Aujourd’hui, je vais lui parler.
Alive répétait cette unique pensée comme une incantation. Peut-être qu’à force d’y croire, la prière se réaliserait sans qu’elle ait eu besoin d’agir. Seulement, les jours passaient et rien ne s’était fait comme par magie.

Aujourd’hui, je ne recule pas. Une expression sérieuse plaquée sur la figure, elle prenait son petit déjeuner avec une détermination toute inhabituelle. Elle avait apporté un soin particulier aux préparations du matin malgré le refrain qui prenait toute la place sous son crâne. Elle avait zippé l’anorak jusqu’au bout, serré ses lacets jusqu’à sentir ses pieds comprimés. Dans la satisfaction de ces tâches toutes simples, elle tirait toujours un peu plus d’assurance pour se lancer. C’est aujourd’hui, je vais lui parler.

Puis Alive lançait des regards furtifs en direction d’Arrow et elle sentait toute sa petite détermination flancher. Elle imaginait les pires scénarios et ces possibilités lui paraissaient beaucoup trop plausibles pour être écartées. Et à mesure qu’elle doutait, l’idée de remettre son projet à plus tard, voire de l’abandonner complètement, lui semblait de plus en plus raisonnable.

Elle se rappela à quel point ça lui tenait à cœur. Cela faisait beaucoup trop longtemps qu’elle voulait le remercier sans jamais oser se lancer. Si elle ne se jetait pas à l’eau, elle continuerait ce petit manège toute sa vie.
Plum avait beaucoup progressé, ces derniers temps. Grenouille aussi avait changé. En fait, tout le monde allait devant pendant qu’elle faisait du sur-place à s’interdire la moindre initiative.

Si les gens changent sans elles, elle finira toute seule.

Les chasseurs quittaient le Refuge et commençaient déjà à s’éparpiller. Certains formaient les équipes habituelles, en interpellaient d’autres. Beaucoup préféraient se disperser pour couvrir le maximum de terrain. Et parmi eux, il y avait Arrow. En fait, c’était le premier à s’être détaché du groupe.

Alive décida de le suivre, le visage complètement exsangue. Il la distançait. Elle accéléra, se remémorant les quelques fois où elle s’était entraînée à l’aborder devant la glace. La Souris se mit à courir.

— Arrow !

Cette fois, il n’y avait plus moyen de reculer. L’ayant enfin rattrapé, elle voulut s’arrêter mais n’y parvint qu’en se cognant au dos du chasseur.

Mince, ça commençait mal.

Arrow se retourna lentement et l’expression qu’il affichait n’augurait rien de bon. La Souris n’esquissa pas le moindre geste, craignant d’avoir déclencher la colère du chasseur. Quand il la reconnut, elle ne put s’empêcher d’esquisser un vague sourire. Il se souvenait d’elle.

— Il y a quelque chose ? lui demanda l’Instincitf.

Il ne s’était pas mis en colère, pas encore. Néanmoins, Alive sentait bien qu’il n’était pas de très bonne humeur. Elle s’était préparée à ce cas de figure. La Souris recula de deux ou trois pas pour se retrouver à une distance correcte de son interlocuteur et répondit d’une petite voix :

— Non… Enfin, si, je voulais te parler. Est-ce que… Est-ce qu’on peut discuter ?

Craignant une réponse expéditive, elle s’empressa d’ajouter :

— Ce serait pas long !

— Je t’écoute.

Il acceptait de l’écouter. Alive en resta bouche-bée. Habituée à ce que les chasseurs de son groupe la balayent d’un geste de la main, elle était toujours très étonnée quand un garçon faisait preuve de patience avec elle. Plus encore lorsqu’il s’agissait d’un garçon de son groupe.

Néanmoins, l’expression d’Arrow était dure, rien à voir avec ce qu’elle avait connu. La Souris sentit qu’elle avait tout intérêt à ne pas perdre de temps et aller droit au but.
Il l’écoutait. Mais il ne l’écouterait sûrement pas très longtemps.

—  Je t’ai jamais dit merci pour la dernière fois… Enfin c’était y’a longtemps tu t’en souviens peut-être pas mais… C’était gentil de m’aider comme ça…

Elle avait baissé les yeux, craignant de ne trouver dans les siens que de la confusion. A tous les coups, il ne savait même pas de quoi elle lui parlait. Elle ne se sentait pourtant pas de rentrer dans les détails, c’était un peu bizarre.