Suite du RP https://neverneverland.forumactif.org/t4096-du-givre-sous-les-braises




And I'm so sick of 17
Where's my fucking teenage dream?
If someone tells me one more time
"Enjoy your youth, " I'm gonna cry

Les retours de cuite c'est toujours un peu hard.
Surtout quand tu n'as pas bu.
Pas assez du moins pour t'accorder l'excuse du delirium tremens.

Au petit matin, les reliefs de mon coup de sang de la nuit crissent sous mes godasses.  Le sol de la forge est impraticable, émaillé de tessons de verre sales. Le soleil accroche le miroitement effilé des débris façon kaléidoscope. Pour un peu on croirait des paillettes, mais sérieux, est-ce que j'ai la gueule d'une licorne ?

Vague soupir.

Tout ça pour ça.
Ma vacuité illustrée.
Je regarde plusieurs semaines de projets foutus à la benne  : des verres, des vases, des loupes, des lunettes... Comme la matière qui je sais si bien modeler et détruire, mon coeur est en verre : soufflé, fragile et en miettes. J'ai encore les stigmates de mon empoignade avec Skunk et celles, moins visibles, de mon sabotage auto-orchestré.

Bon.
Faut ranger parce que sinon les armuriers vont venir me casser les ovaires, et les chefs vont me coller au mitard. J'ai la patience aussi résistante que du papier de soie, alors autant éviter de la déchirer pour rien. Méticuleusement, je m'emploie donc à ramasser les dégâts. J'organise les morceaux en trois tas : ce que je peux rafistoler, ce que je peux recycler, ce qui est foutu pour foutu. Boulot de fourmis qui m'oblige à ne penser à rien d'autre qu'à la complexité de la tâche.

Ca n'est pas plus mal.
Je suis bonne à rien aujourd'hui.

Comme hier et comme demain...

Il y a parfois des matins difficiles.
Heureusement qu’ils ne durent pas.
Sinon, ça s’appelle une journée de merde.

Le soleil n’est pas encore sorti mais les étoiles ont déjà fondu. C’est à ce moment-là que le ciel est le plus sombre, le silence est le plus assourdissant. Bientôt, la ligne d’horizon va s’embraser et ronger peu à peu l’obscurité au-dessus. C’est ce temps qui précède l’aube qu’elle préfère.
Elle est encore en pyjama, les jambes se balançant lentement dans le vide mais le dos collé au tronc rugueux. A travers le vieux mug en métal tout cabossé, elle sent la chaleur du café (un vrai jus de chaussette dont elle doit se contenter) lui pénétrer les doigts.

Après une dernière gorgée infâme, elle est tentée de rester un peu. Au moins le temps d’apercevoir le soleil quand il dépasse la montagne et que le neige vire au rose.
Mais elle ne peut pas. Quand la journée commencera, que Peter sera levé, le Grand Arbre ne tardera pas à grouiller d’enfants. Elle sera déjà à la bourre sur son programme.
Sans regrets, elle tend le bras et verse les dernières gouttes sombres dans le vide.

Elle fait un crochet par la maison sous terre où ça ronfle encore à plein poumons. Derrière le paravent, elle enfile les fringues de la veille. Et quand elle quitte les lieux à pas de loups, elle décroche sa ceinture à outils accrochée au porte-manteau.
En ouvrant les portes, elle est comme frappée par la lumière du jour. Au loin, elle entend Peter pousser son cri.

Glitter est à la bourre.

C’est au pas de course qu’elle se fraie un chemin jusqu’au plateformes supérieures. Quand elle passe devant les cabanes à coucher, elle doit esquiver les premiers tombés du lit qui ne semblent pas la voir avec leurs yeux mi-clos et leurs draps imprimés sur la joue.
Au passage, elle ébouriffe les cheveux d’un petit artisan mais elle ne ralentit pas.

Elle décide de commencer par un crochet à la Forge. Elle a commandé plusieurs pièces pour un projet. L’armurier qui s’en est occupé lui a dit qu’il finirait tard dans la soirée mais qu’elle pourrait récupérer tout ça au matin.

Glitter s’immobilise dans l’entrée. En découvrant le champ de bataille qui s’étale devant ses yeux, elle se dit qu’un animal s’est introduit pendant la nuit. Peut-être qu’il a flairé les restes d’un casse-croûte abandonné dans un coin ou qu’il s’y est réfugié pour échapper à un prédateur.
La Sainte lève un pied, découvre un morceau de verre sous sa semelle. En fait, le sol est couvert de débris de verre. Le reste semble avoir été épargné (si on oublie le désordre habituel de la Forge).

Elle ne tarde pas alors à remarquer la silhouette tapie dans un coin, penchée sur les éclats, en train de les ramasser un à un pour mieux les entasser dans un coin.
Son sang ne fait qu’un tour quand elle reconnait la tignasse décolorée et les yeux froids du Panda.

Nasty est un oiseau de nuit. Elle passe ses soirées ici, à la forge et disparait au matin. Glitter, elle, se lève et se couche avec le soleil. Leurs routines ne leur permettent de ne pas se croiser trop souvent. Mais il faut croire que Glitter est arrivée trop tôt ou que Nasty s’est attardé plus longtemps.

Dans tous les cas, la Sainte a comme un mauvais pressentiment. Ç’a peut-être avoir avec le verre cassé. Elle ferait peut-être de partir avant que…

Trop tard. Elle l’a vue.

« … tu veux de l’aide ? »  

Glitter sans qu’elle pourrait le regretter mais elle se voit mal tourner les talons comme ça.