Soap écoutait les paroles du courtisan, celles-ci étaient couvertes de la faible crédibilité du rang en lui-même. Des gens qui n'apportait rien au système de l'Arbre, on pouvait déjà trouver les chefs bien entourés de velours... mais les suivants du tyran... qu'ils soient là ou non, ça n'influençaient rien à leur petite société. Soap se prit à imaginer qu'ils étaient plus facile à éliminer qu'une tâche sur un tablier, avec du bon savon. Un sourire se dessina timidement sur le visage de la jeune fille, rapidement elle le retira et laissa ses pensées s'envoler.

Les sourires criaient le faux. Ils criaient ce que Pit était : les monstres ont appris à sourire. Et l'Indifférente ne voulait pas en être un, elle ne voulait pas être comme sa mère.

Ni comme Pit.

La curiosité de Weasel avait un air de voyeurisme, la récolteuse mesurait les intentions du garçon perdu. Comme elle le pouvait, à peu près, en ayant côtoyé une femme mauvaise et pleine de faux. De cadeaux sublimes qui devaient effacer les tâches de sang sur les mains. Est-ce que ces présents avaient été achetés avec l'argent de son aîné ?

- Tu devrais t'entrainer. Tu n'as rien qui donne envie de se confier.

Elle sembla réfléchir, en jouant avec une patte de son ours Eliott. Soap voulait mettre des bâtons dans les roues du Joker, mais elle savait qu'il jouait au jeu de celui qui sait des choses. Savoir permettait bien des entrées, et l'Indifférente savait. Elle connaissait la différence. Les yeux d'absinthe, beaucoup trop verts tombèrent dans ceux de la fouine.

- Avant... c'était pour moi qu'il faisait des tours de magie.

Anecdote. Livrée dans l'indifférence. Pendant que l'esprit s'efforçait de faire le deuil de son frère, et de comprendre que jamais plus il ne reviendrait.

- Son ancien lui t'intéresse encore ?

Elle avait dû serrer un peu son ours en peluche, pour se consoler peut-être. Pour lâcher la prise d'un souvenir. Soap devait changer les choses.

Les gens, une fois qu'ils n'ont plus rien à dire, sont d'un ennui presque mortel. Et là, dans le cas présent, la Récolteuse devenait réellement ennuyeuse.
Elle ne faisait que des reproches, lâchant quelques infos par-ci, par-là. Ah, Weasel mourrait d'envie de lui dire de se taire, vraiment.

Sans réussir à se retenir, il lui baille même au nez.

- J'ai rien qui donne envie de se confier, non pas parce que j'ai l'air d'un voyou, mais parce que tu connais ma réputation, et que tu fais partie de ces gens qui sont contre Pit.

Déclare-t-il, sautant de sa barrière afin d'avoir à nouveau les pieds touchant terre.

- Au fond, c'est ça la raison, et on a tendance à considérer les gens comme mauvais ou indignes de confiance car on les compare -à tort- à leurs fréquentations.

S'expliqua la fouine en s'étirant les jambes. Ses genoux émettent des claquements sonores; il est resté assis trop longtemps.
La sédentarité ne lui sied pas.

- Je dois t'avouer que parfois, je me demande si je l'apprécie vraiment, ton frère. Il y a toujours des gens qui l'aimeront, tout ça parce qu'il s'occupe d'eux.

Expression neutre. Il ne quitte pas la blonde des yeux.

- Moi, je n'ai personne à ma charge, personne dont je peux m'occuper, si ce n'est Peter qui dénigre tout le monde ces derniers temps.

Haussement d'épaules. Peter, lui, au moins, l'apprécie. Enfin, il apprécie ce que le Courtisan fait pour lui. Il apprécie une attitude superficielle qu'il revêt spécialement pour le bon plaisir du Roi.
Pit aussi, devait être apprécié grâce à ses attitudes superficielles. Qui peut se vanter de connaître le "vrai lui"...
... si ce n'est elle ?

- Du coup, si je te pose autant de questions, c'est pour essayer de... "démystifier" ton frangin. Pour me dire qu'il a rien de plus que toi ou moi, et qu'il sait juste jouer avec les mots et les gestes pour s'attirer l'amour ou la haine d'autrui.

Le Loyal ne pouvait être plus clair.
En quelques pas, il s'approche de son interlocutrice, tout en prenant bien garde de ne pas glisser sur le bois mouillé.
Du pouce, il désigne la Mercerie.

- Finalement, je me demande si ton histoire de monstre qui a pris sa peau est pas un peu justifiée. Il y a des fois où je me demande si sa façon de penser et d'agir est bien celle d'un humain...

Lâcha la fouine d'un air plus ou moins enclin à la plaisanterie. Et pourtant, au fond, il se posait vraiment la question.
Non pas qu'il se demandait si Pit était bel et bien humain, mais plutôt, il cherchait vraiment à savoir ce qui l'avait poussé à devenir ainsi.
Il avait quand même un petit côté que le commun des mortels pouvait qualifier de monstrueux...

Peut-être bien que Soap faisait tout pour ne pas vraiment écouter ce que Weasel radotait, cependant... elle devait admettre que la dernière partie de la tirade avait adoucit les traits de son expression tant renfermée. Elle était presque un peu soulagée que quelqu'un d'autre puisse un minimum comprendre la vision du monstre.

Après, cette histoire de démystifier, elle ne comprenait pas réellement. Pourquoi se soucier de comparaison avec le chef des raccommodeurs ?

Haussement de sourcils, puis finalement... un petit rire.

La main vint rapidement se plaquer sur les lèvres afin d'enfermer le rire. Puis, afin de se reprendre, la récolteuse prit la parole.

- Je suis contente que tu es au moins cette lucidité concernant le monstre. Mais je comprends toujours pas pourquoi... tu te soucies de te comparer. C'est idiot. Tout le monde ment, donc se comparer à des illusions c'est pas très productif. Pit était très gentil, avant. À mon avis, tu te compares pas à la bonne illusion.

Sur ces mots, elle entreprit de prendre un chemin en hauteur. L'Indifférente essayait de cacher un sourire qu'elle n'arrivait pas à retenir, alors tourner le dos et faire mine de s'en aller lui paraissait la meilleure option. Ses souvenirs dans des bulles de savon la rendaient nostalgique.

La chose la plus incroyable du monde venait de se passer sous ses yeux : la jeune avait rit. Un simple petit rire, pour ponctuer quelque chose qui l'amusait, mais elle s'était détendue.
Il suffisait donc simplement d'approuver le point de vue d'autrui pour qu'ils deviennent plus à l'aise ? Ça, c'était une information intéressante à n'oublier sous aucun prétexte.

- Je suis contente que tu es au moins cette lucidité concernant le monstre. Mais je comprends toujours pas pourquoi... tu te soucies de te comparer. C'est idiot. Tout le monde ment, donc se comparer à des illusions c'est pas très productif. Pit était très gentil, avant. À mon avis, tu te compares pas à la bonne illusion.

Un rire, en réponse. Weasel regarde la Récolteuse d'un air tendre, affichant certainement le sourire le plus sincères qu'il n'ait jamais affiché.

- Il sait s'attirer la sympathie comme la haine d'autrui... et moi, on me considère simplement comme une raclure. J'aimerai juste qu'on m'aime un peu, voilà tout. Mais, ma réputation me suit toujours et me colle à la peau...

Ça aussi, ça devat être une des réponses les plus sincères qu'il ait pu donner dans cette conversation. Naturellement, ce n'était qu'une partie de la vérité. Parce que mine de rien, Pit était distrayant, de la manière dont il agissait.

Levant les yeux, la fouine suit le mouvement de l'Indifférente, qui a visiblement choisi de s'éclipser. La retenir plus longtemps devait sûrement paraître étrange. De plus, elle n'avait rien à ajouter, et lui aussi...
... si ce n'est une petite remarque sur le ton de la plaisanterie :

- Tu veux me fausser compagnie, si vite ? Alors qu'on venait à peine de trouver un semblant de terrain d'entente... je suis déçu !

Fit le Loyal, adoptant une moue faussement déçue qu'il abandonna bien vite. Retourné à sa barrière à laquelle il était maintenant accoudé, son poing soutenant sa joue, il suivait la progression de la blonde dans les hauteurs du Grand Arbre.
Elle ne lui accordera peut-être même pas un regard.

En partant, elle prêtait une oreilles aux paroles de la fouine. Soap regardait où elle mettait les pieds, et mine de rien, elle était encore à vue.

Un vague regard sur le côté, la petite plaisanterie de fin passait un peu outre. L'Indifférente était restée sur l'autre partie de réponse. La première. Lorsqu'elle cessa sa progression, sur une passerelle, elle n'était qu'à un ou deux niveaux plus haut. Soap se pencha, les yeux d'absinthe avaient retrouvé leur distance de la nostalgie agaçante.

- C'est bizarre, hein ? Une fosse attire la sympathie, alors que la fouine traine encore sa réputation mauvaise. Peut-être que les gens ont juste moins peur d'un truc vide que d'un être vivant. S'il est bizarre, on se dira qu'il est juste naïf et on le grondera gentiment. Puis on oubliera et il recommencera. Alors qu'on donne une personnalité à la chose en vie, on pense qu'elle est dans un camps et c'est tout.

Sopa s'étonna elle-même. Pas réellement sûre de ce qu'elle disait.

Ça venait avec un goût anisé.

La petite soeur mettait juste un peu de distance, parce que mine de rien, elle elle n'oubliait pas comme ça. Elle avait son but. Elle le garderait. Et ça impliquait de se méfier de ceux qui jouaient avec Pit.

Il faut bien l'avouer, ça l'a surpris de voir deux yeux verts dépasser de la passerelle. Ça l'a surpris aussi, qu'on lui donne quelques précieuses informations.
Plutôt compliquées à comprendre d'ailleurs, cette histoire de pardonner ce qui est vide et de juger ce qui possède une façon d'être bien définie.

C'est peut-être ça, la clé ? La façon d'être d'autrui.
Et qu'en fonction de ça, on se méfie plus ou moins...

Dans la forme, c'était assez logique. Dans le fond, paradoxalement, il devrait y avoir autre chose. Ce n'était pas à Weasel que l'on devait apprendre à se comporter comme les autres le voulaient.
Quoique...
Quoique...

Pit n'essayait pas de toujours s'imposer, lui. Il ne se contraignait pas d'obligation de résultats, de codes ou de bienséances. Il partait un peu dans tous les sens, et c'est ce qui le rendait probablement sympathique, d'une manière ou d'une autre.
Sur une Île pareille, c'est malheureux à dire, mais ce sont plutôt les joyeux lurons qui passent le mieux auprès de la majorité. L'atmosphère de l'Île doit y être pour quelque chose, sans doute...

- Je retiens. C'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd...

Lança la Fouine de Courtisan à la Récolteuse en hauteur, une étincelle maligne brillant dans son regard.

"Peut-être que les gens ont juste moins peur d'un truc vide que d'un être vivant. Alors qu'on donne une personnalité à la chose en vie, on pense qu'elle est dans un camps et c'est tout."

Ces mots, le Loyal prendra un soin tout particulier à les graver dans sa mémoire, c'est certain. Peut-être même qu'il finira par percer le "fonctionnement" de Pit grâce à eux.

- En tout cas, je te remercie de m'avoir accordé ton temps. Bien que... bah, c'est moi qui étais censé te tomber dessus, au départ. Comme d'habitude, rien ne se passe comme prévu... haha... c'est probablement parce que je réfléchis trop à ce que je suis censé faire.

Le blond rit jaune, ses lèvres tordues en un sourire grimaçant à défaut de réussir à garder celui rieur qu'il affichait le reste du temps.
C'est lui qui s'éloigne peu à peu en ayant le fin mot de la conversation, se détachant enfin de sa barrière pour se diriger vers le bord de la plateforme.
Il n'avait plus rien à faire ici, maintenant. Et il avait des mots sur lesquels méditer un certain temps.

- À la revoyure...

Fit le Courtisan avant de s'accroupir au bord des planches.
Et, avec un dernier signe de la main en direction de Soap, il disparut dans les niveaux inférieurs.