Tout commença, disons-le, le jour où Photon trouva, échoué sur la plage, un livre étonnamment bien conservé qui n'avait rien à faire là. Comme beaucoup d'objets du monde ordinaire il s'était retrouvé emmené par hasard sur les côtes neverlandesque. Ce n'était pas un grand volume, une petite anthologie à vrai dire, pourtant la très jeune fée eut bien toutes les peines à déplacer l'ouvrage, conséquent au rapport de sa taille insignifiante. Mais la jolie reliure et les pages délavées l'avait attirée et elle n'aurait pas eu le coeur de l'abandonner ainsi aux éléments.

Le Précieux, à cette époque, ne savait pas encore lire mais il y avait en première page une illustration. La gravure d'un homme adulte et moustachu au front plutôt proéminent qu'il trouva très charmant.

Ramenant le livre là où personne d'autre que lui ne saurait le trouver, il passa les quelques temps qui suivirent à admirer le portrait et à lui parler. Éventuellement, il en tomba amoureux et décida qu'il lui fallait absolument connaître le nom de ce bel humain. Il se lança donc dans la quête d'un maître qui pourrait lui apprendre à déchiffrer le ardu langage des hommes.

Et c'est ainsi que commença la passion inaltérée à ce jour de Photon pour William Shakespeare, son premier grand amour. Il fut aussi sa porte d'entrée dans la littérature et le monde des arts dramatiques.




Depuis, le Précieux est devenu un vrai érudit. Un maître des vers et des mises en scène qu'il n'hésite pas à réciter à l'Île tout entière. Parce qu'il est vrai, la fée a avant tout besoin qu'on le remarque.
Théâtral, dramatique, il n'hésite jamais à se donner en spectacle, que le public soit consentant ou non. L'adoration pour les écrits des hommes qu'il a depuis qu'il a appris à lire n'a fait que renforcer cet extravagant trait de caractère. Car si Photon a eu sa révélation grâce à celui qu'on appelle le père de la langue anglaise, il ne s'est pas cautionné à un seul auteur. Il connaît à présent même les récits de la France et ses plus belles Lettres.

Pourtant, même si ses nombreuses expéditions sur Terre pour se construire une bibliothèque lui ont fourni un grand savoir littéraire et philosophique, sa nature féerique lui empêche encore de saisir certaines notions humaines, notamment concernant l'amour. C'est pourquoi il peut se décrire amant de quiconque qu'il n'aura qu'embrassé sur la joue, un jour dans son sommeil. Chose qui peut, au demeurant, porter à confusion puisqu'il n'hésite pas à se vanter à tout-va de ses conquêtes – masculines ou féminines, enfant ou adulte. Mais généralement il le fait d'une nature si innocente et émerveillé que cela lui apporte rarement des problèmes.


La seconde personne à tenir la tête de liste dans le coeur de la blonde fée – après William - est le fils du Chef des Delaware. Comme pour son précédent coup de foudre, il n'y a aucun raison logique à celui-ci. Le Précieux croisa simplement un jour la route de Héron et décida en voyant ses parures et son élégance qu'il serait dès lors son Prince.
Dans sa journée, du moins jusqu'au plus récent événements, il réserve toujours un moment – celui où la luminosité est la plus belle - pour aller voir le Peau-Rouge et lui réciter des poèmes appris par coeur qu'il prétend avoir écrit de lui-même pour sa muse. Il lui arrive même d'aller s’asseoir sur le torse du jeune homme pour le regarder dormir, attendant qu'il se réveille et lui accorde l'attention qu'il demande. Il se considère chanceux de cette promiscuité car tant de poètes sont morts sans que la source de leurs émois ait seulement eu conscience de leur existence.


Mais la connaissance et la poésie est à double-tranchant pour ce petit fabuleux.
La comédie, la tragédie, la grandiloquence et l'emphase sont tout autant de termes qui définissent l'attitude de Photon et son caractère jovial, lui qui aime tout le monde – sauf les moches, les méchants et Obéron. Cependant, ses lectures lui donnent parfois des idées de grandeur auxquelles il ne peut malheureusement prétendre de par sa petite nature et sa vie éphémère.

Jamais il ne sera cité dans les grands auteurs du siècle ou reconnu par ses pairs. Une constatation qui aurait capacité à le dévaster mais il y pense rarement, ne le prend pas en compte dans son petit quotidien féerique,

Hamlet le Poète c'est ainsi que la fée tente en vain de se faire appeler depuis sa découverte de la littérature. Mais la plupart ne saisissent pas la référence du premier sans vouloir lui accorder le second, c'est pour ça qu'il reste Photon le Précieux aux yeux du plus grand nombre et à son plus grand damne.

Bien que devenu quelque peu poussiéreux durant le Givre, Photon possède un Carnet des Conquêtes où il écrit en belles arabesques le nom de tous ceux qu'il considère comme ses soupirants. Parfois sans même que les concernés le sachent puisqu'il considère un baiser volé à leur insu lors d'une sieste comme l'ébauche d'une relation très sérieuse, un câlin vaut l'intimité la plus complète. Et il s'en vante.

C’est lui le grand amoureux de l’Île et il se considère assez libertin. Son but ultime serait de faire un bisou – même volé – à tous les habitants de l'Île. Sauf les roux et Obéron bien sûr.

 Il a de nombreuses muses.

Même s'il n'accorde guère d'importance au genre, il se considère comme mâle et le reflet mauve de ses ailes de papillon en témoigne. Il est même parvenu, en s'acharnant à raser l'inexistant, à orner son menton de quelques poils blonds. Une bien maigre victoire par rapport au bouc qu'il avait en tête. Pour mieux ressembler à William et aux grands écrivains. Plutôt grand pour une fée, il a le teint clair, les cheveux longs et blonds et ses yeux sont bleus tirant sur le violet.

Son scintillement féerique est intense et sa poudre d'un blanc doré miroitant.

 Il place souvent des citations de Shakespeare (et d'autres auteurs également) dans ses phrases, lors des discussions et même dans ses écrits.

Souvent, lors de ses expéditions littéraires dans le monde ordinaire, il est accompagné de la fée Amanite. Amitié improbable d'une scientifique et d'un homme de lettres.

Il compose régulièrement des sonnets – ou les vole à d'autre – pour aller les réciter à sa Reine en espérant gagner ses faveurs. Il n'aime de ce fait pas Obéron qu'il considère comme un concurrent pédant et inculte à son merveilleux lyrisme.

La plus grand insulte que vous pourriez faire au Précieux serait de le traiter d’illettré. Vous lui en tireriez probablement une larme.

Bien caché quelque part sur l'Île, Photon s'est approprié un endroit où il dissimule ses livres et notamment son tout premier de William qu'il traite comme une relique. Voir son maigre sanctuaire détruit ou trépassé serait assurément la pire des tragédies pour la fée. D’ailleurs il ne sait pas si l’endroit à survécu au Givre et cela lui cause d’horribles maux de ventre lorsqu’il y pense.

Il est allergique à l’hilaris. S’il en prend il grandit tout de même mais devient faible, fiévreux et son corps se couvre de petites plaques rosées. Alors il l’évite à tout prix. De plus il préfère largement sa taille de fée, se retrouver à hauteur égal face à ses humaines conquêtes le met terriblement mal à l’aise.  

Il ne possède pas de monture officielle, a toujours accompli la plupart des trajets à la force de ses ailes. Toutefois, si vous lui proposez de le porter un temps au creux de votre cou il refusera rarement. Il aime l’odeur des nuques et considère la clavicule comme un siège d’exception.

Sa bravoure chevaleresque n’est que façade, Photon est plutôt peureux. Il n’hésitera pas à sa dissimuler dans vos cheveux au premier danger.

Sa maîtrise de la lumière est assez grande bien qu’il l’utilise surtout pour se mettre en valeur ou donner un éclairage dramatique à ses représentations théâtrales. Pour l’enchantement et le glamour il se débrouille sans en être un grand maître. Son plus haut fait d’arme est d’avoir charmé le gardien du musée où étaient enfermées les sirènes durant la Pluie Salée.  

Il vit et compose dans sa petite maison des quartiers nobles de la Citadelle, proche du Palais.

Photon avait toujours aimé les tragédies, il se revendiquait héritier de Shakespeare et Racine mais la délicate fée n’était pas préparée au tournant dantesque qu’allait prendre sa vie.  

Il s’était dédiée à accepter la petite Marianne comme pupille et à lui enseigner les lettres et la philosophie. Mais alors qu’il lui apprenait ses premiers mots de grec ancien, le pirate Dino avait commencé à faner, puis disparaître. Une tragédie pour l'enfant et la fée également qui n'avait plus connu pareil désespoir depuis sa première lecture de Phèdre.

Mais plutôt que la lamentation qui mène à l'acceptation, Marianne, à l'image de Faust, avait voulu pactiser avec le démon. De toute sa lumière, de tout son charme solaire Photon s'y était opposé, tentant par un dernier baiser sur la joue du père aimé de le protéger du sort à venir.

La sorcière n'en avait eu que faire et la petite créature n'avait pu supporter la vision souillée de l'âme condamnée, pour toujours enfermée. La beauté du tragique avait une limite et c'est le coeur brisé qu'il s'était enfui, son élève répudiée à jamais.

L’acte indicible de sa protégée avait fait vaciller sa clarté, chambouler son cœur classique, il ne voyait plus de plaisir dans le drame, avait perdu le goût du théâtre. Il aurait du le sentir venir pourtant, l’augure du givre. Quand la glace avait saisie le pays son âme avait fait de même et le Précieux s’était reclus.  

Abattu il avait roulé son portrait de William. Par égard, pour ne pas qu’il remarque la perte de son éclat. Puis il ne s’était plus intéressé qu’au pire de l’humanité, les bas-fonds narrés de main de maître. De Racine, Shakespeare, Molière, il avait plongé directement dans le mal du siècle et la condition humaine sans en passer par les Lumières -puisqu’il en était déjà une.

Germinal puis l’Assommoir avaient suffi à en faire un poète maudit. La framboise fermentée l'avait d'abord accompagné dans ses lectures puis, l'idée soufflée par la belle Absinthe à qui il s'était confié, la liqueur avait ensuite pris la place des bisous, se mélangeant indissociablement à ses créations. En pensant à ses amoureux il ne composait plus d’éloge mais des complaintes sur sa solitude et des vers mélancoliques.

Attablé à son minuscule bureau il avait écrit de déchirantes mémoires, une correspondance inventée avec la mort, des oraisons si funèbres que les larmes avaient troublé ses yeux à chaque ligne. Petite créature dévastée, artiste éculé et intoxiqué qui ne trouvait plus les délices de jadis dans sa plume, amant sans fantasme qui avait même arrêté d’embrasser le doux portrait de son être aimé.

Et puis un jour le printemps s'était montré avec ses senteurs, sa chaleur et ses amours. Tiré de son hibernation, Photon avait prudemment mis l’aile hors de la Citadelle. Le soleil sur sa peau scintillante l'avait revigoré, la vision d'une Perdue aux cheveux d'ébène et à la robe légère avait éveillé son envie de louanges. Comme on se débarrasse d'un vêtement sale, la petite créature s'était défaite de son spleen pour laisser la joie et la passion l'envahir.

Un murmure du vent avait également porté à ses oreilles effilées la rumeur que le Roi Peter était vivant. On prétend que le carillon du Précieux aurait à cet instant résonné dans toute la prairie sauvage.

La fée fut ainsi rendue à sa amour de la vie et des envolées lyrique. Mais tout au fond de son coeur se cache désormais une cicatrice de noirceur qui le rend parfois sérieux, se réveille quand on ne l'attend pas pour couper court à son enthousiasme innocent.

Île enchanteresse de tous les délices. La plus belle des reines, le plus mignon des rois et leurs cours remplies d'êtres charmants. Chez les indiens on trouve des princes d'élégance qui font chavirer les coeurs, les Barons donnent la chair de poule par leur exotisme sulfureux, au Port on rencontre des dames parfumées à la peau satinée, dans la lagune des Sirènes sublimes et même aux confins des terres de l'Horreur il y a des vampire au charme démesuré. N'est-ce pas le paradis des amoureux ?
Et puis il y a cette nature rendue si merveilleuse par mes soeurs, notre Citadelle magnifique et tant de choses que je n'aurai pas assez d'une vie pour en faire la louange entière !

Monde tragique et transcendant. Berceau de tous les vices mais aussi de toutes les merveilles. Là est né mon grand amour William et tous les plus magistraux artistes que l'univers ait porté. Je m'y rends parfois pour emporter un peu de leur savoir, quelques pages de mots si beaux qu'ils font pleurer. Sans l'Ordinaire pas de littérature et si peu d'art. Pour autant je ne quitterai pas mon peuple, ma Reine et mes amants.

x  Probablement né vers la première intrigue, Photon s'est rapidement entiché de littérature.
x  Il a vécu heureux sa vie dans son petit monde de belles lettres et de tragédies grecques, côtoyant un grand nombre des habitants de l'Île.
x  Il participe au sauvetage des Sirènes pendant la Pluie. Charme un gardien de musée.
x  Vers la même période il devient tuteur de Marianne Oya par volonté de son père Dino. Il lui donne une base d'éducation académique.
x  Quand Dino tombe malade et meurt, Photon est témoin du sort entreprit par Marianne pour essayer de sauvegarder son âme et en est profondément choqué. Il considère cela comme de la magie impure.
x  Il fuit et s'enferme chez lui durant tout le Givre où il essaie de se remettre de l’événement et de son échec en tant que professeur. Il ne réapparaît réellement qu'à l'arrivée du printemps.

Rarement, de mémoire d'Île, on avait vu une fée plus enjouée. Du Port au bois joli, son vol avait été tellement entrecoupé de danse joyeuse qu'on aurait pu la penser ivre.

Mais ivre Photon ne l'était pas, bien au contraire il n'avait plus touché à la liqueur de framboise depuis plusieurs jours. Pour sûr il déplierait même son portrait de William le soir même et lui conterait sa fabuleuse journée avant de s'endormir sa joue sur la sienne.

N'y tenant plus, il se posa une énième fois sur une souche quelconque et consulta le tout petit livre qu'il portait sous le bras. Minuscule, à sa taille, et pourtant délicieusement ouvragé.

Ne reste que parmi les amoureux, des autres éloigne-toi.
Bien que ta flamme embrase le monde,
Le feu meurt par la compagnie des cendres.

Il répéta la chose à haute voix, plusieurs fois, carillonnant pour lui-même au centre des feuillages vert de printemps. Incapable de supporter l'intensité de son émoi, il soupira et porta un bras à son front brûlant de passion.

Rûmi, quel homme, quel poète ! Les soufis doivent bien être des fées pour manier si bien la plume et la danse.

Étreignant le livre de ses bras scintillants, il se remémora la scène qui l'avait mis dans une telle euphorie.

Afin de se changer les idées, il avait volé jusqu'au Port pour aller voir ses amies les filles de joies. Au passage, il avait récité quelques vers et quelques éloges qu'il avait composés pour sa Reine mais n'osait lui les présenter sans les avoir testés auparavant. Il avait peur d'être rouillé, d'avoir perdu de son verbe, mais le public avait été conquis et lui avait assuré que ce n'était pas le cas.

Au comble de la fierté, la joie de la petite créature avait explosée lorsque l'une de ses grandes copines lui avait offert le petit livre qu'il tenait comme une merveille sacrée. Elle lui avait dit qu'elle l'avait trouvé un jour et l'avait gardé précieusement pour lui car pourquoi un ouvrage de cette taille existerait s'il n'était pas destiné à une fée ? De plus il s'agissait des poèmes et contes du grand Rûmi qui était un génie dans son coeur.

L'idée qu'elle ait conservé l'exemplaire durant tout le Givre dans le seul but de le lui offrir avait bien failli le faire s'évanouir, il avait brillé si fort que la fille avait du se masquer un instant les yeux. Sous l'émotion, il avait fait sa louange et avait couvert ses mains de légers bisous et de poussière de fée au risque de les rendre toutes jalouses.

Pour sûr que le Précieux le conserverait avec le soin d'un archiviste ! Son premier cadeau depuis une éternité, et offert avec une si belle intention qu'il comptait désormais la dame qui le lui avait donné au nombre de ses muses.