Tu la perds. Bordel Trouble, tu vas trop vite. Bien bien trop vite. T es émotions virevoltent tellement, tellement fort, c'est comme un tourbillon. D'ailleurs, même toi tu as l'air de ne pas trop savoir comment réagir à tout ça. Le regard un peu perdu et le rouge aux joues, Her trouve que ça te donne une sorte de mignonnitude qui adoucit le rêche de ton caractère. Sans doute que tu détesterait lire dans ses pensées à ce moment précis, sans doute que ça ne te plairait pas du tout qu'on te trouve mignonne.

Grignotant le pop corn -qui n'est pas si mauvais en plus- la Fille te suit sagement et se cale à côté de toi quand tu t'affaires avec les boutons et les machins. Un léger coup d’œil vers le train qui attend, placide. C'est abrité, ouais. Mais c'est noir, aussi, un peu. Non ? Donc vous ne pourrez pas voir si les rails sont en mauvais états, ou bloquent la route. Nouveau regard vers toi : t'as l'air d'en avoir rien à foutre. Soit. Aujourd'hui, Her va te laisser la contaminer un peu de ton inconscience. Léger sourire en coin quand tu parles d'Apache. C'est drôle et un peu mesquin que tu te serve de lui comme l'exemple du truc pas flippant. Ça ne lui ferait pas plaisir, à tous les coups. Jamais content, le Révolté.

- Apache il veut faire peur, tu crois ? Ou juste se la jouer badass ?

Après tout, tu le connais mieux. Légère grimace à leur rencontre et à l'accrochage moche.

- Quand il veut, il y va, quand même.

Elle hausse les épaules et sourit en imaginant un monstre ou un sale blagueur qui essaye de vous faire peur. Honnêtement ? Y a le moindre truc qui fait chier, dans la tête de la Fille, c'est plutôt pour l'obstacle qu'il faudrait s'inquiéter. A tous les coups, tu le pulvériserais. En tout cas c'est un peu l'impression que tu lui donnes.

Et pourtant, tu viens de reculer d'un pas. Pas pour de vrai, mais ta phrase avortée est un drôle de truc, et ça titille la sentinelle. Une fois.. Une fois quoi ? Va savoir. Vous parliez de peur, peut-être que tu allais raconter une de tes trouilles ? Ou le contraire, comme tu as réussi à gérer un truc flippant ? Her ne saura jamais, tu restes muette à appuyer sur les boutons.

- Des fois, en ronde de nuit, je me fais des peur toute seule. Je me rappelle une fois, je faisais mon tour, et j'entendais un cliquetis derrière fois quand je marchais. Enfin, pas cliquetis, mais un petit bruit tu vois ? Le genre de truc discret. Et chaque fois que je m'arrêtais, que je me retournais ou quoi, bah rien. Rien de rien.

Un drôle de rire en revoyant la scène, et en repensant au résultat.

- Au final, j'avais juste un truc accroché à la chaussure, et voilà. La trouille anti-classe un peu ridicule.

Ça fait partie de ces quelques anecdotes qu'elle tire de son placard d'histoire de fille normale. Oh, c'est vraiment arrivé ! Mais elle a eu le temps de l'analyser, comme d'autre, pour se rendre compte que ça fait partie des petites choses qui pourraient arriver à n'importe qui et font partie du background passif de tout un chacun. Suffit d'écouter les gens parler un peu, des aventures du genre, y en a des tas.

Elle était venue se perdre là par colère, c'est ce qui la motivait en général. Casser des trucs, casser des gens, s'éclater un peu sauvagement. Pour l'instant, ces fantasmes-là n'étaient que peu assouvir, et de façon insatisfaisante. Au gré de ses tribulations mentales, Trouble était comme une cocotte minute qu'on n'arrête pas; prête à exploser.

C'était elle-même qui avait lancé le sujet de leur punk en commun, mais ça ne l'empêchait pas de s'étonner que même dans ce foutu parc gorgé d'eau de pluie on en vienne à parler du même mec. Toujours le même type qui revient comme une rengaine toute rouillée qui grince sur ses gonds. Apache. Sujet de fascination des temps modernes. Trouble, ça la dérangeait pas exactement de parler de lui, à vrai dire. Elle était plutôt dérangée par le fait de parler tout court. D'abord plissant la bouche, trifouillant plus fort les fils (elle les arrachait quasiment,  peu soucieuse du matériel),  elle finit par éructer une espèce de ricanement bizarre, tordu, qui clochait un peu.  

- Y se la pète que'qu'chose de terrible, ça c'est sûr. Mais... Jsuis pas sûre qu'y veuille foutre la trouille, genre, dans l'intention.

Sa voix prit soudain une inflexion presque prétentieuse lorsqu'elle arrêta quelques instants de bidouiller la machinerie, se retourna vers Her et ajouta, un nouveau  ricanement au coin des lèvres :

- Enfin, moi y m'fait pas peur. Ni lui ni personne tfaçon.

Tiens donc ! Et est ce qu'elle ne se la pétait pas aussi, là ? Trouble avait  presque le torse bombé, et si elle n'ajouta pas de provocation, son regard en disait très long, ostensiblement moqueur. Elle écouta la Fille déblatérer une histoire sortie de son chapeau à histoires,  l'air à moitié désintéressé, à moitié bouillonnant. Enfin, Trouble ne faisait jamais semblant, et pas sûr qu'elle entende la totalité des mots. Quelque soit le but d'une telle narration spontanée, elle ne le saisissait pas dans l'immédiat, et très probablement ne le saisirait jamais. Les histoires, en général, ça le faisait chier. Elle connecta un dernier fil et soudain un bruit de moteur et de machines électriques ronfla et s'amplifia. Le ronronnement satisfait emplit toute la salle des machines, mais cette fois Trouble ne sourit pas. Les cliquetis et grondements avaient voilé la fin de l'histoire qui ne lui disait rien du tout.

Elle resta plantée là,  quelques instants, un regard où pulsait quelque chose de méchant et d'un peu sale, fiévreux, posé sur sa camarade. A ne rien dire, à ne rien faire. Puis, ses lèvres s'entrouvrirent afin de laisser passer une langue étonnamment rose qui les pourlécha machinalement.

- C'était peut-être Apache...  proposa-t-elle sur un ton doucereux.

Parce qu'elle n'avait pas pu entendre le mot de la fin et parce qu'après tout il avait l'habitude de se faire des virées nocturnes, le punk. Parce qu'elle avait envie de faire chier, et surtout pas d'être cool ou sympa. L'Épouvantail jeta un oeil ennuyé de façon presque exagéré sur le wagon qui les attendait,  derrière la vitre salle de la cabine de la maintenance.  Un train fantôme, vraiment ? Elle laissa dériver sa ligne de mire jusqu'à repérer une porte au fond.  Avec écrit "privé" dessus.  Quelque chose flamba dans ses prunelles de jais. Voilà qui était mieux, déjà.

- Ça va être chiant à en crever. Allons par là, ça doit être mieux vu de l'intérieur, ce truc.

Elle montra d'un geste la fameuse entrée privée qui menait sûrement aux mécanismes internes. Si le but était d'avoir peur, ça marcherait mieux par là.  
Et puis. Elle avait envie de détruire ce manège. De l'intérieur. Une genre de pulsion morbide à laquelle on ne laissait jamais cours en général quand on était rationnel et responsable. Une envie de Mr Hyde, le genre d'envie macabre que chacun a enfouie en soi où il les garde bien soigneusement. Mais Trouble ne laissait jamais ce genre de désir pourrir. Elle n'en dit rien, mais elle enfonça distraitement les mains dans ses poches,  et, pour une fois, laissa la priorité à Her.

Galanterie, soudaine politesse ? Non, sans aucun doute. L'Armurière avait un dessein,  et il n'était probablement pas doux comme le miel. Repérant de nouveau le voyant de la lumière du manège,  elle posa une main dessus. Lorsque Her aurait passé la porte, elle éteindrait tout.
Maintenant, on allait se marrer.

Tu trifouilles et tu farfouilles. Les câbles semblent être ta nouvelle passion, comme si tu en avais toujours manié. Ta réplique la fait marrer, parce que au fond tu as raison. Il se la pète pas mal. Mais ce qui la fait sourire encore plus, c'est quand tu rajoute que toi, tu n'as peur de rien. Oh, tellement warrior alors. Et modeste aussi. Her ne dit rien, mais te sourit juste en retour. Ca lui va, de dire que ok tu n'as peur de rien. Elle-même n'a pas cette prétention. Trop tape à l'oeil, pas assez anodin. Alors elle hoche juste de la tête. Brave fille.

Le reste tu le connais. C'est son histoire banale, mais qui justement lui plaît parce que ça aurait pu arriver à tout le monde. Mais apparemment c'est pas de ton goût, tu ne réponds même pas à ça. C'est pas grave. Et puis, finalement, y a un ronron qui résonne. Un ronron de moteur un ronron de mécanique qui se réveille.

- Oh, bien joué !

Her sourit, et s'avancer vers le wag- Hein ? Ah non ? La Fille est peu convaincue par ton idée, et ça se voit. Le truc avec écrit privé, on sait pas ce qu'il y a dedans, et si c'est dangereux. Sans doute qu'elle est trop sage pour ça, au fond. Elle hésite, et ça se voit. D'ailleurs, elle le dit d'un air pas vraiment rassuré, ce qu'elle estime qu'il est normal d'être.

- Je.. Sais pas. Je ne le sens pas trop, ce délire.

Mais.. Mais t'insistes à ta manière, en n'ayant rien à foutre de son avis. Alors bon gré mal gré, elle te suit. S'avance d'un pas prudent quand tu lui laisses le passage. Her observe autour d'elle, et se demande ce que tu compte faire par ici plutôt que sur le vrai manège. Parce qu'ici.. Y a pas grand chose, quand même.

- C'est quoi l'idée ?

Histoire d'en savoir un peu plus, quoi.