On peut souvent voir Smee le regard dans le vague, calme, posé, les lèvres refermées sur le spectre d'un sourire. Il paraît doux, alors, gentil, quoi qu'égaré. Mais les matelots ne s'y laissent plus prendre depuis bien longtemps. Sous ce calme apparent gronde un tourbillon. Sortez Smee de sa rêverie et vous verrez la violence noyer peu à peu ses prunelles avant de surgir, glaciale et précise, ou explosive et brouillonne. Comme la mer, Smee est imprévisible. Sous sa surface couvent des tempêtes.

Pourtant, malgré ses débordements, Smee n'est pas un homme cruel. Il n'aime pas faire souffrir, non : cela l'indiffère. Sa boussole morale n'indique plus le nord depuis longtemps. Seulement Hook. Alors il fait ce qui doit être fait pour le capitaine, ce qui doit fait pour le navire du capitaine, pour son équipage. Et, parfois, ce que lui dictent les éclats dont il n'a même pas conscience. Si on osait l'interroger, Smee se dirait sans doute homme de précision, de contrôle. Il n'aurait pas tout à fait tort ; il fait des miracles quand le capitaine est concerné. Mais Smee ne réalise pas tout ce que son comportement a d'erratique. Ce n'est pas assez important pour parvenir au premier plan de sa conscience ; encore moins pour imprimer sa mémoire.

Smee a tout oublié de sa vie avant l'île. Avant l'obsession dévorante de Hook pour Peter. Mais Smee n'en a cure. Il ne se rappelle plus qu'il y a quelque chose dont se souvenir. Il vit hors du temps et cela lui paraît aussi normal que l'air qu'il respire.

Les matelots le respectent ou le craignent, mais il n'est pas aimé. Car il n'a d'humain que l'effrayant. Tout ce qu'il a pu avoir de bon, un jour, il l'a sacrifié au capitaine. Et il le referait, des milliards de fois. À l'infini. Il n'y a pas assez de place en lui pour accueillir à la fois Hook et un semblant de normalité, alors Smee est instable, trop calme et trop violent, trop détaché et trop impliqué, trop souriant et trop dur. Changeant et figé, à jamais, dans son obsession.

– Et du coup, pourquoi on l'appelle la Mouche, l'autre ?

John lève le nez de ses cartes pour dévisager le nouveau. Trois poils sur le menton et qui se croit déjà adulte. Un grand sourire un peu flou et une bouteille à la main. Mal barré.

– Belote, annonce Alex.

Quelques cartes sont jouées, puis le nouveau revient à la charge. Comment qu'il s'appelle déjà ? Un truc en M ? Michael ? Malcolm ?

– Allez quoi ! Vous voulez pas que je sache ou quoi ?
– Ta gueule, on joue, rétorque Corey.
– Et tu peux pas jouer en parlant ? T'es trop bête pour ça ?
– C'est à ton tour, lâche Alex.

Le gosse maugrée mais pose une carte sur le bois du pont supérieur. John contemple les choix qu'il lui reste.

– C'est parce qu'il volette à droite à gauche sans savoir où il va, hein ?

Corey se fige un instant, la main au dessus du dernier pli. Ce n'est plus le gosse que John regarde, c'est Smee lui-même. Parce qu'évidemment le petit crétin (Mitch ? Matthew ?) a choisi de parler du second alors qu'il est possiblement à portée d'oreille. Difficile d'être sûr, avec Smee. Accoudé au bastingage, là-haut sur le gaillard arrière, il donne l'impression de regarder au large, calme, paisible. Il semble ailleurs.

Peut-être qu'il écoute la conversation en cours.

– Dis donc, pourquoi ça t'intéresse autant ? finit par demander Alex tandis que Corey pose son avant-dernière carte.

Le nouveau hausse les épaules.

– Chuis curieux, c'est tout. J'l'entends pas bourdonner partout et il a pas de trompe, alors j'm'interroge !

Sans se concerter, John et Corey baissent les yeux sur la bouteille posée à côté du gosse. Quasi vide. Ce qui explique le manque de retenue, mais malheureusement pas la connerie.

– C'est vrai quoi, insiste le nouveau. Il a quoi de la mouche, à part qu'il donne vraiment l'impression de se balader un peu n'importe comment ?
– C'est pas ça, petit, soupire John.

C'est vrai que parfois (souvent, se corrige mentalement John) Smee semble flotter au gré de courants qu'il est le seul à percevoir, errant sur le navire, revenant sur ses pas sans raison apparente. Puis il se pose dans un coin, contre le bastingage, au pied du mât d'artimon ou dans la pénombre de la cale, et on l'oublie. Enfin, les imbéciles et les suicidaires l'oublient.

– Alors quoi ? Il se cogne dans les vitres ?

Le nouveau s'esclaffe, pas discret. John réévalue son taux probable d'alcoolémie à la hausse ; Alex s'écarte précautionneusement du gosse ; Corey jette à son tour un coup d'œil vers Smee. Celui-ci ne semble pas avoir réagi. Peut-être qu'il est effectivement trop loin pour entendre.

– Au cas où ça te soit pas encore venu à l'idée, explique platement Corey, se foutre de la gueule du second est pas la chose la plus intelligente à faire.
– Quoi, il pourrait… prendre la mouche ?

Et il se marre derechef. Les trois autres marins le regardent, sérieux comme des papes.

– Roh, allez les gars, admettez qu'elle était bonne, quoi ! Et puis franchement même s'il se vexe il fera quoi ? Il a l'air gentil comme tout ce type ! Il ferait pas de mal à une…
– Ta gueule, le coupe John d'un ton blasé.

Ça n'empêche pas le gosse de rire de sa blague avortée. Alex en profite pour mettre une petite dizaine de centimètres de distance supplémentaire entre eux deux. Smee, inoffensif ? Il faut bien être aveugle, ou très crétin (ou très bourré, ajoute John in petto) pour croire ça. C'est sûr qu'il n'est pas très imposant, physiquement. Taille moyenne, corpulence moyenne, des cheveux d'un blond délavé sur lesquels le regard glisse… Finalement, même ses yeux très bleus, derrière ses lunettes, n'attirent pas tant l'attention que ce qu'il en fait. Son regard.

John réprime un frisson. Smee a autant de manière de regarder les gens qu'il y a de poissons dans la mer, et John préférerait n'être la cible d'aucune, merci bien. Même quand le reste de son corps n'exprime rien, les iris de Smee peuvent trahir tour à tour une indifférence profonde du monde qui l'entoure, une rage bouillonnante, un calcul où l'humain n'entre plus en ligne de compte…

Mieux vaut éviter d'attirer son attention.

– Pourquoi c'est lui le second, à ton avis ? grommelle Corey. Tu crois vraiment qu'il serait à ce poste s'il avait pas les moyens de l'assumer ?

Le gosse hausse les épaules et reprend une lampée de rhum.

– Moi j'dis, c'est la même réponse qu'à l'autre question, dit-il d'un ton pontifiant très clairement dû à l'alcool.

Le silence qui suit est perplexe, mais John préférerait qu'il n'explicite pas. Il va sans doute dire une connerie de plus.

– Il tourne toujours autour du cap'taine… comme une mouche ! déclare triomphalement le nouveau. Il doit lui lécher les bottes à mort…
– Putain mais tu vas arrêter ça, Morty ? s'exclame Alex.

C'était donc bien un truc en M.

– Arrêter quoi ? a le culot de s'étonner le gosse.

Un petit gloussement presque joyeux lui répond et John se sent blêmir. Nous y voilà.

– Mon cher… Mortimer, c'est bien ça ? chantonne la voix de Smee. Pourrais-je parler avec vous en privé quelques instants ?

Le ton a beau être poli, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un ordre. Le gosse (Morty, donc) se retourne pour faire face à un Smee au sourire presque rêveur. John, Alex et Corey retiennent leur souffle. C'est le moment ou jamais pour le gamin de dessoûler.

– Ah, euh… bien sûr, fait Morty en se levant.

Sa bouteille se renverse, cliquette contre le bois et s'en va rouler plus loin. Vide.

– Parfait ! Suivez-moi, ajoute Smee.

L'homme et le gosse s'éloignent. Le pas de Smee est léger, un peu dansant. Silencieux, surtout. À côté de lui Morty paraît pataud et maladroit. Les trois matelots restants échangent un regard qui en dit long. Il a parlé du capitaine, le con. Et en plus pour sous-entendre que celui-ci base ses choix sur des critères discutables.

Malgré le nombre d'années passées à bord du Jolly Roger, John ne sait toujours pas si Smee dispose ou non d'un orgueil personnel (mais dans le doute, mieux vaut partir du principe qu'il peut se vexer). Par contre, s'il y a quelque chose que tout marin qui survit plus de quelques semaines sait, c'est qu'on ne critique pas le capitaine devant Smee. Jamais. Et vu que le second a une nette tendance à apparaître n'importe où sans raison apparente et sans bruit, on a tendance à ne pas critiquer le capitaine tout court. Pour plus de sécurité, certains évitent carrément de parler du capitaine, même en bien. Après tout on ne sait jamais vraiment comment Smee comprend ou interprète les choses.

Les cartes sont rangées en silence. John songe qu'il ne serait pas surpris de pouvoir bientôt oublier pour de bon le prénom du gosse. Après tout, s'il faut vraiment trouver un point commun entre Smee et une mouche, c'est sans doute qu'on n'est jamais surpris de le trouver près d'un cadavre…

¤ En vérité, cela fait tellement longtemps qu'il est sur le navire que personne ne se souvient plus de l'origine de son surnom. Lui non plus. Mais il n'en a cure.

¤ Smee orbite autour du capitaine comme une planète autour de son étoile. Certains pensent lire dans son comportement de l'affection, de l'amour, mais ils se trompent. C'est bien plus inéluctable que ça, comme la gravité ne se discute pas. Hook est tout pour Smee. Il est le centre de son univers. Et comme les planètes restent sous l'influence de leur étoile en tout point de leur orbite, les pensées de Smee sont toujours occupées par son capitaine, aussi loin soit-il.

¤ Cela surprend souvent les nouveaux arrivants à bord du Jolly Roger, mais Smee est tout à fait capable de donner des ordres, que ce soit individuellement ou en hurlant pour se faire entendre de tous. Il n'est tout de même pas second du capitaine pour rien. En général, la première fois, on obéit par la grâce de l'effet de surprise. Les fois suivantes, on pense à ce que ferait Smee si on s'opposait à ce qu'il considère comme quelque chose de dû au capitaine.

¤ La mémoire de Smee est, comme le reste de sa psyché, un joyeux chaos. Certains détails restent gravés à tout jamais dans son esprit – le nom des membres d'équipage, le visage des ennemis, le moindre mot ou geste du capitaine… – tandis que des pans entiers de ce qu'il vit disparaissent sans lutter. Il sera souvent capable de dire précisément ce qu'un matelot fait à bord, sans se souvenir le moins du monde de son arrivée sur le navire. Il se rappellera les batailles, mais pas leurs circonstances temporelles. Parfois il est simple de deviner ce qu'il peut savoir ou non, mais le plus souvent c'est un aléa apparent qui prime. Et cela ne le gêne pas le moins du monde. Pour cause : il ne s'aperçoit même pas que ce n'est pas ainsi qu'une mémoire normale fonctionne.

¤ Pour un pirate, Smee parle de manière curieusement polie voire châtiée. Il tend à vouvoyer tout le monde et à donner du "mon cher" à tour de bras.

¤ Son fidèle poignard se nomme Jean Tire-bouchon. Parfois Smee semble entretenir une conversation avec lui.

Il n'y a rien en dehors de Never Never Land, puisque c'est ici que se joue la Quête du capitaine. Smee ne donne aucune signification précise à ce lieu, de même qu'on ne réfléchit que rarement au sens du sol sous nos pieds ou de l'air qu'on respire. C'est juste une évidente présence.

Smee n'a aucun souvenir de sa vie avant Never Never Land. Il n'est qu'à peine conscient de l'existence du monde ordinaire, et ce seulement au travers des récits d'autres pirates. Il ne peut avoir le moindre intérêt pour ce lieu où le capitaine n'est pas et où il ne semble pas prêt d'aller.

Peter Pan… Smee le hait tout autant qu'il l'indiffère. Car en vérité, cet enfant ne l'intéresserait absolument pas n'était-ce le capitaine. Il pourrait sans hésitation l'oublier lui aussi, malgré son pouvoir sur l'île, pour faire de la place pour le plus important. Mais Peter Pan est l'obsession de Hook, alors une place s'est créée pour lui dans l'esprit de Smee. Celle d'une cible. Qu'il ne hait que parce que c'est ce qu'on attend de lui, d'une détestation froide, mécanique. Artificielle.

Hook, quant à lui, est l'univers tout entier.

La pluie. Et ses tapotements rythmiques, mécaniques, asymptotiques, envahissants et étouffants. Qui enserraient les crânes, les os, les arbres. La forêt qui ondulait, grondait, presque, de se savoir envahie par des intrus. Pirates. Sous ses ordres. En désordre. Smee marchait parmi eux, un peu flottant, légèrement égaré. Se voyant agir comme de l'extérieur. S'écoutant penser. Penser…

… à la pluie, à ses tics et ses tocs et ses plics et ses plocs et son obstination sans faille qui recouvrait l'île d'un voile aqueux à la transparence de façade. Où donc étaient ces garçons ? Ces enfants qu'ils étaient venus chercher ? Ou bien était-ce la veille ? Ces garçons… non, ils ne les avaient pas trouvé. Le capitaine n'eût pas été si sombre après une mission victorieuse. Il fallait les trouver. Ils devaient être là, quelque part, au milieu de ces arbres qui observaient les intrus avec méfiance, penchés sur eux comme des corbeaux. Avec leurs plumes-feuilles détrempées.

Encore quelques pas, aussi silencieux qu'une avalanche que personne n'écoute. Pas à leur aise, les pirates… sauf Smee. Car il ne se sentait pas réellement toucher terre, et si ses pieds frôlaient l'humus aucun son ne pouvait en témoigner. Il entendait, pourtant, l'avancée des hommes autour de lui, aussi pernicieuse et délicate que la plongée de la civilisation au sein d'une nature indomptable. Lentement, ses sourcils se froncèrent. N'était-ce pas trop de signes de leur venue ?

Alors il souffla, précautionneux mais ferme.

– Faîtes moins de bruit. Nous voulons les prendre par surprise.

L'instant d'après c'était comme si ses sens vacillaient ; les plics et les plocs de l'eau tombant des branches plus présents, plus proches, ainsi que le très léger souffle du vent ; disparus les craquements de brindilles qui étaient symptôme de l'invasion hésitante. Satisfaction. Il pouvait continuer de léviter au dessus du sol, captivé par la profondeur des écorces et le battement de la mousse sur les troncs.

Mais soudain, un cri. La voix n'était pas d'un adulte ; c'était donc celle d'un enfant. Une petite fille, ou peut-être un tout jeune garçon. Mais cela n'avait pas d'importance. Ce qui comptait, au travers le rideau de la pluie, c'était la direction qu'ils avaient à présent dans leur traque. Repérés ? Oui, sans doute. Mais c'était réciproque.

Smee se sentit lourd, alors. Car le poids d'un corps n'est jamais négligeable, surtout quand il s'agit de sa propre prison de chair. Et ce même si Smee connaissait bien la largeur et les largesses des espaces séparant les barreaux. Il y a la masse des muscles, la raideur des os, les fourmillements infinis de la peau qui tente maladroitement de contenir le tout. Mais Smee n'en avait cure, et il oubliait qu'il était maintenant si présent, tout comme il oubliait qu'il ne l'avait pas été toujours. Il avait une mission à mener à bien.

Jetée aux orties, l'avancée prudente et précautionneuse. Lâchés sur la piste de leur proie, comme des dogues assoiffés de sang, les pirates couraient dans les sous-bois, armes au clair. Au vu du redoublement des sons, ils n'étaient pas les seuls à vouloir jouer de vitesse. Mais que pouvaient de si courtes jambes face à la haute stature d'un adulte ? Rien. Et comme de juste, les pirates rattrapèrent les enfants.

L'échauffourée fut brève. Les enfants n'étaient que trois, les pirates cinq. Très vite l'aîné des trois, un jeune adolescent, fut plaqué au sol malgré ses efforts. Les matelots se contentèrent de maintenir les bras dans les dos des deux plus jeunes. Le plus petit pleurait, agité de gros sanglots terrifiés. Le dernier enfant, une fille, faisait la brave.

Smee s'approcha du plus grand et se pencha légèrement sur lui.

– Cesse donc de te débattre, conseilla-t-il. C'est inutile.
– Crevez tous ! cracha le gosse en tentant un coup de pied vite maîtrisé.

Smee soupira. Quelle perte de temps.

– Tu ne voudrais pas qu'il arrive malheur à tes camarades, je pense ? fit-il remarquer gentiment.

L'enfant blêmit et se tut.

– Parfait. Remettez-le sur pied et emmenez-les, ordonna Smee.

Et les pirates d'emmener avec eux les trois enfants qui trébuchaient, hésitaient, faisaient mine parfois de vouloir se débattre avant de se rétracter. Le plus jeune pleurait toujours, mais cette fois en silence. Les larmes qui coulaient le long de ses joues avant de rejoindre la terre des sous-bois étaient de grosses perles de verre.

Le trajet du retour vers le port fut à la fois bien plus bref et bien plus long. Bref, en ceci que les pirates n'avaient plus ni à se cacher ni à chercher leur direction. Long, en ceci qu'à présent Smee ne percevait plus la forêt autour d'eux comme un mélange de grands aplats de couleur et de sensations  mouchetés de détails qui s'imposaient à lui. Ce qu'il voyait, c'était le terrain d'une potentielle bataille. Des positions stratégiques. Des angles morts. Une zone de guerre à surveiller pour avoir la main haute. C'était qu'il ne pouvait laisser les enfants lui échapper. C'eut été désobéir au capitaine.

Enfin, cependant, apparut la silhouette du Jolly Roger, fier malgré ses voiles affalées. La fin du voyage pour les enfants terrifiés. Les marins embarquèrent dans une chaloupe laissée au port à cet effet, et les rames propulsèrent le frêle esquif.

Pour la plus grande surprise de Smee, ce fut le pleureur qui agit.

La surveillance sur les enfants s'était relâchée avec le besoin de manœuvrer la chaloupe, et le plus petit choisit ce moment-là, où le groupe était isolé sur les flots, ni à terre ni à bord du trois-mâts, pour se saisir du poignard du matelot le plus proche et tenter avec un cri de guerre désespéré de planter la lame dans le corps du marin en question. Celui-ci eut un grognement de surprise mais s'en tira avec une simple égratignure. Que pouvait un enfant aussi jeune contre un combattant aguerri ?

Le petit cependant s'obstina, encourageant ses camarades à se révolter à leur tour. Pendant quelques secondes la chaloupe tangua un peu plus que de raison, puis Smee tira calmement Jean Tire-bouchon hors de son fourreau, traversa l'embarcation de quelques enjambées et planta sa lame dans la main du petit. Celui-ci lâcha aussitôt son arme pour se mettre à hurler de douleur avant de se recroqueviller sur lui-même pour reprendre ses sanglots.

Ses camarades abandonnèrent immédiatement la lutte.

Smee baissa les yeux sur son poignard empourpré. Il parut presque perplexe, le temps d'un battement d'aile d'oiseau, puis il sortit tranquillement un chiffon de sa poche et essuya ses lunettes d'un geste trahissant une longue habitude. Quand les verres revinrent sur son nez, et qu'il vit la lame toujours aussi rouge, il la nettoya tout aussi posément.

Les enfants furent livrés au capitaine sans plus d'anicroche.