceux arrivés avant même que l’Île existe telle qu’elle existe maintenant et depuis toujours. Alors elle ne s’embarrasse pas d’explications sur le fonctionnement du Grand Arbre, sa bizarre hierarchie, ses rôles.

« Quand je suis arrivée dans ce groupe, le chef a voulu me tuer. Il a demandé à la mère du groupe, la vraie, s’il avait le droit, et elle a dit non. Sinon il l’aurait fait. Et beaucoup de chasseurs auraient trouvé ça bien. »

Peut-être que c’est trop, comme entrée en matière. Mais Bambi ne pleure pas. Peut-être par contraste à ce qu’ils viennent de vivre, ça ne lui semble pas si terrible. Et puis elle réalise qu’elle n’en a jamais parlé à personne, en fait. Qu’elle n’a personne à en parler. Il y a bien Max, mais une personne qui n’a jamais connu ce moment de sa vie, c’est mieux.

« J’avais peur de tout. Du sang et des armes. Je crois qu’ils m’avaient mis là exprès. »

Elle offre à Rain un espèce de sourire, comme pour l’inviter à lui parler, elle aussi, de sa vie au Grand Arbre,  ou peut-être juste pour essayer de voir chez elle une lueur de reconnaissance, un signe qu’elle comprend ce qu’elle a pu vivre. Elle ajoute :

« J’ai changé, beaucoup, depuis. Le reste de l’Arbre, aussi, qu’ils le veuillent ou non. »

Quitte à avoir proposer une conversation, Rain aurait pu trouver un sujet approprié après leur traumatisme. Elle doute que ça existe, pour être honnête. Il est probable que quoi qu’elles disent, ça tourne plutôt mal, que leurs émotions se mêlent en un amas aussi bordélique que les organes de Mahalia dans le ventre de la bête.

« Quand je suis arrivée dans ce groupe, le chef a voulu me tuer. Il a demandé à la mère du groupe, la vraie, s’il avait le droit, et elle a dit non. Sinon il l’aurait fait. Et beaucoup de chasseurs auraient trouvé ça bien. »

Son cerveau peine encore sur la phrase précédente, Bambi expliquant qu’elle est aussi apprentie, quoique pas de la même manière, lorsque la gamine lui balance qu’on a manqué de la tuer juste parce qu’elle existait. Et Rain ne peut rien dire, pas au début, laissant les phrases s’accumuler de l’autre côté d’une balance invisible.

« J’avais peur de tout. Du sang et des armes. Je crois qu’ils m’avaient mis là exprès. »

Le sourire lui tourne quelque chose dans l’estomac, un sentiment incompréhensible qui s’ajoute au reste dans un coin de son esprit. L’aînée lève ses mains, tordant ses poignets pour les secouer un peu—histoire de se concentrer sur ce qui est dit, ce qu’elle compte ajouter.

« J’ai changé, beaucoup, depuis. Le reste de l’Arbre, aussi, qu’ils le veuillent ou non. »

Tant mieux. Sa tête se hoche, machinalement.

« Je ne supportais pas de me salir non plus, quand j’étais soigneuse, » et ça la surprend un peu, de ne pas mentir, de ne pas simplement insérer la vie d’un de ses ex morts à la place de la sienne, « je me plaignais en permanence et les autres me détestaient. C’était réciproque, évidemment. »

Si la tragédie ne les entourait pas en un manteau trop lourd, Rain utiliserait la pause qu’elle marque dans son discours pour se taire, voir partir dans une autre direction. Elle doit se faire violence pour regarder droit devant elle et avancer.

« J’ai été bannie pour meurtres, au pluriel. » Pour une tentative en réalité, quoique ça ne lui semble pas juste, de le dire ainsi, « Mon nom était Bright—je ne savais pas que j’étais une fille, à l’époque, et je ne comprenais pas grand-chose à l’amour, donc j’ai aimé les mauvaises personnes. Puis, au fur et à mesure, je suis devenue le monstre à mon tour, je crois. »

L’avantage d’avoir tant pleuré peu avant, c’est qu’il ne reste pas assez de larmes pour se laisser aller une seconde fois. A la place, elle trace l’écharpe contre sa gorge d’une main, suivant le chemin de la cicatrice. Impulsivement, Rain tire un peu plus sur le tissu, jusqu’à dévoiler la marque. « Green est parvenue à me trancher la gorge, quand j’ai voulu causer sa mort.

Je ne tuais pas directement—je causais des situations fatidiques pour mes victimes. C’est la même chose dans le fond. »

Elle ajuste l’écharpe, cachant rapidement le symbole de ses erreurs. Son regard glisse sur Bambi, pour évaluer son dégoût, se demandant si elle va la planter là. « Maintenant ma vie se résume à réparer ce qui n’est pas pardonnable, d’où mon étude de la médecine, ce besoin de réussir quelque chose qui ne soit pas destructeur. »

Imitant Bambi, elle force un sourire sur ses lèvres, quoique la réussite est médiocre, c’est plus une grimace.

« Mon avis n’a guère de valeur, néanmoins, tu es pleine de courage et de force.
Probablement tout autant que n’importe quel gamin de l’arbre. Certainement plus que la majorité. Tu m’as sauvé la vie, Bambi. » Une vie qui ne vaut pas grand-chose reste une vie.

« Ni l’une ni l’autre n’étions très aimées dans nos groupes, et pourtant nous sommes encore là. J’ignore si ça vaut quoi que ce soit—je suis contente que tu sois en vie, que tu te sois battue, sinon je serais morte aujourd'hui—est-ce que je parle trop vite ? Ou bien je dis les mauvaises choses ? Je n’ai guère d’empathie—j’apprends un peu chaque jour, à être meilleure, ou moins pire. J’aurais pu juste te dire ‘je comprends, moi aussi’ au lieu de tergiverser ainsi. »

Un rire lui échappe, un son nerveux et plein de maladresse.

Pourquoi est-ce qu’elle a raconté tout ça ?
Personne ne veut entendre tout ça.
Elle ne pourrait pas le dire au Grand Arbre. Personne ne voudrait l’entendre. Ce serait peut-être même dangereux. Il y a plein de choses comme ça que Bambi ne peut pas dire. Le fait, aussi, que lors de l’expédition, elle a voulu rentrer chez elle, son vrai chez elle, dans le Monde Ordinaire. Là bas, ses lèvres sont scellées. Peut-être pour ça qu’ici, avec quelqu’un d’étranger, elle s’empresse de tout raconter, comme si c’était sa seule chance.

Rain hoche juste la tête.

« Je ne supportais pas de me salir non plus, quand j’étais soigneuse. Je me plaignais en permanence et les autres me détestaient. C’était réciproque, évidemment. J’ai été bannie pour meurtres, au pluriel. »

Le changement de sujet est brutal, inattendu. Bambi, qui s’attendait à une douce approche pour s’identifier à elle, ouvre des grands yeux interdits.

« Mon nom était Bright—je ne savais pas que j’étais une fille, à l’époque, et je ne comprenais pas grand-chose à l’amour, donc j’ai aimé les mauvaises personnes. Puis, au fur et à mesure, je suis devenue le monstre à mon tour, je crois. »

Rain lui dévoile une délicate cicatrice sur son cou, qu’elle cache presque aussitôt.

« Green est parvenue à me trancher la gorge, quand j’ai voulu causer sa mort. Je ne tuais pas directement—je causais des situations fatidiques pour mes victimes. C’est la même chose dans le fond. Maintenant ma vie se résume à réparer ce qui n’est pas pardonnable, d’où mon étude de la médecine, ce besoin de réussir quelque chose qui ne soit pas destructeur. »

Alors qu’elle écoute, sans réagir pour l’instant, le nom réveille un sursaut de reconnaissance. Green, la fille des lucioles. Ça lui rappelle avec brutalité à quel point toutes leurs vies sont liées, à quel point la temporalité erratique de l’Île les rapproche ou les éloigne.
Pas le temps, pas le temps pour ça maintenant.

« Mon avis n’a guère de valeur, néanmoins, tu es pleine de courage et de force.
Probablement tout autant que n’importe quel gamin de l’arbre. Certainement plus que la majorité. Tu m’as sauvé la vie, Bambi. Ni l’une ni l’autre n’étions très aimées dans nos groupes, et pourtant nous sommes encore là. J’ignore si ça vaut quoi que ce soit—je suis contente que tu sois en vie, que tu te sois battue, sinon je serais morte aujourd'hui—est-ce que je parle trop vite ? Ou bien je dis les mauvaises choses ? Je n’ai guère d’empathie—j’apprends un peu chaque jour, à être meilleure, ou moins pire. J’aurais pu juste te dire ‘je comprends, moi aussi’ au lieu de tergiverser ainsi. »

Ça fait beaucoup, d’un coup. Il lui faut plusieurs dizaines de secondes, à Bambi, pour réfléchir. Se demander déjà, si elle devrait avoir peur que Rain lui saute à la gorge pour l’étrangler. Elle n’a pas peur du tout, elle se rend compte. Peut-être parce qu’elle sait qu’il y a eu d’autres opportunités, qu’elles n’ont pas été prises.
Peut-être qu’elle a eu tellement peur plus tôt qu’elle ne sera plus capable d’avoir peur pendant un long moment.
Peut-être qu’elle s’en fout.

Et Rain a l’air sincère. Bien que maladroite.

« Pas la peine de t’en vouloir », dit finalement Bambi. « De m’avoir raconté, je veux dire. »

Le reste, oui, c’est normal. C’est normal de s’en vouloir.

« Je crois que j’ai fini par comprendre que beaucoup de choses ici ne sont pas comme dans l’endroit où j’ai grandi. Beaucoup de gens qui trouvent que la mort, c’est normal. La moitié des gosses de l’Arbre est capable de tuer, et beaucoup l’ont déjà fait. »

Elle se rappelle sa première conversation avec Lacerate. Elle avait été choquée. Elle l’avait haïe, tellement fort. Et puis elle avait compris que ça ne servait à rien. Que les choses ici étaient juste comme ça. Abruptement, elle revient sur autre chose :

« Essayer de changer, dans un endroit qui se bat pour qu’on ne change pas. C’est bien. Je crois que c’est vraiment bien. »

Elle a de la chance. Elle a son nom, son ombre, alors l’Oubli la laisse tranquille. C’est si difficile, de devenir quelqu’un de meilleur, quand on a pas tout ça.

« Le plus dur c’est … c’est décider dans quelle direction tu veux changer ... »

Elle se sent froncer les sourcils, prendre un air plus grave, presque comme si elle ne parlait plus à Rain mais à elle-même, qu’elle réfléchissait à haute voix.