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Zeb Skelton
Zeb Skelton

☠ Charpentier du Jolly Roger ☠


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MessageSujet: Through the Valley   Through the Valley EmptySam 8 Sep 2018 - 0:39

---[Flashback] - Intrigue 5 - Saison des Pluies---


C’est drôle, ces relations qu’on sait vouées à l’échec.
Celles où l’on se déplaît d’emblée et où l’on se déteste si vite.
Celles où une simple présence est une oppression.
Celles où la moindre parole devient le crissement d’une craie sur une ardoise.
Celles où l’on se retient, encore et encore, parce qu’on n’a pas le choix, que l’autre non plus, et qu’il faut se convaincre que l’on peut mutuellement s’ignorer.
Alors que non.
Et qu’on le sait bien.
Que malgré des années, des décennies (des siècles ?) d’effort, de mesure, de contrôle, un jour il y aura un élément en trop.
Une insulte. Une bourrade.
Une menace.
Qu’un beau jour, pour la mauvaise parole, au mauvais moment, un coup va partir.
Et qu’ensuite...

Oh. Qui sait jusqu’où ça ira ensuite ?





- Through The Valley -

I walk through the valley
Of the shadow of death
And I'll fear no evil
Because I'm blind to it all



☠️ ☠️ ☠️

Je sais pas où il est ton petit singe, Skelton.
Mais t’inquiète pas.


☠️ ☠️ ☠️

    Ne te relève pas.

Le message était clair. Il sourdait de chaque hématome en train de s’étaler sur son torse. Il gémissait dans son nez cassé. Il explosait en éclats rouges et blancs sous la paupière enflée qu’il ne parvenait déjà plus à soulever. Il avait un goût de sang et de bile.

    Ne te relève pas.

Mais l’autre.

    La première fois, c’était une suggestion alarmée.

L’autre était en train de rire.

    La deuxième fois, c’était un ordre effrayé.

Sur sa joue, il sentit un crachat – teinté de sang, parce que ce connard n’avait pas prévu qu’on puisse oser lui flanquer un coup de tête, qu’il y avait laissé des dents, et que quitte à n’avoir porté qu’un véritable coup, celui-là comptait triple.

    Ne te relève PAS - et à présent c’était une supplique, le constat inéluctable que tout ceci avait largement dépassé le simple règlement de compte, qu’ils allaient trop loin, qu’ils étaient déjà trop loin.

    Pour l’amour du Ciel, ne te relève pas!

    Il n’en vaut pas la peine. Ne sois pas stupide.

Ils n’avaient pas le droit de se battre, pas ainsi, pas sur le navire.

    Ne sois pas stupide.

    Il n’a fait que parler. Ce n’était qu’une insulte, pas la première, pas la dernière.

Il ne faisait pas le poids, il le savait.

    Ne sois pas stupide.

    Tu vas te faire tuer.

Mais ce qu’il avait dit en apprenant que Kit avait disparu.


T’inquiète pas.


Le sourire de ce sac de merde quand il l’avait menacé.

    Tu vas vraiment te faire tuer.

"Alors Skelton ? T’as ton compte ? Déjà ?"

Il s’entendit émettre une espèce de rire, dont il fut lui-même surpris – en pratique, guère plus qu’un hoquet barbouillé de rouge, sec, vide de joie, plein de fiel. Mais rien que ça, cela déplut à l'autre.

"Ah parce que ça te fait marrer en plus, vieux taré ?!"

Un choc, presque perdu dans la cacophonie de douleur qui noyait déjà ses flancs – un coup de pied sans doute, il ne savait plus trop, tout comme il n’enregistra pas vraiment le grognement qui passa ses lèvres éclatées pour s’étaler en éclaboussures écarlates sur le plancher de la réserve. Mais au fond, il se sentait satisfait.

"Tu..."

Déglutition, crachat – encore une trainée de rouge sur le bois sombre. Puis un regard, qui n’aurait pas dû être bien fier (par terre, un seul œil ouvert) et qui pourtant contenait encore tout ce qu’un homme peut rassembler de dédain et de mépris.

"Toi. C’est toi. Tu me feras toujours marrer, Jack."

Encore un coup, qu’il ne chercha pas à éviter – bien au contraire, il encaissa en se recroquevillant sur lui-même, ramenant ses jambes sur son abdomen. Puis deux mains, énormes, non pas sur son col mais directement sur sa gorge.

Sans latence, il se laissa aller sur le dos et déplia brusquement ses deux jambes, en visant le ventre et les couilles – pas de scrupules, pas maintenant, pas avec lui – et vu la manière dont BigJack le relâcha avant de battre en retrait avec un aboiement étranglé, il avait touché au but.

Et d’un appui tremblant mais féroce sur les articulations tuméfiées de sa seule main valide, Zeb se releva.

☠️ ☠️ ☠️

T’inquiète pas.

☠️ ☠️ ☠️

Quelque part dans un autre monde, le jeune apprenti charpentier qu’on appelait la Mouette était en train de descendre dans les quartiers de l’équipage quand il entendit un grand fracas dans la réserve de proue. L’espace d’une seconde, il se dit qu’un coffre avait dû y tomber – c’était là que les matelots entreposaient leurs affaires, et ceux qui n’avaient jamais connu le grand large n’étaient parfois pas très doués quand il s’agissait de tout attacher correctement.

Puis il y avait eu un grand, long cri de rage, suivi d’un choc sourd qui évoquait moins un tonneau cassé qu’un corps balancé à travers la pièce.

La Mouette avait pâli, mais la Mouette n’était pas un lâche. Il était allé voir.

Il avait ouvert la porte de la réserve. Il avait vu.

Et il avait fait demi-tour en courant pour chercher de l’aide.

☠️ ☠️ ☠️

Je saurai bien quoi lui faire si je le retrouve avant toi.

☠️ ☠️ ☠️

C’était stupide.

Il avait fait ce qu’il pouvait. Vraiment.

Mais s’attaquer à mains nues – à une seule main nue – aux deux mètres de malveillance de BigJack, c’était effectivement stupide. Et sans espoir.

Un hurlement, le sien – la montagne qui lui servait d’adversaire ne la jouait pas réglo non plus: il avait visé l'ancienne fracture et les nerfs mal cicatrisés de son bras droit, et il avait bien raison parce que la douleur fut aussi brutale qu'abominable, une véritable explosion qui calcina tout son membre puis engloutit sa tête. La cale disparut dans une avalanche de noir jalonnée d’éclairs vermillon. Il se sentit tomber à genoux.

Il n’entendit pas les cris et appels qui s’élevaient au-delà de la porte de la réserve laissée ouverte: le poing de BigJack l’atteignit bien avant eux.

Et cette fois il ne se releva pas.







"Zeb Skelton, peux-tu s'il-te-plaît cesser ce petit manège du gars attentif et naturel
qui donne envie qu'on lui fasse confiance, merci ?"

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Tijl Vangheluwe
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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMer 26 Sep 2018 - 0:24

Tijl était descendu pour il ne savait plus quoi. Ca ne compte pas, on s'en fout. C'est pas important, voilà ce que disent les yeux du gamin face à lui. La Mouette a un air paniqué, quand il lui rentre dedans par mégarde, alors qu'il courrait pour monter au pont. Le prêtre est solide, il amortit le choc sans problème alors que le gamin rebondit un peu, déséquilibré. Tijl le rattrape, sans trop y penser, et s'apprête à faire une blague bourrue sur la raison de cette précipitation quand il voit l'expression de l'apprenti. Il se passe un truc. Il se passe un truc, et la Mouette est déjà en train de lui raconter avant même que le flamand ne puisse demander quel est le problème.

Y a ensuite un air de déjà vu un peu douloureux, alors qu'il court, la Mouette sur les talons. Y a un air de déjà vu dans cette précipitation. Pas de verre brisé à ses pieds, cette fois, mais le gamin pour l'alerter. Ca lui suffit, pour courir. Heureusement que depuis le temps, il a le pied sûr sur le Jolly. Ca aide.

Il court et quand il arrive, c'est pour voir ce qu'il craignait. Zeb est part terre, plus rouge qu'autre chose. De toute sa hauteur, Big Jack le domine. Tijl ne l'aime pas, et ne l'a jamais aimé. Faut dire que le gaillard n'est pas apprécié de beaucoup de monde sur le navire. Et là, alors qu'il le voit matraquer le charpentier à terre de coups de pieds gratuit, Tijl l'aime encore moins. Bravo, Big Jack. Tu talonnes sévère Fib dans la liste VIP de gens que Tijl déteste ouvertement.

Tijl hésite à parler, ou gueuler. Mais c'est pas juste un matelot. C'est Big Jack. Pour une fois, il aurait presque aimé qu'Abel soit dans le secteur. C'est un gros tordu dans sa tête, mais il n'a pas son pareil pour emmerder Jacky boi, et rien que ça c'est satisfaisant. Le Frère avance directement alors que la Mouette reste à distance respectable. Peut-être même qu'il se demande s'il ne faudrait pas aller chercher davantage d'aide. Ce serait raisonnable, d'ailleurs.

- Du calme, Big Jack.

Finalement, Tijl a parlé. Et son timbre est aussi chaleureux qu'un iceberg en hypothermie. L'interpelé se détourne de Zeb pour faire à moitié face à ce nouvel interlocuteur.

- Mèle toi de tes oignons. On discute entre hommes. Pas vrai, Zeb ?

Un nouveau coup, négligeant, atterrit sur le charpentier à qui Big Jack jette un coup d'oeil amusé. "Pauvre merde." Voilà ce qu'on peut y lire, dans son regard. Mais c'est con, parce qu'il n'a pas gardé son attention sur le prêtre. Prêcher l'amour et le pardon, ça veut pas forcément dire ne jamais fermer le poing. Pas sur un bateau pirate, en tout cas.

Ziing.

Un truc pique la gorge de Jack. Il se retourne, surpris, et ça saigne presque. Ca pique un peu plus.

- Me force pas à sortir le majeur.
- A quoi tu joues, la soutane ? Sois pas jaloux, j'ai encore assez d'énergie pour toi aussi, s'tu veux danser.

Pour toute réponse, une troisième lame sort. Elle est plus longue que les autres, celle-là. Cette fois, un peu de sang coule. Les deux hommes sont calmes. La haine n'a pas toujours besoin d'être hurlée, après tout. Mentalement, Tijl bénit pour une fois sa solide carrure. Il est un de de ceux qui sont un peu moins désavantagés face à ce monstre de la nature. Mais quand même : s'il ne fait pas gaffe, Big Jack peut l'allumer sévère. Pas question de baisser sa vigilance une seule seconde, donc.

- Et le Cap'taine, tu veux danser avec ? Vous avez largement dépassé la limite d'un combat, et de toute façon vous auriez du faire ça à terre. J'suis pas vraiment certain qu'il serait ravi de savoir que tu as esquinté le charpentier, surtout avec tout ce qu'il y a encore à faire au Port. Tu veux parier ?

Y a encore des trucs à faire, au Port ? Aucune idée. Mais Tijl mise le fait que c'est comme sur le bateau : y a toujours à faire. Il espère juste que Big Jack ne captera pas le bluff. Ou, mieux, que c'est un buff qui s'avère véridique. La tension est palpable pendant un moment, et c'est difficile de savoir lequel des deux semble haïr l'autre le plus. Mais finalement, lourdement, Big Jack recule d'un pas et se dirige vers la sortie.

- Gaffe à tes arrières, l'cureton. Ce s'rait con d'se noyer dans l'bénitier.

S'accroupissant vers toi, Tijl constate les dégâts. Il soupire un peu en secouant la tête : t'es vraiment dans un sale état. Qu'est-ce qui s'est passé, encore ? Ne fut-ce que parce qu'il s'agit de Big Jack, il a envie de lui donner tous les torts. C'est pas très réglementaire pour un prêtre, mais merde. Même sa bienveillance à lui a ses limites. Quand il prend la parole, c'est toute sa chaleur et sa bienveillance qui revient d'un coup dans sa voix.

- Bah te voilà bien. Sans vouloir te vexer, t'as vraiment une sale gueule. J'vais chercher Dabeid, ok ?

C'est pas comme si tu risquais de t'envoler, dans ton état.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMer 3 Oct 2018 - 21:41

La douleur est une chose étrange. Quand on ne la connait pas, on peut la voir comme quelque chose d’assez simple à appréhender, une sensation impressionnante mais linéaire, qui croît pour aller du simple inconfort jusqu’à l’intolérable. Et sur cette échelle relativement bien définie, chacun aurait son seuil et sa limite, tous deux nets et constants. Mais la réalité, comme souvent, ne s’accommode pas bien des cases toutes faites, et la douleur n’y est ni simple, ni prévisible. Un os qui se brise, de la chair qui se déchire, un nerf qui s’arrache ou un cœur qui lâche hurlent chacun à leur façon. L’instantané côtoie l’interminable. L’adrénaline qui vient de la peur, celle qui découle de l’amour et celle qui nait dans la haine ne changent pas la souffrance de la même manière. Et quand tout se mélange, personne ne peut prévoir ce qui finira par prendre le dessus, surnager au-dessus de la tempête pour marquer les cauchemars, faire naître le remord… ou nourrir la vengeance.

Il aurait été tristement optimiste de dire que Zeb ne sentait plus rien ; chaque coup, que Big Jack ne lui assénait plus que par pure joie sadique, continuait à résonner cruellement dans sa cage thoracique fissurée de toutes parts. Et si ces pieds qui cherchaient encore, vicieusement, ses côtes et ses reins lui faisaient effectivement moins mal que précédemment, ce n’était que parce que la souffrance de son bras avait pris toute la place. Tout son côté droit brûlait d’un feu inexpressible, un mélange nauséeux de broiement, d’arrachement, de crocs émoussés qui raclaient ses os et retournaient sa chair jusqu’au bout de ses doigts, et quelque part dans ce territoire brumeux qui se cache entre l’éveil et le coma, Zeb avait su que s’il ne restait pas au sol cette fois-ci, allongé sur le flanc pour protéger son bras, que si le moindre choc touchait encore ce côté-là, c’était son cœur qui allait lâcher avant sa conscience.

La Rouille était loin dans sa traversée noyée de brouillard, trop loin pour se sentir amer que l’altercation avec Big Jack ait viré au règlement de compte, trop loin aussi pour souhaiter qu’elle cessât ou que quelqu’un y mît un terme. C’est pourquoi il lui fallut un certain temps pour réaliser que l’avalanche de coups avait pris fin, et encore plus longtemps avant d’enregistrer qu’une autre voix s’était mêlée à celle du forgeron, au-dessus de lui. Une voix qu’il avait rarement été aussi heureux d’entendre, pour être honnête.

"Et le Cap'taine, tu veux danser avec ?"

D’un geste lent et terriblement pénible, Zeb se hissa sur son coude valide ; il fallait plus qu’une commotion cérébrale pour qu’il laissât quelqu’un d’autre souffrir les conséquences de ses erreurs et il refusait de laisser Tijl seul face à Big Jack, surtout alors que le prêtre avait une main blessée - lui-même était trop bien placé pour savoir à quel point ce genre de handicap pouvait s'avérer désastreux lors d’un tel duel.

Malheureusement, la fierté du charpentier, aussi puissante fût-elle, ne l’était de loin pas assez pour animer son corps au supplice, et la Rouille ne fût guère capable de faire plus que basculer sur le dos pour tenter d’observer les deux hommes qui le surplombaient. Son seul œil encore ouvert capta alors l’éclat métallique qui ornait le poing de Tijl, et le charpentier laissa retomber sa tête sur le plancher de la cale avec un soupir vaguement cynique : quel vieux con il pouvait être parfois, je vous jure… Main convalescente ou pas, s’il y avait bien un membre de l’équipage qui n’avait pas besoin d’aide dans une bagarre, c’était le grand Flamand : il était littéralement armé en permanence.

Même si Zeb nota dans un coin de son esprit déglingué qu’il ne se rappelait pas avoir déjà vu Tijl sortir les griffes contre un autre membre de l’équipage. Surtout pas sur le Roger. Cela avait un côté tout à la fois alarmant et un peu flatteur.

Eh bien on dirait que je ne suis pas le seul qui s’énerve vite contre cette chiasse d’être humain…

Ladite chiasse ne semblait d’ailleurs pas ravie de cette opposition à laquelle elle ne s’attendait pas : Zeb trouvait cette grande gueule de Big Jack étrangement silencieuse, tout d’un coup.  Même la menace qu’il finit par gronder pour couvrir sa retraite sonna trop calme, trop sérieuse. Intéressant. Ce serait quelque chose à analyser. Mais plus tard. Quand il se sentirait un peu moins comme une jolie goélette qui vient d’essuyer la canonnade d’un navire de guerre.

"Bah te voilà bien. Sans vouloir te vexer, t'as vraiment une sale gueule."

Grognement, grincheux mais tout de même approbateur : ouais, Zeb se doutait qu’il avait morflé. Il ne savait pas encore à quel point, mais à présent qu’il réalisait que Big Jack était parti, qu’il allait vivre pour voir encore un jour de plus sur cette Île merveilleuse et merdique, c’était comme si toutes les douleurs que son corps avait fait taire pour des raisons de survie se réveillaient en même temps, et par toutes les putains de Neptune ça faisait mal.

"J'vais chercher Dabeid, ok ?"

"N… Non."

A peine un croassement au fond de la gorge, que Zeb ponctua en crachant encore un peu de salive mêlée de sang sur le chantier à moitié coagulé qui s’étalait déjà sur le sol. Puis il tendit sa main gauche à Tijl, silencieuse demande d’assistance, pour parvenir à s’asseoir contre l’une des caisses fixées au mur. Le charpentier s’y appuya comme il put, vacillant sur ses appuis et grimaçant comme si rien que rester assis droit lui demandait un effort terrible.

"Attends. L… Laisse-moi…"

Il s’interrompit d’un gémissement sourd, les dents serrées, et sa main gauche alla enserrer son avant-bras droit pour le ramener contre sa poitrine ; tout son bras était parcouru de longs spasmes sans fin et ses doigts paralysés tremblaient dans le maigre soutien de son attelle en cuir. Zeb ferma un instant les yeux et souffla aussi profondément que le lui permettaient son torse délabré et son nez cassé, avant de reprendre d’une voix sourde :

"Laisse-moi juste… deux minutes. Je vais… je peux y aller… moi-même. Voir Dabeid. Ça va aller."

Il releva laborieusement la tête et son regard accrocha la silhouette de la Mouette: le gamin s’était recroquevillé contre le chambranle de la réserve pour laisser passer Big Jack, sans néanmoins prendre la fuite - et rien que ça laissait entendre soit qu’il était encore plus courageux que Zeb le pensait, soit hélas qu’il sous-estimait gravement la rancune de BJ. Rien que le fait d’avoir accompagné Tijl pouvait apporter de gros ennuis à l’apprenti charpentier, et à le voir ainsi, pâle et désolé et inquiet, la Rouille ressentit une nouvelle pointe de culpabilité: s’attirer stupidement des problèmes était une chose, mais y entraîner des gens à qui il tenait, dans sa hiérarchie personnelle, c’était décidément un crime d’une toute autre ampleur.

Les yeux du pirate, y compris celui dont la conjonctive rougie de sang disparaissait à moitié sous une paupière enflée et violacée, se fixèrent alors sur le prêtre accroupi à ses côtés et étudièrent un instant son air préoccupé: merde, en plus c’était si moche que ça?

"On dirait que… que je t’en dois une, Tijl. Je... je commençais à avoir... un peu de mal à le maîtriser..."







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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMar 9 Oct 2018 - 18:15

Tu as vraiment une sale mine, Zeb. Même pour les standards du Jolly Roger. Ta voix aussi ravagée que tout le reste émet tout juste un croassement douloureux, et le prêtre soupire en secouant la tête. Foutue tête de mule. T'es pas en état, admets le tout simplement au lieu de vouloir continuer ! Silencieusement, mais n'en pensant pas moins, il t'aide à te redresser de sa main droite, non sans avoir rentré les griffes et essuyé très sommairement le dos de sa main poissée de sang. Ca fait mal, d'autant plus que sa plaie s'est sans doute remise a saigner, mais comme toujours il ignore totalement la douleur. La main gauche, elle, te soutient dans le dos. Vas-y doucement, hey. Y a pas le feu.

Tu l'inquiètes, c'est assez évident. Pourtant, par égard pour toi, le flamand ne commente pas quand il te voit trembler ainsi. Il note, mais ne relève pas. Sa large paume reste un instant dans ton dos, puis il se redresse avec un grognement de lassitude quand il suit ton regard et remarque la Mouette. Pauvre gosse. Pesamment, il se redresse et se dirige vers celui-ci. Avec une affection bourrue, Tijl lui ébourriffe les cheveux.

- T'en fais pas. Il est plus coriace que la pire des moules sur son rocher. Il sera juste un peu plus moche que d'habitude pendant quelques temps.

Tijl a dit ça avec une tranquille assurance, de celle qui fait qu'on lui accorde souvent une certaine force paisible. Le gamin, lui, est visiblement secoué et lui jette un coup d'œil, comme pour vérifier si le prêtre déconne ou pas. Mais le Frère se contente de lui offrir un sourire serein qui se veut réconfortant. Tijl le roc. Tijl qui ne bronche devant rien. Tijl qui balaye tous les doutes au loin comme s'ils n'étaient que des détails sans importance. Finalement, ça semble rassurer un peu le gosse, qui répond par un sourire timide. Puis le flamand se retourne vers toi, toujours une main sur l'épaule de la Mouette. Avec un air gentiment exaspéré, il soupire et se marre un peu en même temps.

- Je sais pas qui a fait du charme à qui, mais visiblement ça ne colle pas entre vous.

En temps normal, il aurait invité l'apprenti à aller chercher quelque chose -n'importe quoi- pour avoir le temps de discuter avec Zeb en privé. Mais vu qu'il s'agit de Big Jack, Tijl se dit qu'il vaut mieux garder le minot avec vous. Sait-on jamais, des fois que l'autre empaffe soit encore dans le coin ou veuille se défouler. Un dernier patpat affectueux sur le dos du gamin, et le flamand se rapproche de toi à nouveau, pour s'accroupir vers toi mais adossé au mur. Et a ta question, il soupire doucement. Foutue tête de mule.  

- T'es sûr, pour Dabeid ? Peut-être même qu'il te prescrirait du rhum, avec tout ça.

Même si, Tijl s'en doute, du rhum tôt ou tard tu auras.
Il partagera le sien. Autant par plaisir de ta compagnie, que par inquiétude et pour garder un œil sur toi. BJ, il avisera plus tard. La menace reste là, dans un coin de sa caboche, mais ce n'est pas le moment d'y penser.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMer 10 Oct 2018 - 23:12

Quand Tijl se releva pour aller rassurer la Mouette, Zeb ressentit une véritable bouffée de reconnaissance, paradoxalement presque plus que quand le prêtre l’avait sauvé du destin très peu enviable que lui réservait Big Jack. Parce que oui, encore une fois, se faire casser la gueule jusqu’au coma parce qu’il avait été un vieux con imprudent, cela n’engageait que lui. Impliquer le Frère et l’exposer aux représailles de ce taré de forgeron, cela lui restait déjà en travers – et encore, Zeb n’avait pas remarqué dans quel état était la main du prêtre. Mais trainer la Mouette là-dedans, cela, ce n’était pas excusable. Il avait quel âge ce gamin, quinze, seize ans ? Suffisamment grand pour déjà réussir un magnifique boulot quand on lui mettait du bois entre les mains, mais pas assez pour se raser, et certainement beaucoup trop jeune pour gérer la sauvagerie de Big Jack ; la Rouille ne voyait pas assez flou pour ne pas distinguer le visage de son apprenti, pour ne pas voir l’angoisse et la peur qui trahissaient soudain que le jeune charpentier n’était toujours qu’un gosse, un foutu gosse déjà traumatisé par la simple vue de ce qu’un pirate pouvait faire à un autre sans aucune crainte des conséquences.

Zeb avait trop mal pour articuler toutes ces pensées de manière cohérente, mais un constat particulièrement sinistre et nauséabond parvenait à percer la brume qui lui encombrait la tête : oui, la Mouette était un gosse. Et le maître charpentier savait très bien ce que Big Jack aimait leur faire, aux gosses. Penser que celui-là était à l’abri parce qu’il faisait partie de l’équipage n’était qu’une douce illusion à laquelle Zeb ne croyait plus depuis longtemps.

Il sait comment les obliger à se taire.

Le temps de quelques secondes en dehors du temps, alors qu’il était toujours recroquevillé contre sa caisse avec la gueule en sang et un bras secoué de décharges électriques à la limite de l’insoutenable, Zeb se surprit à éprouver une véritable bouffée de haine, pas tant contre Big Jack que contre lui-même. Parce qu’il aurait dû être plus jeune, plus fort, avec ses deux bras. Il aurait dû (tuer) démolir ce tas d'ordures des années auparavant.

"Je saurai bien quoi lui faire si je le retrouve avant toi."

Ouais Tijl, ouais : entre BJ et Zeb, on ne pouvait pas dire que ça collait.

Le prêtre s’approcha à nouveau et vint s’accroupir à ses côtés, revenant dans l’espace réduit où Zeb parvenait à analyser un peu mieux ce qu’il se passait. La Mouette hésita un instant avant d'emboiter le pas du Flamand, ce qui rassura un peu la Rouille : il n’avait pas réfléchi à la situation aussi clairement que Tijl, mais il se sentait tout de même un peu mieux que son apprenti restât à portée de vue. Et de griffes.

"Ca va aller."

Il l’avait déjà dit ça, non ? Zeb déglutit tant bien que mal une salive au goût de fer et resserra sa prise sur son avant-bras toujours tremblant ; il tentait de masser doucement ses muscles atrophiés, mais cela n’atténuait hélas que peu l’horrible l’impression qu’ils cherchaient à s’arracher encore et encore à des os devenus du métal chauffé à blanc.

"Je… vais aller voir Dabeid. Mais je… sur mes jambes, Tijl. Il faut juste me… attendre un moment. Ca va passer."

Il ne savait pas trop pourquoi cela lui semblait si important de se rendre lui-même à l’infirmerie : il était certes fier et du genre un peu buté (une foutue tête de bois oui), mais d’habitude il n’avait pas un égo mal placé au point de ne pas le reconnaitre lorsqu’il avait vraiment besoin d’aide, surtout médicale. Il fallait croire que, encore une fois, l’implication de Big Jack changeait la donne bien plus que Zeb ne voulait bien l'avouer.

"Et je pense que… que Dabeid soit d’accord ou pas, je… je vais prendre le rhum."

La Rouille émit alors un rire amer, toujours un peu cassé :

"Il… il a visé mon bras. Exprès. Ce rat de cale merdeux."

Puis, après un silence, il releva doucement la tête vers Tijl :

"Désolé. Ca me fait… chier que tu… de vous avoir entraînés d-…"

"Dites pas ça !"

Zeb cilla, étonné de voir l’expression presque farouche que la Mouette avait prise. Le jeune apprenti semblait un peu embarrassé d’être intervenu si brusquement, mais il ne détourna pas le regard lorsqu’il répéta un ton en-dessous :

"Dites pas ça, m’sieur Skelton…"

La Rouille resta un instant silencieux, avant d’esquisser un sourire comme il le pouvait avec ses lèvres durcies de sang séché et de jeter un regard en coin à Tijl :

"Tu vois ce que… ce que tu fais à mes apprentis… avec tes foutues histoires de charité chrétienne ?"







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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyVen 19 Oct 2018 - 11:59

"Ça va aller."

Ah bah alors là. Qui crois-tu berner, hm ? Tijl se marre un peu en secouant la tête, et se demande si tu les prends pour des cons, ou si c'est un peu toi que tu essayes de rassembler avec ce mantra magique. Un soupir un peu fatigué et il t'observe te masser le bras. Ça lui fait de la peine, de te voir comme ça. Une nouvelle respiration expirée lentement, un temps pour se recentrer. Tijl vous sourit, Tijl est bonhommie. Mais Tijl, intérieurement, est Colère.Il y a des gens qui parfois lui font sentir tout le poid de ses principes, toutes les entraves que cela pose à ses actions. Fib et Big Jack font partie de ces être là, de ceux qui hérissent tant le flamand qu'il se sent davantage pirate que prêtre. Les principes sont salvateurs, ils entravent la bestialité, l'immoralité. Mais O Seigneur, comme Tijl aimerait parfois oublier ces valeurs, juste un instant, un bref instant. Juste assez pour s'autoriser la Haine. Mais shht, non. Chut, il ne faut pas. Il n'y a pas de ça. Paix et Amour. C'est comme un mantra, qu'il se rappelle encore et encore, pour se calmer. Paix et Amour, et se concentrer sur les gens ici qui en ont besoin. Toi et la Mouette, en l'occurrence.

- Zeb. Tu es blessé, bien assez déjà. Crois-tu vraiment que ce soit la meilleure idée qui soit d'en plus t'épuiser à te déplacer ?

Tijl est inquiet, et roule des yeux à ton entêtement. Il y a peut-être un très léger soupçon de sécheresse dans sa voix, qui disparaît bien vite. Shht. Pas ici. Il ne faut pas. .. Mais tu n'aides pas, Zeb. Quand tu reprends, que tu dis qu'il a visé le bras exprès, Tijl se crispe et soupire. Encore. Et ça fait ploc, sur le sol. C'est léger, presque inaudible.

Un plic, à nouveau.

Tijl regarde distraitement, et voit que ce n'est que du sang. Ce n'est que son sang. Les griffent ne pardonnent jamais qu'il les utilise. Le prêtre y voit un prix symbolique : le sang appelle le sang. Pour chaque combat où il voudra le verser, le Frère payera du sien également. À force, la douleur est devenue une compagne. Sans parler d'amie -il n'est pas si masochiste- Tijl se rend compte à quel point elle fait partie de son quotidien. Sa main le lance, chaque jour. Encore plus maintenant qu'il s'en est servi contre Big Jack et a rouvert la plaie. Toujours plus, tant il la crispe en réponse à ce que tu viens de dire. Le poing fermé à s'en blanchir les jointures, si elles n'étaient pas déjà vermeilles. Mais shht, shht. Pas ça, pas ici. Maintenant qu'il a vu son bandage se teinter de rouge lui aussi, c'est comme si la Douleur s'était soudainement sentie invitée. Il prend réellement conscience de sa présence, qui le lance sourdement depuis la paume.. Non le dos de la main ? Depuis sa plaie, en vérité, un trou qui traverse sa dextre de part en part. Sa main tout entière pulse, du bout des doigts jusqu'au poignet. Comme si Douleur venait de la lui serrer en guise de bonjour. Sineuse, elle remonte plus loin, s'arrime à chaque parcelle de chair qu'elle peut grapiller. Tijl sent son venin avancer, décide comme toujours de l'ignorer. Tout au plus peut-il se forcer à ouvrir la main, doucement. Mais déjà, il se reconcentre sur vous. Son attention à sa propre blessure, cela n'a duré qu'une seconde ou deux, tout au plus.

Et toi, Zeb. Sérieusement, tu dis toujours autant de conneries. Désolé ? De quoi ? Que Tijl décide tout seul comme un grand d'intervenir ? C'est n'importe quoi. Tu dis m'importe quoi, foutu tête de bois. Et la Frère s'apprête à répliquer quand il se fait coiffer au poteau. Et par la Mouette, en plus. Interloqué, Tijl lui jette un coup d'œil, puis, malgré lui, se surprend à sourire. Sacré gosse. Peut-être bien qu'il n'y a pas tant à s'inquiéter pour lui qu'il le pensait au début. Il a de la force, une force intérieure qui ne demande qu'à croître et s'exprimer. Tijl est fier de lui, quand il parle comme ça. Avec ce cri du cœur, qu'il soutient même en réalisant ce qu'il vient de faire. Posant sa main gauche sur l'épaule de l'apprenti, Tijl lui sourit. Décidément, il aime bien ce gosse.

- Là j'y suis pour rien, Zeb. Ton apprenti est plus sage que toi, sur ce coup là. Tu devrais l'écouter, tant qu'il te reste un peu de cervelle.

C'est dit avec un sourire, et il se tourne vers la Mouette à qui il fait un clin d'œil.

- C'est bien que tu sois là pour lui rappeler quelques trucs basiques, parfois.

Puis, vers Zeb à nouveau.

- Ok si tu veux marcher. Mais je te soutiens tout le long. Si tu râles, je te porte, je te préviens. À toi de voir.

Aka : il te porte tout le long, mais tu as plus ou moins le choix pour épargner ta dignité, puisque tu t'y accroches si fort. Ceci étant, si Tijl est toujours aussi calme et avec de la chaleur dans sa voix, ne t'y trompe pas : sur ce coup la, il ne plaisante pas.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyVen 19 Oct 2018 - 22:57

La Rouille n’avait pas répondu à Tijl quand ce dernier lui avait fait remarquer que marcher n’était vraiment pas une bonne idée. Il n’avait pas apprécié les termes (blessé, épuiser) que le prêtre avait employés, qui le renvoyaient un peu trop crûment au constat de plus en plus amer qu’il venait de se faire casser la gueule par Big Jack ; dans d’autres circonstances, Zeb ne se serait d'ailleurs pas fait prier pour demander au Flamand de remballer ses conseils malvenus.

Mais le maître charpentier connaissait bien le Frère, il avait entendu son ton à peine trop sec, perçu l’infime tension dans sa voix. Même avec une tête embrumée et douloureuse comme elle l’était, Zeb avait compris que Tijl était en colère. Et s’il n’avait déjà pas très envie de se montrer hargneux avec l’homme qui venait peut-être de lui sauver la vie, il avait encore moins l’énergie de se lancer dans une dispute avec lui. Alors il se tut et continua simplement à masser ses muscles au supplice.

Parce qu’au fond oui, bien entendu que Tijl avait raison, bien sûr qu’il aurait été plus raisonnable de faire déplacer Dabeid. Mais plus Zeb y songeait, plus il réalisait ce qu’il venait de se passer, plus la rage enflait dans son ventre, tétanisait ses mâchoires, crispait encore davantage ce bras qu’il tentait pourtant désespérément de détendre.

Il avait perdu. Contre Big Jack.

Ce seul constat lui laissait un goût rance au fond de la gorge, mélange de bile, de sang et de rancœur. Il pouvait imaginer cette sous-merde rire et se vanter devant le reste de l’équipage, pas trop pour ne pas attirer l’attention de Smee ou du Capitaine, mais juste assez pour bien faire comprendre à tout le monde que personne n’avait ni le droit ni les moyens de se dresser contre lui, qu’il faisait ce qu’il voulait, à qui il voulait, quand il le voulait. Zeb savait déjà qu’il se prendrait une réflexion méprisante au moment même où il regagnerait les quartiers de l’équipage ce soir-là, il pouvait même presque voir les regards des autres marins qui se détourneraient avec gêne pendant que Big Jack dégoiserait son orgueil.

Alors en plus, il aurait dû admettre qu’il était en trop mauvais état pour se lever, qu’on devait le sortir de cette cale en brancard ? Non. Navré Tijl : plutôt crever.

Heureusement Zeb n’était pas seul avec sa haine et son humiliation. Il y avait le prêtre, bien sûr, qui avait toujours été un homme fiable et bienveillant en plus d’être un ami. Quelqu’un qui ne le regarderait jamais avec condescendance, encore moins avec pitié, quelqu’un dont la simple proximité le rassurait et l’apaisait. Et plus surprenant, il y avait aussi la Mouette. Zeb avait un instant cru devoir maintenir un minimum de faux semblants devant son apprenti, pas forcément jusqu’à nier sa douleur et sa colère, mais au moins les masquer un peu. Pour ne pas l’affoler, peut-être (et plus souterrainement) ne pas le décevoir.

Sauf qu’il avait visiblement sous-estimé le jeune charpentier. Et quand ce gosse osa lui couper la parole, tellement cela lui semblait intolérable d’entendre Zeb s’excuser pour les actes de Big Jack, la Rouille se sentit envahi par un sentiment beaucoup plus doux que la masse de fureur qui cherchait à le submerger. Dans le regard qu’il échangea alors avec Tijl, il y avait la même fierté que celle dont le Frère fit preuve en posant sa large main sur l’épaule de la Mouette - encore une occasion d'être reconnaissant à ce cher prêtre: ce geste, c'était quelque chose dont Zeb était physiquement incapable, mais qu'il aurait voulu faire. C'était important.

En entendant les compliments du Flamand, le gosse baissa un peu la tête, avec un embarras teinté d’un plaisir visible. Et même si Zeb souffrait encore, même s’il se sentait toujours très amer, il se surprit à maintenir son sourire avec aisance.

"Encore heureux, qu’il soit... plus malin... que moi. Je... je ne prends pas n’importe qui... comme apprenti."

La Mouette releva les yeux, et ce que la Rouille vit sur ce visage encore si jeune effaça une grande, grande partie de sa haine et de son dépit.

Jamais il ne se lasserait de ces moments où les voyait littéralement grandir. Jamais.

Alors oui, quand Tijl lui fit son offre qui n’en était pas vraiment une, Zeb ne protesta pas. Bien au contraire, il se fendit même d’un petit :

"Avoue qu’au fond tu… tu aimerais bien que je râle. Je suis sûr que, prêtre ou pas, tu as… toujours rêvé de porter quelqu’un comme une jeune mariée."

Il fit un clin d'oeil du seul côté où il le pouvait encore.

"Encore que tu pourrais... choisir plus sympathique que... que ma vieille carcasse bouffée... par le sel..."

Le rire ne dura pas, néanmoins : même avec l’aide du Frère, se relever fut un effort redoutable pour Zeb. Pendant cinq longues secondes, le monde perdit le peu de sens qu’il avait retrouvé et la Rouille ne put que s’appuyer de tout son poids sur l’épaule de Tijl pour ne pas s’écrouler.

"D… doucement… ce… ça va aller, m… mais… doucement…"

Encore une fois, difficile de dire s’il s’adressait au prêtre ou s’il cherchait à se convaincre lui-même, mais s’obliger à parler avait au moins le mérite de le détourner de la douleur qui rugissait de plus belle dans son visage et dans son bras droit, qu’il maintenait tant bien que mal replié contre son torse: il n'était peut-être pas grièvement blessé au sens strict du terme, mais Big Jack s'était fait un malin plaisir d'enchaîner les coups sur des points ridiculement vulnérables, et la souffrance seule était telle que la Rouille eut un instant l'angoisse de ne pas pouvoir marcher.

Cependant, après un court instant passé à respirer un peu trop fort et un peu trop vite, Zeb parvint à relever la tête et à s’appuyer un peu sur ses jambes flageolantes. Une nouvelle vague de sueur venait piquer les plaies de son visage et sa bouche était bien trop sèche, mais au moins il parvenait à nouveau à distinguer son environnement immédiat et il n'avait plus la sensation qu'il allait s'évanouir au moindre geste. Doucement, il fit signe à Tijl qu’ils pouvaient avancer.

Ce ne fut que lorsqu’il vit la Mouette les attendre anxieusement juste à l’extérieur de la cale, au pied de l’escalier, que la Rouille comprit que ses ennuis ne faisaient que commencer.

Un escalier ? Sérieusement ?...







"Zeb Skelton, peux-tu s'il-te-plaît cesser ce petit manège du gars attentif et naturel
qui donne envie qu'on lui fasse confiance, merci ?"

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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyLun 22 Oct 2018 - 21:05

Tu as le bon sens de ne pas protester à ses commentaires, Zeb. Tijl fait déjà de son mieux pour se contenir, mais lui aussi a ses limites. Il ne les sent que trop bien, aujourd'hui. Et s'il tâche de tout garder sous contrôle (sous clef ?) par égard pour vous, le prêtre sait trop bien que cette tempête là ne se calmera pas en quelques minutes. Il n'aimait pas Big Jack, ne l'a jamais aimé, et ne l'aimera sans doute jamais. Mais aujourd'hui, le Frère comprend quelque chose : cette inimitié, ce dégoût, cette colère pourraient bien se transofrmer en Haine si le forgeron y met du sien. En un sens, le flamand aimerait avoir une autre occasion d'en découdre avec lui. Alors, il se fait la promesse de ne rien lui lâcher, comme à Fib. Félicitation, Jacky boi, tu viens d'avoir une promotion.

Heureusement qu'il y a des gens comme la Mouette. La Mouette qui redonne espoir et fierté, qui pose un baume bienfaisant sur la colère froide du prêtre avec sa spontaéité. Brave gosse. Toi, tu souris à nouveau, bon gré mal gré. Tijl soupire, secoue un peu la tête, se fend d'un léger sourire à son tour. Il brûle toujours d'envie que son poing valse dans la trogne de BJ, de sentir ses dents casser ou se déloger. D'entendre le craquement sourd d'un nez que l'on broie, et la respiration sifflante qui va avec. Oui, pour Tijl, le combat n'est pas tout à fait terminé. Il n'est pas de ceux qui s'énèrvent facilement, mais ce sont justement les caractères comme le sien qui mettent bien souvent le plus de temps à se calmer. La tension peine à le quitter, elle s'ancre  dans son corps, s'arrime dans son poing qu'il a refermé sans y penser. Douleur est ravie et redouble d'effort, pour ne récolter qu'un "va te faire foutre" mental du prêtre.

Mais parce qu'il est heureux que la Mouette soit là, Tijl sourit.
Parce qu'il est heureux que tu retrouves ton humour un peu merdique, Tijl sourit.

Big Jack attendra.

- J'avoue que tu es tellement séduisant aujourd'hui, y a de quoi presque donner envie. Grand fou, va !

A blague débile, réponse débile. C'est toujours mieux que de rêver de sang.

Quand il te soulève, t'aide à te lever, le prêtre essaye de te ménager. Mais dans ton état, à moins de t'assomer pour que tu sois inconscient lors du voyage, c'est impossible. Et cette option, Tijl n'y pense même pas : il a assez d'une guerre avec deux matelots, inutile d'en commencer une troisième.

- Tant qu'a choisir, j'aurais opté pour quelqu'un de plus léger. C'est ton humour qui pèse si lourd ?

Pour la seconde fois en moins d'une heure, Tijl bénit sa carrure qui simplifie grandement les choses. Sans aller jusqu'à dire que c'est sans efforts, qu moins est-il capable de supporter ton poids et de t'aider à avancer. Patient, il attend que tu donnes ton feu vert pour avancer à pas précautionneux. Inutile de forcer le rythme, si c'est pour que tu lui claques entre les pattes. Sa main droite le lance comme jamais alors qu'elle te maintient fermement, mais hors de question de lui accorder le moindre crédit. Pourtant, sans doute faudra-t-il le faire, lorsque finalement la douleur achèvera de remonter son bras et de s'arrimer a l'épaule.

Quand vous arrivez à l'escalier, Tijl soupire. Il sait déjà que ce sera un calvaire, et Douleur jubile. Mais qu'importe : quoi qu'il ressente, toi souffre bien plus. Ce n'est donc pas un critère si important pour le moment. Alors avec un grognement d'effort, Tijl entreprend de t'aider à monter les marches en te soulevant autant que faire se peut. Mais même toute sa volonté ne peut ignorer pleinement Douleur désormais.

Bordel de merde, Zeb. Toi et ta connerie de fierté, vous n'aidez pas !






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMar 30 Oct 2018 - 4:46

Malheureusement, Zeb ne devait pas garder beaucoup de souvenirs de l’aide que Tijl lui apporta dans les minutes qui suivirent ; la présence du prêtre s’avéra pourtant inestimable, aussi bien à travers ses tentatives d’humour qui cherchaient à relativiser la gravité de l’insulte et de l’humiliation qu’à travers l’indispensable soutien de son épaule. Mais la Rouille n’était plus capable de s’en rendre compte : dans sa tête, la douleur avait pris toute la place.

De leur lent chemin de croix jusqu’à l’infirmerie, le charpentier ne devait garder en mémoire que quelques fugitives images sans contexte – une marche manquée, des éclats de voix anonymes, le regard inquiet de la Mouette qui ouvrait la marche (ou qui aidait Tijl ?), l’acide froid qui avait ravivé la douleur de ses plaies lorsqu’ils avaient finalement atteint le pont et s’étaient retrouvés exposés à la pluie salée qui s’abattait sur le navire. Et peut-être juste un détail, à un moment où il avait baissé les yeux ; comme l’idée d’une tache rouge sur la main bandée de Tijl, une tâche rouge qui avait rapidement engendré une grande trace lugubre sur le flanc de Zeb.

Néanmoins, sur le coup, la Rouille fut incapable de comprendre ce qu’il voyait. Toute son énergie, physique comme mentale, était consacrée au fait d’avancer sans s’évanouir, à tel point qu’il mit un temps ridiculement long avant de comprendre qu’il avait réussi et qu’il était à présent assis au sec, au bord de l’un des hamacs de l’infirmerie. Il prit vaguement conscience que la présence imposante de Dabeid avait remplacé celle de Tijl auprès de lui, et il parvint même à comprendre l’une des questions du médecin. Mais ce fut seulement pour en rire, d’un ricanement essoufflé et dépourvu de la moindre joie.

Est-ce que ce cher toubib venait de lui demander où il avait mal ?

Comme Dabeid insistait, la Rouille s’entendit lui répondre tant bien que mal que oui, il se rappelait s’appeler Zeb Skelton, que oui, il savait être sur le Jolly Roger, que oui arrête d’appuyer là ça fait mal putain !

Puis le médecin daigna enfin lui glisser une fiole familière, dont le maître charpentier reconnut le parfum alcoolisé beaucoup trop facilement. Il engloutit trois longues gorgées de laudanum avant de se laisser retirer la petite bouteille des mains. Ensuite, il eut vaguement conscience qu’on lui ôtait son manteau, aussi précautionneusement que possible pour ne pas martyriser encore davantage son bras droit – spoiler : ce ne fut pas un grand succès. Si bien que quand on lui ordonna finalement de s’allonger et de rester tranquille, cette fois-ci, Zeb se fit un plaisir d’obéir. Et le monde disparut bien vite.


☠️ ☠️ ☠️


La Rouille ne comprit pas tout de suite qu’il avait perdu connaissance. Il s’étonna simplement d’ouvrir les yeux sur un plafond qui n’était pas celui des quartiers de l’équipage et au son anormalement fort de la pluie qui martelait l’entrepont. Puis il constata qu’en fait il n’avait ouvert qu’un seul œil : le gauche était enseveli dans le noir, sous quelque chose d’agréablement frais. Zeb porta machinalement la main à son visage. Une soudaine vague de douleur grinçante inonda ses côtes alors que ses doigts touchaient une vessie d’eau froide posée sur sa figure et les évènements des dernières heures reprirent brusquement sens.

Kit. Big Jack. Dans la réserve. Son bras.

Tijl et la Mouette.

Zeb tourna précautionneusement la tête vers l’une des petites fenêtres de l’infirmerie : difficile de donner une évaluation fiable du temps passé, comme toujours sur cette foutue île, mais si la Rouille en croyait l’obscurité du ciel, il était là depuis un certain temps, pour ne pas dire un temps certain. Il poursuivit sa lente observation de la pièce teintée d’orange par les bougies et le poêle à bois, un peu surpris de ne pas y voir la silhouette massive de Dabeid ; il finit en revanche par distinguer un autre homme, assis sur l’une des couchettes rigides, et se surprit à forcer ses lèvres craquelées à sourire.

"Hey, Tijl…"

Zeb aurait bien aimé faire plus éloquent afin d'exprimer la pleine mesure de son soulagement et de sa reconnaissance, mais sa gorge sèche ne lui permit pas plus que ce vacillant salut. Pourtant, il avait l’impression de se sentir un peu mieux. Le laudanum y était sûrement pour beaucoup, mais cela avait aussi à voir avec le fait qu’on avait nettoyé son visage du sang séché qui poissait sa peau, qu'on l'avait débarrassé de son gilet et de sa chemise couverts d'hémoglobine et qu’on avait soigneusement immobilisé son bras droit contre son torse. Zeb nota que Dabeid lui avait retiré son gant de cuir pour bander étroitement ses muscles atrophiés et les couvrir de vessies froides ; la douleur était toujours là, mais elle semblait s’être un peu assoupie, et rien que pour cela la Rouille se dit qu’il allait devoir offrir plus qu’une bonne bouteille au médecin de bord.

"Je… je veux bien un peu d’eau… s’il te plaît."

Il soupira et repoussa sa couverture pour passer sa seule main disponible sur les hématomes qui jalonnaient la peau trop pâle de son torse dénudé : merde, c'était encore plus moche qu’il le pensait. Il allait maudire chaque respiration pendant des semaines, maintenant. Et encore, si cela avait été le pire de ses problèmes…

Zeb laissa retomber sa tête contre le hamac d’un air dépité, avant de murmurer à l’attention de Tijl :

"La Mouette va bien? Et Dabeid, il... il est allé... chercher Smee ? Tu… tu lui as dit ce que..."

Encore un soupir, et un regard qui se perdit dans le vide.

"Excuse-moi. Ce... ça n'a pas d'importance. Ça se saura... de toute façon."

Il n’y avait pas d’accusation dans la voix de la Rouille. Juste une profonde lassitude.







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Dernière édition par Zeb Skelton le Mer 16 Jan 2019 - 13:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyDim 11 Nov 2018 - 0:27

Le chemin pour aller rendre visite au doc, Tijl aussi le trouve long. Tant pour toi qui souffre à chaque instant que pour lui même. Pas de Big Jack en vue nulle part, mais Tijl se doute qu'il est déjà en train de se pavaner quelque part. La crevure. Non, le prêtre ne décolère pas. Et il sait que cette colère froide là, elle l'accompagnera encore longtemps. Mais pour l'instant, elle l'aide. Elle lui insufle l'énergie pour te soutenir et te porter à moitié jusqu'à bon port, bon gré mal gré. Elle lui fournit la force pour garder le pas solide et ses airs de roc inébranlable. Même avec l'âme en vrac et la main écarlate. Mais c'est de bonne guerre : au moins sa dextre s'accorde-t-elle avec son humeur. Rouge.

Quand vous arrivez, enfin, vous êtes tous deux trempés, pantelants, et piteux. Il n'y a que La Mouette qui est en bon état, mais l'inquiétude qui hante son regard incite là aussi le Flamand à garder son port droit. Doublement, même : il le fait pour toi aussi, va. Histoire que le gosse n'angoisse que pour une personne à la fois. Mais sans lui, peut-être que le flamand se serait laissé tomber un peu plus lourdement sur la caisse qu'on lui désigne à l'arrivée. Le reste est douloureusement prédictible. L'alcool, la peine, les soins. Dabeid fait du bon travail, mais à mesure qu'il soigne les plaies Tijl lui les voit avec davantage de netteté. Ca le blesse, ça le heurte, ça alimente un brasier aux flammes déjà pourtiant bien hautes.

Rouge, on y revient.

Mais le prêtre a bien trop de contrôle sur lui même pour laisser éclater au grand jours sa rage. Il se contente de fixer les dégâts, parfois d'aider le doc pour tendre tel ou tel truc dont il a besoin. La Mouette est parti. Willy One-Eye vous avait accompagné en voyant l'étrange équippée, et le Frère lui avait demandé de prendre soin de l'apprenti en repartant. De ne pas le laisser seul, non plus. Sans mentionner Big Jack, c'est clairement à ça qu'il pensait. Willy est brut de décoffrage et pas délicat, mais pas con. Le message était passé, et sans doute le matelot transmettrait-il le mot de faire renfort si besoin pour garder le gamin à l'abri. Au pire, avait-il dit avec un sourire fataliste, ils pourront toujours envoyer Abel faire chier Big Jack quand il rentrera de ses vadrouilles bizarre. Le Dentiste est bizarre, mais on peut lui accorder ça : il rend souvent service, surtout pour faire chier le forgeron. Quant à La Mouette.. Au début n'avait pas voulu partir, l'argument disant que c'était le coin des blessés avait finit par le convaincre. Mais il avait fallu promettre de donner de tes nouvelles, et de prévenir quand il pourra revenir te voir.

Quand tu émerges enfin, Tijl était perdu dans ses pensées. Des pensées rouges et noires, où ton agresseur revient souvent. Le prêtre repense à ce qu'il lui a dit, avec cette menace à peine voilée. Il réfléchit à comment te protéger, comment protéger aussi La Mouette. Et Jim, bon sang. Si Big Jack veut l'atteindre sans avoir de confrontation directe, il peut aussi passer par ce biais. Sauf qu'attaquer un mousse, c'est pas très bien vu. Se moquer c'est une chose. S'en prendre physiquement à lui.. C'en est une autre.

Ta voix le tire de ces sombres pensées, et il se redresse bien vite pour se tourner vers toi. Se forçant à te sourire, le voilà qui se lève et te rejoint en quelques lourdes enjambées. Lui aussi a eu sa dose de médecine pour moins sentir Douleur. Dabeid avait insisté, et gagné gain de cause. Tijl avait dit de garder ça pour les vraies grosses blessures blessures qui en valent la peine, et s'était pris en retour la très juste remarque que le doc, c'était pas lui. Que répondre ça ? Rien, à part "oui d'accord".

A ta requête, il hoche de la tête et sert un peu d'eau dans un godet, non loin. Dabeid pense à tout, c'est dingue. S'approchant de toi à nouveau, le prêtre se fend d'un nouveau sourire gentiment gouailleur.

- Le breuvage de Messire est prêt.

Couillon. Il te tend le verre d'eau cérémonieusement, comme s'il s'agissait du plus exquis des nectars. Ce que ça te semblera sans doute être, à bien y réfléchir. Puis il attend à côté, tant pour voir si tu as besoin d'aide que pour t'éviter de devoir forcer sur ta voix éraillée. Mais les couvertures repoussées qui dévoilent ton torse esquinté, ça jette tranquillement un peu plus de bois à la colère brûlante qu'il contient avec flegme.

- La Mouette va bien, t'en fais pas pour lui. Willy et les gars garderont un oeil sur lui.

Et sur Jim.

- Certains savent, mais personne n'a reporté à Smee. Si tu veux lui causer des emmerdes, c'est maintenant qu'il faut le reporter. Même si j'ai la fâcheuse impression que tu n'en feras rien. Et l'autre connard va apprendre à se calmer, crois moi.

Cette dernière phrase. Cette dernière phrase, même si parfaitement articulée, contient toute la haine et la rage qu'il ressent pour l'autre crevure. D'ailleurs, rien que le fait qu'il profère une insulte sérieusement est un fait assez rare en soit pour que ce soit notable. Tijl sait déjà que Big Jerk va se vanter si ce n'est pas dejà fait. Et il sait déjà que la guerre est engagé entre lui et le forgeron. Qu'il le recadrera encore, si besoin. Même en public : Tijl est un nounours avec un coeur de lion. Mais pour l'instant, les forces sont équilibrées.

- Comment ça s'est passé ?

Sa voix est de nouveau égale, posée. Son regard est presque un peu trop vif pour que le prêtre prétende être tout à fait apaisé, mais pour le reste de son attitude, il a retrouvé son flegme apparent. Sans doute que tu le connais assez, cependant, pour ne pas être dupe. Surtout vu sa déclaration un peu plus tôt.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyMer 16 Jan 2019 - 20:34

Zeb ne releva pas la tentative d’humour de Tijl, qui lui tendait cérémonieusement un peu d’eau dans une tasse de terre cuite : la Rouille se sentait vaseux, seulement à moitié conscient, et il eut besoin de toute sa concentration rien que pour écarter la vessie de glace qui couvrait son œil gauche, se redresser assez dans le hamac pour s’emparer du gobelet et le porter à sa bouche d’un geste pataud. Alors pour l'humour, il allait falloir repasser.

L’eau avait le goût métallique des croûtes de sang qui raidissaient ses lèvres, mais elle restait une douceur pour sa gorge à sec. Il but les trois quarts du godet, avant de vider le reste sur son front. Puis il rendit la tasse à Tijl pour libérer son unique main valide, étala précautionneusement le liquide frais sur son visage endolori, et se laissa retomber contre le hamac avec un soupir :

"Merci mon vieux. Merci."

C’était un drôle de remerciement, un peu trop appuyé, un peu trop intense, qui ne s’appliquait de toute évidence pas qu’à un simple verre d’eau. Oh, Zeb avait de quoi exprimer sa reconnaissance, bien entendu : Tijl s’était tout de même interposé dans une bagarre (avec Big Jack, excusez du peu) rien que pour lui sauver les fesses, et il l’avait ensuite trainé jusqu’à l’infirmerie. C’était déjà plus que ce qu’auraient fait la plupart des hommes présents sur ce rafiot.

Mais ce qui touchait vraiment Zeb, c’était tout le reste. Le calme du prêtre, sa maîtrise, sa bonhommie, qu’ils fussent spontanés ou volontaires. Ses petites touches d’humour un peu merdiques, pour leur donner l’illusion à tous que ce qu’il venait de se passer n’était pas si grave que cela. La manière dont il avait pris soin de la Mouette et son idée de le confier aux gars de la voilure, pour être certain que Big Jerk ne le toucherait pas.

Tirer quelqu'un d’une situation merdique, c’était ce qu’aurait fait un pote. Le faire en soignant son égo meurtri et en veillant sur un gamin auquel il tenait beaucoup, c’était ce que faisait un frère.

"Certains savent, mais personne n'a reporté à Smee. Si tu veux lui causer des emmerdes, c'est maintenant qu'il faut le reporter. Même si j'ai la fâcheuse impression que tu n'en feras rien."

Zeb cilla, sans regarder Tijl. Il cherchait quoi dire, quand le prêtre ajouta :

"Et l'autre connard va apprendre à se calmer, crois-moi."

Cette fois-ci, Zeb tourna la tête jusqu’à ce que son regard puisse se focaliser sur les traits austères du prêtre. Il ne dit rien, mais un éclat semblait s’être rallumé dans son seul œil ouvert – pas le plus beau des éclats.

Tijl ne proférait pas d’insulte. Surtout pas ainsi, à froid, en parlant de quelqu’un qui n’était pas présent. Et que dire de tous ces petits signes – la mâchoire crispée, le regard trop fixe, le ton à peine trop cassant – que Zeb remarquait même sous laudanum, même en n'y voyant qu'à moitié. Il connaissait trop bien le prêtre pour s’y méprendre : Tijl n’était pas seulement en colère contre Big Jack. C’était plus violent que cela. Plus dangereux. Et pour la première fois, le maître charpentier se sentit inquiet.

Que venait-il de provoquer, exactement ?

"Comment ça s'est passé ?"

Et évidemment, Tijl n’allait pas en rester là. Zeb se détourna en grognant :

"On s’est foutu sur la gueule, qu’est-ce que tu veux savoir de plus ?"

La Rouille resta silencieux un moment. Puis, comme s’il se raisonnait lui-même, il finit par souffler :

"Laisse tomber. Il n’y a rien à dénoncer. C’est moi qui ai commencé."

Encore une pause, mais cette fois c'était clairement une hésitation. Une longue hésitation, de celles qui précèdent les mots définitifs et les actes irréversibles. Le maître charpentier sembla prendre le temps de se rassembler, d'inspirer à fond, comme s'il allait se jeter dans le vide du haut de la grande vergue. Puis, enfin, il lâcha quelques mots, juste quelques mots, qui dégageaient pourtant le parfum rance d'un cauchemar:

"Tijl... Je ne sais pas où est Kit."

Zeb déglutit péniblement. Soudain, il regrettait que le prêtre lui ait donné de l'eau et pas quelque chose de plus fort. De beaucoup plus fort.

"Il n’a pas pris son quart hier matin, et depuis personne ne l’a vu. J’ai demandé à Silas, je l’ai cherché dans tout le port. Rien. Alors j’ai voulu fouiller son coffre personnel, pour voir si je trouvais quelque chose. Et cette grosse merde de Jack a débarqué dans la cale..."

T'inquiète pas.

"... et je ne sais pas pourquoi, je lui ai dit que je cherchais Kit, je lui ai demandé s’il avait quelque chose à voir là-dedans, et il… il a..."

Je saurai bien quoi lui faire si je le retrouve avant toi.

La voix de la Rouille, d’habitude calme et posée, avait accéléré jusqu’à dérailler. Il préféra s’interrompre, un peu trop conscient de la boule brûlante de dépit et d’angoisse qui se logeait dans sa gorge et de la buée qui envahissait ses yeux.

Il inspira à fond et se rallongea, regard fixé au plafond. Puis, d’une voix basse qui ne maintenait sa stabilité qu’à grand peine :

"Merci de m’avoir aidé, mon vieux. Mais pour la suite, je me débrouillerai seul. J’irai voir Smee moi-même. J'ai merdé. J'assumerai."

Il venait déjà de se faire casser la gueule par Big Jack: il ne laisserait pas à cette gerbe de chien errant le plaisir supplémentaire de jouer les maîtres chanteurs. Et il comptait encore moins entraîner Tijl plus avant dans cette situation grotesque.







"Zeb Skelton, peux-tu s'il-te-plaît cesser ce petit manège du gars attentif et naturel
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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyVen 15 Fév 2019 - 22:01

Quand il te demande ce qui s'est passé, évidemment, tu ne réponds pas vraiment. Ce n'est pas comme si c'était étonnant. D'ordinaire, ce comportement ne lui importerait pas. Aujourd'hui, étant déjà à cran, le Frère s'en agace un peu. Il se raisonne, se dit que tu en baves ien plus. Que pour avoir été dans un confrontation aussi directe avec Big Jack, tu ne doit pas être de la meilleure humeur non plus. Le prêtre met de l'eau dans son vin, beaucoup. Il ne reste finalement plus que de ça, plus que de l'eau ou presque.

C'est quand il ne s'y attend plus que finalement tu réponds. Il te jette un bref coup d'oeil alors que tu prends la parole, et te remercie brièvement en son for intérieur : toi aussi, tu fais des concessions. La réponse que tu lui offres, cependant, ne fait que soulever de nouveaux points obscurs. Tu as commencé ? Contre Big Jack ? Pourquoi ? Te connaissant, il doute que tu te sois simplement rué sur lui à vue. Donc si tu es le premier à avoir frappé, l'autre en face a du faire quelque chose. Quoi ? Tijl se garde bien de demander, pourtant : le silence qui s'amasse et empest l'air est assez dense pour lui dire que ce qui arrive est plus important dans l'immédiat. Sans savoir pourquoi -ou peut-$tre à cause de cette ambiance pesante soudainement- Tijl sent un noeud se former. La mâchoire serrée, sa main valide tenant distraitement sa dextre blessée autour de la plaie comme si cela allait contenir la douleur lancinante bien qu'affaiblie, il attend.

Ca ne dure pas longtemps, juste quelques instants d'éternité. Il pensait s'être préparé, mais le coup le cueille de plein fouet malgré tout. S'appuyant contre le mur pour se donner contenance, le prêtre accuse sévèrement le coup. Tu continues, toi. La vanne est ouverte, et maintenant que le cap est franchi, tu développe un peu plus. Mentalement, Tijl énumères les endroits où Kit pourrait être, qui pourrait l'avoir vu. Un bref instant, il se demande si Peter Pan aurait pu l'emmener, lui aussi. Quelque chose lui souffle que non. Shifty, c'était différent.

Shifty.

Ce simple nom lui laisse un goût amer et terrible, l'acidité saline des larmes qu'il n'arrive pas a verser pour elle. Il aurait tant aimé pourvoir la sauver. Il aimerait tant pouvoir sauver Kit, aussi. Le retrouver. Mais à voir ton état -pas ta sale gueule, Zeb, mais le désastre intérieur que tu portes- il se dit que proposer des possibilité ne serait ni délicat face à ta douleur, ni rendre justice à qui tu es. Parce que tu es pragmatique, foutrement logique et cartésien. En vas de crise aussi, même si quand même sanguin. Alors Tijl se tait. Il inspire profondément, compte jusqu'à trois pour encaisser et se désamorcer lui-même de la rage en panique que ces informations suscitent, et il expire lentement.

P'pa, déconne pas. Si y a une chance de retrouver son gosse, aide-nous. Aide le. Amen et amène le.

Il y a un drôle de silence qui flotte dans l'air, quand tu conclus. Tijl n'a toujours pas dit un mot, il mûrit tout ça. Pour une fois, lui pourtant si solide, il peine à ne pas laisser les émotions le submerger. Depuis Shifty, il a du plomb dans l'aile. Depuis Shifty, il se fait balader dans le maelstrom de ses sentiments. Shifty. Maintenant Kit. Et puis, un nouveau nom, qui le glace tout entier et le fait chanceler intérieurement. Jim.

Il veillera. Il faut. Et, ce qui était déjà évident mais est d'autant plus impérieux après ce constat : il t'aidera.

- Je t'accompagnerai. Si tu le veux bien.

C'est dit gravement. Une drôle de flamme brille dans son regard, entre son affection presque fraternelle pour toi, et sa colère contre l'autre.

- Tu as commencé, ok. J'étais pas là, je peux rien dire. Mais il a aussi outrepassé les règles en continuant comme ça. Vas pas te charger de toutes les responsabilités du monde, t'as plus important à faire de ton énergie que de jouer le martyr pour lui.

Vrai. Que ce soit pour Kit, ou Silas, tu as mieux à faire de tes forces que de flatter Big Jack en les épuisant en son nom.

- Avec les gars, on gardera un oeil sur Silas et La Mouette. J'irais dans les terres, voir si je trouve des traces de Kit. Je connais le terrain, j'y allais souvent avant. Rien à perdre à le faire.

Et Jim. Mon dieu, Jim. Oui, il gardera définitivement le mousse sous sa garde. Sans que celui-ci ne le sente trop, sous peine de se prendre une soufflante par son protégé. Mais à simplement envisager que quelque chose lui arrive, il sent presque le sol se dérober sous ses pieds.

- Tu crois qu'il y est pour quelque chose ?

Qui ? Big Jerk, évidemment. Tijl pèse ses mots, ses intonations. Si Big Jack y est lié, rien ne sert de lui cracher à la gueule trop vite. Cette crevure est assez vicieuse pour leur rire au nez et s'amuser de leur frustration et de leur douleur. S'il faut en tirer quelque chose, le Frere soupçonne qu'il faille le piéger.

Ca... Ou Abel. Le Dentiste est sans doute celui qui côtoit le plus le forgeron, à sa manière. Et si c'est bien souvent pour emmerder celui-ci, Tijl soupçonne le jeune Fawkes d'y trouver son compte autrement que par les simples plaisanteries. Il le soupçonne d'avoir fait de Big Jerk une proie, un jeu malsain. Une obsession utile à léquipage et donc tacitement tolérée.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyJeu 11 Avr 2019 - 5:54

Les paroles de la Rouille furent effectivement suivies d’un drôle de silence. Le genre de silence lourd de sentiments indicibles que l’on s’impose au chevet d’un mourant, le genre de silence qui enfle et se déploie et étouffe. Zeb sentit ce silence peser sur chaque centimètre de son corps meurtri, l’envelopper dans une étreinte langoureuse et sordide qui écrasait sa poitrine, enserrait sa gorge, brûlait ses yeux, et peut-être était-ce la douleur dans son bras à moitié mort, peut-être était-ce la triste musique de la pluie qui s’abattait sur l’entrepont au-dessus d’eux, mais soudain le pirate se sentit très faible, insignifiant, et surtout terriblement, profondément seul.

Je ne sais pas où est Kit.

Zeb émit un soupir qui ressemblait à un gémissement, avant de fermer les yeux et de ramener d’un geste sans force la vessie de glace sur son visage. Tijl s’était finalement décidé à répondre, toujours aussi calmement, toujours avec autant de logique et de compassion, mais le charpentier ne l’écoutait plus : s’inquiéter de l’absence de Kit et le chercher partout pendant toute une journée était une chose, mais le dire à voix haute, avouer qu’il ne l’avait pas trouvé, admettre que ce n’était pas normal et qu’il s’était peut-être (sûrement) passé quelque chose de grave, c’était comme se rendre compte qu’en fait il était en train de tomber, qu'il tombait depuis des heures dans une interminable et mortelle chute libre, et que le seul sol qu’il devinait sous lui avait les reliefs coupants, froids et noirs du pire des enfers.

Je ne sais pas où est Kit.

Son fils ne manquait pourtant à l’appel que depuis la veille. Il était déjà parti pour des missions bien plus longues et Zeb le savait capable de se défendre. Mais Kit ne s’était jamais éclipsé ainsi, sans prévenir personne, en délaissant son poste. Il lui était forcément arrivé quelque chose. Zeb le savait. Il le sentait.

Rien de plus fragile que le bonheur ; c’est une vérité aussi simple que cruelle, que l’on connait bien quand on a cessé d’être un mari pour devenir un veuf.

La Rouille appuya sur la vessie de glace, assez fort pour déclencher une vague de douleur acide dans son nez cassé et s’obliger ainsi à reprendre pieds dans la réalité, à s’éloigner au moins temporairement de cet horrible vertige qui menaçait de l’engloutir. Tant bien que mal, il s’obligeât à prêter attention à la question de Tijl : est-ce que ce connard de Big Jack pouvait y être pour quelque chose ?

"… Je ne sais pas."

Zeb avait envie de dire que non, que même ce pervers n’aurait pas osé s’en prendre aussi directement à un membre de l’équipage. Et puis pourquoi ainsi, pourquoi maintenant ? Certes, le maître charpentier et lui se haïssaient cordialement depuis longtemps, mais il ne s’était rien passé récemment qui justifiât un tel passage à l’acte. A moins que Kit ait fait quelque chose dont Zeb n’aurait pas eu connaissance ? Ou est-ce que c’était parce que Silas s’était clairement établi en tant que forgeron, lui aussi, grâce à la construction du Port ?

Mais cette hésitante ligne de défense ne faisait que mener à des perspectives plus sombres encore : BJ était une chiasse raciste qui n’avait jamais dissimulé son dégoût pour les enfants de Zeb, il n’avait au fond besoin d’aucune autre raison pour tenter de leur nuire. Quant au respect dû à l’équipage, si la bagarre qui venait d’avoir lieu avait bien prouvé une chose, c’était que Big Jack avait une crainte très relative des conséquences que pouvaient avoir ses actes. Il avait même explicitement menacé Tijl - le prêtre du bord, bon sang...

Une voix malfaisante souffla alors à la Rouille que de toute façon, cette sous-merde n’avait effectivement pas grand-chose à redouter : il n’avait pas besoin de revendiquer (l’assassinat) la disparition de Kit pour se délecter de l’effet que cela aurait sur ses proches. Il n'avait même pas besoin (non) de tuer (stop) pour que (j'ai dit STOP)

Flash. Epileptique, violent, la réalisation brutale et sanglante de tout ce qu'un monstre comme Big Jack pouvait faire comme dégâts, tous ceux (Tijl Willy Wilhelm Keith Earl) à qui il pouvait nuire, tous ceux (la Mouette Jim Christo) qu'il pouvait détruire.

Silas. Kit.

Soudain, Zeb sut ce qu’il lui restait à faire. Et pour le coup, il eut enfin l’impression qu’il s’arrêtait de tomber.

Le maître charpentier retira la vessie de glace et obligea son œil gauche à s’ouvrir, pour fixer au plafond un regard vidé de ses larmes par une haine si puissante qu’elle en était nauséeuse. Puis il reprit la parole, d'une voix qui avait retrouvé en stabilité et en assurance ce qu'elle avait perdu en humanité:

"Mais ne t’en fais pas. Qu’il soit impliqué ou pas, ça suffit."

Les yeux clairs de la Rouille, devenus deux froids éclats d'acier, se reportèrent sur Tijl:

"Je ne vais pas me contenter d'en parler à Smee: dès que j’aurai retrouvé Kit, je m’occupe de lui. Et par toutes les putains de Neptune je te jure qu'il ne fera plus de mal à personne."







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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyLun 15 Avr 2019 - 1:02

Tijl, tout attentif aux aures d'habitude, ne se rend pas vraiment compte de ta dérive. Sans doute a-t-il des excuses, oui. Que ce soit son coeur troublé d'une haine qui pourtant ne s'y attarde pas d'ordinaire, ou bien sa compagne invisible Douleur, qui veut son attention et cherche à le distraire malgré la ouate protectrice du laudanum.

Pourtant, le prêtre remarque au moins ton changement d'attitude, quand tu reprends la parole. Tu n'es plus un naufrage, non. De navire échoué, tu est devenu un vaisseau de guerre. Tijl t'écoute sans rien dire, et contient bien trop mal sa propre flamme de haine qui ne s'est pas éteinte depuis tout à l'heure. Il ne peut te blâmer pour ce que tu ressens, pour ce que tu sous entends. Cela le désole de faire ce constat, mais Tijl comprend un peu. En quelque sorte. Ce serait hypocrite de te reprocher quoi que ce soit quand lui-même y avait songé. Alors il réfléchit, se force à oeser ses mots. A ne pas réagir avec fougue, parce que ça ne serait un service à rendre pour personne.

Une brêve pensée pour Jim, un mot d'excuse pour Johann.

Avec un soupire profond, Tijl se redresse de toute sa stature, campe ses pieds solidement dans le sol, et envoie valser Douleur une fois de plus. Pourtant, afin d'éviter une provocation inutile, le flamand se force à ne pas serrer le poing. L'envie ne manque pourtant pas.

- Le prêtre que je suis ne peut pas approuver, tu t'en doutes.

Et quand bien même ce serait le cas, il ne doute pas que tu trouverais un moyen pour lui rappeler comment faire son boulot, d'une façon ou d'une autre. Un bref sourire amer, presque doux. Et il reprend la parole. Mais le ton, déjà, est différent.

- Mais l'ami ne peut pas te laisser seul pour autant.

Il a le regard déterminé lui aussi, s'est instinctivement redressé comme pour se préparer au combat. Depuis le départ de Shifty Tijl avait été usé. Fatigué. Avant cela, tout le monde le connaissait comme l'homme bienveillant, prêt à l'écoute. Le cureton, celui dont on rigole parfois de sa gentillesse qui le fait écrire les lettres des filles de joie plutôt que d'y passer du bon temps -ce qu'il ne ferait pas de toute façon. A force, peut-être bien que les matelots ont oublié une autre facette de lui qu'il a appris à se forger : malgré son office, Tijl n'est pas moins pirate. Mais bien vite il enchaîne, Tijl ne s'arrête pas dans sa lancée.

- J'aimerais t'aider, si tu le veux bien. Autant pour aider un frère que pour..

Une pause. Tijl cherche comment formuler ça. Jim. Jim, Jim, Jim, Jim. Plus il lui pense, plus l'idée que le forgeron ne s'en prenne à lui est insoutenabe. Un soupire, et le Tijl se passe la main dans les cheveux pour .. Il ne sait quelle raison. Evacuer une tension qui reste malgré tout, sans doute. Les paroles de Big Jack lui reviennent en mémoire, et il te fait un sourire un peu résigné, mais pourtant plein d'une gouaille qui ne lui ressemble pas. L'adversité, de toute évidence, ne l'ébranle pas bien longtemps. Ou bien ce n'est que partie remise ?

- Il veut ma peau de toute façon. Mais ça je m'en fous, il ne me fait pas peur. Par contre, je ne veux pas qu'il s'attaque à Jim pour éviter d'affronter le terrifiant cureton que je suis.

Il dit ça avec un air d'auto-dérision, mais le fait est là : Tijl veut mettre son protégé en sécurité et que Big Jerk soit maitrisé. Et si cela passe par des moyens radicaux pour la protection de tous.. Soit. De toute façon, ils en ont dejà parlé : le gars n'ira pas au paradis, et il est hors de question qu'on le laisse faire librement n'importe quoi et s'attaquer aux gens sans réagir.






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MessageSujet: Re: Through the Valley   Through the Valley EmptyLun 22 Juil 2019 - 1:26

"Le prêtre que je suis ne peut pas approuver, tu t'en doutes."

La paupière gauche de la Rouille n’était pas assez fermée pour dissimuler la manière dont il leva les yeux au ciel, avec un grondement qui passa ses narines en un soupir grincheux : et voilà que Tijl recommençait avec son catéchisme…

Oh que l’on ne se méprît pas, Zeb aimait beaucoup cette capacité qu’avait le Frère à toujours se rappeler le bon cap, à ne jamais dévier de ce qui était moralement Juste et Bon. C’était même plus que de l’affection, c’était une véritable et profonde admiration, quelque chose de si intime et sincère que le charpentier n’en avait peut-être même jamais vraiment parlé au principal intéressé.

Les hommes droits étaient rares. Et ceux qui étaient droits et choisissaient sciemment de le rester l’étaient encore plus.

Mais bon sang, comme dit l’autre, "a time and a place " ; Zeb était le premier à apprécier les discussions sur la déontologie, mais là, alors qu’il gisait au fond d’un hamac avec la tronche barrée de points de sutures et un bras qui semblait à deux degrés de son point de fusion, il prenait assez mal la perspective d’une leçon sur le concept du "tu ne tueras point", surtout si c’était au bénéfice du déchet humain qui venait de lui casser la gueule et de menacer son garçon disparu.

Heureusement pour l’amitié des deux hommes, Tijl n’était pas qu’un prêtre, et il n’avait pas oublié comment pensait un pirate :

"Mais l'ami ne peut pas te laisser seul pour autant."

Le regard clair de Zeb revint accrocher celui du Flamand, qui s’était relevé comme pour donner plus de poids à ses paroles. Ils se dévisagèrent un instant, puis la Rouille esquissa un drôle de sourire, qui n’avait bizarrement pas tant l’air touché qu’un peu triste.

Oui, les hommes droits étaient rares. Zeb avait beau trouver parfois que l’Amour de Tijl était hors sujet, ce n'était pas une opinion dont il était fier. Lui-même faisait de son mieux pour rester "quelqu’un de bien", quoique cela pût vouloir dire, mais au fond il n’était pas vraiment convaincu de mériter ce titre – il n’était pas naïf à ce point : quel pirate peut sérieusement se prévaloir d’être un brave type ?...

Alors oui, quand le prêtre mettait entre parenthèses quelques uns de ses principes pour préserver leur amitié de brigands des mers, Zeb se sentait toujours un peu minable. Il aurait aimé avoir mieux que cette facette  – le voleur, le tueur, le Skelton – à opposer à Tijl.

Mais après tout, pour que les hommes droits puissent exister, il en faut bien d’autres pour tremper les mains dans le sang à leur place, n’est-ce pas ? Que les premiers fussent d’accord ou non.

"Il veut ma peau de toute façon. Mais ça je m'en fous, il ne me fait pas peur. Par contre, je ne veux pas qu'il s'attaque à Jim pour éviter d'affronter le terrifiant cureton que je suis."

"Il ne touchera pas à Jim. Ça, je t’en fais le serment : dès demain, il n’y aura pas un poste, pas une équipe sans au moins une paire d’yeux pour veiller sur le gosse et traquer Jack. La plupart des gars de la voilure m’en doivent une, et les charpentiers ont sans doute déjà été prévenus par la Mouette ; ils sont partout, tout le temps. Ce connard ne pourra pas aller pisser sans qu’on le sache."

Zeb repoussa les vessies d'eau froide encore posées sur lui et se redressa avec un long grognement, qui menaça dangereusement de virer au cri lorsqu’il laissa tomber ses jambes pour s’asseoir dans le hamac : son bras avait beau être immobilisé avec un soin expert contre son torse, le moindre mouvement envoyait encore des ondes de douleur brûlantes jusqu’au bout de ses doigts morts, et le simple fait de se tenir droit lui rappelait un peu trop bien qu’il avait sans doute plusieurs côtes en morceaux.

"Putain je vais tellement le tuer, ce fils de pute…"

La Rouille déglutit une salive acide au goût d’hémoglobine et passa la main sur son front à nouveau brillant de sueur, avant de maugréer :

"Mais t’inquiète pas Tijl, je te demanderai pas ton aide pour ça. J’apprécie l’offre. Vraiment. Et je sais que je peux compter sur toi pour retrouver Kit et calmer Smee. Mais Jack, c’est devenu une affaire personnelle."

Un temps, puis d’un ton un peu moins lugubre :

"Même si je suis bien content que tu aies débarqué dans la cale à ce m…"

Il s’interrompit brusquement : en relevant la tête, il avait enfin aperçu le bandage ensanglanté qui entourait la main de Tijl. Il le fixa un instant d’un air interdit, brassant sa mémoire sous le choc pour se rappeler ce qu’il avait vu, là en-bas dans la cale, ce qu’il avait deviné quand le Frère avait interrompu Big Jack dans son sanglant petit jeu, puis quand ils étaient remontés tous les deux jusqu'au pont - la trace rouge, sur sa chemise blanche. La réflexion qu’il s’était faite, que le prêtre n’avait pas besoin d’aide, parce que…

… parce qu’il est littéralement armé en permanence.

Le regard de Zeb fila vers l’autre main de Tijl, celle que ce dernier venait de passer dans ses cheveux d'un geste fluide – celle qui était intacte. Puis, enfin, ses yeux bleus s’élevèrent jusqu’au visage de son ami, ses propres traits trop pâles et marqués de tâches violacées à présent lestés d’un mélange de colère et d’abattement :

"Me dis pas que tu as utilisé ta mauvaise main pour ça, bougre de con…"







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