Une dégaine d'épouvantail au costard froissé et à la tignasse brune jamais coiffée. Les épaules voûtées, les mains dans les poches et une clope au bec. Un air désintéressé et nonchalant. Des immenses jambes longilignes portent, avec une démarche mi dansante mi branlante, un torse en V dont les épaules se haussent souvent, en réponse à tout. L'ensemble paraît maigrichon, mais faut pas s'y laisser prendre, les muscles sont fins, mais forts. Au bout des bras : des longs doigts fins de pianiste, parfois ils caressent les touchent noires et blanches. D'autres fois ce sont des courbes féminines. Mais le plus souvent c'est une clope et un flingue.
En haut du long cou y a un visage allongé avec un nez particulier : un peu busqué et pointu. Au dessus, des yeux noisettes, banals, aux paupières lourdes, comme trop paresseuses pour se soulever d'elles même. Rien n'échappe à ce regard ; l'air de rien, il observe et enregistre tout. Ou presque, la mémoire est sélective. A l'opposé, c'est une bouche fine toujours étirée d'un sourire en coin tranquille, comme tout le reste du visage. Comme tout le reste du corps.
Tranquille, simple.
C'est un homme simple Evan, qui se prend pas la tête et à qui c'est impossible de prendre la tête. Un homme charmant mais pas charmeur pour un sous. Il se gratte l'arrière de la tête quand une femme lui fait du gringue, il comprend pas que son sourire en coin, son air doux, ses yeux tristes et sa tignasse indomptable - improbable - font fondre. Il est perspicace pourtant, très, mais pas pour ça apparemment.
Il préfère rester en périphérie, observer tranquillement avec une cigarette, agir demande trop d'énergie pour des choses qui n'en valent souvent pas la peine. Il sait s'économiser, en faire le moins possible, ne rien faire si possible, accouder à son comptoir ; trop détaché de la vie sans doute.
C'est un homme discret Evan. Secret.  
C'est aussi un homme violent, très. On dirait pas, sous ses airs flegmatiques et désinvoltes. Et ce sont pas que des airs ! N'empêche que quand il a une de ses crises... Ça rigole pas.
C'est un autre homme : les yeux qui passent du noisette au noir, soulignés par des marques si profondes qu'elles paraissent être là depuis des siècles et pourtant invisibles en temps normal, surplombés par des sourcils froncés à l'extrême, le sourire tranquille remplacé par une mâchoire crispée sur des dents apparentes, son corps engourdi par l'apathie et la nonchalance se tend comme une corde et ses mouvements se font vifs et nerveux. Envolé le flegme et la désinvolture : la violence vibre et éclate. Comme la tête des gens en cause.
Pourquoi ? Aucune raison particulière. Ils étaient là, ils le regardaient d'une manière étrange, avec trop d'insistance peut-être. Il est parano Evan, tout ça c'est dans sa tête, mais ça l'empêche pas de péter un boulard quand il pense qu'Il l'a retrouvé.

Ouvrir son propre commerce, le gérer entièrement sans dépendre de personne, craindre personne. Aucun contrat ni quota à remplir, aucune pression, peut-être même pas assez de pression pour un gérant. Mais il est bon vendeur, il pourrait vous vendre votre mère pour deux cacahuètes ou, au contraire, une flotte entière - avec le Jolly Roger en supplément.

Son ancienne vie : il cherche à la fuir, à la quitter, c'était son but ultime, après cette course ultime. Ici c'est la seconde chance tant espérée, c'est le nouveau départ, incognito. La vie tranquille.
La paix.
Mais les chiens du passé lâchent jamais leur proie qui peut pas s'empêcher de toujours jeter un œil par dessus son épaule.

Rien à dire sur le petit : jamais rencontré, pas de désir de remédier à ça. Plutôt à éviter si on veut avoir la paix. Mais depuis qu'il est arrivé sur l'Île, il a connu qu'un Peter Pan absent. C'est pour le mieux.
Hook, lui, c'est une autre affaire. Il l'évite : sa présence lui fout les boules, fait gronder sa parano ; le Capitaine ressemble trop au Boss.
Mais il l'a laissé tranquille et le laisse encore tranquille, dans son tabac, au Port. Tranquille, c'est tout ce qu'il demande.
En échange, il a dû changer de nom, Peter ça plaisait pas au Capitaine, on se demande pourquoi. Pas grave, il comptait en changer de toute façon, juste au cas où Il le retrouve.

C'étaient les 80', puis une brume impossible et le voilà dans un film d'époque sur les pirates du XVIIIème siècle.
L'abordage s'est passé comme dans un film mais il avait pas besoin du sabre sous sa gorge pour accepter cette nouvelle vie. Une aubaine, vraiment, un miracle même.
Il est adaptable, il a toujours bougé, dans des conditions extrêmes, alors il a pas eu trop de mal à s'installer au Port.
En bon commerçant, il a centralisé la vente du tabac, jusque là en trafic dans les rues et à la Taverne, en un point : son bureau de tabac. Il a fallu louer un lopin de terre à la Ferme pour planter son tabac, du cannabis et quelques arbustes de coca - habitude gardée de quand il produisait pour l'Organisation - qu'il a prestement refilé aux fermiers contre salaires et intérêts. Un accord commercial à rapidement été signé avec la Fumerie de Yamanaka.
Les affaires marchent, contre toutes attentes avec un gérant aussi détaché et feignant ; mais il est diablement bon vendeur. C'est que le début, il se suffit à lui même, par contre si ça continue, il aura besoin d'embaucher du personnel, rien que pour la préparation du tabac.
Mais le Givre a presque tout crevé, heureusement, les fermiers sont doués et ont réussi à sauver quelques graines.
Il continue de fabriquer des clopes au Ranch, en petite quantité pour économiser les réserves qu'il a emmené et les pauvres graines survivantes. Lui même a dû réduire sa consommation et ça porte dangereusement sur ses nerfs... Et sa paranoïa.

Tout jeune, déjà dans les rues d'Houston, qu'il pleuve, vente, neige. Il fait le coursier, le messager, le livreur. Le taff le plus ingrat et risqué, le premier à se faire chopper par les flics. Mais quand on commence, on commence tout en bas de l'échelle.
Il faut bien survivre quand on est seul.




Un poing fuse vers son visage où s'étire un sourire joueur. Deux centimètres sur la gauche, il évite le coup, saisit le bras tendu et, avec la force et l'élan de son adversaire, l'envoie valser dans les caisses du dock. Même pas eu besoin de son flingue. Il s'amuse, ça l'amuse.




Des enfants sales et maigres dansent au milieu de la rue sur la musique d'une vieille radio, sûrement volée. Sur le côté, un des petits se chamaille avec le grand gars qui vient souvent les voir avec de la bouffe. Les mains levées, le sourire aux lèvres sans clope, il esquive les petits poings de l'enfant, lui donne quelques conseils pour mieux viser.
Il aurait aimé qu'on l'aide un peu lui aussi, quand il était gamin et seul dans la rue.




Un stylo plume décoré de feuilles d'or signe un papier. Des flingues de chaque côté des tempes : Johanson tend la feuille tremblante dans ses mains. Le grand gars en face lui répond d'un sourire charmant et récupère le contrat.
Le Boss sera content.
En sortant, il lève une main aux longs doigts fins et des détonations retentissent dans le luxueux salon maintenant repeint de rouge.
Le Boss ne tolère aucun refus, Johanson ne l'oubliera plus.




Une cigarette passe rapidement entre ses longs doigts agiles avant de disparaître. Magie.
Il fait ça avec tout ce qui lui passe entre les mains, parfois même sans s'en rendre compte. Reste de ses jeunes années pickpockets.




Deux silhouettes masculines sortent d'un bar, bras dessus bras dessous : l'un rit comme un ours, l'autre a seulement sa grande carcasse qui s'agite, quasi silencieux.
Partenaires, de crimes, de beuverie ; presque des amis. Mais ça n'existe pas dans l'Organisation.




Il pleut : il ne le sait pas encore, mais c'est la dernière averse qu'il verra ici, avant le Givre.
Clope mouillée à la bouche, regard vide posé sur une tombe anonyme, de fortune, sans corps. Juste une croix. Les initiales s'effacent déjà : il le sait pas encore, mais l'Oubli efface les noms à une vitesse vertigineuse ici. Ça a commencé dans sa tête aussi…
Son partenaire n'a pas voulu rejoindre Hook, l'Organisation lui a trop bien lavé le cerveau. Ils l'ont égorgé et passé par dessus bord. Et c'était tout.
La mort, Evan la connaît bien : il la côtoyait presque tous les jours, la distribuait aussi. Il est habitué à son instantanéité et sa finalité. Et puis, son partenaire ne l'aurait jamais laissé refaire sa vie ici alors, ça mort est une bonne chose. Pas vrai ?




Marchant dans les rues du Port, mains dans les poches, clope au bec. Des éclats de voix, des rires. Il croit reconnaître le rire d'ours. Son corps se tend, son visage se déforme, ses doigts s'agitent vers le flingue planqué sous sa veste de costard froissé. Un groupe de pirates sort de la Taverne, gueulant leur ivresse au monde. Evan les laisse passer, leur adressant un sourire charmant, avant de rentrer à son tour.




Adossé à un mur, il laisse échapper un nuage de fumée, le regard perdu dans le vague. Une ombre, à la périphérie de sa vision : l'instant d'après, son flingue est pointé vers la pénombre de la nuit, le visage déformé par la tension. Miaulement. L'arme a disparu et Evan s'allume une nouvelle cigarette, sourire tranquille.




Un client entre : avec le jeu d'ombres Evan a cru reconnaître de son partenaire mort. Mais c'est juste ce vieux Lombar. Sa main s'écarte lentement du flingue planqué sous le comptoir alors qu'il salue le client, souriant.




Dans la petite chambre spartiate éclairée seulement par la lune à travers la fenêtre, une respiration paisible. Qui s'emballe.
Il y a une deuxième respiration avec lui. Réveil violent, le flingue toujours caché sous l'oreiller est entre ses mains, pointé vers un coin. Vide.
Evan se rallonge, le flingue sagement à sa place. Mais il mettra un moment à se rendormir, les yeux fixé sur ce coin d'ombres.




Quelqu'un l'appelle dans la rue, lui crie de s'arrêter, qu'il va le buter, que personne quitte l'Organisation. Et quand on lui attrape l'épaule, Evan se retourne brusquement. Les doigts du pirate craquent entre les siens, un cris de douleur brusquement tu : un flingue est collé sous son menton. Face au visage du pirate innocent, Evan lâche sa prise sur les doigts et retire le flingue ; après de longues secondes de flottement, comme s'il reprenait pied dans la réalité. Le pirate à genoux sous le choc de la prise se relève et crache par terre avant de partir ; il voulait juste lui parler du billard. Mais il oubliera jamais le visage déformé du grand gars a l'air toujours tranquille : on aurait dit un chien enragé.