- Je ne sais pas, Abeille. Je ne sais plus trop. On a dit beaucoup de choses, ça fait réfléchir.

Abeille hoche la tête.
Peut-être qu'elle a rendu Salamandre plus confuse qu'autre chose. Peut-être que tout ça n'a pas aidé, finalement.
Est-ce qu'elle aurait du ne rien dire ?

- Je crois que la liberté, c'est ce qu'il y a dans le coeur et la tête. Tu n'as pas choisis d'être la Reine des Abelliqueuses. Mais tu reste toi quand même. Tu choisis comment est le ciel dans ta tête. Peut-être que c'est ça.
- Tu vois, tu le sais en fait, elle souffle.

Elle se sent un peu lasse. C'est plus simple de dire à Salamandre ce qu'elle veut entendre, qu'une vérité très triste. C'est plus simple de lui faire croire qu'elle est libre. Au fond elle ne l'est pas, pas vraiment, mais elle est heureuse quand même. Et c'est ça qui compte. C'est ça, pas vrai ?

Elle ferme les yeux et se concentre sur les mouvements du pinceau sur ses joues et son front, sur la couche mince de pigment qu'il dépose dans son sillon. Elle ne peut pas sentir les couleurs que Salamandre utilise, mais elle lui a promis du soleil, du chaud, et elle sent la souplesse du mouvement qui fait des vagues.
Abeille a la certitude qu'elle est belle à cet instant.

« Ce n'est pas grave, si tu as besoin de réfléchir. On ne peut pas tout savoir du premier coup. Même ce qui est à l'intérieur de toi, tu ne peux pas le connaître tout de suite. Ce n'est pas grave. »

Elle ne sait pas trop ce qu'elle dit.
Elle espère que c'est vrai.

Abeille pose une de ses mains libres, chaude, sur le bras de Salamandre qui ne tient pas le pinceau.

« Dès que tu le voudras on retournera crier. Ou courir, ou danser. Même s'il pleut encore. »

Même s'il pleut toujours dans dix ans.
Et puis elle sourit.