La main du Capricieux vint instinctivement se poser sur sa propre hanche, en fait, elle semblait chercher quelque chose, les grigris. Simple geste qui rassura une légère migraine de stress, celle-ci se calmant automatiquement. Comme si tout était lié, dans la tête. Des superstitions, tout le temps. Mais Capricorne était convaincu de la vengeance des étoiles.

Il avait remplacé ce grigri manquant, mais en avoir été séparé l’avait embêté.

Il eut un sourire aux questions qui étaient adressées à sa personne. Aux interrogations, aux possibilités de les rendre plus doux, les pirates.
Capricorne quitta l’observation de ses compagnons du moment, notant au passage qu’Oural semblait souffrir de la chaleur environnante. Impossible de lui en vouloir, Capricorne ne cessait pas de penser à l’océan, aux fraicheurs des abysses.

Les yeux de l’apprenti partirent sur l’horizon, cherchant la direction des eaux. Ce monde qui dévorerait les âmes des guerriers s’ils venaient à y mourir.
Mais c’était ce monde qu’il avait voulu épousé, en quelque sorte, en suivant son caprice, en assumant tout ce qui accompagnait son essence.

- Honnêtement, en rôdant dans les eaux environnantes, j’ai constaté que tous avaient des tempéraments évidemment différents. Tout comme nous autres. Certains paraissaient plus calmes que d’autres. J’ai eu vu des bagarres, ressemblant plus à des jeux. Alors que d’autres étaient très sérieuses.

Capricorne fit claquer les grigris qu’il avait autour du coup, en y fourrant sa main. Distraitement.

- Ce n’est que par épisodes que je peux constater tout ça, des moments de vie isolés. Mais les bâtiments, j’ai commencé à comprendre plus ou moins leurs utilités. Des commerces, tous différents. Une taverne, très animée. Une maison emplie de femmes, et qui sentait l’opium. Je le sais puisqu’il s’agit du bâtiment que j’ai approché au plus près.

Lorsque sa transformation avait été achevée, lorsque son essence ne faisait plus effet. Il avait été dans une situation délicate, devant se faire le plus discret possible pour ne pas se faire attraper par les pirates qui, entre eux, semblaient bons vivants mais qui restaient très redoutables face à leurs ennemis. Et les Piccaninny en faisaient partie, des ennemis.

- J’ai fait une « erreur » de calcule de la durée de mon essence, et j’ai dû passer par la terre afin de m’échapper de cette zone. Au moins, ce moment m’a permis de constater que des pirates avaient de bon goûts de peinture corporelle.

Un rire sur ces mots, léger pour ne pas s’infliger une nouvelle migraine alors qu’Oural avait pu lui calmer un peu ses maux.

- Apparemment, les pirates ont aussi un sens particulier de la décoration. Voilà ce que mes yeux ont vu au Port, mais mon nez a aussi senti des odeurs… puantes. J’imagine que peut-être des herbes odorantes les rendraient plus aimables.

Les rues du Port n’étaient pas aussi pures que l’herbe des camps Peaux-Rouges, et puis le Capricieux avait lancé sa remarque avec un sourire taquin. Capricorne Silencieux n'avait rien de silencieux lorsqu'il pouvait partager ce qu'il avait appris avec Héron et Oural. Pourquoi se tairait-il s'ils lui avaient posé des questions ?

Capricorne passa ses doigts dans ses cheveux, sentant la température amoureuse des teintes foncées. Peter Pan malmenait le temps parfois.

- Et Oural, tu ne souffres pas trop de la chaleur ?

Capricorne acquiesce aux mots de Héron, puis, la proposition d’Oural sembla très alléchante. Le Piccaninny adorait l’eau, au point d’y vivre durant toute la durée de sa transformation, en capricorne. Il pouvait aller assez profond pour trouver un peu de fraicheur, mais il demeurait mammifère et n’avait pas la possibilité de respirer sous l’eau.

Les maux envolés, les récits contés, les boissons consommées… l’Apprenti Chaman n’avait en tête plus que cette proposition : la Rivière. Le monde aquatique. Les êtres mystiques y vivant, les Sirènes. Cela faisait quelques temps qu’il n’en avait pas vu, mise à part peut-être Encre à qui il avait laissé un mort. C’était malheureux, mais tomber sur des morts lors d’explorations, c’était normal en soit. Sur cette île. Alors il adressait toujours quelques prières, et honorait son contrat.

Il se leva même vivement, jamais il ne pouvait envisager de manquer une occasion de se jeter dans l’univers de l’eau. La rivière n’était pas si loin, une petite promenade avant d’arriver au but rafraichissant.

- Impossible pour moi de ne pas être tenté par la rivière.

Grand sourire parmi la peinture stylisée du Capricieux, il était motivé. Ça porterait au loin les pensées inquiètes pour les êtres aquatiques, les capricornes sans doute sont restés dans leur cachette. Peut-être était-elle parmi les étoiles ? Y avait-il une nuit plus douce que la chaleur de ces jours ? Impossible pour le jeune assistant d’en avoir une certitude. En revanche, il se demandait s’il préfèrerait un été comme celui-ci, ou un hiver éternel. Comme en avait parlé Oural Bienveillante. Si les eaux étaient prises dans les glaces, il lui serait sans doute impossible de s’y rendre, ou de nager dans une température bien trop froide.

- Héron, nous suis-tu ? Ça nous portera du bien à tous, et mes maux ne risquent pas de me noyer. Maintenant que je les sens un peu endormis.

Finit pas lancer Capricorne Silencieux, tentant de cacher un peu son impatience de rejoindre enfin le monde qu’il considérait un peu comme le sien. De plus, grâce au soin d’Oural, il pouvait être un peu plus libre.

Sans vraiment se soucier des autres, le Capricieux s’en allait déjà disparaître dans la rivière. Il avait terriblement chaud, et il s’entêtait à rester entouré de peaux de bêtes. Pour être encore et toujours au plus proche de son état lorsque l’essence est plus forte. Il se retenait de s’en plaindre, c’était lui qui le choisissait.

Et de plus, il profitait. Son mal de crâne semblait l’avoir laissé en paix pour le moment. Grâce à Oural Bienveillante. Il devra la remercier grandement.

La rivière devant lui, puisqu’Héron lui avait déjà dit qu’il pouvait partir devant, lui tendait les bras et il s’y jeta sans autre forme de cérémonie. Capricorne retrouvait cet élément qu’il aimait tant.

Les grigris, ses peaux, ses cheveux, rien ne fut épargné par l’étreinte de l’eau.

Il faisait trop chaud pour s’en soucier, et l’apprenti chaman ne souhaitait que se laisser aller à son caprice. Juste pour cette fois, juste entre amis. Ils s’amusaient, profitaient des cadeaux de la nature. Celui d’avoir donné un fleuve. Une rivière douce.

Le monde aquatique, il l’aimait tant…

Sous l’eau, puis il perça de ses cornes la surface, il vit ses amis arriver. Capricorne se contentait de les atteindre, faisant la planche.

Comment ne pouvait-il pas couler avec tous ses grigris ?