Bien sûr que Mae est resté-e jusqu’au bout, flammes dansant dans la nuit pour lui tenir compagnie. C’est rare, qu’iel fasse plus que le nettoyage des corps, insectes qui sont collectionnés, observés avec une affection presque maladive. Cette fois, Mae ne s’est pas cassé-e pourtant. Peut-être parce qu’il est tard, même dans un monde où le temps est pas vraiment là, et que ça lae dérangeait pas, de balancer ses jambes dans l’air depuis le banc d’où iel a regardé la cérémonie. Le défunt avait des vœux précis, qui ne sont respectés que dans la limite du possible. Le sol est trop dur pour y enterrer quoi que ce soit en dehors de la zone du ranch et ça serait pas bon pour les maladies et tout. C'est pas sympa pour les insectes par contre. Y’a le prêtre qui est venu—Mae est allé-e le récupérer, tout-e seul-e, l’attrapant par le bras et tirant en disant ‘Moribund a grave besoin de toi pour des rites’ avant de le lâcher brusquement pour repartir. Bah, il est venu, Tijl, et il a parlé.

Amen, et tout ça.

Mae ça l’a pas fait chier, même s’ils étaient tous dehors et que la météo leur gèle toujours le cul. Plus pratique pour les crémations à ce qu’il paraît, vu que Moribund a pas ses locaux habituels pour bosser. Puisque c’était un événement—un truc plein de silences et de pauses contrôlées, de souvenirs du mort que Mae connaissait même pas, quelqu'un du Port, iel s’est tenu-e bien sagement. Enfin, dans les limites du possible. Aucun ricanement sous le masque, et un corps qui s’est agité sans pour autant abandonner le banc et dévirer vers un océan qui lui manque vachement trop.

Dommage que Kei soit épuisé—et bien trop occupé aussi. Mae l’aime bien, ne serait-ce que parce qu’il est un peu frappé, Kei, avec son amour pour les morts et son manque d’intérêt pour les vivants. Après lui avoir souhaité bonne nuit par un coucou énergique à deux mains, lae pirate pivote, talons qui se posent pas totalement sur le sol. Un balancement confortable.

« Hey, Mangelune, » c’est pas son nom, pour ça que vaut mieux dire Tijl, ça lae fait moins passer pour un-e idiot-e, mais c’pas simple de comprendre ce que les pirates veulent. Ou les gens en général. Trop de bordel inutile. Maeva glousse, sans cesser de se balancer, oh ouais, iel a idée super, « chocolat chaud ? S’teuplait ? » Woah, un effort de politesse. Un qui est mâché et balancé si vite qu’il est évident que ça manque de sincérité, que Le Masque n’en a pas grand-chose à foutre de bien se comporter.

Une boisson chaude, ça serait cool, et puis iel est pas d’humeur pour une bière. Le chocolat chaud c’est bien après une crémation, ça réconforte, n’est-ce pas ?

Trop bien ! Il aurait dit non, l’Mangelune, Mae aurait été obligé-e de se trouver un truc autre à faire par ses propres moyens. Déjà, avoir eu l’idée, c’est pas mal. Et qu’il accepte c’est encore mieux. Sous le masque, son sourire est plein de colère alors qu’iel n’en ressent pas le moins du monde. Juste que tout est en bazar, sur sa tronche, et dans sa tête. Ses mains s’agitent dans l’air, terminent dans sa chevelure rosée, glissant entre les mèches. Trop bien, vraiment. Avec des tas de marshmallows ou des céréales ça serait l’idéal. Quoique ça représente une quête au-dessus de leur niveau.

«  J’sais où, » que Mae répond, déjà en mouvement, incapable de s’arrêter, de prendre le temps de se souvenir  que le sol n’est pas forcément plat sous ses pieds ; lacets défaits que lesquels iel trébuche uniquement pour s’esclaffer en se rattrapant. Ils se sont déjà détachés ? Grosse merde, ces machins. Mae ne prête pas attention à ce détail, ni au reste, occupé-e à se diriger vers les cuisines du Ranch. Du lait, y’en a un peu. Le chocolat en poudre est amer donc on peut rajouter du sucre.

Quoique Mangelune c’est un bonhomme et les bonhommes ils sont bizarres—ils disent qu’ils peuvent pas aimer ce qui est trop doux, ce qui a pas d’sens pour Mae dont le cerveau a jamais été foutu de rentrer dans la moindre case. Son épaule ouvre la porte du Ranch, ou plutôt s’y fracasse sans conscience de la force employée. Bah c’est ouvert, c’est ce qui compte.

« J’vais t’en faire un trop trop bon—la bière ça pèse dans l’ventre, alors que ça c’est chaud et bien—» Mae prend pas la peine de respirer entre deux phrases, balançant tout sans se demander si son vis-à-vis comprend bien ce qu’iel sort. Quelle importance !