L'Art de la Découpe

Le début de ce rp se déroule au Grand Arbre

Un sentinelle traverse le Grand Arbre, ses pas claquent sur la fine pellicule d’eau dans une cadence soutenue. Il s'est rangé sur le coté de la plateforme pour éviter quelques collisions : à sa gauche deux livreurs cavalent, les bras chargés de seaux qu'il vident par-dessus la rambarde. Peut-être que la toiture a cédé et qu'un niveau vient d'être inondé. Just n'y pense pas, il avance.
Son esprit est ailleurs, quand la pluie occupe toutes les conversations. Sa conscience est en veille et son corps va sans qu'il n'y pense. Le sentinelle se baisse machinalement aux avertissements des artisans qui déplacent de longues poutres au risque de faucher quelques têtes. Plus loin, un collègue lui fait un signe de la main. Mais il ne voit pas, et il avance.

Justice débouche dans un long couloir où une vague d'enfants progresse à contre-sens. Il serre les lèvres et se prépare à l'affronter. Il garde un main sur sa tête pour retenir son couvre-chef, et il s'engouffre. Comme il file à contre-courant, il lui arrive de bousculer quelques uns mais il ne réagit pas. Il avance.
Mais dans la vague, son regard se pose sur celui qu'il cherchait, il reprend vie. Just le voit partir sur sa gauche, ils se sont presque dépassés. Le sentinelle fait alors volte-face et le retient par l'épaule.

- Sharpy.

Un sourire amical apparaît brièvement sur sa figure.

- Je te cherchais.

Il a besoin de lui.

Invité

Un éternuement, suivit d'un reniflement. Sharpy passe la manche de sa veste sur son nez et le regrette aussitôt : le tissu est trempé. Deux Armuriers arrivent derrière lui avec des seaux empruntés aux Livreurs et il s'écarte. Il pointe le doigt sur sa gauche et devant ses pieds : "Ici... et là. Ouais, parfait. Merci." Ploc, ploc. À présent l'eau ne goutte plus sur le sol mais dans les seaux. Ploc, ploc. Sharpy grince des dents. Ploc. Il ne sait pas ce qui est le plus agaçant : la Forge qui ne fonctionne pas à cause d'une nouvelle inondation, ou le bruit que fait l'eau en gouttant par tous les interstices possibles et inimaginables de la Cabane. Sérieusement. Vous saviez, vous, qu'il y avait une entaille de trois centimètres juste au-dessus de son lit dans la cabane des Armuriers ? Lui non plus, mais ça, c'était avant. Sharpy se frotte le visage avec un grommellement et décide d'aller à son tour chercher un seau ; il n'y en a jamais assez. Et il ne peut rien faire tant que la Forge est dans cet état pitoyable. Laissant à un autre Armurier le soin de surveiller les flammes mourantes, il enfile un des manteaux de feuilles que les Raccommodeurs leur ont confectionnés et sort.

Immédiatement, il frissonne. La température n'est pas si terrible, mais ils sont tous, constamment, qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur, trempés. De la tête aux pieds. Sharpy ne pensait pas qu'il regretterait la canicule, mais ce jour est arrivé. Il prend la direction de la cabane des Livreurs en louvoyant entre les Garçons affairés, les mains dans les poches et la démarche un peu raide. La sensation des vêtements trempés qui collent à la peau, urgh. Qu'y-a-t-il de plus désagréable au monde ? L'humeur morose, Sharpy ne calcule pas les enfants qui le dépassent et est donc surpris par une main qui se pose sur son épaule. Il se retourne et tombe nez-à-nez avec...

"Hé, Justice. Salut."

Justice la sentinelle aux pistolets qui ne tirent pas de balles, Justice et son stelton qui doit être bien pratique pour repousser la pluie. Sharpy l'envie un peu. Il lui rend son sourire, un peu incertain :

"Hum, qu'est-ce qu'il y a ?"

Pitié pas une arme à réparer. Pas une arme à réparer. Mais il se rappelle que Justice n'aime pas les armes. Avec un peu de chance, sa venue n'a rien à voir avec la Forge. Sharpy espère que ce n'est rien de grave. Et honnêtement, il en est arrivé au point où il l'accompagnerait cueillir des pâquerettes si la Sentinelle le lui demandait. Qu'on lui laisse faire autre chose que de chasser les fuites d'eau pendant dix minutes, par pitié.

Sujet: Re: L'Art de la Découpe Mer 22 Nov 2017 - 19:38

— Hum, qu'est-ce qu'il y a ?

Sharpy a le sourire hésitant et la mine lessivée. Il n’est pas le seul. Ces temps, tout le monde est comme ça. Et c’est fou de voir comme cette pluie les pompe sans en épargner un. C’est l’effort de guerre, à ce qu’on dit. Justice soupçonne un truc plus direct, un truc plus magique qui vient les vider de toute leur force, de toute leur volonté.
Justice va pour demander mais s’interrompt. Une réalisation qui lui prend quand il lance quelques regards autour de lui. Il constate que tout ce qui l’entoure s’agite. Tout le monde a un truc à faire, en temps de crise. Tout le monde est débordé. Sharpy aussi, peut-être.

— Il faut qu’on parle. Plus tard.

Son regard se promène sur la foule puis se reporte sur le chef. Sérieux.

— En privé.

Invité

Justice regarde autour d'eux. Sharpy suit son regard, évite un gamin qui passe en sens inverse avec un seau rempli d'eau, se décale légèrement sur le côté pour laisser passer une petite armée de Livreurs bien occupés. Quand ils les lâche du regard, Justice répond :

"Il faut qu’on parle. Plus tard."
"Hm... d'accord ?"

Sharpy fronce les sourcils, pas sûr de comprendre pourquoi la Main vient lui dire qu'il veut lui parler, mais pas tout de suite. Il se demande s'il a fait une bêtise. Généralement quand on vient le prendre à part comme ça, c'est soit parce qu'un de ses Armurier a causé des ennuis, soit pour râler sur du travail mal fait. Mais Sharpy n'a pas fait d'armes pour Justice, non ? Pas qu'il s'en souvienne en tout cas. Il regarde autour d'eux et comprend, quand la Sentinelle ajoute :

"En privé."

Cela ne le rassure pas mais il comprend. Il hoche la tête, peu désireux de faire durer leur échange si Justice préfère parler loin des oreilles indiscrètes :

"Ok, on n'a qu'à se retrouver ce soir..."

Il s'apprête à dire "devant la Forge" mais se ravise. Ce n'est pas une bonne idée. Trop peu discret, surtout le soir, quand tous les Armuriers sortent pour le repas. Sharpy réfléchit à un endroit pas encore inondé et facile d'accès. Il y aurait bien les hauteurs, mais... il n'a pas envie de grimper tout en haut de l'arbre, avec la pluie les chemins sont difficiles d'accès, c'est le coup à se casser la figure et tomber par-dessus bord. Ce qui serait une triste fin. Non, le mieux, c'est encore de rester les deux pieds sur terre.

"Disons près des portes du temps, la zone est encore accessible", propose finalement l'Armurier.

Et surtout, c'est assez loin de l'arbre pour éviter les curieux.

— Ok, on n'a qu'à se retrouver ce soir…

Il ne pose pas de questions. Just aime comment les choses vont vite et pourtant si naturellement quand ils parlent sérieusement. Ce contentement le déride un peu, il laisse échapper un sourire.

— Disons près des portes du temps, la zone est encore accessible. lui propose Sharpy.

Les portes du temps. Sans s’y être aventuré en personne, le sentinelle sait qu’elles ne sont pas très loin du Grand Arbre. Il est presque certain de pouvoir se débrouiller pour les rejoindre.

— Ok. A tout à l’heure.

Just tourne les talons sans un regard en arrière. Il se laisse dévorer par la foule et réalise que ça ne l’incommode plus. Au contraire, il sent comme un poids en moins sur ses épaules : tout bêtement de bonne humeur.

Invité

Justice a ça de bien qu'avec lui, on va droit au but, sans s'embourber dans des explications futiles et interminables. Sharpy hoche la tête en signe d'approbation et regarde la Sentinelle se détourner et s'enfoncer dans le troupeau de gamins qui traversent le couloir humide qui relie deux cabanes. L'Armurier fait un pas sur le côté pour s'ôter du passage et attend que la vague soit passée avant de reprendre le chemin de la Citerne. Il marche tout aussi lentement qu'avant, mais il se sent moins fatigué, tout d'un coup, et son humeur est légèrement remontée. Un changement de programme, même s'il ne sait pas encore à quoi s'attendre, est tout à fait bienvenu.

Le moment venu, Sharpy n'a pas oublié le rendez-vous. Il a même expédié le repas du soir et il est en avance. Il attend. Il n'est pas venu spécialement équipé mais il a comme toujours quelques couteaux à sa ceinture et il s'en sert pour passer le temps. L'Amurier ne s'est pas inquiété d'être suivi ; il tombe encore des trombes d'eau et le boucan est suffisant pour dissimuler ses pas. Quant au rideau de pluie, il dissimule assez bien son ombre tout près de l'entrée des Portes du temps. N'importe quel enfant qui passerait en courant devant lui pour s'abriter ne verrait pas Sharpy adossé contre l'arbre-porte du Temple Gréco-Romain, la lame à la main. Justice, en revanche, est un Sentinelle. Il a l'habitude d'évoluer dans l'obscurité et le chef ne doute pas un seul instant qu'il saura le repérer aisément.

De toute manière, Sharpy se trouve à l'endroit prévu, à l'heure prévue. Il n'est peut-être pas toujours sérieux, mais il tient parole. Il se doute que ce rendez-vous est important pour Justice. Alors quand le Sentinelle le retrouve, Sharpy ne bronche pas. Il ne dit rien, il attend.

Comme à son habitude, Justice arrive le dernier. Une lanterne à la main, il se fraye un chemin dans l’obscurité d’un pas mal assuré. Bien qu’il ait l’habitude des patrouilles nocturnes, la pluie lui rend l’expérience assez pénible. Il manque de glisser sur la mousse humide et laisse échapper un juron. Pourquoi est-ce qu’ils avaient choisi de se retrouver devant les Portes du Temps, déjà ? Ah, oui pour être seuls. Le sentinelle se demande si son besoin d’intimité vaut la peine qu’il se donne.

Mais une fois arrivé au lieu du rendez-vous, il aperçoit Sharpy qui l’attend patiemment, un sourire éclaire son visage. Just lui adresse un signe de la main avant de le rejoindre en quelques enjambées.

— Merci d’être venu.

Le sentinelle se laisse choir sur une longue souche, abritée par le feuillage épais de l’Arbre-Porte. Il pose la lanterne tout près de lui avant de glisser la main dans la poche de sa veste. Il en sort deux petites canettes et tend l’une d’elle au chef des armuriers. Arriver jusqu’ici leur avait coûté un certain effort, ils méritaient bien une récompense.

— J’irai droit au but. J’ai besoin de ton aide, Sharpy.

Il ouvre sa canette pour en tirer une gorgée bien qu’il n’ait pas très soif. Il laisse le liquide tiède descendre dans sa gorge, déglutit. Dommage, c’est meilleur frais, paraît-il.

— J’ai… besoin d’apprendre. reprend le sentinelle.

Invité

Sharpy est quelqu'un de relativement patient et le mystère que laisse planer Justice a de quoi retenir son attention. Il a hâte de savoir ce que la Sentinelle a à lui dire de si sérieux, qui mérite de prendre autant de précautions. Avec un temps pareil, il y a peu de chances qu'ils croisent d'autres enfants dehors ce soir-là. Mais ils se retrouvent tout de même aux Portes du temps. Sharpy parierait sa meilleure lame que personne ne les trouverait jamais ici.

En fait, la configuration est telle qu'il serait même dangereux de s'aventurer dans cet endroit sombre et éloigné en compagnie d'une personne de moindre confiance. Mais l'Armurier, même s'il ne connaît pas si bien Justice, sent qu'il ne craint rien (et pas seulement parce qu'il a toutes ses lames à sa ceintures). Il a eu le temps d'observer la Sentinelle et il l'a toujours considéré comme un membre solide du Grand Arbre. Pour lui, c'est le genre de personnes à inspirer naturellement la confiance. Sharpy hoche la tête à son arrivée, avec sa bonne humeur habituelle :

"Mais je t'en prie !"

C'est normal de s'entraider entre Garçons Perdus, non ? Le chef des Armuriers se demande ce qui traverse la tête de La Main à ce moment-là. Et puis ce dernier lui tend une canette et Sharpy perd de vue son but premier :

"Oooh !" Est-ce que c'est ce qu'il pense ? Sharpy examine la canette. Oui, c'est bien ce qu'il pense. "Merci !"

Il fait tinter sa canette contre celle de Just pour trinquer, à leur humble niveau et sous la pluie, à ce début de soirée. On aurait pas pu s'y prendre autrement pour attirer son attention et ses faveurs. Peut-être bien que Justice a observé Sharpy autant que ce dernier a observé la Sentinelle.

La Main lui révèle enfin la raison de leur présence en ces lieux. Il a besoin de son aide ? La suite n'est pas difficile à deviner. Il n'y a que deux raisons pour laquelle on vient voir Sharpy, et ce dernier sait de source sûre que Justice n'est pas très porté sur les armes. Il l'imagine très mal lui demander de lui forger quelque chose.

La Lame ouvre sa canette en répondant, sur un ton exagérément sérieux :

"Tu veux un entraînement personnalisé ? Tu n'avais pas besoin de me soudoyer avec une bière, tu sais. Tu as toute mon attention, Justice."

Clairement, il sait comment parler au chef des Armuriers. Ce dernier sourit finalement, amusé par sa plaisanterie, et peut-être aussi un peu pour la situation. C'est une première. Mais ça fait longtemps que Sharpy n'a entraîné personne ainsi, et surtout pas quelqu'un qui soit opposé aux armes. Ou du moins, pas quelqu'un qui se soit librement porté volontaire. Instinctivement, la Lame se met à réfléchir à toute allure au style de combat qui siérait le mieux à la Sentinelle, au type d'armes qu'il préférerait, peut-être, avant de se raviser :

"Qu'est-ce que tu veux apprendre, exactement ?"

T'emballe pas, Sharpy, t'emballe pas. Si ça se trouve, Justice a juste envie de se mettre aux arts martiaux et à l'art non violent du tai-chi. Sharpy respecte tout style de combat, mais quand même, il serait vachement déçu.

Sujet: Re: L'Art de la Découpe Lun 24 Sep 2018 - 20:22

— Tu veux un entraînement personnalisé ? Tu n'avais pas besoin de me soudoyer avec une bière, tu sais. Tu as toute mon attention, Justice.

Sharpy a pris un air sérieux pour lui répondre ça. Pourtant, ça n’empêche pas Justice de s’esclaffer joyeusement. Il reprend une gorgée, se dit que ce n’est pas pour autant que la Lame va lui rendre sa canette.

— Qu'est-ce que tu veux apprendre, exactement ? demande encore Sharpy.

Cette fois, le sentinelle lève la tête pour échanger un long regard avec le chef. Merde, il n’a pas trop réfléchi à ça. Ce n’est qu’au bout de quelques minutes de flottements, il hasarde un vague :

— Se servir d’une épée ? D’une lance ? J’en sais trop rien, Sharpy. C’est toi, l’expert.

Il tend les jambes devant lui, les croise. Il lève les yeux au ciel, pianote distraitement sur le métal de la canette.

— Jusqu’à présent, je me suis débrouillée avec mes deux mains. Mais ça devient chaud, là. Si ça continue…

C’est une certitude.

— Je vais crever.

✘ AVENTURES : 2537

The End

Nul ne sait comment cette aventure s'achève,
On l'aura oublié, dès que le jour se lève.

FIN DE L'AVENTURE

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