Là d’où il vient, personne ne connaît Misha sous le nom de “Misha Rozanov”, non. Là-bas, il est Mr Hex, l’exubérant directeur du Baba Yaga, mais le cabaret a fermé, alors qu’est-ce que cela peut faire désormais…?

Lui pourtant, il est fidèle à lui même, aussi baroque et endiablé. Impossible de ne pas le remarquer, il est toujours là, au centre d’une scène imaginaire, jouant son show, amusant la galerie, choquant les bonnes gens. C’est le personnage, c’est ça qui fait vivre, il faut du culot dans ce milieu, et Misha n’en manque pas. Il est grand, et vu les talons qu’il porte en plus, impossible de le rater. Son vestiaire est un défilé de mode permanent, entre froufrous, dentelle, fourrure, cuir ou autre mélange. Il semble le plus souvent “travesti” (bien qu’à ses yeux le terme soit idiot, pourquoi diable seule les femmes pourraient porter des jarretelles et du maquillage ?), mais cela varie en fonction de son humeur, ou de son caprice du jour. Les costumes les plus incroyables sont le plus souvent réservés pour les spectacles.

Frénétique, exalté, passionné, Misha ne fait pas les choses à moitié. Son art il le vit, il le devient, il le coud sur lui comme un manteau. Ses émotions sont des tremplins pour ses tirades, la moindre contrariété peut devenir une véritable tragédie, le moindre rire, une fièvre incontrôlable. Il veut tout être, toujours. C’est un homme du théâtre, il joue, il écrit, il improvise, il danse et il chante. Il veut bousculer les consciences, il aime la provocation, changer le point de vue des gens, voir leur yeux hésiter, leurs joues rougir, ça l’amuse tellement ! C’est une drama queen dans tous les sens imaginables du terme.

Tant qu’il a son public, Misha reste Mr Hex, c’est une règle inviolable. Ce n’est que lorsqu’il est seul que le masque s’affaisse. La nuit, quand la plupart des lampes s’éteignent, il enlève son maquillage et il n’est plus que lui même, artiste raté, au mieux douteux, qui doit encore gérer les finances, trouver des contrats, parfois faire semblant de ne rien voir, ravaler un peu de dignité pour sortir son spectacle.
Il ne s’aime pas beaucoup. Il ne s’aide pas beaucoup. Alcool, cigarettes et parfois autres substances, sexe, tous les excès sont bons, il cherche la solution partout. Il s’est créé son enveloppe autodestructrice, et au fond, il n’y a rien qu’il aime plus que sa propre misère. C’est pour tenir un peu plus, pour faire croire qu’il profite de la vie. Il le fait peut-être vraiment, allez savoir avec lui. Est-il un malheureux qui joue l’enthousiaste ou un illuminé épicurien qui s’enveloppe d’une malédiction poétique ? L'ambiguïté lui plait, alors il n’est pas près de lever le mystère.

Il y a quelque chose de magnétique dans l’aura de Mr Hex, aussi agité et pénible qu’il puisse être. Peut-être est-ce simplement son regard ? Ou sa gestuelle ? Il traite tout le monde de la même manière, les cils qui papillonnent, et un sourire équivoque aux lèvres. Il y en a que ça met mal à l’aise, certains à qui ça plait, d’autres qui sont catégoriquement dégoûtés, mais peu d’indifférents dans l’équation finale. Lui semble se délecter de l’effet qu’il produit, quelque soit le regard qu’on lui rend : ce qu’il veut, c’est qu’on le voit.
Hommes ou femmes, qu’est-ce que cela change ? Misha brouille les pistes, il aime tous les corps, chacun est une oeuvre à part entière, chaque différence est intéressante, ne sommes nous pas tous une des premières galeries d’art vivant ? La première inspiration ? Il aime sans aimer, comme l’on découvre une histoire dans un livre avant d’en lire une autre, et la bibliothèque est infinie. Bien entendu, il apprécie ses amants, mais jamais il ne s’attache, tout cela est bien trop lourd et dur pour lui, et il préfère la liberté et la légèreté. Il ne faut pas lui en vouloir : vous ne pourrez plus le changer de toute façon. Les plus psychologues d’entre nous pourraient imaginer qu’il cache simplement son affection, ou bien qu’il la garde pour une seule personne dont il ne parle jamais. Lui s’amuserait beaucoup de vos théories sans ne jamais rien confirmer.

Si le sacré subsiste quelque part pour lui, c’est dans l’enfance. Il n’a pas eu la chance de grandir comme lui le voulait, trop à faire trop jeune, trop de responsabilités sur son dos si tôt… Il ne souhaite cela à personne, il faut laisser les enfants grandir à leur rythme, il faut les laisser libres. Il apprécie l’atmosphère de rêve qui règne sur l’île pour cette raison, et malgré toutes les perversions dont des intolérants idiots l’auraient accusé, il ne regardera jamais une silhouette qui semble avoir moins de la vingtaine. En dessous, même l’adolescence passée, “they’re just kids”. Il reste toutefois serviable et fantasque devant les gosses perdus, show must go on.

- Appelle presque tout le monde Darling / Dearie, surtout ceux que ça énerve.

- Quand vous le voyez, il est Mr Hex, le personnage qu’il s’est construit tant et si bien qu’il ne sait plus s’en défaire. Mais au fond de lui, quelque part reste Misha, juste Misha.

- Retape lui-même un bâtiment qui a pourri avec la pluie au Port pour en faire un théâtre. Actuellement en plein emménagement, il s’est arrangé avec Lady Ruby pour que celle-ci autorise les Miss volontaires à participer à un spectacle façon cabaret une fois par “semaine” (lorsqu’il décide que cela fait une semaine à vrai dire). A d’autres occasions, on y joue des extraits de pièces, on y improvise ou on discute avec un café ou un thé lorsque l’on n’est pas d’humeur pour un verre d’alcool. Mr Hex est tout à fait disposé à prêter sa scène aux âmes d’artistes qui cherchent un espace d’expression.

- Fabrique les décors à la main, écrit des pièces, joue en partie la musique (même s’il y a meilleur musicien que lui et qu’il est toujours ravi d’entendre un nouveau talent).

- On le regarde parfois bizarrement au Port, mais il a connu pire, il est habitué. Il répond parfois d’un petit signe de la main, au risque de se prendre quelques bleus, mais jusqu’à présent, ça n’est jamais arrivé.

- C'est un Bermudon qui débarque tout droit du Berlin de la fin des années 20. Il est toutefois originaire de Russie et parle donc le russe, l'allemand et l'anglais.

- Il a décidé de suivre les traces de son oncle Alyosha en partant en voyage, celui-ci étant réputé comme un original s'étant perdu lors d'une exploration. C'est ainsi qu'il est arrivé à Neverland.

Une nouvelle terre, une nouvelle opportunité ! Tant qu'il y a un public, Misha ne part pas vaincu, au contraire. C'est un nouveau peuple à conquérir, un nouveau coeur à gagner, et il parait que l'île est celle de tous les possibles. Quel rêve pourrait-il manquer ? Quel songe pourra-t-il apporter ? Voilà ce qu'il se demande en allumant une cigarette.

Sa vie d'avant était déjà la seconde, il est habitué au changement, il le recherche, il l'embrasse. Et Dearie, t'entends-tu parler ? Pourquoi rechercher l'Ordinaire quand on vit dans l'Extraordinaire ! Non, Misha ne reviendra pas, il a ici tout le matériel comme recommencer une nouvelle existence, un nouveau personnage, encore plus parfait, encore plus travaillé.

Peter Pan, il ne l'a jamais croisé pour l'instant, et pourtant, il est déjà impressionné par son monde. Si l'enfance il est, Misha l'aimera et le respectera comme on respecte l'innocence, comme on aime l'insouciance. Ce garçon est un véritable héros de pièce de théâtre ! (Oh, ironie, s'il savait...)

Concernant le Capitaine Hook, il semble être le digne antagoniste à un drame, et l'aura étrange de l'homme lui a laissé une forte impression.

BOUT D’AVENTURE

Précisions:

ACTE I
Scène 1

Dans un théâtre, par une soirée glacée en Russie.
La lumière vacille, un homme entre, les deux bras levés.

[HEX] : La danse est terminée, mesdames et messieurs. Nous espérons que la soirée vous a plu, et si les ombres que nous sommes vous ont offensé, songez à cela comme un rêve, rien de plus.

Le rideau descend. Des applaudissements résonnent. Les spectateurs sortent de la salle.

[LILI] : Quelle soirée !

Hex esquisse un pas de valse en la prenant par les mains.

[HEX] : Déjà fatiguée ma chère ? Mais la nuit ne fait que commencer.
[LILI] : Cesse Misha, ils sont partis.
[HEX] : Ils ne partent jamais réellement ma chère Lili. Ce n’est qu’une illusion.

Un homme sort de derrière le rideau.

[GUSTAV] : Patron, Sergei veut vous voir, il a quelque chose à vous dire.
[HEX] : (il soupire) Sergei a toujours quelque chose à me dire Gustav. Dis lui que je le verrai demain.
[GUSTAV] : Il a dit que c’était important !
[HEX] : Diable Gustav ! Laisse moi en paix, tu sais j’ai besoin de me détendre le temps de sortir du rôle. Sergei peut bien attendre.

Il se sert un verre et un tend un autre à Lili.

[LILI] : Tu devrais y aller, Sergei n’est pas patient.
[HEX] (il reprend le verre d’un geste brusque) : Ainsi c’est un complot ! Et tu en fais partie ! Traîtresse ! Tu me paieras cet affront !
[LILI] (elle s’approche) : Tu es mauvais acteur quand tu t’inquiètes. Va donc voir ce qu’il veut.
[MISHA] : Lili…

Il pose sa main sur sa joue et se penche vers elle. Elle lui fait signe de se taire. Il sort.


Scène 2

[SERGEI] : Ah te voilà !
[HEX] : Sergei Sergei. Tu ne peux te passer de moi.
[SERGEI] : (il rit) Hélas Misha. Si tout était si simple. Comment était le spectacle ?
[HEX] : Grandiose comme toujours.
[SERGEI] : Et le public ?
[HEX] : Comment le saurais-je ? Une fois là-bas je ne vois pas au delà de la scène, tu le sais bien.
[SERGEI] : Que trop bien mon ami… Écoute. Il faut que je te parle. J’ai revu les dernières entrées, la pièce ne marche pas. Ne me regarde pas avec cet air outré ! Tu sais bien que je la trouve réussie, mais ce n’est pas ce qu’il faut par les temps qui courent. Les gens veulent du burlesque, de la comédie facile, la satire fait peur. Ce n’est pas un bon moment pour les gens comme nous… Encore moins pour en parler. Tu sais ce qu’il est arrivé à Anton.
[HEX] : Oh je vois c’est encore un de ces passages. Je pensais que nous avions passé cette phase. Darling, combien de fois me feras-tu le discours du doute et de l’amour interdit ? Crois-moi j’adore la touche dramatique que cela apporte, mais tu te tortures trop.
[SERGEI] : Il ne s’agit pas de nous Misha, il s’agit de la pièce.
[HEX] : (Il se lève brusquement) S’il s’agit de la pièce alors il s’agit de nous Sergei ! Ne comprends-tu pas ?
[SERGEI] : Il y a autre chose.
[HEX] : Oh je t’en prie, dis moi à quel point ton être maudit se sent souillé de travailler pour cette compagnie, comme ton âme te semble noire. Cela commençait à me manquer.
[SERGEI] (agacé) : Ne me fais pas passer pour toi, de nous deux TU es le poète déchu. C’est impossible de discuter avec toi.
[HEX] : Oh dearie, ne me flatte pas, cela ne t’amènera nulle part.
[SERGEI] : C’est à propos de Lili...

Quelqu’un frappe à la porte. Lili entre, un manteau sur les épaules.

[LILI] : Est-ce réglé chéri ?
Hex ouvre la bouche pour répondre.
[SERGEI] : Bientôt !
[HEX] : Sergei ?
[LILI] : Je pensais qu’il te l’avait dit…
[MISHA] : De quoi parlez-vous ? Que devait-il me dire ?
[HEX] : Oh mais je vois, j’ai bien compris votre jeu. La pièce n’a rien à voir là-dedans n’est-ce pas ? Vous êtes jaloux voilà ce qu’il se passe !
[SERGEI] : Misha, écoute, j’ai essayé de te le dire plusieurs fois, Lili et moi sommes…
[LILI] : Fiancés. Nous sommes fiancés.
[MISHA] : Pardon ? Toi et… Sergei ?
[SERGEI] : Et j’ai besoin de m’assurer que ce théâtre nous permettra de survivre tu comprends ?
(il se penche vers lui) Je t’en prie ne lui dis rien pour nous, aie un peu de respect pour le seul bonheur qu’elle a pu trouver ici.

Misha se lève sans un mot, marchant vers la porte, il se tourne pour ajouter quelque chose.

[LILI] : Misha… (elle se penche vers lui à son tour) Je t’en prie. Il ne sait pas pour nous, je voulais t’en parler mais.. je n’ai jamais pu.

[HEX] : Je vois.

Il prend son manteau et son chapeau. Il se rapproche du bureau de Sergei qu’il fait brusquement basculer au sol, avec tout son contenu.

[MISHA] : LA PIÈCE SERGEI ? IL S’AGIT DE LA PIÈCE ?
[HEX] : Qu’importe. Ce n’est pas dans ce théâtre pourrissant avec un actrice de pacotille que je compte m’enfermer. Autant donner d’avance ma dépouille aux corbeaux que vous attirerez ici. Je refuse d’assister à l’agonie du rêve. Madame. Monsieur. Adieu à vous, j’espère ne jamais vous revoir.

Il sort.

ACTE II
Scène 1 : Journal

“Le Baba Yaga ouvre ses portes à Berlin cette semaine, son énigmatique directeur Mr Hex arrive tout juste de Russie. L’établissement est le premier du genre dans la ville à proposer à la fois des spectacles de théâtre et un cabaret, ouvert tous les samedis soirs.”

Scène 2

Hex paraît sur scène, portant une écharpe en plumes. Un piano joue. Il chante.


“Deine Schritte kennt sie
Deinen schönen Gang
Aller Abend brennt sie
Doch mich vergaß sie lang
Und sollte mir eine Leids geschehn
Wer wird bei der Laterne stehn
Mit dir
Lili Marleen?
Mit dir
Lili Marleen?”

Traduction:

ACTE III
Sur une scène de bois, face à la mer, quelque part sur une île oubliée faite de songes et de cauchemars.

[HEX] : Et ainsi l’infortune me sourit, m’ôtant à tout ce que je chérissais, arrachant de mes bras frêles mon seul bijou, mon seul amour, mon théâtre. Brisé, j’errais sur les chemins, me perdant d’une voie close à une autre, sans ne jamais trouver de repos. Je repensais à mon enfance, à ces visages que j’avais connus, désormais dévorés par le passé. Ma mère si sévère, ma soeur craintive. L’oncle Alyosha, que tout le monde connaissait, mais personne n’avait vu, et qui m’avait tant appris malgré lui. Je décidais de suivre ses traces, comme je l’avais fait, empli de doutes, lors de mon adolescence : moi aussi j’explorerais de nouveaux territoires ! J’achetais un billet pour une traversée de l’Atlantique. New York serait ma nouvelle vie, à moi l’Amérique !
Et finalement, me voilà ici mes amis, avec vous sur cette île, comme le monde est étrange. Jamais je n’aurai pu prévoir la suite de l’histoire…

Il commence un morceau de piano.

Mais laissez-moi vous en conter une autre...