Aujourd’hui, Peter a donné une belle mission à deux enfants super chouettes ! Cross et Pretty. Et Cross est du genre super fier d’avoir une mission de la part de Peter, ce n’est pas la première fois qu’il en reçoit une, mais il aime vraiment se sentir important comme cela pour le petit roi. Aujourd’hui, ce qu’il voulait, c’était obtenir un casque de réalité virtuel qu’ils pourront trouver au Garage Métallique. Cela promet, ce n’était pas le lieu le plus sécurisant de tous les temps. Cet endroit se trouvait dans La Machine et Le Pieu savait que l’Esprit qui y logeait se nourrissait de cheveux et de jeunesse… Il n’avait pas tellement envie de perdre sa jeunesse en lui offrant ses cheveux mais s’il fallait le faire pour satisfaire le Tyran, il le ferait. Comme il le ferait au nom de Dieu. Peter était-il vraiment un ange envoyé par le Grand Seigneur ou bien était-il au contraire le petit Démon envoyé de Satan ? Il n’en savait rien, il était perdu mais il pensait que plus il faisait de missions dans ce genre et plus facilement il parviendrait à trouver quel était le véritable camp du garçon au chant de coq.

Avant de partir, Cross avait voulu se recueillir sagement, juste lui et son Grand Seigneur avant qu’ils ne s’élancent dans cette quête qui pourrait s’avérer mortelle si le Scaramouche et autres choses s’attaquaient à eux, des choses que Dieu n’avait certainement pas créé et qu’il leur faudrait affronter. Il murmurait en italien des prières, très rapidement, fiévreusement, serrant son chapelet entre ses mains, si fort qu’il s’en faisait mal aux mains, mais il s’en fichait, cette douleur lui faisait du bien, cette douleur éloignait La Voix le temps qu’il puisse se recueillir et purifier son âme avec ces prières. C’est quand il ouvrit les yeux qu’il tomba nez à nez avec le blond, qui se faisait passer pour une fille. Encore un qui allait à l’encontre de Dieu. Il sursauta et tomba en arrière dans un grondement sinistre.

« Ah ! Pretty tu n’es pas drôle quand tu fais ça tu sais, un peu de sérieux, par Dieu. »

Dit-il en se redressant, frottant les paumes de ses mains qui contenait la marque de son chapelet tant il l’avait serré. Il n’eut pas trop le temps de râler que Pretty était déjà à lui attraper la main, toujours ces contacts physiques ! Il suivit sans trop rien dire, le maudissant intérieurement, ce petit garçon fou qui ne savait pas se comporter comme un vrai petit garçon. Et puis ce surnom… Il secoua la tête mais se leva et le suivit docilement, gardant ses râleries pour lui.

« Oui, je songeais la même chose, allons-y, tu es prêt ? »

Cross avait pour l’occasion fabriqué quelques outils, rien de très dangereux, il avait eut besoin de l’aide des armuriers pour faire deux petites dagues, cela pouvait toujours servir, il ne fallait pas être inconscient non plus, cette île regorge de créatures démoniaques. Il avait aussi fait un lance pierre et avait ramassé un sac de différents cailloux, son sac contenait aussi une gourde pleine d’eau et un peu de nourriture mais pas grand-chose, il espérait que cette mission ne leur prendrait pas trop de temps et qu’il n’y aurait pas de contretemps.

Quand enfin ils ralentirent pour s’arrêter, il sourit en coin et reprit son souffle, peu sportif en réalité et tapota la sacoche qu’il avait avec lui.

« J’ai pris une gourde aussi, nous en avons assez pour nous défendre sans nous dessécher. Je dois t’avouer que je ne connais pas très bien les machines. » Dit-il dans un anglais emprunt d’accent français et italien à la fois. « Cependant je me débrouille avec certaines choses. »

Il lui tendit la petite dague qu’il avait fabriqué, bon en vrai il n’avait fabriqué que le manque qu’il avait décoré de petits motifs de tournesols pour Pretty, le reste avait été fait par les armuriers, la sienne contenant une croix et une inscription « Kyrie Eleison » d’un coté et « Memento Mori » de l’autre. Oui Cross est ce genre de personnes qui aiment le latin. Même quand on ne sait plus exactement ce que cela signifie ou que l’île vous fait oublier tous vos savoirs.

« Ça peut toujours servir, tu ne crois pas ? » Il lui fit un clin d’œil et lui laissa sa dague.

Puis il regarda autour de lui pour constater les alentours et hocha la tête d’un air entendu. Cette mission était risquée et il valait mieux fuir le plus que possible les risques inutiles. Il fronça donc les sourcils et acquiesça à nouveau.

« Ne faisons pas de folies, suivons les voies guidées par Dieu, prenons le, cela sera plus rapide et plus sûr, nous devons absolument réussir pour Peter… »

Sa voix s’était faite plus douce lorsqu’il parlait de Peter mais restait sérieux, cherchant à comprendre comment tout ceci fonctionnait, il était là depuis plus longtemps mais oubliait facilement ce genre de choses qui ne le marquaient pas, alors forcément il ne savait pas comment se rendre dans la Machine.

« Je ne compte pas mourir aujourd’hui Pretty, je peux compter sur toi pour nous guider ? »

Les compliments n’étaient pas une chose à laquelle le Pieux était coutumier. Bien au contraire, il apprenait à ne vivre que de la simplicité, ne pas se gorger d’orgueil, ne pas se venter de ses capacités, il voulait rester lui-même, simple, frais, et honorable. Il voulait honorer la parole de Dieu, et si on l’avait envoyé sur cette île c’était certainement pour cette raison. Avec Duck, il en était persuadé, ils pourraient tous deux amener la Foi au grand Arbre et la faire grandir, grandir, encore et encore, sans craindre le courroux du diablotin qui l’habite. Oh Peter, si tu ouvrais ton cœur à Dieu, peut-être serais-tu plus Angélique ? Ou bien peut-être que cela n’était qu’un leurre,  un test pour les croyants avant d’avoir l’absolution et la gloire éternelle ? Allez savoir, lui-même n’était sûr de rien, il ne savait pas combien de temps durerait ce test, tout comme il ne savait plus dire depuis combien de temps  Peter l’avait conduit à cette île incroyable. Les souvenirs d’une vie passée s’effacent petit à petit, mais sa Foi jamais ne fut entachée, comme gravée dans le marbre de sa mémoire… Et puis les lectures de la Bible par Duck étaient parfois un bon rappel à l’ordre quand l’oubli pointait le bout de son nez. L’oubli…

Le Pieu secoua la tête lentement, levant les yeux au ciel, cela ne valait pas la peine de répondre à Pretty sur la beauté de son soi disant sourire, son visage se fermant à nouveau dans une expression des plus neutres. Il ne souriait pas, ne faisait pas la tronche, il était juste normal, et observait les alentours avec une certaine méfiance, s’il était habitué aux petits objets, il savait qu’il n’allait pas être totalement dans son élément dans la Machine et il ne voulait pas prendre le risque d’avoir un membre transformé en métal, comme Tik-Tok. Il ne voulait pas devenir un homme de fer. Est-ce que les robots peuvent avoir la Foi ? Est-ce que les machines croient en Dieu ? Est-ce qu’un robot porte une croix autour du cou ? Cross n’en savait rien, mais alors qu’ils avançaient tous deux, il se posait ces différentes questions, un peut bêtement, en se disant que, quoi qu’il arrive, ils ressortiraient tous les deux changés de cette aventure.

Mais si Peter le voulait… Ainsi soit-il… Peter serait fier de lui.

Il ne saurait expliquer cette étrange fascination qui le lie à ce diablotin angélique, toujours est-il qu’il savait voler, et que s’il ne voyait pas ses ailes aux grandes plumes blanches c’était parce qu’il n’était pas encore digne de les voir. Oh oui certainement. Il sentait le stress de Pretty, et lui aussi était stressé, mais il se devait d’être le plus fort et le plus grand, pour que la Fausseté puisse se reposer sur ses maigres épaules. Cross était du genre à vouloir protéger son prochain, aider, du mieux qu’il pouvait même quand ce n’était pas la chose la plus évidente du monde.

Il était certain d’avoir misé juste avec le motif fleurit pour la dague. Il n’était pas du genre à décorer les objets, mais il ne pouvait pas faire quelque chose à Pretty sans lui faire une fleur dessus, peut être que comme cela il arrêterait d’arracher les fleurs à cette pauvre terre qui se battent chaque jour pour survivre… Surtout qu’en ce moment, avec la canicule, les fleurs se faisaient rares. Et selon lui, le tournesol était ce qui lui allait le mieux. Par contre cette effervescence d’amour d’un coup, il aurait pu se le garder. Il se prit un Pretty surexcité dans les bras, et ne su quoi en faire. Il resta là, les bras ballants, attendant qu’il daigne se décoller de lui, et le laisser respirer. Non mais vraiment.

« Calmes toi, calmes toi… » Lui dit-il en portant la main à son chapelet, le caressant pensivement pour éloigner le démon qui souhaitait s’éveiller après ce contact physique. « Ce n’est pas parce que tu es touché que tu dois toucher les autres, enfin. » Surtout par ce déviant qui ose se faire passer pour une femelle alors que clairement c’est un garçon.

Mais Cross ne lui en tint pas rigueur. Enfin, au fond, cela lui faisait plaisir si on petit cadeau lui plaisait. Il était contre l’usage des armes, mais pour partir en mission, il ne faut pas être fou non plus et savoir se protéger un petit peu. Heureusement, il se ressaisit et ils reprirent leur route sagement. Pretty sembla se figer à nouveau à la dernière phrase de Cross et ce dernier ne compris pas l’angoisse du livreur, et bien quoi ? Ils devaient bien veiller les uns sur les autres, Cross voulait juste s’assurer que Petty ne lui ferait pas faux-bond. Mais il fini par croiser son regard, il comprit. Bien évidemment que cela faisait peur et c’était humain d’avoir peur. Pour le rassurer, après sa réponse, il posa une main sur son épaule, et esquissa un très faible sourire.

« A nous deux, on peut le faire, Pretty. » Cross y croyait. Il ne fallait pas se biner pour ça.

M’enfin, on ne va pas dire que Peter avait envoyé ses soldats les plus braves en mission, à eux deux, ils se feront dévorés face à une créature, mais tant pis, ils avaient la Foi, du moins, Cross l’avait et à deux ils sauraient le faire.

Et puis la bourrasque, et puis Pretty décoiffé, et puis… Pour Cross ses cheveux n’avaient pas trop changés, ils étaient décoiffés mais dans l’autre sens maintenant, il s’ébouriffa un peu la tignasse et secoua la tête en grondant, avant de regarder le  Chimatou qui était à présent devant eux. C’était donc ça ? Incroyable, cette île était incroyable. Main dans la main, ils pénétrèrent cet étrange bus, et Cross posa son regard sur les différentes chimères qui le peuplaient, il ne voulait pas croire en ces choses mais une fois face à face avec elles, il n’avait pas d’autre choix que de se résigner et d’accepter leur existence. Il fit un rapide signe de croix, priant intérieurement le seigneur pour qu’il les protège tout au long de la mission.

Il suivit Pretty, silencieux, méfiant, et vint s’asseoir près de lui, se mordant la lèvre inférieure. Décidément, Peter leur ferait vivre des tas de choses. La machine se mis en marche à nouveau, enfin le bus, cette chose, et ils avançaient. Cross gardait le regard fixé droit devant lui, il avait hâte d’en finir. C’est la voix de la Fausseté qui le sortit à nouveau de sa rêverie, il tourna le visage vers lui et l’écouta.

« Je ne savais pas qu’il y avait un langage particulier pour les fleurs, j’ai juste pensé que le tournesol te représentait bien… » Murmura-t-il en réponse, se refusant à parler trop fort en présence de ces créatures.

Cross écouta sa seconde question, il était calme aussi, comme à son habitude, il avait besoin de concentration pour ce qui allait arriver. Il soupira et regarda pensivement sa dague, ses doigts glissant sur les inscriptions. Il eut un vague sourire pensif, des réminiscence de souvenir l’envahissant par vague à chaque fois qu’il lisait ces mots. C’est bizarre, cette île semblait avoir englouti une partie de lui et pourtant, un savoir, un passé décidait de ne pas s’effacer, jamais. Etait-e un cadeau de Dieu ?

« Memento mori… » Commença-t-il en s’éclaircissant la gorge. « Je l’ai appris dans un livre je crois, c’est du latin, pour se rappeler que toute chose est éphémère, que nous mourrons tous un jour, c’est pour fuir la vanité du monde et ne pas se croire au dessus de tout. » Du moins, c’était ainsi que Cross l’interprétait. « C’est beaucoup utilisé en art… » Cross appréciait la peinture, mais il n’avait pas de talent particulier dans le domaine, il aimait juste regarder.

Le Chimatou se mit à chahuter un peu et changea subitement de direction, avançant à travers les arbres morts et séchés par la canicule. Cross se passa une main sur le front, il avait chaud et il savait que dans la Machine, ce serait pire.

« Kyrie Eleison… » Reprit-il, la gorge un peu nouée par le stress grandissant, « C’est du grec, cela veut dire « Seigneur, prends pitié » c’est très ancien dans la liturgie Catholique… J’ai toujours adoré la sonorité de ces mots. Dans ma langue c’est « Signore, pietà » c’est un chant de l’Eglise… » Il eut un nouveau vague sourire, se disant que cela le rassurait de parler de cela.

Le Chimatou accélérait subitement et semblait rentrer dans une zone ou tout était en métal autour d’eux, Cross se leva subitement, alors qu’il semblait foncer tout droit vers une sorte de tunnel.

« Accroche toi Pretty, ça va secouer ! »

Le temps du calme était terminé, le Chimatou les avait mené vers leur but, ils devaient à présent avancer, mais avant toute chose, il faudrait que ce bus des enfers daigne s’arrêter.

Cross ne répondit pas, il agrippa fermement un des barreau de cet étrange bus et s’y agrippa fermement, tendant le bras vers Pretty pour qu’il vienne s’agripper à lui. Ce serait trop bête de se blesser maintenant alors qu’ils n’avaient pas encore commencé le cœur de leur mission. Tout bougea, tout changea, tout s’accéléra et Cross ferma les yeux pour rester concentré sur l’apaisement qu’il tentait de conserver au fond de lui et ne pas céder à la panique, pas maintenant, il devait se montrer fort pour Pretty, il devait pouvoir soutenir la situation. Non pas qu’il doutait de la force de son ami Livreur, mais il aimait que les gens puissent compter sur lui, se reposer sur lui, c’est pourquoi il tendait le bras vers lui, tentant de l’agripper. Ce fut le noir complet, et ils se retrouvé projeté au sol du bus, étouffant un petit gémissement douloureux.

« Parce que si nous avions été envoyé chez Arlequin tu serais devenu obèse, Pretty. » Trancha Le Pieux en se retrouvant à son tour projeté au sol.

Il grimaça et tenta de se redresser en position assise, il regarda vers Pretty qui semblait s’être cogné et s’inquiéta de son état. Tout s’arrêta et se calma enfin, et Cross pu se redresser assez rapidement, trop rapidement, sa tête lui tourna et il se laissa tomber, assit sur un fauteuil du Chimatou. Il grommela car il avait mal au dos mais tout allait bien, il se leva une nouvelle fois et s’approcha de Pretty, inquiet.

« Moi ça va, ne t’en fais pas. » Dit-il en glissant sa main sur le crâne de la Fausseté. « Tiens, bois un peu. »

Il sortit sa gourde, la lui tendit et une fois qu’il eut bu, il en bu aussi une gorgée avant de la ranger. Ce n’était que de l’eau mais cela permettait de remettre les idées en place, de se requinquer un minimum, de souffler avant d’affronter le plus dur. Il laissa le blond sortir le premier, pendant ce temps il rangeait la gourde et attachait fermement sa dague à sa ceinture. Quelques secondes plus tard, il fut sortit à son tour et regarda autour de lui.

Sa première réaction fut de plisser le nez, l’odeur de rouille et d’huile était horrible, si bien qu’il songea à remonter son haut sur son nez pour s’en faire un masque, malheureusement il ne pouvait se le permettre. Il porta son chapelet à ses lèvres, y déposa un baiser tendre en prononçant de vagues paroles en français, une prière, avant de laisser retomber le chapelet sous son haut, le sentant frotter contre la peau de son torse, sensation qui le rassurait à présent.

« Bon, on prend le casque de réalité virtuelle, et on s’en va bien vite d’accord ?! Je ne compte pas passer trop de temps ici… »

Oui, il ne veut pas finir avec son corps qui devient métallique, il n’a pas prévu cela dans sa quête et ce n’est vraiment pas de bonne augure que de finir rouillé ici. Il prit donc les devants et avança parmi les machines et choses diverses et rouillées. Il fronça les sourcils en se demandant à quoi ressemblerait vraiment ce casque et surtout quels obstacles ils rencontreront pendant leur périple.

« Dis-moi, tu sais quelle couleur il est censé avoir ? Cela nous aiderait un minimum… » Dit-il alors qu’il s’enfonçait de plus en plus dans le garage métallique, sur la défensive.

Il tâchait de taire son inquiétude, car il sentait celle de Pretty grandir, il fallait qu’un d’eux deux garde la tête sur les épaules, même s’il se lançait dans l’inconnu total.