L'animal pousse son dernier soupir, et le mien, signe de soulagement, résonne avec lui, c'est fini, il est parti.
C'était dur, mes muscles sont meurtris, j'ai les mains abîmées, il manque de la peau, c'est taché de rouge, mes doigts baignent dans un océan de poils a la couleur pourpre, c'est humide, c'est putride.
Triste et sanglant tableau que celui de notre combat.

Je me redresse, faisant craquer mon dos, toujours fracassé par la chute qui aura été mienne, je redescend doucement de l'animal, le tout en le voyant peu a peu retrouver son brun originel, mon écharpe pèse également moins lourd, c’est de moins en moins dur de bouger.

Je lance "La malédiction se retire' a titre informatif, tout en ramassant ma dague plantée au sol a quelques mètres de là, je contemple une dernière fois la créature avant de suivre mon collègue qui a déjà pris la route.
L'ursidé était posé là, menton au sol, plongé dans un éternel sommeil.

J'aimerai bien emporté avec moi un trophée, quelque chose, mais le métal s'étant retiré de lui, je ne voit aucun intérêt a cela, il ne s'agit là que d'un simple ours, fort mais tombé au combat.
Il n'était pas assez robuste pour survivre a la fatalité cruelle qu'incarne la sélection naturelle.

Chasser, ou être chassé.

Je rattrape avec aisance l'inconstant, qui, ralenti par sa blessure a la jambe, marche d'un rythme irrégulier, dans un certaine fébrilité, et j'imagine plongé dans une profonde douleur, bien plus que moi, qui n'ai finalement hérité que d'un simple coup dans la colonne.

"Tu t'es bien battu."

Un semblant de reconnaissance ?
Je ne sais pas, je n'ai pas envie de lire le jeune garçon, qui me semble d'ailleurs tout aussi fermé qu'a notre rencontre, sans doute trop fier pour laisser paraître quelconque détresse.
Mon jeu m'oblige a lui répondre, insistant sur le premier mots, comme pour exprimer a mon tour un remerciement, ou plutôt, un début de respect.

"Nous nous sommes bien battus"

Il avait été utile, le roux, il n'avait pas plié, même si je sens que la mort assez brutale et douloureuse de l'animal lui déplait, dumoins c'est ce que je déduit de ce regard qu'il a posé sur la dépouille, presque humide.
Il avait besoin de survivre, il en a trouvé la force.

C'est bien de cela dont je lui parlait, parfois, souvent, il faut écraser pour subsister.

Le chemin du retour aura été long, froid, douloureux, silencieux.
Arrivé au camp, l'Inconstant se rends enfin compte de la gravité de sa situation, il marche plus lentement, plus difficilement, beaucoup trop fier, il refuserait toute aide, qu'elel vienne de moi ou de qui que ce soit, je me contente donc de marcher a ses coté jusqu’à l'infirmerie, prêt a le rattraper et agir en âme charitable si son corps venait a céder.

Me revoilà plongé dans mon rôle, caché sous mon masque.

Quelle Journée exceptionnelle,
Le stress,
l’adrénaline,
Le sang.