Ça n'avait pas été facile, mais la curiosité avait été plus forte. Il avait fallu être malin et se méfier de ce satané givre. Mais l'aide des zonbi était la bienvenue pour ce genre de tâche... Bras et jambes coupés, les dents arrachées, la chose restait encore en vie. Des vivants qui ne pouvait pas mourir. À moins de se confronter à plus forte magie, ou à la voracité du feu. Hein ? Orbleu, isolé. D'ailleurs, ils ne l'étaient jamais longtemps. Apparemment. Lundi s'était dépêché, il avait foudroyé de loin avant de venir lui-même. Quel chance d'avoir gardé la bonne mèche, n'est-ce pas ? Bref, les morts-vivants avaient attaché l'homme-tronc-givré dans un genre de cage de metal. Lundi avait fait rebattre le coeur, pour le faire passer d'Orbleu foudroyé par le feu du ciel, en un genre de zonbi malade. Un sigil vaudou termina de sceller la curiosité glacée. Le métal de la cage contenait du plomb, juste pour que ce soit un conducteur d'électricité, au cas où. Il y avait des femmes et des enfants dans cette maison, il fallait veiller à la sécurité. Non ?

Le Céleste avait délaissé sa pièce du bassin pour monter dans les étages de la Tour. Jusqu'à la porte d'une de ses épouses, Ailin. Elle aimerait sûrement les expérimentations aléatoires qu'il comptait exercer. Il frappa à la porte, avant d'ouvrir lentement. Passant la tête par l'entrée, il la trouva en train de lire. Avec un grand sourire, il s'appuya sur le cadre de bois.

- Hey, ma belle Ivoire.

En ayant son regard, le Guédé s'approcha.

- Viens voir en bas, j'ai un ingrédient spécial à te montrer.

La taquinerie suivit de près, ne laissant le temps au Baron que de prendre un rapide baiser à son épouse.

- Epi mwen pa pale de tèt mwen.

Evidemment, il l'attendit. Il la prendra par la main pour l'emmener dans la pièce du bassin, cette même grande pièce circulaire servant d'observation par le ciel que de salle destinée à la magie du Baron.

Une fois entrés, Lundi ferma la porte. Tout était plutôt chaud dans les lumières, à par la pierre et... le reste miteux d'Orbleu. Il attendait la réaction d'Ailin avec une pointe d'amusement. Qu'allait-elle bien lui dire en réaction ? Aurait-elle déjà des questions à réaliser sous forme d'expérimentations ?

Son épouse était intriguée, Lundi observait l'approche. Oui, il s'était plus ou moins surpassé dans le domaine de la chasse. Il avait dû user du savoir faire du Bayou pour tenir la chose en laisse, et assommer ses pouvoirs. De plus, hors de leur territoire, et en lieu plus tempéré, les Orbleus ne tiendraient pas très longtemps.

Ailin avait raison, les risques demeuraient. Ramener ce petit caprice passager avait coûté deux zonbi, juste par conscience de contagion. Au feu, et les cendres débarrassées au-dehors du domaine de Maman Brigitte. Il n'allait pas souiller la terre avec des morts malades comme des chiens, bien que peut-être qu'ils étaient sains, tant pis. Peu importait, déjà le sourire que l'Ivoire adressa au Céleste soulevait l'envie de juste profiter du jouet en cage.

La question ultime posée, Lundi haussa les épaules, l'air de dire qu'il ne savait pas. Comme s'il n'avait bien sûr pas prévu quoi que ce soit. Il s'approcha de l'Ivoire, la retourna vers le trophée du moment en l'enlaçant dans le dos. La tête du Baron trouva un appui léger dans le creux du cou d'Ailin, pour qu'ils puissent observer le sujet de discussion.

- Te faire rêver avec un truc qui tire une sale tête pareille... Il me faudra plus que de la magie pour arranger ça.

La plaisanterie passée, la suite venait.

- D'abord, je me suis demandé combien de temps il pourrait vivre avec ce genre de plaies. Ça vit bien quand même, par contre ça ne tiendra pas beaucoup hors de son givre. Je le suspecte même de déjà fondre. Peut-être que mes sigils accélèrent le processus de par leur nature, mais... ça reste un jouet dangereux, je dois l'affaiblir à ses limites. Il est même encore sonné par la foudre. Mais, t'approche pas trop. Je te préfère plutôt blanche que bleue.

Après avoir offert des dernières paroles de miel, Klere s'éloigna finalement de son épouse pour aller s'intéresser à une étagère regroupant des bocaux d'herbes, un regard en coin pour sa compagne.

- J'ai pensé que ça t'amuserait de pouvoir expérimenter des effets de potions sur un infecté. Je parlais d'Orbleu, mais si ça se trouve, il venait de céder au virus. Je ne connais pas les "stades". Il n'avait pas utilisé de givre quand je l'ai trouvé, je pense que ce n'est pas très avancé.

Il y avait quelque chose de malicieux, ou de joueur dans le ton des mots. Le Baron offrait à Ailin de participer avec lui à explorer un peu cette facette, ce mal étrange qui avait su trouver sa voie sur l'Île et dont Hook devenait le maître.

- On s'amuse un peu, et je le détruirai à la fin.

Même si, par mégarde, quelque chose avait pu soulager de l'infection... Lundi avait décidé que le cobaye n'existait à cet instant que pour satisfaire un passe-temps et devra ensuite finir effacé pour de bon.

Devant ces divers ingrédients, il y avait de tout, Lundi laissait volontiers son épouse s'amuser un peu. Il usait de ces ingrédients pour quelques sorts, plus que pour des potions. Mais là c'était amusant. Il voulait volontiers permettre à Ailin d'expérimenter sur une chose qui finira un jour par disparaître à jamais. D'abord, la proposition de prendre un peu de tissus contaminés pour pouvoir réintroduire par après si jamais ils venaient à le guérir rendit Lundi un peu pensif. Il comprenait, mais il veillerait à ce que cet élément soit détruit avec le reste une fois tout terminé.

Mais le sourire ne s'était pas absenté longtemps, déjà le revoilà. Celui d'un demi-dieu amoureux tout bêtement.

- On en prendra avec les outils nécessaires. Tant qu'on détruit tout une fois le jeu passé.

Là, il ne prendrait pas de risque. Il y avait bien trop de personnes à qui il tenait dans cette Tour.

Par contre, il était bien curieux de voir le zombi fondre vivant. Les tissus qui se sépareraient du squelette d'eux-même serait une délicieuse fin. Klere offrit un regard malicieux à Ailin lorsqu'elle parla de l'Estris Fulgurante, ça donnait toujours un peu de piment. Il haussa les épaules pour le contre-argument. Il avait moins l'âme scientifique qu'elle, il était plus impatient. En revanche, il pouvait inverser ces tempéraments dans d'autres situations.

Ah, elle avait vu l'herbe des fées.

- Je teste dans le rhum... Je crois que les fées m'aiment bien non ?

Petite plaisanterie, Ailin savait sûrement que c'était probablement un cadeau de sa petite Cigüe. Elle le savait même plus que lui-même. Et puis, parfois, il y avait cette fée des champs, Bardane, qui venait lui faire des nattes plus complexes. Ça laissait un peu de poussière de fée dans les mèches du Baron.

Puis, prenant un bocal un presque à l'aveugle, le Céleste attrapa des herbes chaudes au toucher. De vrais piments pour la peau, les "Crochets du diable" avaient une apparence proche du champignon de l'ordinaire "doigts du diable" ainsi que l'odeur de souffre.

- On peut essayer de ramener le corps à sa température de "croisière". On aurait pu essayer de juste demander à mon frère, Diab, de se poser à côté.

Encore une petite plaisanterie juste après le sérieux de la première phrase. Il jeta un oeil vers le zombi sonné et grognant, puis reposa les yeux sur l'herbe des fées.

- Comme ce sont des humains à l'origine, peut-être que les plantes de l'ordinaire aideraient.

Sur ces mots, il plaça trois crochets du diable dans un mortier avant de les broyer avec le pilon. De la fumée s'échappait, la plante dévoilait de la fumée comme si l'enfer brûlait en elle. Lundi poursuivait en mettant une partie de la poudre dans un bol d'eau. L'élément aqueux se mit aussitôt à bouillir, mais le reste des crochets broyés fut mit de côté. Il ajouta de l'herbe des fées dans dans le bouillon, ce qui calma la vapeur qui semblait faire descendre un peu de température.

- Ces crochets brûlent juste que dans la viande en général, ça "s'accroche" pour venir bouillir juste quand le sang. L'intérieur cherche un autre intérieur, l'air ambiant n'est pas assez chaud à son goût.

Regard sur l'Ivoire.

- Mais là, on veut juste remonter un peu la température de notre bestiole hein ? Je me demande si cette herbe compenserait, pour empêcher l'autre plante de chauffer trop. Ou alors, on y met une pointe de Crocs des neiges.

Un zombi sain était planté vers l'orbleu, pour alerter son maître s'il venait à se passer quelque chose et pour servir d'intermédiaire si besoin. Comme pour aller verser une potion sur leur trophée par exemple.

- Qu'est-ce que t'en dit kè mwen ?

Ah, Ailin avait décidément un don de science. Lundi la regardait en coin pendant qu'elle expliquait, du moins, proposait des alternatives. Lundi n'était pas connu pour sa finesse. Il n'avait pas la patience, il préférait expérimenter le temps que tenaient les simples humains vendus à Samedi dans l'arène face à des zombis. Parfois, si c'était trop lent, Klere aurait voulu lui-même descendre dans la fosse pour les frapper jusqu'à ce que l'âme en soit chassée.

Mais là, non. Le guédé avait voulu faire plaisir à Ailin, c'était plus pour elle que pour lui.

Un sourire plutôt charmeur pour l'Ivoire en réponse à ses idées, et le Baron se pencha vers elle pour attraper les plantes qu'elle venait de citer. Le regard dans celui de son épouse, il tira les récipients à lui. Avant de se retourner à sa préparation, Lundi en profita pour prendre un baiser à sa femme.

- C'est vrai que je risque de le casser trop rapidement. Tu sais comme j'aime entendre les os se briser.

Et le voilà qui broyait les plantes, pour les ajouter et adoucir le tout. C'était que le Guédé trouvait toujours la moindre occasion pour faire savoir à ses épouses qu'il les aimait, et les désirait tout autant. Il n'aimait pas que leur brillance soit atténuée par quoi que ce soit, alors il faisait en sorte qu'elles soient plus resplendissantes que les étoiles.

Même face à un zonbi en sale état.

Klere aboya après le mort-vivant sain :

- Toi, va me prélever un morceau de notre pantin givré.

La créature, qui avait la gorge salement ouverte et divers plaies de poignards sur le corps -sûrement une victime de meurtre passionnel puisqu'il s'agissait du monde favori du Baron- s'avança vers la cage. Une fois sur le côté, il gratta avec les outils que Lundi avait désignés. Dans un flacon, des cristaux furent récupérés et enfermés. Quand il revint au niveau du Guédé, celui-ci jaugea les mains et le contenant. Ça semblait propre. Le Céleste s'enquérait de l'objet pour le poser sur leur table de travail. C'était sacrément froid, à tel point qu'il fut jugé bon de dessiner à la craie un petit sigil au cas où.

- On a déjà ça, si je m'emporte un peu.

Sourire malicieux adressé à Ailin.

Puis il s'empara du bol où reposait leur première tentative. Un vent souffla en s'engouffrant depuis le puit de lumière tout en haut de la Tour, des loas mineurs semblaient apparaître au plafond, entre les poutres de bois et de pierres. L'attention du Céleste fut happée par ces quelques apparitions. En tant que parents, évidemment qu'ils étaient intrigués.

- Au moins, ils ne me collent pas comme ils peuvent coller Dimanche.

Disant ces mots, il fit signe au zombi d'à nouveau venir. Celui-ci prit la préparation, et le Baron suivit, pour voir de plus près.

Lundi s'accroupit, proche mais toujours hors du tracé au sol.

- Viens voir ça, kè mwen.

C'était qu'il était plutôt plein d'engouement.

Un regard rapide aux loas curieux qui s'incrustaient dans des poutres soutenant l'étage supérieur, les expérimentations les distrayaient probablement, Lundi se contentait en réalité de veiller à une alerte. Il ne faudrait en effet pas les vexer, même si Ailin avait doucement plaisanté, il n'était pas à mettre de côté qu'ils jouaient avec un feu bien particulier. Mais après tout, même en s'amusant, cela pouvait inspirer le Guédé pour on-ne-sait encore quel rituel futur.

Peut-être quelque chose comme détruire les chairs pour ensuite vêtir les os d'une viande d'un autre genre ?

La main de l'Ivoire ramena un peu l'esprit voyageur sur la scène du moment, et le spectacle était bien satisfaisant. En tout cas pour les yeux, d'une certaine manière un peu étrange à la mort qui refusait de s'inviter encore. L'odeur déplaisait, mais le bruit arrachait les rires. La chose laissait des sortes de râles, de faibles respirations s'envoler. Le Baron était presque sûr de pouvoir voir les poumons bouger. Grand sourire, alors que les oreilles écoutaient l'analyse très juste de la jeune femme. À la fin des mots, les restes de bouillie et d'os, de restants d'organes, commençaient à laisser une vapeur s'envoler. Comme le souffle chaud qui grelotait de l'air d'hiver.

Le Baron tourna le regard sur son épouse, un sourire un peu absent en la contemplant si sérieuse. La régénération commençait à se faire, bien que lente et avec de la peine... la faute à la présence de la potion improvisée qui laissait encore quelques résidus. Le virus n'allait pas être traité de cette manière, il seuls les symptômes pliaient.

- Tu as raison, c'est la seconde. Le virus de Hook en fait des zombies de glace, mais les lie aussi entre eux. Une toile entre chaque esprit, on ne fait que jouer avec la surface.

Un léger rire en descendant les yeux sur la chose, qui pourtant, avait bel et bien une conscience. Mais bon, c'était un Diurne infecté, alors l'avis du concerné n'avait jamais intéressé le Céleste. Non, en réalité, Lundi ce qui l'intéressait concernait la connexion. Comme le cerveau au coeur et au reste, tous les organes en un. Les orbleus étaient des organes liés à un cerveau, non ?

- Je crois que pour la prochaine idée, il faudra se montrer plus gentil.

Et comme pour illustrer, Lundi avait quitté sa position pour embrasser Ailin sur la joue.

- Je pencherais pour quelque chose de pluuuus... spirituel.

Fit-il en désignant leurs visiteurs des yeux, ceux-ci luisant d'une lueur inhumaine.

- Mais ça demanderait plus de travail, et je t'avoue que c'est déjà plus amusant s'attaquer à la carcasse. Et si, on tentait le cerveau ?

La jolie petite source électrique de l'humain.

Le Guédé aimait ces expériences exotiques, en jonglants avec ses capacités et les créations de l'Île de Jamais. Le tout avec une charmante épouse érudite. Et oui, parfois même les guédés devaient faire des recherches et travailler. Du moins, Lundi devait le faire lorsqu'il n'était pas question de voyeurisme ou de destruction et qu'en plus ce soit un Mal d'une telle ampleur.

Il faudrait des aiguilles.

Tout en se laissant prendre à l'étreinte, le Baron répondit en posant les mains sur les hanches de son épouse d'ivoire. Il tourna les yeux pour observer ce qu'Ailin lui désignait par les mots, avant de relâcher un bref rire. La chose givrée semblait bien être secouée.

La suite, concernant les outils favoris de la demoiselle, rapporta l'attention du guédé à l'Ivoire. L'esprit eut de quoi relever le sérieux après la légèreté. Après quoi Klere reporta à nouveau le regard sur le zombie de froid, tout en balançant d'un mouvement à peine perceptible Ailin de droite à gauche.

Klere avait déjà vu d'autres Orbleus qui paraissaient bien moins idiots, dotés d'une véritable conscience à l'image des zonbis du Bayou. La connexion en moins.

L'avait-il déjà trop amoché lors de la capture ? Possible.

L'index droit du Baron vint caresser la mâchoire de sa femme tout en lui redonnant son attention, et un sourire charmeur pour faire la paire.

- Je pensais bien à tes aiguilles.

Il retira les mains de l'Ivoire avant de les joindre pour les embrasser et s'en aller voir la créature qui commençait à grogner plus bruyamment. L'odeur avait quelque chose d'étrange, un mélange de fraicheur et de chair brûlée.

- Et je comprends bien le problème : on n'en saura rien si le lien est rompu ou non.

Un coup d'oeil aux loas mineurs qui s'enivraient de curiosité, mais le guédé n'y trouva pas de véritable réponse.

- Il aurait sûrement fallu une comparaison, peut-être en observant les agissements d'autres. Mais difficile de savoir s'ils communiquent ou non. Ça reste de la magie...

Ce ne serait pas forcément dans les organes, mais il fallait bien un lien entre le corps et l'esprit. Enfin, selon le Céleste. Tandis qu'il s'interrogeait en contemplant le ciel visible dans le puit de lumière, quelque chose naquit dans le cheminement.

- Peut-être qu'on peut révéler le lien magique, un genre de trace ? Peut-être qu'en titillant sa matière grise il aura mal et il tentera d'appeler les siens. Ce qui permettrait d'avoir une activité à "mesurer".

Les liens, ça plaisait toujours à Lundi. Il pensait aussi un peu aux poussières de fée qui se détachaient d'elles parfois.

- Des fils de magie, d'une autre nature que celle qui lie nos chers acteurs à leurs biens quand on les observe depuis le ciel.

En se concentrant, il pouvait entendre très légèrement les craquelures grincer comme une viande givrée que l'on tordrait venant du pestiféré de Hook. Le froid donnait encore plus envie à Lundi d'allonger ses temps de sommeil. Il se prit durant un instant à penser que si le froid ne s'en irait pas bientôt, il finirait par hiberner.

Le seul ennui de ce genre de longues absences... c'était qu'il ne pouvait plus contempler les sublimes étoiles vivant dans sa tour.

Son regard croisa celui de l'Orbleu et une vague lunatique offrit du mépris au ressenti du Baron Lundi.Ce ne fut que les interventions d'Ailin qui ramenèrent les émotions vagabondes à une forme de stabilité. Pour l'instant. Klere avait bien entendu les mots de son épouse, et observait avec satisfaction les pointes mortelles qu'elle lui avait données.

- Tout rituel doit être expérimenté afin d'être amélioré.

Les loas s'intéressaient aux projets de ce parent, ils auraient en offrande les sentiments givrés au fond du coeur du captif. À la fin. Du moins, Lundi optait de temps en temps pour ce genre de présent lorsque des émotions assez puissantes pouvaient plaire aux esprits.

Le baiser de l'Ivoire fut reçu avec enthousiasme et un large sourire s'adressa à elle lorsqu'elle ponctua d'une question.

- Je vais... planter ces deux petits bijoux assez profondément. Par les tempes. Sur des gens en vie, ça dérangeait leurs paroles.

Le Céleste n'avait aucune notion de neurologie, il ne faisait qu'être attiré par les petites charges électriques déjà présentes dans les corps. Il avait essayé de s'en approcher en usant de matériaux conducteurs. Il avait juste appris que les émotions l'appelaient par une zone concentrée vers le centre, et par expérimentations... il avait pu voir les résultats des dégâts.

De gros dégâts, puisque seul son intérêt pour cette petite électricité lui importait.

Le troisième fils de Brigitte aurait tout autant pu simplement ouvrir le crâne et poser la main directement sur l'organe si fascinant, et quel jolie offrande ça aurait aussi pu être.

- Peut-être que les étincelles de cette magie bien enfoncée dans l'esprit, vont réagir si elles sont en contact direct avec celle du Bayou.

Un regard sur les pointes des aiguilles.

- Le poison ne fera sûrement pas du bien à notre joujou, mais... est-ce que c'est un problème ?

Les prunelles de Lundi se faisaient langoureuses en cherchant l'approbation de son épouse, ou...

- Mais c'est pour ton esprit scientifique que je l'avais ramené. Dis-moi si on s'en fiche ou non de sa misérable existence, kè mwen.

Il donnait déjà les épines mortelles à des zombies, pour mieux prendre le visage d'Ailin entre ses mains. L'envie de jouer avec l'électricité de l'esprit avait tout autant de terrain que l'envie de faire plaisir à sa femme à l'âme aiguisée. Le coeur penchait toujours la balance du côté des sentiments passionnés, et celui qui prenait le dessus était non contre toute attente : l'amour que le troisième Baron portait l'Ivoire.

- Tu sais que si je veux jouer avec des âmes, je peux très bien m'en trouver d'autres moins singulières. Ce qui m'amuse le plus là : se ke mwen avek ou.

Il fallait croire que tout ceci le rendait de très bonne humeur.

Tant pis pour le trop plein de chaos, parfois le Guédé aimait à simplement détruire. Même lorsqu'il ne se rendait pas tout de suite compte que là était sa véritable envie sur le moment. Il aimait toujours autant voir sa femme aux avis et méthodes scientifiques, il se laissait faire lorsqu'il décidait de suivre. Et c'était là ce à quoi il jouait.

Lorsqu'Ailin était plus proche, il eut envie de l'embrasser. Cependant, là n'était pas encore le moment. Il se laissa faire, avant d'offrir un sourire particulièrement tendre à son aimée. D'un mouvement, il claqua des doigts et le revenant s'attela à la tâche. Eloignant l'aiguille encore chargée, afin de l'emmener pour la rendre inoffensive.

Lundi s'éloigna en reculant de quelques pas, et se tourna vers son "laboratoire" pour jeter quelques substances sur les outils. Et c'est avec sa propre électricité qu'il termina le travail.

Le zombie reprit les instruments, et débuta la suite des festivités en enfonçant les piques à des points très spécifiques du crâne de l'Orbleu. Certains provoquèrent des hurlements sans pareil, ce qui arracha un air bizarrement mécontent à Lundi qui suivait le mort-vivant avec grande attention. Bras croisés, le Céleste commençait sentir l'air électrique autour de lui-même.

Un regard à Ailin, est-ce qu'elle sentait les particules même du Bayou haïr les très infimes traces magiques qui semblaient s'échapper du métal planté dans le cerveau ?

Infime, certes, mais assez pour donner envie à Lundi de faire tomber la pluie.

- Les liens sont là, et les loas ne les aiment pas.

Un rire en coins.

- Rien de surprenant.

En s'approchant de la cage, le Baron se demandait s'il pouvait y déceler une quelconque émotion à arracher.

- Mais ces étincelles... elles m'ont ouvert un chemin.

Un regard à Ailin.

- Je sens une émotion s'en dégager.

Il la voulait, il voulait un sentiment primaire d'Orbleu à ajouter à sa collection de flacons. À tel point qu'il ignorait le cris bestial qui venait de sortir de la gorge de la créature.