Avez vous déjà vu un quartier de Londres après une série de bombardement ? La tête de Mary ressemblait probablement à cela. Elle était pleine de trous, de ruines et de colère qui s’emmagasinait toujours sans savoir s’arrêter.
Certaines personnes pourraient appeler cela de la folie. Mais outre le caractère abléiste, cela réduirait la complexité du personnage à presque rien.
Il fallait tout d’abord tenir compte de ses restes de souvenirs. En effet, c’est à partir de cela qu’un enfant se construit. Or, ils étaient assez flous. Elle aurait eu bien du mal à vous raconter un événement précis. Paradoxalement, elle se souvenait très bien des personnes qui l’entouraient dans le monde réel.
Il y avait sa mère qu’elle idolâtrait plus que tout, alors qu’il n’y avait rien en cette dame d’aimable. C’était un tyran domestique qui maniait toute la maison d’une main de fer. Personne ne devait protester ou désobéir sous peine de se faire vivement réprimander (même les adultes).
De ce fait, son père était plutôt faible, ne pouvant s’opposer à son bourreau. Il avait rapidement abandonné la guerre.
Cette dichotomie si particulière influença grandement l’enfant. Puisqu’on lui avait présenté d’une part la violence et la domination comme légitime et d’autre part la soumission comme pitoyable, elle avait intégré ces normes sans trop se poser de question. De plus, l’île avait accentué cette pensée, la rendant presque maladive.

En d’autres termes, à à peine treize ans, la partie préférée de son rôle de mère était de punir, de châtier. Elle ne montrait aucune pitié, persuadé que c’était ainsi qu’il fallait faire. Plus elle avançait dans cette voie et plus elle ressentait une certaine satisfaction. Elle devenait comme sa génitrice tout en gardant ses distances avec celle ci : la peur de grandir était trop forte.
Son mode opératoire était souvent le même. D’abord, elle insultait sa victime, lui criait dessus pour qu’il ne puisse pas se rebeller. Quand elle sentait que l’autre en face perdait sa résistance, elle le frappait, de plus en plus fort, selon son humeur. Lorsqu’elle se sentait en insécurité ou au contraire en colère, il lui venait l’envie de voir du sang couler. De nombreux scénarios s’accumulaient dans sa tête mais plus de la moitié était irréalisable.
Alors, elle tirait son rasoir fétiche de sa poche, le dépliait et recommençait son manège. Dans ce genre de moment, il lui arrivait de prendre tout son temps, pour savourer la peur dans ses yeux et le liquide rouge qui finissait par couler. Cela la mettait dans une espèce de transe.

Ce genre de sentiment lui arrivait de temps à autre. Mais il n’y avait pas forcément toujours d’enfants méchants à la main, ou alors elle n’avait la patience d’attendre. Dans ces cas là, elle se créait un défouloir. Elle piégeait les enfants pour qu’il faute, histoire de pouvoir se libérer. Après tout, Mary n’était pas stupide. Elle était même plutôt intelligente quand elle se donnait la peine. Etant plus âgée que ses proies (attaquer les grands aurait été une mauvaise idée), elle réfléchissait mieux. Ses idées de punition étaient très variées car elle y pensait souvent. Cela lui permettait de se calmer un peu, quand elle ne se sentait pas très bien mais que cela était encore supportable.

Néanmoins, soyons clair sur un point. Mary n’était pas incontrôlable ou quoique ce soit. Elle SAVAIT ce qu’elle faisait. Elle était consciente de faire du mal aux autres, c’était ce qu’elle aimait, ce qui l’attirait. Cela lui permettait de se rassurer. Parfois, elle se rendait compte qu’elle allait trop loin. Pas en pensant à sa victime non, mais au regard des autres. « Que va penser Peter si je fais ca ? Que vont penser les plus grands s’il est trop blessé ? ». Pour elle, il était NORMAL de blesser quelqu’un, seulement et seulement si (ssi pour les matheux) elle pouvait se justifier par la suite.
Elle faisait alors marche arrière. De ce fait, techniquement, elle pouvait totalement se contrôler ou taper sur autre chose qu’un enfant. Mais ca ne l’intéressait pas. C’était juste ça.

Evidemment, ses traits de caractère ne se limitent pas à cela, même si cela influençait son jugement et ses actions. Elle pouvait (parfois, et pas avec n’importe qui) être douce.
D’un naturel très tactile, elle aimait toucher les gens quand elle leur parlait. Elle utilisait cela dans ses menaces mais aux rares personnes qu’elle supportait (et qui la supportait elle), elle se montrait parfois très câline ou alors les écouter parler.
Mais cela ne durait jamais très longtemps car elle avait peur de perdre pied.

Ses plus grandes peurs (mais ne les répétaient pas ou elle viendra vous tuer dans votre sommeil) était l’abandon et de grandir. Mais les deux devaient sans doute être liés.

Mary n’aime pas les hommes (à part Peter mais ceci est une autre histoire).
Elle porte en permanence sur elle un rasoir pliable. Elle s’en sert de temps en temps sur les plus jeunes. Elle a déjà essayé une fois sur elle mais la douleur lui a coupé toute envie de recommencer.
Parfois, elle prend un soigneur assez petit sous son aile juste pour avoir quelqu’un qui sait soigner. Au cas où. Mais elle s’en lasse rapidement.
Quand elle est arrivée, elle portait un ruban sur ses cheveux. Elle l’a perdu (elle ne sait plus trop où).
Techniquement, même si elle ne veux plus y penser, sa famille était composé de quatre personnes. Son frère cadet était également venu avec elle au neverland mais y trouva la mort rapidement. Si elle n'en parlait jamais, ce n'était pas par tristesse mais car elle songeait que c'était juste. Les faibles doivent mourir après tout.
Elle n’aime pas spécialement le rôle de mère (à part quand cela lui sert à défouler ses nerfs). Mais elle sait cuisiner… correctement, on dira.
La seule raison pour laquelle elle reste à ce poste est l’habitude mais aussi le fait qu’elle puisse imiter la sienne (de mère).
Au final, elle est contente de diriger ces enfants là car leur capacité sont plutôt utile.
Elle aime bien les mures.

Le neverland était la meileure chose qui fut arrivé dans la vie de l'enfant. Certes, sur le moment, elle avait été surprise de voir cet enfant volant lui proposer de le suivre. En plus vers un chemin inconnu. Mais que dirait sa mère ? Et puis, la tentation avait été trop grande. En plus, ce n'était pas pour très longtemps, n'est ce pas ? Au final, elle n'est jamais rentrée et ne rentrera jamais. Elle avait gouté le frut interdit. Plus de père misérable, plus de bombardement, plus de peur, plus les ordre stricts de sa mère, plus de petit frère casse-pied. Bon, certes, tout n'était pas parfait. L'endroit était dangereux. Les animaux sauvages avaient remplacés les bombes mais elle savait à quoi s'attendre. Et surtout, elle savait se défendre contre cela. Peu à peu, les souvenirs de la vie d'avant s'évaporèrent. Il ne lui restait plus que l'image flou et fantasmé de sa mère.
En somme, que représente ce lieu pour elle ? Un refuge inespéré qu’elle ne voulait plus jamais quitter.

Si elle regrettais sa vie ? Si un jour on avait posé cette question à la petite mère, elle aurait été bien incapable de répondre quoi que ce soit. Cela... cela dépendant en fait. Surtout de son humeur. La plupart du temps, elle croyait trop en Peter pour ne serait ce qu'y songer. Après tout, c'était interdit. Et puis, de temps à autre, alors qu'elle rêvassait dans son coin, elle envisageait cette possibilité. Sa mère lui manquait après tout. Mais à chaque fois, la raison lui revenait. Sa place, c'était ici et nulle part d'autre. Et cela lui suffisait amplement.

Peter Pan était… le seul garçon qu’elle acceptait. Même plus, elle avait en lui le plus grand respect (autant que sa mère). Elle obéissait à tous ses ordres sans broncher et n’hésitait pas à punir tout ceux qui ne le faisait pas. Punir avec violence, bien entendu. C’était tout de même le chef !

Chaud. Il faisait tellement chaud. C'étaient les seules pensées cohérentes que l'enfant pouvait avoir. Il n'y avait pas vraiment de saison sur l'île mais au vu de la température, elle pouvait sans trop de soucis deviner les humeur de Peter. Elle aurait du s'en réjouir mais elle n'y arrivait pas. Alors, avachi sur un hamac tel un paresseux, elle regardait les enfants courir dans la pièce, vaquant à leur occupation de soigneur. Elle aurait dû aider à faire le ménage ou le repas ou une autre tache ingrate mais elle avait réussi à s'esquiver ainsi. D'après elle, les petits avaient besoin de la présence de leur mère. Ils étaient trop nerveux pour être laissé seul, assurait elle.
Techniquement, c'était vrai. La chaleur épuisait tout le monde après tout. Mais sécher ses devoirs n’était pas le seul but de la matrone. Tout en jouant avec son rasoir, elle les observait. Cela bouillonnait en elle depuis ce matin. Il fallait que cela sorte.
Elle ne savait plus vraiment ce qui l'avait mis en colère. Cela n'avait pas vraiment d'importance. Elle aurait pu taper contre un mur, contre l’arbre, fracasser des objets au sol. Mais cela ne l’intéressait pas. Elle avait envie de crier sa colère sur quelqu’un de bien vivant et qui réagirait et qui réagirait en pleurant, en laissant couler du sang.
Et c'est pour cela qu'elle attendait, en les surveillant. Elle attendait que quelqu'un tombe dans son piège. Par sécurité, elle en avait mis plusieurs. Elle avait caché des objets ou légèrement cassé d'autre. Mais ceux là étaient mineurs. Elle avait trop peur qu'ils l'évitent. Après tout, à force de la connaître, ils avaient mis en place des stratégies pour cela. Il fallait juste attendre. Cela lui paraissait si long.

Alors qu'elle refermait les yeux, elle entendit un grand bruit sourd. Elle sursauta d'abord puis tourna la tête, comme tous les enfants. Il y eut ensuite des insupportables couinements. Un petit avait cassé un bol. Pourtant, ce n'était pas un objet facile à casser, surtout qu'il n'était pas tombé par terre. Les autres étaient donc étonnés. Lui pleurnichait en essayant de réparer les morceaux (mais sans colle c'était impossible).
C'était l'occasion rêvée pour Mary. Elle sauta en bas et bondit sur lui.

-Mais qu'est ce qu'est que ce cirque enfin ?! T'es stupide ou quoi ? Comment as tu pu casser ça, hein ? Espèce d'idiot, tu as intérêt à avoir une bonne explication.
-Je... Je... Je sais pas...
-Comment ca tu sais pas ? Eh bien je vais te le dire moi. Tu l'as laissé tombé triple andouille. Alors que je vous ai toujours dit de faire très attention quand vous les utilisiez.
-Non, pas tom...
-Comment ose tu me dire non ? Attardé ! Débile ! Irresponsable ! Pourquoi tu es dans ce groupe au juste ? Avec ton cerveau au ralenti et ta maladresse, on peut pas te laisser quoi que ce soit. Crétin ! Petite merde va. J'espère pour toi que ce bol était vide quand tu l'as laissé tombé.
-Ou...Oui.

En serrant les points, Mary se rendit compte qu'elle tenait toujours son rasoir dans les mains. Elle lui mit un coup de pied au ventre.

-Excuse toi et ramasse.
-Pa... Pardon. Pardon.
-J'ai pas entendu ! Plus fort !

Le petit se mit donc à crier plus fort, ce qui fit que l'on entendait plus que lui dans la pièce. Elle se tourna vers un autre et ordonna :

-Ramasse les dégâts. Il a deux mains gauches, il serait capable de le recasser.

Elle saisit ensuite sa proie par le col de la chemise et l'emmena avec elle dans un coin un peu plus à l'écart. Il était sur le point de se pisser dessus, songea-t-elle.

-Comment tu t'appelles déjà ?
-Je...
-Nan, en fait, je m'en fous. Et tout le monde s'en fout ici, donc gâche pas ta salive.

Elle s'accroupit et le regarda droit dans les yeux :

-Tu le sais, susurra-t-elle d'un air mauvais, que tu as fait quelque chose de mal, n'est ce pas ?
-Ou... Oui.
-Alors, tu dois être puni. C'est juste. N'est ce pas ?
-....
-J'ai pas entendu.
-Oui.

La première claque valsa rapidement, frappant la joue. La peau devint rouge quelques secondes puis reprit sa couleur normal. Alors elle lui en donna une seconde, puis une troisième. Puis avec le rasoir. Une fois, deux fois, trois fois.
Elle s'arrêta soudainement, voyant le sang commencer à couler. Ses yeux se mirent à pétiller. C'était si beau. Elle devinait d'ici que le liquide devait être chaud, comme n'importe quel produit d'excrétion du corps humain.
Elle remis son rasoir dans sa poche (momentanément) et songea à la punition. Oh bien sur, elle en avait plein en tête. Elle aurait voulu prendre une barre de métal et lui fracasser la tête avec mais il n'y en avait pas et puis elle n'était pas sure que Peter soit de cet avis. Car c'était bien la seule chose qui la retenait de faire réellement tout ce qui lui venait à l'esprit (et c'était fort dommage).
Elle eut un souvenir flou de sa mère à cet instant. Ses punitions à elle étaient toujours prévisibles et réglé comme sur du papier à musique. De ce fait, on savait toujours à quoi s'attendre. Quand elle était arrivée ici, elle s'était mise à songer que changer régulièrement créait plus de terreur car il rendait l'autre insécure. Qu'est ce qui allait lui tomber dessus ? Qu'avait elle encore inventé ? Toutes ces petites questions pernicieuses, qui remplissait la tête de sa victime durant le laps de temps où elle choisirait, étaient fondamentales pour qu'elle puisse asseoir son pouvoir et sa domination.
Elle pourrait lui attacher les mains et les placer dans un endroit haut situé. Cela aurait une certaine logique avec ce qu'il avait fait. Elle pourrait également lui donner des coups dans le dos (classique mais efficace). Lui mettre des poids au pied et lui dire de courir plusieurs tours. Cela marchait plus sur les plus grands, cela dit. Les petits n'avaient aucune endurance. Lui faire porter un masque était une bonne idée (l'humiliation était une forme de torture également et rien ne l'empêchait de le frapper en plus).
Toutes ces idées tourbillonnaient dans sa tête mais elle en choisit une plus simple. Elle alla chercher sa "règle", un long morceau de bois, plus ou moins taillé mais dont les bords étaient tranchants.
A la tête du garçon, il devait s'imaginer qu'elle avait le taper avec. Cependant, ce n'était pas son attention. Elle le posa au sol et lui ordonna :

-Pose tes genoux dessus, enlève ton haut et excuse toi. Tant que je n'aurais pas considéré que tu auras vraiment fait repentance, je ne te laisserais pas partir, même si c'est l'heure de manger ou de dormir. Et si je pense que tu mens, je te frappe avec le rasoir, c'est bien clair ?

Bien sûr, la seule limite à cette sanction serait son ennui. Et cela risquait de prendre un petit moment. Sa mère faisait pareil mais en leur faisant réciter des prières ou des passages entiers de la bible. Le fouet s'abattait à la moindre erreur si bien que, aujourd'hui encore, elle entendait des pans entiers du livre sacré rien qu'en regardant la règle. Quelle ironie quand l'on s'appelle Mary. Elle se mit à rire à cette pensée. Et tandis qu'elle donnait des coups de manière totalement aléatoire, dans sa tête elle se mit à réciter machinalement.

*Notre père qui êtes aux cieux...*

Cela dura bien plusieurs dizaines de minutes sans que la fillette ne s'en lasse. Elle fut de moins en moins prudente et finit par ressentir une vive douleur au niveau de sa main.
La lame du rasoir lui avait laissé une coupure. Elle se mit à crier sur l'enfant comme s'il en était responsable.

-Connard ! Tu as vu ce que tu as fait ? Files, et en vitesse. Rhabille toi et si tu t'avises de parler de cela à quiconque, je te tue ! Je te butte, t'as pigé ? Grosse merde.

Evidemment ce dernier partit sans se faire prier. Ses menaces étaient du vent mais lui ne pouvait pas le savoir. Elle retourna vers le lieu où les soigneurs travaillaient. Ils étaient en train de ranger pour aller manger. Mais elle savait vers qui aller. Elle s’approcha vers un en particulier, qui était encore petit.

-Dis moi mon chou, minauda-t-elle doucement. Tu aurais quelque chose pour moi ?

C’était son soigneur attitré du moment. Ce soir et les soirs qui suivraient, il aurait des câlins, des histoires, tout ce que la jeune fille était censée lui donner. Il ne se ferait pas taper, à peine gronder s’il faisait une bêtise. En échange de quoi, elle pouvait obtenir des soins.
Enfin, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus le supporter, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus voir sa gueule. Et alors, il redeviendrait comme tous les autres, un possible défouloir et elle irait chercher un autre petit.
C’était toujours comme ca après tout. Elle n’arrivait jamais à s’attacher…
Mais au final, cela lui convenait parfaitement.